Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 17 octobre 2006 à 16h20
Fiducie — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Christine Lagarde, ministre déléguée :

En consacrant la notion de patrimoine d'affectation, véritable patrimoine autonome, la fiducie fait en effet évoluer le principe de l'unité du patrimoine. Parce qu'elle touche à des règles fondamentales de notre droit, certains ont pu avancer que celui-ci ne pouvait accueillir cette institution issue des pays de common law, ce qui a entraîné le rejet des textes antérieurement présentés.

Mais la fiducie n'est pas le trust, et M. le rapporteur comme M. le garde des sceaux viennent de nous rappeler que cette institution était issue du droit romain. Elle a, du reste, été accueillie par de nombreux États dont le droit ne s'inspire pas du système anglo-saxon de common law : le Québec, la Louisiane, la Suisse, le Luxembourg... Que je sache, le droit des obligations suisse n'a pas été bouleversé par l'existence de la fiducie en droit suisse !

L'introduction de la fiducie dans notre droit est désormais devenue une nécessité, car l'absence de texte général a créé un vide juridique, qui a plongé la France dans un isolement pénalisant. Faute de pouvoir disposer d'un instrument adapté en droit interne, les entreprises françaises sont souvent dans l'obligation d'avoir recours à des montages étrangers, fondés majoritairement sur des trusts.

Or une telle situation est nocive à bien des égards.

Premièrement, elle contribue à légitimer un discours, que d'aucuns se prêtent à véhiculer, sur l'inadaptation du droit français à la vie économique moderne. Je n'ai pas besoin ici d'insister sur le caractère partiel et partial de telles analyses, qui ignorent délibérément les atouts du droit français, sa sécurité juridique et son cadre institutionnel.

Il n'en reste pas moins vrai que, dans un contexte de compétition économique mondiale, toute occasion de moderniser notre droit doit être saisie pour offrir les meilleures chances à nos entreprises et améliorer encore notre attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers, surtout lorsqu'il s'agit de comparer les vertus de notre système aux leurs, à l'aune de divers sondages, critères et appréciations relatifs aux atouts du territoire français.

Deuxièmement, l'obligation de délocaliser les montages fiduciaires à l'étranger constitue un handicap pour les cabinets de services juridiques et financiers installés en France. Cette situation nuit évidemment à leur développement, diminue leur influence et se traduit inéluctablement, même si c'est dans une mesure toute relative, par moins d'emplois et de richesses en France.

Troisièmement, si les grandes entreprises ont facilement recours à des mécanismes étrangers et peuvent faire appel aux services de correspondants situés dans les pays étrangers considérés, il n'en est pas de même pour les petites et moyennes entreprises, qui se trouvent souvent, faute de moyens, privées d'un instrument pourtant indispensable à leur croissance.

Il est donc devenu impérieux de parvenir, enfin, à introduire cette fiducie tant attendue dans notre droit. M. Philippe Marini, par ailleurs rapporteur général de votre commission des finances, s'est saisi de cette question ; je l'en remercie vivement.

Les expériences passées auraient pu décourager bien des bonnes volontés. Beaucoup de mauvaises fées ou de mauvais génies s'étaient penchés sur le berceau de la fiducie depuis des années. Nous ne comptons plus les projets qui avaient échoué contre des obstacles divers : le principe de l'unicité du patrimoine, l'obligation de préserver les droits des créanciers, la nécessité d'éviter l'évasion fiscale, l'image sulfureuse de certaines institutions trustales au regard du blanchiment de l'argent sale.

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