Madame le ministre, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat a pour rôle de contribuer à l'élaboration de la loi et, par là même, à la modernisation de notre système juridique et à l'attractivité juridique de notre territoire.
Nous nous sommes efforcés d'agir en ce sens à différentes reprises. Ainsi, la récente transposition de la société européenne en droit français provient d'une initiative parlementaire du Sénat, menée conjointement par la commission des lois et par la commission des finances.
En ce qui concerne la fiducie, nous espérons également aboutir, dans les prochains mois, au moins à l'acclimatation de ce concept en droit français. À cet égard, j'insisterai d'abord sur l'historique récent, en déroulant la liste des tentatives sur ce sujet.
Le premier avant-projet de loi date de 1989 : il a été soumis à consultation, sans accéder au stade de projet de loi.
Le projet de loi du 20 février 1992 se voulait plus ambitieux et exhaustif : il consacrait plus explicitement la fiducie-sûreté et complétait opportunément l'avant-projet précédent. C'est en raison d'un désaccord sur les dispositions fiscales, interne aux administrations, que ce texte est resté en sommeil.
Un dernier avant-projet de loi a été présenté au début de 1995, mais son examen s'est arrêté au stade du Conseil d'État.
Depuis lors, plus aucune initiative n'a émergé des cercles gouvernementaux, quelle qu'ait été la majorité politique aux affaires. Au demeurant, mes chers collègues, les propos que nous avons entendus depuis le début de ce débat montrent qu'il n'y a pas d'idéologie dans cette affaire. Aussi bien nos collègues Robert Badinter et François Zocchetto que Mme le ministre et M. le garde des sceaux ont insisté sur ce point : il s'agit bien de technique juridique, d'un concept juridique et, au-delà, d'un moyen pour renforcer l'attractivité de notre système juridique.
Pour ma part, j'ai considéré, au second semestre 2004, voyant le temps passer, qu'il fallait faire quelque chose. J'ai donc pris l'initiative, de manière informelle, de convier à une série de réunions des universitaires, des directeurs juridiques, des avocats, des représentants d'organisations d'entreprises, afin de reprendre ce sujet et d'écouter les remarques des uns et des autres en vue de la rédaction d'une proposition de loi.
Entre-temps, il faut le dire, la fiducie s'est, de manière « innommée », introduite chaque jour un peu plus dans notre système juridique, au travers de plusieurs instruments : le gage de compte d'instruments financiers, la réserve de propriété, la convention de portage, certains modes de cession de créances comme les cessions qui portent le nom de notre ancien et remarquable collègue Etienne Dailly, ainsi que les fonds communs de créances. Tout cela est proche du concept de fiducie, mais résulte de législations ou de réglementations parcellaires et spécifiques.
De la même manière, d'ailleurs, il est bon d'indiquer que notre pays a signé le 26 novembre 1991 la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à loi applicable au trust et à sa reconnaissance. Madame le ministre, monsieur le garde des sceaux, il faudra bien un jour ratifier cette convention, mais c'est, bien sûr, un autre sujet !
Monsieur Clément, votre prédécesseur, M. Dominique Perben, a bien voulu, après le dépôt de ma proposition de loi en février 2005, réunir au printemps de la même année un groupe de travail auquel j'ai été associé et qui m'a auditionné. Il a rassemblé des personnes de grand talent et de grande compétence et il a entendu les différents points de vue. Il a représenté, pour la première fois, une approche à caractère interministériel. Si je ne me trompe, les résultats de ce groupe ont été extrêmement proches des principales options figurant dans ma proposition de loi.
À ce stade, je voudrais remercier le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, qui a accepté d'inscrire ce thème à l'ordre du jour du séminaire gouvernemental sur la compétitivité de mai 2006. Depuis lors, nous avons pu faire cheminer le projet.
Comme il se doit, la commission des lois a reçu pleine compétence pour expertiser cette innovation. Je suis heureux de saluer ses efforts et de remercier tout particulièrement son président, Jean-Jacques Hyest, ainsi que son rapporteur, notre excellent collègue Henri de Richemont.