La lecture du rapport écrit le prouve, l'analyse a en effet été menée en profondeur et en peu de temps : le nombre d'auditions a été considérable et la nécessaire pluralité des approches a été respectée. Ainsi, le travail de synthèse qui nous est soumis nous permet, enfin, d'introduire dans notre droit la fiducie « à la française ».
J'insisterai donc, d'abord, sur les principes que j'ai retrouvés dans les conclusions de la commission des lois et qui sont identiques à ceux que j'avais moi-même proposés, puis sur les novations qui ont été opportunément introduites par cette commission. J'en viendrai, ensuite, au point en débat, c'est-à-dire à l'extension à donner à ce nouveau régime juridique, avant de conclure sur quelques indications concrètes relatives aux utilisations que nous pourrons faire, je l'espère, de ce concept de fiducie à la française.
En ce qui concerne les principes communs, je les citerai en quelques mots : prohibition de la fiducie à des fins de transmission d'un patrimoine à titre gratuit ; ouverture de la qualité de constituant aux personnes physiques comme aux personnes morales ; neutralité fiscale par l'imposition du constituant, la fiducie étant une institution totalement transparente sur le plan fiscal.
Ainsi, madame le ministre, monsieur le garde des sceaux, le constituant demeure fiscalement titulaire des droits mis en fiducie et est donc, à ce titre, redevable de l'impôt. Cela permet d'évacuer tout débat et tout soupçon sur le risque d'évasion fiscale en la matière.
Par ailleurs, certaines novations ont été, à mon sens, très opportunément introduites par la commission des lois et, en particulier, par son rapporteur.
Il s'agit, en premier lieu, d'un régime « unitaire » pour la fiducie, qui n'opère pas de distinction entre la fonction de sûreté et la fonction de gestion.
Il s'agit, en deuxième lieu, du recours aux principes du droit commun, pour ménager un espace aussi vaste que possible à la liberté contractuelle et pour limiter autant que faire se peut les dispositions impératives.
Il s'agit, en troisième lieu, de la limitation du droit de poursuite des créanciers au seul patrimoine fiduciaire.
Il s'agit, en quatrième lieu, de l'introduction de différents points techniques de nature à accroître les garanties : la consécration du recours en droit français à un « agent des sûretés », particulièrement utile pour les crédits syndiqués qui sont aujourd'hui placés en règle générale sous le régime britannique, ou l'instauration de la faculté pour le constituant de nommer, quelle que soit sa dénomination définitive, un « protecteur » de la fiducie chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts et, surtout, de la conformité aux objectifs et aux finalités qu'il souhaite.
S'agissant, mes chers collègues, du point qui fait encore débat, la commission des lois, notamment son rapporteur, propose un arbitrage qui me semble équilibré.
D'un côté, elle accepte de limiter la qualité de fiduciaire aux seuls organismes financiers réglementés et soumis à un régime strict de lutte contre le blanchiment des capitaux, c'est-à-dire les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les entreprises d'assurance. Contrairement à ce qui est indiqué dans ma proposition de loi, la commission a estimé qu'à l'heure actuelle des éléments importants font défaut pour que la qualité de fiduciaire soit ouverte à toute personne physique ou morale et qu'il est nécessaire de limiter cette qualité à des personnes soumises à des règles de contrôle et de transparence strictes et présentant des garanties réelles en termes de solvabilité.
Toutefois, la commission des lois souhaite qu'une réflexion soit engagée, si j'ai bien compris, dans un avenir proche, afin d'aboutir à une extension rapide aux professions juridiques réglementées, pour autant que ces dernières soient associées à ce mouvement. À l'instar de M. Badinter, j'espère que la réflexion sera mise à profit pour qu'une telle ouverture soit obtenue aussi rapidement que possible, car celle-ci serait véritablement conforme aux intérêts bien compris des professions en question.
Dans le cadre de cet équilibre, la commission des lois préconise l'ouverture de ce nouveau mécanisme juridique qu'est l'institution fiduciaire tant aux personnes physiques qu'aux personnes morales. Comme cela a été souligné, il est vrai que la fiducie doit d'abord constituer dans les relations d'affaires commerciales et financières internationales un outil utile pour permettre de réaliser des opérations qui ne peuvent se faire actuellement que par le biais du trust anglo-saxon.
Parmi bien d'autres exemples, je prendrai celui du groupe Alstom, qui est certainement significatif, voire emblématique : dans le cadre de sa récente restructuration, ce groupe a été conduit à créer un trust anglo-saxon, alors même que l'État venait d'entrer dans son capital.