Intervention de Philippe Marini

Réunion du 17 octobre 2006 à 16h20
Fiducie — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

...à des inconvénients, des incompréhensions et des aléas qui seraient susceptibles de compromettre son chemin.

J'accepte donc, par avance, de me rallier aux amendements du Gouvernement portant sur le champ du constituant, tout en souhaitant que le débat ne soit pas clos pour autant et qu'il soit possible, au vu de l'expérience, de revenir sur cet aspect important.

Il faut rappeler que les enjeux en la matière sont réels, en termes de compétitivité de nos centres de décision.

Vous savez, mes chers collègues, que le Sénat a souhaité créer une mission d'information, commune à trois commissions, sur la notion de centre de décision économique. En effet, un très grand nombre de conséquences, pour l'ensemble des professions de services, mais aussi pour l'emploi et l'investissement, sont liées à la capacité de maintenir, de retenir, de développer et de multiplier sur notre territoire des centres de décision économique.

Aujourd'hui, bien des opérations financières d'envergure échappent au droit français alors même qu'elles concernent des sociétés ou des groupes de sociétés qui peuvent être qualifiés, sans abus de langage, de français, ou dont les sièges sont situés en France.

En l'absence de mécanismes fiduciaires à large champ d'application en droit français, bien des sociétés cherchent dans les panoplies de droits étrangers ce dont elles ne disposent pas dans notre propre droit, ce qui se traduit par des transferts de fonds de la France vers l'étranger, mouvements eux-mêmes générateurs d'activités économiques et financières hors de notre pays.

Je citerai six exemples concrets d'utilisation possible de la fiducie, telle qu'elle serait définie si nous adoptions les amendements du Gouvernement.

Il s'agit, premièrement, de la création de structures permettant de garantir des engagements futurs, tels que des engagements de retraite ou des engagements financiers liés à la dépollution de sites industriels ; des montants considérables de capitaux sont en jeu.

Le deuxième exemple concerne la mise en place d'opérations d'épargne salariale. Certains droits étrangers ne connaissent pas nos systèmes de fonds communs de placement d'entreprises : la fiducie peut constituer un instrument permettant d'assurer de telles opérations dans le cadre d'un actionnariat direct.

Troisième exemple : la création d'une structure ad hoc de gestion de participations au sein d'un groupe de sociétés rendrait inutile la création d'une société holding possédant son propre actionnariat. Grâce à cette fiducie de type contractuel, on pourrait donc aboutir au même résultat qu'avec la holding, tout en évitant les lourdeurs administratives qui y sont afférentes.

Le quatrième exemple concerne la création d'une structure de gestion dans le cadre d'un rapprochement d'entreprises. Si une opération de concentration se produit, mais est conditionnée par la décision d'une autorité publique, l'autorité communautaire de la concurrence, par exemple, la société acquise pourra être gérée temporairement dans le cadre d'une fiducie, afin que cette gestion s'effectue indépendamment du nouvel actionnaire.

Le cinquième exemple est la création d'une structure de defeasance : un ensemble de dettes et d'actifs sont transférés à un fiduciaire chargé du service de la dette.

Quant au sixième exemple, qui est largement appliqué, nous l'avons tous à l'esprit, il concerne la capacité de créer une structure permettant d'isoler un ensemble d'actifs à titre de sûreté.

Cette liste d'exemples vous montre que, dans le domaine du droit économique, financier et commercial, la fiducie a un large rôle à jouer.

En conclusion, je forme le voeu que nous parvenions à concrétiser rapidement cette avancée. En effet, si nous avions pris cette mesure il y a quinze ans, la compétitivité de notre droit et la localisation des centres de décision sur notre territoire seraient certainement plus proches de nos ambitions. Il n'y a donc pas de temps à perdre.

Je vous demande donc, madame le ministre, monsieur le garde des sceaux, de nous donner toutes les assurances nécessaires de la volonté du Gouvernement - dès lors que, dans un souci de réalisme, nous partagerions en tout point son approche - d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, afin qu'il soit intégré le plus vite possible dans notre droit positif.

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