Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 26 novembre 2005 à 15h15
Engagement national pour le logement — Article 10

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Le supplément de loyer de solidarité, ou SLS, consiste à demander, en contrepartie du droit au maintien dans les lieux, une contribution plus importante à ceux dont la situation s'est améliorée et, le cas échéant, à inciter au départ ceux qui peuvent payer un loyer dans les conditions du marché afin de laisser la place à un ménage plus modeste.

Le surloyer de solidarité obligatoire et la vente des HLM sont les deux « tartes à la crème » de chaque débat sur le logement. Nous voici donc sur l'un de ces deux sujets traditionnels !

Dans les faits, le supplément de loyer de solidarité est largement lié aux circonstances du marché local : différentiel entre loyers dans les HLM et loyers du marché, files d'attente, besoin de maintenir ou de renforcer la mixité. À ce titre, il doit s'intégrer dans les politiques locales de l'habitat et pouvoir être modulé selon la commune, et même selon le quartier, et l'exclusion d'ores et déjà possible du SLS ne suffit pas à cette modulation.

Avec l'article 10, il semble que l'on s'apprête à traiter par une mesure uniforme des situations qui correspondent pour l'essentiel à l'Île-de-France, voire à Paris, faute d'avoir pris, notamment dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, des dispositions appropriées à cette région. Ce faisant, nombre de ménages en province se verront stigmatisés et financièrement sanctionnés, sans que la crise du logement en Île-de-France soit pour autant résolue.

Qui sont donc ces locataires en situation de dépassement ?

Les ménages dont les revenus dépassent les plafonds de ressources n'ont pas bénéficié d'un « passe-droit » ! Ils sont entrés depuis plus ou moins longtemps dans leur logement, et ils ont vu leur situation évoluer : leur revenu a pu augmenter, ou à revenu égal ils ont changé de situation familiale.

Ainsi, sans aucune augmentation du revenu, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, un chômeur qui trouve un emploi, un couple dont l'un des conjoints décède ou une famille dont un enfant quitte le foyer fiscal sont susceptibles d'être en situation de dépasser le plafond. C'est pourquoi une certaine souplesse était jusqu'à présent admise, le surloyer n'étant obligatoire qu'à partir d'un dépassement significatif, soit 60 %, taux que le projet de loi propose de ramener à 20 %.

Contrairement à une idée répandue, les plafonds de ressources ne couvrent pas 65 % des ménages français pour toutes les catégories et dans toutes les régions de France. Ainsi, en Île-de-France, seuls 44 % des couples sans enfant ont un revenu inférieur aux plafonds de ressources. De nombreux couples se retrouveront donc très vite dans le champ du surloyer.

Le surloyer épargne les familles nombreuses, mais il touche particulièrement les jeunes ménages actifs et les personnes âgées. Ces deux catégories verront donc leur situation s'aggraver. Par exemple, un couple d'instituteurs ne pourra se maintenir en HLM, sauf à acquitter un surloyer réellement pénalisant.

Par ailleurs, 4 % des ménages dépassent de 20 % les plafonds, et seul 1 % est au-delà de 60 %, soit 20 000 ménages.

La dissuasion sera donc forte en zone peu tendue, où le différentiel entre loyers privés et loyers HLM n'est guère important, et faible dans les zones où ce différentiel est très important. L'efficacité du surloyer, tel qu'il nous est proposé, pourrait donc être inversement proportionnelle à son utilité.

De plus, en stigmatisant comme « profiteurs » les habitants qui relèvent des classes moyennes et en identifiant le logement social comme devant n'accueillir que les plus démunis, on ne peut que diminuer l'attachement de nos concitoyens au logement social et renforcer la défiance de nombre d'entre eux à l'encontre de la construction de HLM, ce qui ne peut que rendre plus difficile leur construction là où ils sont pourtant nécessaires.

Le déplafonnement du total loyer plus surloyer, qui n'est pas abordé dans cet amendement, risque d'avoir des effets pervers sans répondre aux objectifs de mobilité des ménages les plus aisés, et n'est donc pas acceptable. En effet, selon le code de la construction et de l'habitation, le cumul du loyer et du surloyer ne peut dépasser plus de 25 % des revenus d'un ménage. Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous à ce sujet ?

Pour reprendre l'exemple du couple d'instituteurs que je citais tout à l'heure ou d'un couple formé d'un instituteur et d'un agent administratif, un pourcentage supérieur à 25 % du revenu sera très vite atteint. Le surloyer aura donc un effet insupportable, et le ménage quittera certainement son logement.

Pour un couple aisé ou très aisé, le loyer pourra être porté à un niveau proche du marché sans dépasser 25 % du revenu, et le déplafonnement n'apportera pas d'effet dissuasif supplémentaire.

Monsieur le ministre, vous qui tenez toujours à laisser une certaine souplesse aux élus locaux dans l'application de la législation, vous nous proposez ici des dispositions qui sont immédiatement obligatoires et qui n'auront pas l'effet que vous souhaitez.

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