Intervention de Jean Desessard

Réunion du 26 novembre 2005 à 15h15
Engagement national pour le logement — Article 10

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Je partage bien évidemment ce constat, mais permettez-moi tout de même de vous citer le titre d'un article paru ce matin dans le journal Libération : « Expulsé de son studio, il meurt de froid ». Et l'article se poursuit ainsi : « Deux autres sans-abri ont été retrouvés morts, l'un, âgé de cinquante-deux ans, près de Metz, et l'autre, cinquante-huit ans, vendredi, à Échirolles, dans la banlieue de Grenoble ». Trois personnes sont donc mortes de froid en seulement deux jours !

Par conséquent, même sans chercher à construire un monde parfait, nous devons tout de même essayer d'améliorer le système actuel. Je préfère, pour ma part, être un doux rêveur plutôt qu'un méchant réaliste ou un cynique qui ne chercherait pas de solutions aux problèmes contemporains.

Nous devons, me semble-t-il, aller plus loin en matière de logement social et, à cet égard, je trouve que Mme Létard a, au cours de ce débat, fait preuve d'une volonté forte.

En effet, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, M. le ministre s'inscrit dans une logique de construction de logements, dans l'espoir que cela entraînera une mobilité résidentielle et libérera par conséquent des logements sociaux.

Or nous sommes plusieurs à estimer que, au-delà de l'effort de construction, une action volontariste en matière de logement social est nécessaire. Mme le rapporteur pour avis a d'ailleurs elle-même défendu ce point de vue.

Je me suis souvent reconnu, madame le rapporteur pour avis, dans vos amendements et dans la volonté que vous avez affichée. Mais, en l'occurrence, votre amendement risque, me semble-t-il, de créer une certaine dispersion, car les gens perdront beaucoup de temps à discuter, à se demander si un surloyer est ou non nécessaire. Un tel dispositif ne peut que rendre le système plus complexe !

En outre, la mesure que vous proposez me gêne d'un point de vue philosophique. Nous passons en effet trop de temps à disséquer les salaires et les faibles revenus des pauvres, à nous demander si tel RMIste n'aurait pas escroqué l'administration en ne mentionnant pas les deux ou trois heures qu'il aurait travaillées et qui lui auraient été payées, à nous demander s'il a bien droit à telle ou telle prestation. Tout cela est ridicule ! En revanche, quand il s'agit de revenus phénoménaux, personne ne s'en occupe : c'est normal, nous dit-on, que certains gagnent autant, car c'est le fruit de leur talent !

Permettez-moi d'ailleurs de m'interroger au passage sur le « talent » des gestionnaires de sociétés d'assurance, où tout est déjà quasiment acquis, ou sur celui de certains grands chefs d'entreprise qui mettent leur société en faillite et qui sont licenciés au bout de trois ou quatre ans !

Et ce sera pareil pour les attributions de logements : on scrutera à la loupe les revenus des pauvres et on regardera systématiquement si le demandeur a bien droit à un logement social. Face à la pénurie actuelle, la seule réponse des pouvoirs publics et de l'administration consistera à vérifier attentivement si le pauvre en question n'aurait pas « chapardé » quelque chose auquel il n'aurait pas droit...

Il faut cesser ce contrôle social !

Je comprends très bien que l'on s'inscrive dans une logique du logement social, mais je rappelle à M. le ministre, selon qui il n'y a pas de monde parfait, que je préférerais que l'on fasse du logement social - il y a une véritable demande en ce domaine -, que chacun puisse avoir un véritable revenu et un emploi, ou, à défaut, que ceux qui n'ont effectivement pas d'emploi perçoivent des minima sociaux leur permettant de vivre décemment. On réglerait ainsi de nombreux problèmes !

Par conséquent, il faut passer d'une politique d'assistance à une politique véritablement sociale. Chacun doit bénéficier d'un revenu et doit pouvoir choisir lui-même son type de logement et la façon dont il souhaite vivre.

Mieux vaut cela que l'installation progressive d'un contrôle social de plus en plus affirmé et, disons-le, un peu autoritaire.

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