Il s'agit ici d'une simple mise en cohérence.
En effet, d'après l'exposé des motifs de l'article 9, les dispositions prévues se situent « dans la perspective d'un droit au logement opposable ». S'agissant de droit, il convient d'inscrire cette perspective dans la loi. C'est le but de cet amendement, qui prend acte de cet engagement national volontariste.
L'opposabilité du droit au logement suppose un calendrier, une progressivité, des dispositifs légaux complexes, qui expliquent la prudence de cet amendement. Pour ce faire, nous pourrons nous inspirer de l'exemple écossais, qui a déjà été cité à plusieurs reprises au cours de cette séance.
Les mesures prises hors d'un cadre global et contraignant mènent à des impasses où s'échouent les plus défavorisés. Seule l'opposabilité du droit, parce qu'elle représente ce cadre global et contraignant déjà appliqué aux autres droits fondamentaux reconnus par la loi d'orientation de juillet 1998, peut garantir cet engagement.
Rappelons qu'un droit opposable sous-entend : un État garant du logement - alors qu'il tend à se désengager, chaque année un peu plus - ; une obligation de résultat quantifiée et planifiée dans le temps à partir d'une reconnaissance précise des besoins ; un recours ouvert à toute personne s'estimant bafouée dans son droit
Comme l'a rappelé le Conseil économique et social dans l'avis qu'il a exprimé sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, « affirmer que la mise en oeuvre du droit au logement suppose une offre suffisante ne doit nullement signifier que la production de celle-ci doit précéder et conditionner celle-là, mais que deux volontés complémentaires doivent s'additionner ».
J'ai bien entendu la réponse faite au cours du débat par le rapporteur. Je tiens à dire que cette revendication n'est pas incantatoire, ce n'est pas du « y a qu'à, faut qu'on », pour reprendre les termes qu'il y a employés, avec d'ailleurs beaucoup plus d'emphase que je ne l'ai fait. Ou alors, il faudra écrire une lettre à des associations aussi diverses que Emmaüs, l'Armée du Salut, ATD Quart Monde, les Restos du coeur, la Ligue des droits de l'homme, la confédération syndicale des familles, le Syndicat de la magistrature ou le Secours catholique, qui se sont regroupées et ont constitué une plate-forme pour un droit au logement opposable, et leur dire, monsieur Braye, qu'elles prônent le « y a qu'à, faut qu'on ».
Jean-Louis Borloo, dans une autre réponse, a dit qu'il préférait un droit au logement « effectif » à un droit au logement « opposable ». Mais cela revient au même ! Si le droit au logement est effectif, il peut être opposable sans problème : si tout le monde a accès au logement, personne ne viendra le réclamer en justice. Rendre le droit au logement opposable, c'est simplement un engagement du législateur envers les citoyens.
Alors, bien sûr, aujourd'hui, nous manquons de logements, c'est ce que vous nous avez dit. C'est vrai. C'est la raison pour laquelle notre amendement prévoit un calendrier pour la mise en oeuvre du droit au logement opposable.
L'Écosse a prévu d'y parvenir en 2020. Nous vous proposons de prévoir, par une loi, de commencer à rendre le droit au logement opposable à partir de 2009. Votre programmation pour la cohésion sociale doit prendre fin en 2010. Comme, selon vous, elle vise à rendre le droit au logement effectif, j'invite le Sénat à rendre ce droit également opposable, pour être bien sûr que personne ne passera à côté de l'engagement national pour le logement.
M. le ministre a dit, hier, dans cette enceinte : « le droit au logement opposable est un concept républicain hautement estimable ». Il a ensuite ajouté : « quand la situation sera redressée, que seront stabilisées les délégations de compétence, notamment pour les aides à la pierre, nous pourrons reparler du droit opposable ». Très bien ! Je vous prends au mot, monsieur le ministre, et je vous invite donc à accepter notre amendement qui prévoit, justement, que l'on s'engagera à reparler de ce sujet aussi vite que possible.
Afin d'enrichir notre débat, je me permets de citer la proposition de Marie-Noëlle Lienemann, ancienne ministre du logement, qui met l'accent sur trois éléments essentiels.
Le premier consiste à garantir l'opposabilité dans les cas de logements indignes, pour obliger les propriétaires à faire des travaux.
Le deuxième élément prévoit de rendre le droit au logement opposable pour les SDF, en leur assurant, au moins, un hébergement d'urgence ; c'était d'ailleurs le sens de mon amendement sur les hébergements d'urgence.
Le troisième élément vise à rendre le droit au logement opposable pour les personnes qui ont des enfants à charge.
Je vous rassure tout de suite, il n'est pas question de mettre qui que ce soit en prison. Le recours des mal-logés devrait pouvoir se faire devant le tribunal administratif, avec une astreinte journalière au cas où le droit au logement ne serait pas exercé.
Astreinte pour qui ? On peut en débattre, mais je pense que les collectivités en charge du logement doivent être responsabilisées, en permettant, en dernier ressort, que l'action en justice puisse être dirigée vers l'État, qui reste l'ultime garant du droit au logement.