Je souhaite avant tout remercier mes collègues socialistes MM. Daniel Raoul, Jean-Pierre Caffet, Roger Madec, Jean Desessard, André Vézinhet et Jean-Pierre Sueur, de m'avoir accompagné depuis une semaine dans ce long débat sur un sujet passionnant. Nous voyons bien qu'il existe des marges importantes pour l'avenir.
Je voudrais également remercier les acteurs du logement social que nous avons rencontrés durant ces dernières semaines pour préparer ce rendez-vous parlementaire. Des associations, des constructeurs, nous avaient fait confiance pour porter leurs espoirs et leurs attentes. Nous ne sommes pas parvenus à faire partager leur point de vue, mais je voudrais que ces personnes, du moins celles qui liront le compte rendu, ne nous en tiennent pas rigueur et qu'elles sachent que nous aurons d'autres rendez-vous, qu'elles pourront d'ailleurs nous aider à préparer.
J'en viens à présent au projet de loi lui-même. On nous avait proposé un « texte squelette » - c'est l'expression que nous avions employée à l'époque. Nous espérions, en vertu des pouvoirs que la Constitution donne au Parlement, lui donner un corps et des muscles, et ce pour tous les maillons de la chaîne du logement.
Or il nous a fallu d'emblée protéger ce « squelette » de ceux qui voulaient le désosser, notamment en supprimant l'article 1er du projet de loi. Si cet article subsiste aujourd'hui, c'est parce que la gauche l'a défendu face à ceux qui souhaitaient le supprimer, au seul motif que l'on faisait référence à la réussite du plan de cohésion sociale.
D'autres ont voulu supprimer l'alinéa VII de l'article 2, ce qui est tout aussi symbolique, puisqu'il s'agit de la seule partie du projet de loi où l'adjectif « sociaux » est accolé aux termes « logements locatifs ». Le ton était donné, et rien n'a permis d'y déroger, pas même pendant les instants de sérénité, marqués par un certain nombre d'échanges de qualité.
Nous avons obtenu quelques avancées, minimes, sur le foncier, bien moins ambitieuses que celles que nous portions et qui étaient issues d'un certain nombre de travaux, menés notamment au sein de la Haute Assemblée. Je pense notamment à la taxe sur le foncier non bâti et à la participation des propriétaires, idées qui figuraient à la fois dans un rapport et dans une proposition de loi déposée par le groupe socialiste, avant que le Gouvernement ne fasse lui-même connaître son projet de loi en conseil des ministres.
Au nombre de ces avancées minimes, je mentionnerai également la décote, qui ne permettra pas, loin s'en faut, d'équilibrer les opérations de logement social. Même les propositions pourtant minimalistes du rapporteur, qui souhaitait que cette décote puisse atteindre 50 %, ont été battues en brèche.
Le projet de loi comporte également des dispositions en matière d'urbanisme, mais de portée limitée, contrairement à ce qu'une lecture un peu rapide pourrait laisser penser de dispositions qui relèvent plus de l'affichage que du souci d'efficacité.
Le PLU permettrait ainsi, nous dit-on, de territorialiser le logement social. Après les longues discussions qui ont eu lieu au Conseil d'État, les arbitrages interministériels vous ont fait raccrocher cette disposition à l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, le dénuant de tout fondement en créant le droit de délaissement.
Le droit de priorité se substitue désormais au droit de préemption urbain. Mais l'appliquer sur la totalité d'un bien de l'État le rendra inopérant.
Sur ces deux points, on le voit, l'État vendeur l'a emporté sur l'État constructeur et garant de l'équité sociale et territoriale.
Notre attitude a été constante : nous avons toujours dit oui à des mesures sur le logement privé et sur le logement libre !
À l'issue de notre débat au Sénat, nous repartons avec un nouvel investissement défiscalisé, qui permettra de mettre sur le marché des logements avec des loyers de sortie 17 % plus chers par rapport à ce que permettent les prêts locatifs intermédiaires, les PLI, c'est-à-dire la catégorie déjà située au-dessus des PLS !
Nous avons - et c'est une bonne chose - permis de dissocier les logements qui étaient dans les baux commerciaux, afin de les remettre sur le marché.
Nous avons également, afin de favoriser la remise sur le marché de logements aujourd'hui assujettis à la taxe sur les logements vacants, accepté 30 % d'abattement pour les propriétaires. Pourquoi ne pas tenter le pari ?
Et nous avons contribué à la création de l'Agence nationale de l'habitat, qui sera sans doute plus efficace sur les logements à loyers maîtrisés.
Les trois mesures que je viens de mentionner ont un coût pour l'État.
S'agissant du logement social, notre attitude a été tout aussi constante. En matière d'accompagnement des ménages dans le patrimoine social, lorsque nous avons évoqué le mois de carence, le seuil de versement ou la revalorisation annuelle des aides à la personne, nous n'avons eu pour seule réponse que l'article 40 de la Constitution.
S'agissant de la mise en place d'un système de garantie des risques locatifs mutualisés, un groupe de travail nous apportera, nous a-t-on dit, des réponses dans les mois qui viennent, mais seulement après des expertises.
La seule avancée qui avait été arrachée a été réduite à néant juste avant la fin de nos débats.
Quant à l'article 55 de loi SRU, même lorsque nous n'en parlions pas, le sujet pesait sur la discussion, comme il pèsera demain sur les travaux de l'Assemblée nationale.
Chacun est venu témoigner de son exemple local, pour justifier la comptabilisation de telle ou telle catégorie nouvelle de logements dans les 20° % et diminuer ainsi les contributions.
La loi ne peut pas être élaborée à partir de l'addition de situations locales, fussent-elles toutes dignes d'être évoquées. L'addition des intérêts particuliers n'a jamais fait l'intérêt général !
Le législateur peut corriger des faiblesses naturelles. Il le fait d'ailleurs, en adoptant des dispositions particulières, comme la loi Montagne, la loi Littoral ou la loi relative au développement des territoires ruraux.
Des dispositifs correctifs face aux faiblesses humaines ou territoriales existent également. Je pense ainsi à la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui peut être une DGF touristique, ou à la dotation de solidarité urbaine, la DSU.
Faut-il attendre que tout le monde soit effectivement d'accord pour agir ? Si un tel principe avait été retenu, Jules Ferry n'aurait pas pu rendre l'instruction primaire obligatoire sur toutes les communes avant que celles-ci ne soient dotées d'un établissement scolaire public ! Nombre de maires avaient d'ailleurs, à l'époque, fustigé cette décision, arguant du fait que les écoles confessionnelles sur place faisaient très bien leur travail.
Lors du débat sur le logement social, certains ont évoqué la « densité », les « tours », les « barres » ou les « erreurs du passé », autant d'expressions bien choisies et récurrentes dans la bouche de ceux qui trouvent que l'on en fait déjà beaucoup trop pour les familles concernées.
Le seul signe nouveau adressé aux Français est que, pour être intégré à la liste des ménages prioritaires en matière de logement social, mieux vaut désormais disposer d'un travail ! C'est une prime à l'emploi. Nous sommes bien dans l'ambiance du moment.
C'est le premier texte sur lequel nous devons nous prononcer depuis la crise profonde qu'a traversée notre pays ces dernières semaines, et dont je ne suis pas certain qu'il soit totalement sorti. Je pensais, en début de semaine, que nous aurions collectivement des réponses à apporter.
Or, ce qui est révélateur de la philosophie du Gouvernement, on en revient finalement à l'intitulé du texte d'origine, porté par M. Gilles de Robien, qui s'appelait « propriété pour tous ».
Pour moi, c'est un camouflet infligé à ceux qui espéraient une réelle prise en compte des difficultés rencontrées tant par les acteurs que par les bénéficiaires du logement social.
En outre, mais c'est sans doute dû à mon inexpérience, je m'interroge sur la conduite du travail parlementaire.
On nous avait initialement présenté un projet de loi comportant onze articles et nous devons à présent nous prononcer sur un texte qui en contient une soixantaine. Or le Conseil d'État a été saisi uniquement des onze articles d'origine.
Est-ce la règle ? N'est-ce pas plutôt une stratégie d'élaboration de la loi qui nous prive des garanties qu'apporte l'examen, toujours utile, des conseillers du Palais-Royal ? J'espère en tout cas que cette pratique ne présente pas de risque d'inconstitutionnalité.