Il est indispensable de continuer à oeuvrer pour aboutir à la disparition totale et inconditionnelle de la peine capitale au sein des textes répressifs de tous les États du monde.
L'abolition universelle demeure un objectif difficile à atteindre tant la situation internationale est contrastée et, donc, préoccupante. Dans le monde, des femmes et des hommes continuent à être exécutés pour leurs opinions, des homosexuels sont pendus, des femmes victimes de viol sont lapidées. Nous sommes solidaires des voix, aussi timides soient-elles, qui s'élèvent dans les pays appliquant encore la loi du talion.
Je veux réaffirmer ici que l'universalité de l'abolition de la peine de mort ne saurait souffrir de concepts à géométrie variable ni connaître d'exceptions ou de justifications d'ordre religieux. Il est d'autant plus essentiel de le rappeler que, à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et de ceux, plus récents, de Madrid et de Londres, la lutte contre le terrorisme, qui a déjà justifié une vague de lois sécuritaires et liberticides en France, en Europe et dans le monde, sert aussi de prétexte au renforcement, dans certains pays, de la législation en faveur de la peine de mort.
Y compris en France, la tentation est grande, chez certains nostalgiques de la guillotine qui n'hésitent pas à instrumentaliser les peurs et les désordres de la société, de rétablir la peine de mort pour certaines catégories de criminels, en particulier les terroristes, les meurtriers d'enfants et les violeurs.
Depuis 1981, ce sont plus de vingt propositions de loi qui ont ainsi été déposées, dont une sous la présente législature, en 2004, par quarante-sept députés issus des rangs de l'UMP, de l'UDF et des « Villieristes », sans parler des amendements déposés sur ce texte lors de son examen au Palais-Bourbon.
On le sait, les terroristes fanatiques ne craignent pas d'être condamnés à mort, eux qui sont prêts à mourir pour défendre leur cause ! Les démocraties ne doivent donc pas tomber dans le piège de la violence qui leur est ainsi tendu, ni répondre à la violence par d'autres formes de violences, sauf à employer finalement des méthodes qu'elles disent combattre par ailleurs.
Le présent texte doit ainsi jouer un rôle de garde-fou pour nous prémunir contre toute tentative de retour en arrière. Son caractère irréversible empêchera, en tout état de cause, de rétablir cette peine inhumaine par une loi simple, même si la Constitution reste toujours révisable.
Il faudra, par la suite, rester vigilant et veiller à ce que la France ratifie rapidement le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, adopté par les Nations unies en 1989. S'agissant d'un traité « onusien », il sera alors beaucoup plus difficile à notre pays de revenir en arrière.
Toutefois, adopter le présent texte ne nous exonère pas de continuer à dénoncer la peine de mort, qui est une violation des droits de l'homme les plus fondamentaux partout où elle est pratiquée. Outre la barbarie qu'elle représente, cette peine est inutile et inefficace en termes de lutte contre la criminalité.
Contrairement à ce qu'avancent certains, elle est dénuée de toute valeur d'exemplarité et aucune statistique n'indique que la peine de mort pourrait être dissuasive. D'ailleurs, là où elle est appliquée, elle n'a jamais fait baisser le nombre de crimes graves. Il suffit de regarder du côté des États-unis pour s'en convaincre : les États qui l'ont rétablie n'ont pas enregistré de baisse de la criminalité ; inversement, ceux qui l'ont abolie n'ont pas connu d'augmentation. Quant au Canada, qui a aboli la peine de mort en 1976, il a vu son taux de criminalité baisser de 20 % !
La criminalité ne baisse-t-elle pas davantage grâce à l'amélioration des conditions économiques et sociales qu'en fonction des peines encourues ?
La peine de mort est une peine inhumaine, qui nie toute évolution de l'homme ravalé au rang d'objet et donc considéré comme irrécupérable.
C'est une peine irréversible, alors que la justice, elle, reste faillible. Comment accepter en toute conscience cette peine de mort au caractère si irrévocable, si irréparable, délibérément infligée à un homme par d'autres hommes dans l'incertitude la plus totale : incertitude de la loi, du jugement et, finalement, de la culpabilité du condamné ? L'arrivée des tests ADN n'a-t-elle pas mis en évidence des erreurs judiciaires irréparables par essence ?