Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, selon un célèbre adage, « il ne faut toucher à la Constitution qu'avec une main tremblante ».
Parfois, dans la vie d'un parlementaire, il arrive qu'il tremble un peu. Cela pourrait être mon cas aujourd'hui, notamment après tout ce qui vient d'être évoqué dans cet hémicycle depuis deux heures. J'ai l'impression que ce que je veux ajouter est de peu d'importance, même si je m'apprête à « toucher à la Constitution » d'une main qui ne tremblera pas.
À mon sens, en effet, on ne peut avoir ni hésitation ni tremblement sur un tel sujet. L'inscription de la suppression de la peine de mort dans notre loi fondamentale vient consacrer des événements qui nous mettaient déjà face à face voilà vingt-cinq ans, monsieur le rapporteur.
Le trouble de l'opinion était alors important et l'interrogation du Sénat ne l'était pas moins. À l'exception de quelques sénateurs qui s'étaient spontanément engagés sur cette question, la majorité des parlementaires présents dans l'hémicycle n'avaient pas véritablement eu l'occasion de réfléchir avec leurs électeurs sur un sujet aussi grave.
On sentait donc bien que les convictions étaient diverses et, parfois, incertaines, à tel point que la commission des lois de l'époque n'avait pas pu dégager de position en la matière.
En tant que rapporteur du projet de loi portant abolition de la peine de mort, j'avais conclu mon propos en me référant à l'instruction donnée par un président de cour d'assises, qui, lorsque les jurés se retirent pour délibérer, leur déclare ceci : « La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, (...) La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : ?Avez-vous une intime conviction ?? ». Comme je l'avais précisé à nos collègues, nous étions alors dans cette situation-là.
La discussion a été d'une immense richesse ; vous avez rappelé tout à l'heure ceux qui y avaient contribué. Nombre de nos collègues avaient modifié leur position à la lumière du débat.
Il est, me semble-t-il, à l'honneur du régime parlementaire...