Intervention de Ivan Renar

Réunion du 5 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Articles additionnels après l'article 1er précédemment réservés suite

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

... le ministre de l'intérieur - il a le droit de faire de la politique, lui ! - a donné une longue interview au journal Le Figaro, dans laquelle il propose d'en finir avec le principe de la carte scolaire et prône le « libre choix » de l'établissement scolaire par les familles, dans le cadre d'une politique d'autonomie renforcée pour ces établissements.

Au cours de cette même réunion, M. de Robien, ministre de l'éducation nationale, a déclaré, pour s'en féliciter : « s'agissant de la possibilité pour les meilleurs élèves de rejoindre le lycée de leur choix, cette mesure est une première dérogation à la carte scolaire ».

Ainsi, monsieur le ministre, d'un côté, vous prétendez, avec ce projet de loi, rétablir l'égalité entre les jeunes et, de l'autre, avec l'une de ces mesures démagogiques, populistes et profondément inégalitaires dont il a le secret, le ministre de l'éducation nationale aggrave les inégalités déjà existantes entre jeunes devant l'institution scolaire !

C'est une mesure démagogique, d'abord : sous prétexte de répondre à l'angoisse des parents pour leurs enfants devant les conséquences de la crise qui frappe aujourd'hui le système éducatif dans ses fondements mêmes, c'est en réalité au renforcement d'un des éléments de cette crise que s'attelle M. de Robien.

En effet, en renforçant le caractère ségrégatif d'un système où chaque établissement définit son « caractère propre », comme l'on dit dans l'enseignement privé - c'est-à-dire, en fait, une part de plus en plus importante de son programme d'enseignement -, il remet purement et simplement en cause l'égalité de traitement de tous les jeunes devant l'institution scolaire, quel que soit l'endroit du territoire.

Ainsi, c'est le principe même de service public qui serait mis à mal, au bénéfice d'une école ségrégative, où chaque établissement définirait « librement » - quelle perversion dans le vocabulaire ! - les moyens d'écarter de sa « clientèle » les éléments jugés « indésirables », et ceux qui seraient propres à lui attirer le public « ciblé » qu'il aura choisi de privilégier, que ce soit par des procédés liés à la pédagogie ou par d'autres. Ce ne sera plus de l'esprit éducatif, ce sera du marketing !

C'est une mesure populiste, ensuite : le gouvernement auquel vous appartenez continue, avec une telle orientation sur les questions éducatives, à surfer sur les sentiments les plus rétrogrades et dangereux pour la cohésion même de notre société, tout en feignant de répondre aux aspirations des familles d'origine modeste. Celles-ci voient avec angoisse des établissements de plus en plus « ghettoïsés » mis dans l'incapacité de répondre à leurs besoins éducatifs.

Ce sentiment est aggravé depuis que le ministre, en accord avec son collègue de l'intérieur - décidément ! - a clairement décidé d'en finir avec la stratégie des ZEP, lesquelles avaient au moins comme mérite de maintenir à flot certains établissements situés dans des quartiers particulièrement défavorisés et de permettre à nombre de jeunes en difficulté d'acquérir des diplômes et qualifications.

Continuez de la sorte, monsieur le ministre, et - je vous le dis avec gravité - les événements auxquels nous avons assisté en novembre dernier, dans certains de nos quartiers, risquent de se reproduire de façon encore plus dramatique !

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