Intervention de Jean-François Voguet

Réunion du 5 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Articles additionnels après l'article 2

Photo de Jean-François VoguetJean-François Voguet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article L. 213-3 du code du travail porte sur l'une des questions essentielles posées par la mise en oeuvre du travail de nuit : la durée quotidienne de travail des salariés devant travailler la nuit.

Le premier alinéa de l'article limite naturellement à huit heures la durée maximale du temps de travail quotidien d'un travailleur de nuit.

Il est évident que de telles dispositions s'avèrent indispensables du fait même du caractère exceptionnel du travail de nuit.

Le deuxième alinéa dudit article prévoit qu'un accord collectif de branche ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut conduire à remettre en cause ce principe de limitation à huit heures de la durée quotidienne de travail des salariés travaillant la nuit.

La reconnaissance explicite de dérogation à la durée maximale de huit heures est de nature à remettre en cause le caractère exceptionnel du travail de nuit, lequel est pourtant affirmé, de manière liminaire, par l'article L. 213-1 du code du travail.

Pourtant, on sait que ces dérogations ont ouvert la possibilité aux employeurs, pour les motifs les plus divers, d'augmenter la durée du temps de travail pour les travailleurs de nuit. On peut citer, à titre d'exemple, la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants telle qu'elle a été modifiée par l'avenant du 13 juillet 2004.

L'article 6.1 de l'avenant précité dispose : « Durée maximale journalière : Cuisinier : 11 heures ; Autre personnel : 11 heures 30 minutes ; Veilleur de nuit : 12 heures ; Personnel de réception : 12 heures. »

L'article 6.2, quant à lui, dispose : « Durées maximales hebdomadaires :

« Moyenne sur 12 semaines : 48 heures - 46 heures pour les entreprises à 37 heures.

« Absolue : 52 heures » - 50 heures pour les entreprises à 37 heures. »

Cela démontre que les accords de branche peuvent parfois, sur cette question sensible de la durée du travail de nuit, déroger de manière significative au droit existant.

En outre, la possibilité donnée par le code du travail de déroger à la durée quotidienne de huit heures de travail pour un travailleur de nuit est d'autant plus facilitée qu'il est prévu que des accords dérogatoires puissent être conclus à l'échelle d'une entreprise ou d'un établissement.

Cela n'est pas acceptable de notre point de vue, car la faculté de prévoir de tels accords dérogatoires est susceptible de remettre en cause le droit des salariés.

L'accord dérogatoire peut être signé au niveau d'une branche, mais peut aussi descendre au niveau de l'entreprise ou de l'établissement.

Une telle démarche n'est pas tolérable ! Elle revient, en particulier, à mettre en question la possibilité, pour les salariés, dans des entreprises aux activités similaires, de disposer des mêmes droits et garanties.

Accord d'entreprise ou d'établissement : n'est-ce pas là la meilleure manière de faire en sorte que, dans les entreprises où les organisations syndicales seraient un peu moins combatives qu'ailleurs, voire inexistantes, l'employeur puisse tirer un avantage maximum, en dérogeant largement aux principes fondamentaux qui s'appliquent en matière de travail de nuit, lequel est censé constituer l'exception ?

Nous affirmons que ce type de dispositions permet aujourd'hui à n'importe quel groupe industriel constitué de déménager en province un établissement de production de fortes traditions revendicatives et de faire signer par les nouveaux salariés de cet établissement, issus, par exemple, du monde rural, un accord conventionnel sur l'organisation du temps de travail plus directement favorable, non pas à la « continuité de l'activité économique », selon la formule consacrée par le code, mais bien plutôt à la « rentabilité immédiate », fruit, entre autres, d'une utilisation plus importante des investissements matériels.

Il importe donc, ne serait-ce que pour éviter que la concurrence naturelle entre les entreprises ne soit faussée par ce que l'on peut appeler le « dumping social », que les accords portant sur la place du travail de nuit soient discutés au niveau des branches professionnelles et non, prétendument au plus près du terrain, par le biais d'accords d'entreprise ou d'établissement.

En ne permettant pas que des accords dérogatoires au travail de nuit puissent être conclus à l'échelle d'une entreprise ou d'un établissement, nous souhaitons garantir pleinement le respect des droits des salariés.

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