Tout à l'heure, je pointais du doigt l'incohérence d'une discussion qui, à divers moments, aborde des sujets dépourvus de tout lien. Aussi, nous apprécierions qu'un effort soit fait pour que les réponses soient un peu plus cohérentes, ne serait-ce que pour qu'il nous soit manifesté un petit peu de respect.
Le ministre et la commission divergent. On peut parfaitement le comprendre. Le ministre dit que des punitions sont de toute façon prévues, mais la commission en écarte l'idée même au motif qu'elles pourraient dissuader l'employeur ! Apparemment, vous avez tous été convaincus en dépit de la contradiction des arguments puisque vous venez de rejeter mon amendement, au motif que je semais le doute sur l'honnêteté des patrons en prévoyant des sanctions contre ceux que le Président de la République a lui-même qualifiés de patrons voyous. À cet égard, monsieur Muzeau, vous avez bien fait de rappeler que cette expression, qui décrit bien certains comportements, était celle du Président de la République.
Il faut lever toute ambiguïté, parce que quelqu'un lira peut-être nos travaux : personne ici ne méprise l'entreprise. Cela n'aurait d'ailleurs pas de sens. Une entreprise, c'est une entité complexe, au sein de laquelle sont réunis plusieurs métiers autour d'activités communes. Quel sens aurait un jugement sur son existence ? Là n'est pas le sujet. Le rôle du législateur consiste à prévoir des sanctions. Diriez-vous que ceux qui votent les articles du code pénal insultent les Français en mettant en doute leur honnêteté ? Ou diriez-vous que le fait qu'il existe un code de la route implique que tous les chauffeurs soient des assassins volontaires ? Bien sûr que non ! Il s'agit simplement de prévoir que seront sanctionnés les manquements graves à la morale, à la déontologie et au respect qu'on doit aux jeunes apprentis. Celui qui mord le trait ne doit pas être autorisé à embaucher d'autres apprentis et bénéficier ainsi d'autres crédits d'impôt. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui font de l'apprentissage sont des voyous. Un certain nombre le sont, qui doivent être punis ou dissuadés.
Franchement, vous m'avez reproché - et sans doute me le reprocherez-vous encore - de vouloir trop en faire pour contrôler les cas extrêmes. Mais vous-mêmes ne vous êtes pas gênés pour répéter une troisième fois dans ce projet de loi que l'école devait garantir l'apprentissage de la langue française, alors même que le code de l'éducation en dispose déjà dans deux de ses articles. En revanche, vous refusez d'adopter une mesure de justice tendant à sanctionner des voyous avérés au motif qu'il ne faut pas faire peur aux autres pauvres chéris qui pourraient se sentir visés.
Mon amendement n° 186 est de même nature. Il vise à perfectionner le système. Je me régale à l'idée d'entendre vos objections. Vous pouvez compter sur moi pour les rendre publiques en dehors de ce lieu.
Le travail de suivi et d'accompagnement de l'apprenti est trop souvent théorique ou superficiel, faute pour le maître d'apprentissage, dont le rôle est fondamental, de pouvoir librement dégager le temps nécessaire sur ses horaires de travail - j'assume la responsabilité de ce que je dis. Il n'y a ici que quelques illuminés pour se figurer que, dans une entreprise, on n'a rien d'autre à faire que de former des jeunes travailleurs. Non ! Dans une entreprise, on produit !
La loi doit donc offrir cette garantie aux maîtres d'apprentissage, qui pourront ainsi l'opposer - les courageux - à leurs employeurs quand l'organisation ne leur permettra manifestement pas d'accompagner correctement l'apprenti dans l'entreprise.
Cet amendement donnerait également aux maîtres d'apprentissage l'assurance de pouvoir bénéficier des formations indispensables à l'exercice de leur mission.
Voyez-vous, maîtriser une technique, être un ouvrier d'élite, un contremaître, un ingénieur - dans le cas présent, il s'agit plutôt de contremaîtres ou de techniciens d'élite -, c'est une chose, enseigner à un jeune garçon ou à une jeune fille, c'en est une autre.
Par conséquent, la formation des maîtres d'apprentissage est une question essentielle. Il faut s'en donner les moyens. Malheureusement, je suis obligé de vous dire que tel n'est pas le cas aujourd'hui et j'accepte même que la responsabilité en soit partagée. Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.
Faute de coordination avec les formateurs du CFA - cas que vous connaissez aussi bien que moi - et faute d'information sur l'évolution des référentiels de formation, les maîtres d'apprentissage ne peuvent pas suivre efficacement les apprentis et les accompagner dans de bonnes conditions vers le diplôme préparé.
Les branches patronales ne font pas toujours leur travail ni dans les commissions professionnelles consultatives, où l'on met au point le référentiel du contenu du diplôme, ni ensuite dans la formation des maîtres d'apprentis au référentiel. On demande au maître de se débrouiller avec le jeune à qui il doit apprendre le métier. Les garanties que je vous propose d'apporter grâce à l'amendement n° 186 sont de nature à améliorer la qualité du déroulement du contrat d'apprentissage, à prévenir les risques rupture de contrat et à faciliter l'obtention finale du diplôme par l'apprenti.
Monsieur Borloo, si vous voulez ajouter 150 000 apprentis aux 350 000 qui existent déjà, en les prélevant sur une classe d'âge, c'est le moment de vous soucier du fonctionnement de l'apprentissage. C'est précisément l'objet de mon amendement, qui n'a rien d'idéologique. Il s'agit simplement de proposer des solutions à partir de l'examen de la réalité du terrain.