Au demeurant, les raisons invoquées pour justifier ce choix sont explicites : 55 % des employeurs ont voulu ne pas prendre de risques au cas où l'activité ralentirait. Quoi qu'on en pense, si l'on se met à leur place, on peut légitimement concevoir une telle attitude.
Toutefois, 51 % des employeurs avouent avoir voulu tester plus longtemps les compétences de la personne, 46 % d'entre eux ont voulu éviter ce qu'ils appellent les contraintes du CDI en cas de licenciement, et 21 % les contraintes du CDI.
Mieux encore, 35 % des embauchés étaient déjà dans l'entreprise, essentiellement en CDD ou en apprentissage. Ce que nous n'avons cessé de dénoncer se vérifie donc pleinement : le CNE est utilisé comme un effet d'aubaine ; il sert à maintenir délibérément le salarié en situation d'insécurité, salarié qui vit sous la menace permanente d'un licenciement sans procédure ni motivation.
Par ailleurs, les intentions des employeurs à l'issue de la période de deux ans sont également explicites. Si 43 % d'entre eux affirment qu'ils garderont le salarié, les autres disent ne pas savoir. Seulement 10 % d'entre eux ont le courage de leurs opinions et répondent franchement qu'ils n'ont pas l'intention de le garder. Ce sera donc un « licenciement » au bout de vingt-trois mois, avec une rotation des salariés sur des contrats qui seront en fait des CDD de vingt-trois mois, assortis d'une menace permanente de licenciement. Le CNE ne fait que permettre la substitution d'embauches en CDI par des CNE.
Monsieur le ministre, lorsque vous défendez les dispositifs que sont le CPE et le CNE, vous feignez d'oublier une donnée de base : l'employeur embauche s'il a du travail, si son activité augmente. Et, s'il a le choix entre plusieurs formules d'embauche, il optera pour celle qui lui convient le mieux. Vos contrats CNE et CPE ne font qu'élargir le panel des possibilités d'embauche sous contrat précaire.
Alors que le système existant fonctionnait jusqu'à présent sur des bases connues, une nouvelle jurisprudence va devoir s'édifier sur les bases d'un abus de droit réactivé et modernisé. Un jugement a déjà été rendu en la matière et a abouti à la condamnation de l'employeur ; je n'y reviendrai pas. D'autres contentieux sont en préparation. Aujourd'hui, l'incertitude juridique règne donc.
Le CPE vient compléter ce tableau sombre et confus. Le plus grave est bien entendu qu'il frappe de plein fouet les jeunes, y compris ceux qui ont suivi des études et pour lesquels leur famille s'inquiète désormais. Mais nous ne vous l'apprenons pas, monsieur le ministre, car nous vous l'avons déjà dit.
Au total, c'est un avenir fondé sur l'insécurité qui attend le monde salarié et singulièrement notre jeunesse. Ce n'est pas sur cette base que l'on peut espérer rendre confiance aux Français et trouver un nouvel élan pour réussir collectivement.
De tous côtés, des inquiétudes naissent : pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat, pour la retraite future, pour la santé, pour tout ce qui fait la vie des gens simples, ceux qui, comme le chante Ferrat, ne possèdent en or que leurs nuits blanches. Or cette sécurité est vitale pour les gens modestes. Et vous, vous généralisez la précarité !
Si le salarié a affaire à un employeur de bonne foi, ce qui est certes la majorité des cas, le CNE n'apporte rien. Il crée seulement une insécurité pour le salarié, lequel peut, dans ces conditions, espérer avoir, au bout de deux ans, le CDI qu'il aurait dû avoir au départ. Mais, s'il a affaire à l'un de ces employeurs dont j'ai parlé tout à l'heure, l'un de ceux qui affirment déjà vouloir se débarrasser du salarié avant deux ans, alors il y a vraiment tromperie sur le plan moral.
Au mieux, le CNE ne sert à rien - les chiffres actuels du chômage le prouvent - au pire, il est profondément nuisible.