Je suis convaincu, à l'issue de cette discussion générale, que le texte arrive maintenant à bon port.
Le sujet est difficile. Ce sont de nouveaux territoires qu'il nous faut défricher, explorer, inventer. Si nous sommes francs, les uns par rapport aux autres, nous reconnaîtrons qu'il a fallu faire preuve de courage pour expliquer à l'ensemble de nos concitoyens qu'il convenait de passer de la gratuité à une démarche de responsabilité.
Ce n'est pas si facile : on peut parfois considérer que les oeuvres de l'esprit, l'immatériel absolu, n'ont aucune contingence. On peut parfois oublier la dimension économique de la culture. Traiter de ces questions, ce n'est pas porter atteinte à la liberté et à la création ; c'est au contraire donner la possibilité d'un véritable essor.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison, il s'agit d'une tâche difficile, mais passionnante, et le travail remarquable que vous avez accompli avec M. Valade et les membres de la commission des affaires culturelles nous permet de relever ce défi. Vous avez parfaitement analysé les enjeux de ce projet de loi. Je suis heureux que nous ayons réussi, au terme d'une démarche constructive, à élaborer un nouveau dispositif mieux centré sur les éditeurs de logiciels.
L'avènement de l'ère numérique non seulement bouleverse l'économie de la création et l'offre culturelle, mais invite aussi à une réflexion globale, car les technologies n'ont pas de frontière et l'art est universel.
Madame Morin-Desailly, je partage votre préoccupation de ne pas imposer un modèle économique unique. C'est précisément la raison pour laquelle le texte offre aujourd'hui un cadre indispensable pour que le plus grand nombre de nouveaux modèles économiques puissent apparaître et se développer.
Vous estimez que ce texte intervient ou trop tôt ou trop tard. C'est la dialectique du courage, et nous ne sommes pas très nombreux, sur ces questions, à tenter d'appliquer la pédagogie nécessaire pour en faire comprendre les enjeux.
Au moment où nous abordons ce débat, nous faisons figure de précurseurs à certains égards ; en revanche, nous sommes l'avant-dernier pays de l'Union européenne à transposer la directive européenne.
Il est nécessaire et urgent que ce projet de loi soit adopté par le Parlement. Il est à la hauteur des défis actuels, grâce au travail effectué par la commission. Il y a toujours de bonnes raisons de ne rien faire. Pour ma part, j'ai choisi d'agir.
Vous vous interrogez sur le dispositif de sanction. Les sanctions concernant le téléchargement illégal, accompagné ou non d'une mise à disposition, ont été conçues pour être adaptées et elles seront effectives. Parce qu'elles seront appliquées, elles seront proportionnées et responsabiliseront les internautes.
Vous regrettez le courriel d'avertissement de la réponse graduée : c'est précisément pour éviter ce que François Bayrou, proche de vous, a appelé une « police de l'Internet », que certains ont assimilé à une milice privée, et pour protéger la vie privée des internautes que le choix a été fait par l'Assemblée nationale d'adresser des messages de prévention généraux.
Dans mon esprit, la version initiale de la réponse graduée était le mail individualisé correspondant au constat d'une infraction. Cette idée étant source de polémiques, comme je l'ai bien senti, le dispositif a été modifié.
En revanche, il est essentiel, et c'est une exigence permanente, d'expliquer à nos jeunes concitoyens les valeurs qui sous-tendent le respect du droit d'auteur et des créateurs. Il importe de mener ces actions de sensibilisation dès l'école, et nous nous y employons.
Par ailleurs, si le présent texte est voté par le Parlement, les fournisseurs d'accès à Internet auront l'obligation d'envoyer un certain nombre de messages d'information à tous les abonnés.
Contrairement à ce que vous laissez entendre, le texte n'entrave pas le développement du logiciel libre ; nous aurons l'occasion de débattre de ce point. Je suis, tout comme vous, soucieux de la créativité et de l'activité économique que ce secteur représente. L'intelligence n'est pas uniquement artistique ; elle peut être également scientifique. Le monde du logiciel libre est une fierté pour notre pays et une grande capacité que nous devons savoir protéger.
Monsieur Assouline, vous aimez la politique ; moi aussi, mais l'heure n'est pas aux débats, qui sont l'honneur d'une démocratie. Si vous n'aimiez pas tant la politique et les affrontements qui rythment la démocratie, à savoir que je suis un ministre du Gouvernement et que vous êtes aujourd'hui dans l'opposition, vous auriez davantage exprimé nos points d'accord, car ils existent, comme j'ai pu le constater en vous écoutant.
Mais au cours de votre intervention, très dense, vous ne l'avez pas fait et vous vous êtes même livré, je le reconnais, à un art, celui de la caricature. J'ai reçu récemment au ministère les créateurs dans ce domaine, pour leur donner un coup de chapeau ; j'aurais dû vous inviter à cette occasion !