Séance en hémicycle du 4 mai 2006 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • exception
  • internet
  • numérique

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de participer à nos travaux.

Je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'outre-mer.

Alors que l'égalité sociale avec la métropole est considérée comme globalement réalisée, la situation de l'habitat en Guadeloupe trahit encore un retard considérable.

Lors de la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, j'ai eu à alerter le Gouvernement sur la baisse de production du logement social outre-mer et sur la nécessité d'abonder la ligne budgétaire unique, la LBU, pour retrouver un rythme compatible avec les besoins identifiés.

Monsieur le ministre, votre ministère a procédé aux notifications suivantes pour 2006 : 46, 21 millions d'euros en autorisations, ce qui correspond à 71 % des besoins estimés ; 31, 88 millions d'euros en crédits de paiement, soit un pourcentage réduit à 56 %.

On note donc d'importants écarts entre les besoins et les dotations, et les 21 millions d'euros effectivement reçus à ce jour ne couvrent même pas les factures en cours, qui s'élèvent à 24 millions d'euros.

Dès lors, la première mesure d'urgence consisterait à rendre disponible le solde des crédits de paiement, soit environ 11 millions d'euros.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : au moment où les besoins en logements neufs - locatif ou accession sociale - et en réhabilitation de l'habitat insalubre s'expriment de plus en plus fortement, au moment où l'activité économique souffre déjà en Guadeloupe des effets d'une inflation supérieure à celle que connaît la métropole et qui menace d'aggraver un chômage déjà explosif, au moment où les collectivités de l'agglomération constituée par ma ville, les Abymes, et Pointe-à-Pitre, la capitale économique, s'apprêtent à s'engager dans une opération de renouvellement urbain de grande envergure, le Gouvernement peut-il prendre le risque de décourager les acteurs de la filière de la construction - bailleurs sociaux et professionnels du BTP - et de décevoir nos concitoyens aspirant à des conditions décentes de logement ?

En tout état de cause, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les dispositions administratives et financières que vous comptez prendre pour éviter une nouvelle rupture de paiement à très court terme, qui aurait pour conséquence la baisse de la production de logements sociaux en 2006 ? Comment comptez-vous abonder au niveau adéquat les dotations destinées à couvrir les dettes de 2005 ainsi que la programmation de 2006, et accélérer la mise à disposition des crédits notifiés ?

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre de l'outre-mer

Monsieur Marsin, je partage pleinement le constat que vous avez dressé en ce qui concerne le retard considérable pris en matière de logement social outre-mer ; nous en avons, d'ailleurs, déjà discuté ensemble. Nous avons également évoqué les perspectives qui s'offrent à nous.

Il est important de rappeler que nous sommes confrontés à une double problématique.

D'abord, nous constatons un retard cumulé, pour des raisons en partie identifiées.

Ensuite, les problèmes ne sont malheureusement pas seulement actuels ou derrière nous, ils sont devant nous, car la population de certains territoires est très active et sa démographie est dynamique : plus de 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans. Cet état de fait rend difficile la gestion, pourtant importante, du logement social outre-mer.

Pour autant, depuis cinq à six années environ, ces territoires ont connu un taux de croissance deux fois supérieur à celui de la métropole. Malgré tout, cela ne fonctionne pas, ou en tout cas pas suffisamment par rapport à la demande portée par les collectivités locales.

Voilà pourquoi nous travaillons actuellement sur plusieurs pistes, selon un calendrier que je souhaite pour ma part très serré.

Premièrement, nous envisageons une mobilisation active du foncier disponible. Vous le savez comme moi, monsieur le sénateur, nous rencontrons des problèmes de livraison de terrains, pour des questions d'effets d'aubaine liés à un outil de défiscalisation sur lequel les sénateurs de la commission des finances travaillent.

Deuxièmement, nous devons également envisager une diversification des sources de financement. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans quelques semaines, comme vous l'avez rappelé.

Troisièmement, nous réfléchissons à une programmation pluriannuelle, car nous devons à la fois résorber le retard pris et anticiper sur la future demande en nous projetant dans l'avenir.

Quatrièmement, enfin, nous envisageons de renforcer le partenariat local, notamment avec les communes.

Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai commandité, avec M. Copé, deux audits : l'un sur la résorption de l'habitat insalubre, l'autre sur la politique du logement social en outre-mer, qui est la dernière étape préparatoire.

En liaison avec le Premier ministre, et selon ses arbitrages, je présenterai dans les prochaines semaines un plan de relance de la politique du logement outre-mer dont l'objet sera de multiplier par deux la construction de logements sociaux pour les personnes en difficulté, notamment pour la population jeune, qui constitue l'une des forces d'avenir de l'outre-mer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Monsieur le ministre, ma question concerne les importants dommages causés aux universités par des énergumènes ...

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

M. Joël Billard. ... qui, pendant les mouvements de protestation contre le CPE, se sont crus obligés de saccager et de détruire pour s'exprimer !

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Dans une démocratie républicaine comme la nôtre, la violence n'est pas justifiable. La liberté d'expression est respectée et les moyens de communication sont libres.

Le droit à l'accès à l'enseignement de nombreux jeunes a été bafoué sans scrupule, et souvent au détriment de ceux qui sont les moins favorisés. En outre, les menaces faites aux élèves désirant travailler et celles pesant sur les examens étaient inacceptables.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Des actes consternants de violence et de destruction ont touché des biens collectifs. Aussi, outre l'organisation du rattrapage des cours et du report des examens, les responsables d'établissement sont maintenant confrontés à la remise en état des locaux et au chiffrage des dégradations provoquées par les blocages et les occupations.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Ainsi, le vice-président de la conférence des présidents des universités a récemment estimé les dégâts matériels à environ deux millions d'euros à l'échelon national, ce qui représente plusieurs dizaines de milliers d'euros par université touchée. Il existe, évidemment, des situations particulières, comme celle de la Sorbonne pour laquelle on évoque un chiffre de 500 000 euros !

À Toulouse II, la présidence de l'université évalue provisoirement à 150 000 euros les dégradations subies.

Je citerai également Rennes II, première université à avoir voté le blocage, le 7 février dernier, et où les dégâts ont été estimés par constat d'huissier à environ 100 000 euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Il s'agit de remettre en état les halls, les amphithéâtres, les portes et les fenêtres de ces universités, voire parfois de racheter le matériel pillé, tels les ordinateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

M. Joël Billard. Certains syndicats et partis politiques ont observé à l'égard de ces casseurs une neutralité pour le moins bienveillante !

Très bien ! sur les travées de l'UMP. -Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Les Français savent-ils que, en définitive, ce sont eux qui paieront, avec leurs impôts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

M. Joël Billard. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer dans quelles conditions seront financés les travaux nécessaires à la remise en état des locaux ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche

Monsieur le sénateur, tout d'abord, je confirmerai l'estimation dont vous avez fait état : le montant des dégradations, et donc des travaux à réaliser, dans les universités à la suite des récents événements s'élève bien à 2 millions d'euros.

Debut de section - Permalien
François Goulard, ministre délégué

M. François Goulard, ministre délégué. Par ailleurs, il n'est pas question que l'État couvre à guichet ouvert les conséquences du comportement irresponsable d'un certain nombre d'individus.

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
François Goulard, ministre délégué

Ce seront donc les universités, en vertu d'un principe de responsabilité, qui paieront sur leur budget pour effacer les conséquences malheureuses de ces actes.

Je précise toutefois que ces 2 millions d'euros sont à rapporter à l'effort que la nation consent pour l'enseignement supérieur, qui est aujourd'hui de 10 milliards d'euros. Quant au budget des universités elles-mêmes, il s'élève, hors traitement des enseignants, à 2, 5 milliards d'euros. Il s'agit donc d'une charge supportable.

La seule exception possible concerne des établissements dont les responsables ont fait appel aux forces de l'ordre pour dégager les locaux occupés de manière inadmissible.

Je pense, en particulier, à l'École des Hautes études en sciences sociales, qui a été occupée de manière intolérable par des individus qui n'avaient rien à voir avec cet établissement et dont la directrice a demandé, à plusieurs reprises, le concours des forces de l'ordre.

Quoi qu'il en soit, au-delà des chiffres, au-delà de la responsabilité des uns et des autres, j'insisterai, comme vous, monsieur le sénateur, sur un point : il est particulièrement intolérable que des étudiants, ou prétendus tels, se croient autorisés à saccager l'outil de la connaissance universitaire, celui-là même qui doit appeler le respect le plus absolu !

Debut de section - Permalien
François Goulard, ministre délégué

Je rappelle que des étudiants, ou de prétendus étudiants, ont saccagé des livres anciens à la Sorbonne, que d'autres ont mis hors d'état de fonctionner des outils informatiques contenant des informations, des bilans, des résultats, fruits d'efforts de recherche de plusieurs années : c'est intolérable !

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

C'est ce gouvernement qui est intolérable !

Debut de section - Permalien
François Goulard, ministre délégué

C'est inadmissible !

Debut de section - Permalien
François Goulard, ministre délégué

M. François Goulard, ministre délégué. Il est également intolérable que, dans bien des cas, une minorité empêche les étudiants d'étudier et de préparer leurs examens, c'est-à-dire leur avenir professionnel !

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Mon intervention, monsieur le Premier ministre, portera sur le respect et sur la protection de nos institutions.

Qu'un ministre, M. de Villepin, alors chargé des affaires étrangères, vérifie des informations mettant en cause, sur le plan international, la sécurité du pays et l'intégrité de personnalités, à commencer éventuellement par celle de certains de ses collègues, relève des devoirs de sa charge.Encore qu'il ne puisse le faire, en janvier 2004, qu'avec l'autorisation du chef du gouvernement de l'époque, M. Raffarin !

Pourquoi, dès lors, ressentons-nous ce trouble profond sur toutes les travées de nos assemblées et dans le pays ? Parce qu'un dérèglement grave s'est produit au sommet de l'État et qu'il s'amplifie de jour en jour : les institutions de la République ont été confisquées à des fins personnelles et détournées de leur mission.

Monsieur de Villepin, vous avez pris le risque de porter atteinte au droit de l'un de vos collègues, M. Sarkozy.

Murmures sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Ensuite, ce collègue, M. Sarkozy, a fait savoir qu'il réintégrerait en juin 2005 son poste de ministre de l'intérieur, pour des raisons de convenances personnelles et pour se mettre à l'abri des menaces qu'il sentait peser sur lui !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Il serait d'ailleurs utile que M. Sarkozy nous fasse savoir comment il a subodoré progressivement - au moins depuis l'été 2004 - les menaces ayant trait à la présente affaire, pourquoi il s'est tu et pourquoi il a accepté de faire équipe avec M. de Villepin.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Je vous demande, monsieur le Premier ministre, par-delà les graves développements actuels et par-delà le dénouement politique auquel vous ne pouvez vous soustraire, de nous dire selon quelle procédure vous auriez dû assurer à chacun la transparence et la garantie que l'on est en droit d'attendre dans une démocratie. Vous auriez ainsi évité au pays des défaillances dramatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Devant la dislocation actuelle de votre équipe où deux clans s'affrontent, les objectifs de carrière prenant le pas sur le souci de l'intérêt général

Exclamations sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. ... il est grand temps, monsieur le Premier ministre, que, en conscience, vous tiriez les conséquences qui s'imposent !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion de m'exprimer longuement sur ces sujets ce matin, et si je réponds à votre question, c'est par égard pour la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Quand on est victime, dans sa vie personnelle comme dans la vie publique, de mensonges, de calomnies, d'amalgames - et votre question en était nourrie, peut-être par méconnaissance -, il n'y a qu'une solution possible.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour ma part, je crois dans la force de la vérité, dans la force de la démocratie. Et quelle que soit la façon dont vous tourniez les choses - vous n'avez pas d'expérience de la vie internationale, ce que je ne vous reproche pas -

Rires et protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il a été président de l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

On a écouté la question de M. Mermaz, écoutez la réponse de M. le Premier ministre !

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

...dans ce domaine, il y a une règle : face aux menaces, face aux risques du monde d'aujourd'hui, l'exigence fondamentale est de vérifier la nature des informations qui sont présentées. Cette exigence de vérité est indispensable. C'est le premier devoir d'un responsable ministériel dans des domaines comme ceux que j'ai occupés.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Au coeur de notre démocratie, il y a une exigence de justice. Personne ...

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

... plus que moi ne veut la vérité et la justice. Mais il y a aussi, monsieur le sénateur, une exigence de respect - je suis heureux de pouvoir vous le rappeler -, ...

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

...le respect que nous nous devons les uns aux autres, entre l'opposition et la majorité, entre la gauche et la droite. Le combat politique ne justifie pas tout.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Dans un État de droit, il existe des règles. La confusion, l'amalgame, les procès d'intention auxquels vous vous prêtez ne sont pas dignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

M. Yannick Bodin. Adressez-vous à vos amis !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Le respect, c'est aussi le respect de l'État de droit, c'est le respect des règles qu'il implique. Ces règles doivent l'emporter sur les procès d'intention, sur les jugements hâtifs et, je l'ai dit, sur les amalgames.

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

Ces règles s'imposent à nous tous, en tant que citoyens bien sûr, mais aussi en tant que responsables politiques.

Premier ministre, je suis à ma tâche avec tout le Gouvernement, ...

Debut de section - Permalien
Dominique de Villepin, Premier ministre

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... avec toute la majorité, pour défendre les intérêts de la France et pour servir les Français, comme nous le faisons depuis onze mois avec les résultats que vous connaissez et qui vous dérangent peut-être !

Applaudissementssur les travées de l'UMP - Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

La loi de finances pour 2006 comporte deux novations relatives à la taxe sur les véhicules de société, la TVS. Cette taxe est ancienne. Elle est payée par les sociétés mettant à la disposition de certains de leurs collaborateurs des véhicules de tourisme.

L'une des novations est une réforme du barème. Le Gouvernement a en effet souhaité substituer au barème tenant compte de la puissance du moteur un barème fondé sur l'émission de CO2. Cette mesure, qui obéit à une préoccupation d'ordre environnemental, a été approuvée par le conseil des ministres et adoptée par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat.

Cependant, ce dernier a apporté sa propre contribution. Constatant que l'équilibre du budget restait préoccupant, il s'est efforcé de trouver une ressource nouvelle en tentant de contenir une mesure d'optimisation fiscale. En effet, un certain nombre de sociétés ont pensé qu'elles pourraient échapper à la taxe sur les véhicules de société en encourageant leurs collaborateurs à utiliser leur propre véhicule et en remboursant les frais de déplacement sur la base d'un nombre de kilomètres suffisamment important. C'est une sorte d'externalisation de la flotte.

Notre commission des finances a pensé qu'il s'agissait là d'un contournement de la loi. Elle a donc mis au point un amendement. Celui-ci fut bien rédigé, puisque le ministre du budget et ses collaborateurs nous ont apporté leur précieux concours. Le Gouvernement a donc émis un avis favorable et le Sénat l'a adopté. Toutefois, lorsque ce dispositif a été connu, il a fait l'objet de protestations et d'incompréhension de la part, notamment, des petites et moyennes entreprises qui exercent sous forme de société.

Depuis lors, monsieur le ministre, nous avons eu l'occasion de discuter de ce sujet. Je pense qu'il faut aménager le dispositif afin de le rendre acceptable et d'apaiser les craintes. Si vous pouviez nous faire part du fruit de votre arbitrage, nous vous en serions reconnaissants.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État

Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement résumé la situation.

La TVS a été réformée en même temps que nous supprimions la dernière part résiduelle concernant la vignette automobile qui restait due par les entreprises. Nous pensions qu'il s'agissait d'une bonne opportunité pour simplifier et améliorer le dispositif applicable aux véhicules non polluants ou faiblement polluants.

De ce point de vue, l'amendement qui a été présenté par le rapporteur général du Sénat, M. Marini, a eu un excellent mérite, celui de simplifier cette mesure et de la rendre beaucoup plus lisible. Mais il est vrai que nous avons été saisis par les représentants des PME.

Avec Thierry Breton, nous avons rencontré les représentants de la CGPME et du MEDEF. Nous avons travaillé sur des problèmes d'application pratique. Dans la vie, je crois qu'il faut savoir être pragmatique par rapport à la réalité première qui est de permettre aux entreprises d'investir, de se développer et de créer de l'emploi. Durant cette période où le chômage connaît une baisse très significative grâce à la politique économique qui est conduite par le Gouvernement, il n'est pas question de prendre des mesures qui n'iraient pas dans ce sens.

Après avoir rencontré de nombreux représentants et en concertation avec vous, monsieur le président de la commission des finances du Sénat, avec le rapporteur général, M. Marini, ainsi qu'avec le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Méhaignerie, et son rapporteur général, M. Gilles Carrez, nous avons imaginé trois mesures afin d'améliorer le dispositif actuel.

Tout d'abord, nous proposons de réajuster le barème applicable aux véhicules de collaborateurs bénéficiant du remboursement kilométrique. L'idée est simple : l'entrée du barème est triplée - il passe de 5 000 kilomètres à 15 000 kilomètres - et la TVS sera due en totalité à partir de 45 000 kilomètres au lieu de 20 000 kilomètres.

Ensuite, nous suggérons de mettre en place un abattement de 15 000 euros. Du coup, cette mesure deviendra indolore pour la très grande majorité des PME, ce qui est bien évidemment l'objectif.

Enfin, nous ferons en sorte que la réforme entre en vigueur de façon progressive sur trois ans : les entreprises ne devront qu'un tiers de l'imposition la première année, deux tiers la deuxième année et l'imposition exacte la troisième année. Ainsi, chaque entreprise aura le temps de mener l'arbitrage qui s'impose pour ce qui concerne sa flotte externe ou interne.

En outre, pour des raisons de simplification, nous supprimerons les obligations déclaratives pour les montants inférieurs à 15 000 euros.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, nous avons fait preuve de pragmatisme en entendant les messages qui nous ont été délivrés, car l'objectif est bien évidemment d'encourager la croissance et l'emploi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ma question ne portera pas sur l'affaire Clearstream. Néanmoins, je ne peux m'empêcher d'évoquer cette crise, qui constitue moins une affaire judiciaire qu'une manifestation supplémentaire du dérèglement complet de la vie démocratique de notre pays. La faillite et le désaveu qui frappent notamment le Président de la République et le Gouvernement doivent les conduire à prendre leurs responsabilités.

La question ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, doit cesser, notamment, de poursuivre la transformation de l'économie de notre pays au seul service de la spéculation financière et en tournant le dos à la satisfaction des besoins individuels et collectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Vous n'en aviez déjà pas la légitimité. Votre Gouvernement ayant été composé à l'issue du référendum concernant le projet de Constitution européenne, vous auriez dû mettre un terme à toutes les mesures de libéralisation de l'économie.

Vous n'en avez rien fait. Pis, en pleine tourmente du CPE, qui vous envoyait pourtant un nouveau signe fort de la désapprobation populaire à l'égard de votre action, vous avez poursuivi.

La question ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Vous avez ouvert le capital d'Aéroports de Paris, faisant peser de lourdes craintes sur la sécurité de ces plateformes aéroportuaires essentielles à l'économie de notre pays.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Vous avez bradé Alstom Marine, fleuron de l'industrie nationale de construction navale, pour le plus grand bénéfice des actionnaires de Aker Yards.

Vous engagez de nouveau la financiarisation de l'épargne populaire avec le rapprochement de la Caisse d'épargne et de la Banque populaire au sein de Natixis.

Vous vous apprêtez à remettre en cause la promesse faite par votre ministre de l'intérieur de maintenir le capital de l'État dans Gaz de France à hauteur de 70 % en organisant la fusion avec Suez.

La question ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Et vous organisez de fait, dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire et du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs, les conditions d'entrée d'opérateurs privés dans le domaine si sensible de cette énergie.

Les conséquences de ces politiques sont pourtant catastrophiques : hausses des tarifs, baisse de la qualité du service, pertes d'emplois. Dans le même temps, il est vrai, on observe l'augmentation continue des dividendes versés aux actionnaires.

La question ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Pour exemple, je citerai le plan d'entreprise 2005-2007 de GDF, qui prévoit le doublement des dividendes versés aux actionnaires sur cette période.

La question ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Cette politique est dangereuse et antidémocratique par son caractère difficilement réversible. Elle est très majoritairement désavouée. D'ailleurs, un nouveau sondage - un de plus -, paru dans la presse ce matin, fait apparaître que 70 % des Français déclarent ne pas partager vos orientations économiques et sociales.

La question ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Pourtant, vous avez déclaré il y a quelques heures : « Il serait irresponsable de ne pas poursuivre et d'intensifier notre action. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

(nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), je vous demande de décider un moratoire sur toutes les dispositions en cours tendant à libéraliser davantage notre économie, et ce jusqu'à la prochaine législature.

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Pour ma part, je crois qu'il serait beaucoup plus conforme à l'esprit républicain de respecter, enfin, l'expression populaire. C'est pourquoi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Êtes-vous prêt à prendre cette décision, monsieur le Premier ministre ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de poser cette question au Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. Car, voyez-vous, pendant ce temps-là, la France travaille

Applaudissementssur les travées de l'UMP - Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. Je sais que cela vous gêne

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Tous des plaisantins au plus haut niveau de l'État !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. ... mais je suis obligé de le dire, car c'est la vérité !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Pendant ce temps-là, monsieur le sénateur, la France gagne des points sur tous les marchés, à l'intérieur comme à l'international. Qui le dit ? Ce n'est pas moi, sinon vous ne me croiriez pas, mais c'est l'ensemble des observateurs internationaux.

Depuis 2002, il a fallu remettre la France dans le bon sens, en ordre de marche.

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Oui, monsieur le sénateur, il a fallu prendre un train de réformes importantes pour permettre à notre économie de rattraper le retard qui avait été accumulé !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Votre modèle est quand même en grave difficulté !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Quels sont les résultats aujourd'hui ? Je vais vous les détailler.

Dans quelques instants, je m'envolerai pour Bruxelles.

Murmures.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Prenez plutôt le Thalys, cela va plus vite !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. Savez-vous quel sujet nous y aborderons ? Nous y évoquerons les performances de notre économie, dont la progression est aujourd'hui la plus rapide d'Europe !

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est la réalité !

D'abord, grâce à la politique menée par le gouvernement de Dominique de Villepin, le taux de chômage est passé de 10, 2 % à 9, 5 % en moins de dix mois.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est uniquement grâce à des radiations de chômeurs !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

M. Thierry Breton, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, selon mes services, nous devrions passer sous la barre des 9 % de chômeurs avant la fin de cette année. Dans un an, le taux de chômage sera vraisemblablement proche de 8, 7 %.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Ensuite, comme je l'ai indiqué à maintes reprises dans cet hémicycle, le taux de croissance est aujourd'hui solidement installé entre 2 % et 2, 5 %. (Riressur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La seule véritable croissance aujourd'hui, c'est celle des dividendes des actionnaires !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Les chiffres ne sont pas encore connus, mais, selon tous les prévisionnistes, notre taux de croissance devrait atteindre au moins 0, 6 % à 0, 7 % au cours du premier trimestre, soit un taux annualisé compris entre 2, 4 % et 2, 8 %.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Je sais que cela vous déplait !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Ce qui nous déplait, c'est la précarité !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

De tels résultats...

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

...sont-ils tombés du ciel ? Non ! Ils sont liés à l'action du Gouvernement.

Ainsi, l'année dernière, pour la première fois depuis plus de treize ans, nous avons augmenté de manière très significative le pouvoir d'achat des Françaises et des Français, qui a progressé de 2, 8 %.

Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est la vérité ; ce sont les chiffres !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Enfin, pour la première fois depuis plus de treize ans, nous avons respecté les objectifs maastrichtiens de déficit, à savoir un déficit public inférieur à 3 % du PIB.

Monsieur le sénateur, tout cela n'est pas le fruit du hasard ! C'est le résultat de la politique du gouvernement de Dominique de Villepin !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Dites cela à un cheval de bois et il vous donnera une ruade !

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

On se demande bien pourquoi les Français sont mécontents !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, celui qui pose une question aimerait écouter en silence la réponse qui lui est adressée. Sinon, si l'on n'écoute pas les réponses, ce n'est pas la peine de poser des questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

À partir du 15 mai prochain, nous célébrerons les premières journées de l'amitié franco-israélienne, organisées par la Fondation France-Israël, avec la venue du nouveau Premier ministre israélien, M. Ehoud Olmert.

Madame la ministre, dans ce contexte, je souhaite attirer votre attention sur la tenue à l'écart d'Israël des institutions de la francophonie.

Pourtant, la population de cet État est francophone à près de 20 %. Cela correspond à un million de locuteurs, parmi lesquels 28 % ont le français comme langue maternelle. De plus, quelque 55 000 élèves israéliens étudient notre langue à l'école. Cela fait d'Israël le deuxième pays francophone du Proche-Orient. La langue française y est plus répandue que dans bien des pays membres de l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF.

Toutefois, si l'État d'Israël a naturellement vocation à rejoindre la communauté francophone, ce projet s'est toujours heurté à la règle de l'unanimité qui prévaut pour l'admission d'un nouveau membre au sein de l'organisation francophone. Jusqu'à présent, les gouvernements israéliens se sont abstenus de présenter une demande formelle face au veto quasi systématique de certains pays arabes. Je pense notamment au Liban, par lequel s'exprimait - nous le savons bien - la voix de la Syrie. Depuis, la donne politique dans cette région du monde a, me semble-t-il, changé.

Par ailleurs, la France a toujours affiché son soutien à une candidature d'Israël au sein de l'OIF. Depuis 2004, des premiers pas ont été franchis. Ainsi, trois villes israéliennes, Tel-Aviv, Eilat et Natanya, ont été intégrées au sein de l'Association francophone internationale de coopération décentralisée, l'AFICOD. En outre, l'université de Tel-Aviv a été admise au sein de l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française, l'AUPELF.

Désormais, il est temps d'aller plus loin et de saisir l'occasion du prochain sommet de la francophonie, qui aura lieu à Bucarest les 28 et 29 septembre prochains.

La France pourrait exercer son influence pour faire évoluer les mentalités. Elle enverrait ainsi un signal fort à la communauté juive et au peuple israélien, au service d'un rapprochement entre nos deux pays, mais également d'un renforcement de la langue et de la culture françaises en Israël et dans cette région du monde, alors que l'anglais y connaît une forte progression.

Enfin, les institutions de la francophonie pourraient être un lieu de rencontre pacifique entre Israël et les pays voisins, autour des valeurs communes de diversité culturelle, de paix et de démocratie. Cela favoriserait le dialogue entre les cultures et aiderait à faire évoluer la situation au Proche-Orient.

Madame la ministre, le temps n'est-il pas venu d'ouvrir le débat lors du prochain sommet de la francophonie, auquel Israël pourrait assister en qualité d'observateur ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

M. René-Pierre Signé. Voilà une question tout à fait d'actualité !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le sénateur, la position de la France sur ce sujet est très claire.

Nous soutenons totalement l'adhésion d'Israël à l'Organisation internationale de la francophonie, comme l'a déclaré sans ambiguïté le Président de la République en février 2004, lors de la venue en France du président israélien.

Nous souhaitons fortement un consensus pour que cette admission puisse se produire. Nous y travaillons d'ailleurs en favorisant le rapprochement avec les réseaux francophones existants. C'est ainsi que l'université de Tel-Aviv a rejoint l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française à la fin de l'année 2005. L'université de Natanya fera de même prochainement.

De même, le Forum francophone des affaires a récemment accueilli le patronat israélien.

Par ailleurs, nous travaillons également dans le cadre de notre coopération bilatérale. Ainsi, le nouvel Institut français de Tel-Aviv sera-t-il ouvert à l'automne prochain.

Nous espérons vivement qu'Israël nous rejoindra dans le combat que la France mène en compagnie des autres pays membres de l'organisation francophone en faveur du respect de la diversité culturelle.

Tous ces éléments contribuent évidemment au renforcement de nos liens d'amitié avec l'État d'Israël, où la population francophone - vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur - est très importante, ce qui donne bien évidemment toute sa légitimité à l'adhésion de ce pays à l'OIF.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Ma question s'adressait à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Mais, si j'en crois le dérouleur, c'est M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire qui me répondra.

Je constate que M. le ministre de l'intérieur est effectivement absent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Les débats du Sénat ne l'intéressent pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Ce n'est pas grave, puisque Dominique de Villepin est là !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il est évidemment curieux de constater que M. le ministre d'État est absent aujourd'hui, tout comme il l'était hier lors de la séance des questions d'actualité de l'Assemblée nationale...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

J'ai regardé la retransmission de la séance, mon cher collègue !

Nous pouvons nous interroger sur les raisons de telles absences ! Cela dit, ce n'est pas très grave, car, comme nous le savons tous, M. Estrosi est le double de M. Sarkozy !

Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

De surcroît, lors de la séance des questions d'actualité, les ministres de ce gouvernement répondent systématiquement à côté des questions posées par les membres de l'opposition. Mais les esquives sont éloquentes et soulignent la pertinence des questions.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Voici les miennes ; elles sont au nombre de quatre.

Murmures

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Je vais même faire mieux ; je vais y répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Premièrement, faire adopter la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité et récidiver moins de trois ans après, alors qu'il n'y a pas eu d'alternance, est-ce reconnaître son échec ? Est-ce rechercher le maintien d'un climat malsain ? Ou est-ce les deux à la fois ?

Deuxièmement, se résoudre à ne pas voir appliquer les dispositions prises pour limiter la double peine, tout en s'attribuant le mérite de les avoir fait adopter, n'est-ce pas tenir un double langage ?

Troisièmement, réclamer des immigrés une maîtrise de notre langue et s'apprêter à expulser des enfants scolarisés, n'est-ce pas également contradictoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Enfin, quatrièmement, vous jouez sans cesse sur la durée de nombreux délais, que vous étendez ou réduisez selon les cas, et ce toujours au détriment des immigrés.

Ainsi, vous avez fait porter de un an à deux ans le délai nécessaire au conjoint étranger d'un Français pour obtenir une carte de résident. Vous proposez aujourd'hui de le fixer à trois ans. Pour votre pêche en eaux troubles, une telle escalade a-t-elle l'avantage d'être sans limite ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Monsieur le sénateur, à votre place, j'aurais fait preuve de plus de prudence.

D'abord, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, était absent hier au début de la séance des questions d'actualité à l'Assemblée nationale parce qu'il était allé se recueillir en Indre-et-Loire sur la dépouille d'un gendarme mort en service. Et je vous invite au recueillement qui s'impose !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Ensuite, s'il est absent à cet instant précis, en accord avec M. le Premier ministre

M. le Premier ministre acquiesce

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

J'essaierai modestement d'apporter une brève réponse à vos questions, mais je le ferai sans détour.

Monsieur le sénateur, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité visait à doter notre pays d'une politique de lutte contre l'immigration clandestine.

À cet égard, permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres. Entre 1997 et 2002, sur les 70 000 étrangers en situation clandestine qui se trouvaient chaque année sur notre territoire, le gouvernement de Lionel Jospin n'était capable d'en raccompagner chez eux qu'entre 8 000 et 10 000 par an.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Aujourd'hui, 20 000 ou 25 000 étrangers en situation irrégulière sont reconduits dans leur pays chaque année.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Que faites-vous de la France terre d'accueil ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous apportons désormais un complément, en accord avec le Premier ministre et de manière transversale avec tous les ministres concernés.

Oui, nous présentons pour la première fois devant le Parlement un projet de loi alliant les politiques de l'immigration et de l'intégration ! Telle est notre vision de l'équilibre et de la justice dans notre pays.

La France n'a pas vocation à continuer de « subir » une politique de l'immigration. Une immigration subie est une véritable folie et une fausse générosité !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les Français issus de l'immigration apprécieront !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous voulons nous doter d'une politique d'immigration choisie, qui apporte le respect et la dignité nécessaires à l'ensemble de celles et de ceux qui veulent se rendre en France.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Notre pays n'a pas vocation à accueillir toutes celles et tous ceux auxquels il n'est capable d'offrir ni travail ni logement.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

C'est la raison pour laquelle nous proposons aujourd'hui un contrat d'accueil et d'intégration, qui fixe des règles. La France n'est pas une terre en jachère !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ceux qui veulent venir chez nous et y demeurer...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce sont des personnes humaines ! Ne les traitez pas comme des marchandises !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

... doivent respecter des règles.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ils doivent respecter notre histoire et notre culture et apprendre à parler et à lire notre langue. Ils doivent accepter de figurer à visage découvert sur les photos d'identité. Les hommes doivent accepter que leurs épouses soient soignées par n'importe quel médecin dans n'importe quel hôpital.

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Nous voulons nous doter d'une politique de regroupement familial qui permette au chef de famille d'avoir les moyens nécessaires pour nourrir et loger dignement les siens.

Nous voulons également une politique de visas de longue durée, qui apporte de véritables engagements en matière de lutte contre l'immigration clandestine.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur le sénateur, pourquoi notre politique est-elle équilibrée ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Parce que, d'un côté, il y a l'extrême droite. Et l'extrême droite, ce sont les barbelés !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. De l'autre côté, il y a la gauche. Et la gauche, c'est un terrain vague !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En ce qui nous concerne, nous proposons un portail de sécurité !

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Hier, quelque six millions de Tchadiens étaient appelés à voter dans le cadre d'un scrutin présidentiel, qui s'est finalement déroulé - il faut s'en réjouir - dans le calme, malgré des menaces d'attaques rebelles. L'actuel chef de l'État sera très vraisemblablement reconduit.

Cette élection a eu lieu dans un contexte particulièrement troublé. Le 13 avril dernier, une colonne rebelle partie de l'est est entrée dans la capitale avant d'être repoussée par les forces régulières. Les combats ont fait plusieurs centaines de morts.

La menace n'a pas disparu pour autant. Certains observateurs estiment même que la tenue de ces élections pourrait entraîner le Tchad dans une guerre civile catastrophique.

Par ailleurs, les conséquences d'une telle déstabilisation pour le reste de la région seraient loin d'être négligeables.

Le Tchad, qui, je vous le rappelle, jouxte le Darfour, abrite près de 300 000 réfugiés, chassés de cette province de l'ouest soudanais par des combats et des exactions. Ce conflit a fait des dizaines de milliers de morts depuis 2003.

Les convois d'aide humanitaire à destination des camps installés au Darfour transitent également par le territoire tchadien. Idriss Déby a d'ailleurs prévenu que si l'ONU ne s'impliquait pas rapidement au Darfour, son pays ne serait plus en mesure d'héberger ces réfugiés.

Bref, si le Tchad implose, ou s'il devait entrer en guerre civile, aucune solution durable ne pourrait être trouvée pour le Darfour. Je rappelle que la France soutient sans réserve les pourparlers de paix pour le Darfour qui se déroulent à Abuja et qui ont d'ailleurs été prolongés.

Madame la ministre, nous savons le rôle éminent que la France joue au Tchad, notamment grâce à un soutien financier important, doublé d'une présence militaire. Nous savons également que la France est très attachée à la stabilité de ce pays, dont la position centrale en Afrique constitue un point d'ancrage très fort.

Pouvez-vous nous indiquer dans quelles conditions s'est déroulé ce scrutin à risques et, plus généralement, nous faire part de votre analyse sur la situation actuelle du Tchad et sur son évolution, dans la mesure où ce pays est aujourd'hui producteur de pétrole et où la diplomatie américaine est engagée dans cette crise et dans la région ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le sénateur, vous avez rappelé le contexte troublé dans lequel a vécu le Tchad ces derniers mois. Il apparaît clairement que les événements du mois d'avril sont directement liés à la crise du Darfour, celle-ci se conjuguant avec des tensions politiques internes au Tchad.

Vous le savez, la France, comme la communauté internationale, a condamné la tentative de prise de pouvoir par la force. Dans cet environnement difficile, s'est déroulé hier, et sans incident, le scrutin présidentiel.

Je rappelle que plusieurs dizaines d'observateurs africains ont participé à la surveillance de ce scrutin, dont les résultats seront proclamés dans dix jours. Mais l'essentiel est à venir. Un dialogue politique, que le président Idriss Déby a lui-même annoncé à l'issue de la consultation électorale, doit s'ouvrir entre tous les Tchadiens, dialogue que nous appelons de nos voeux.

Nous pensons en effet qu'il est l'une des conditions de la réussite du développement de ce pays, qui passe notamment par la mise en valeur du pétrole. À cet égard, nous nous réjouissons qu'un accord ait enfin pu être conclu avec la Banque mondiale.

La politique de la France au Tchad est fondée sur trois exigences.

La première est de contribuer à la stabilité de ce pays, qui conditionne celle de toute la région, notamment le Soudan. Les États-Unis partagent cette préoccupation.

Notre deuxième exigence est d'appliquer l'accord de coopération militaire que nous avons conclu avec le Tchad depuis 1986. C'est ce que nous avons fait lors de la tentative de coup d'État en apportant au Tchad une assistance logistique et une aide en matière de renseignements.

Enfin, notre troisième exigence est d'assurer la sécurité des ressortissants de la communauté française. Tel est notre devoir, au Tchad comme partout dans le monde où se trouvent nos compatriotes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, mais, en son absence, je serai très heureuse d'avoir une réponse de Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Une jeune Française, mère de trois enfants et enceinte d'un quatrième, est emprisonnée au Canada. Son crime : être rentrée en France avec ses enfants, en infraction à la convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.

On dénombre des centaines de cas similaires. Je citerai celui de Marie-Françoise, qui, depuis plus de un an, est sans la moindre nouvelle de sa petite fille de quatre ans renvoyée aux États-Unis. Elle ignorait l'existence de cette convention. Au chômage, endettée, elle n'a pas les moyens d'entamer une action en justice auprès des cours américaines pour tenter d'obtenir l'application de cette convention et le droit élémentaire de pouvoir au minimum parler ou apercevoir sa fillette.

Un père français s'est fait retirer cet été ses trois enfants par la police allemande, en violation du droit, sans mandat d'arrêt ni commission rogatoire, sans saisine des autorités centrales, sur simple demande d'un juge allemand saisi par l'un de ses confrères américains à qui la mère avait faussement déclaré que le père avait enlevé les enfants.

Un autre père, Olivier, n'a pas revu son fils depuis sept ans, à la suite d'un jugement unilatéral allemand dont il n'avait pas été informé et qui avait été rendu en contradiction avec cette même convention.

Ces quelques exemples prouvent que, malgré la convention de La Haye, malgré l'entrée en vigueur récente du règlement « Bruxelles II bis », des failles, des dérives intolérables et des dysfonctionnements subsistent, et ce souvent à cause d'une application aveugle du texte.

L'association SOS Enlèvements internationaux d'enfants a répertorié 1 500 de ces cas, en tenant compte des pays hors convention de La Haye. Des enfants sont ramenés illégalement et retenus, en dépit de décisions de justice et de conventions bilatérales.

Si nous nous ne prenons pas rapidement des mesures préventives, le nombre de ces affaires va encore s'accroître. Je rappelle que, aujourd'hui, un Français sur trois se marie avec un étranger ou une étrangère. (

Que fait l'État français dans de tels cas pour protéger ses ressortissants et prévenir d'autres drames de ce type ? Ne pourrait-on, par exemple, octroyer dès le début du conflit une aide juridictionnelle aux parents français qui n'ont pas les moyens de défendre leurs droits élémentaires face à des cours étrangères ? Dans l'intérêt des enfants, la convention de La Haye doit impérativement être amendée.

Où en sommes-nous et quelle est la position française à ce sujet ? Enfin, ne serait-il pas utile que la commission parlementaire franco-allemande, qui, avec l'aide des élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, avait résolu de nombreux cas, suscité la création d'un site Internet et réfléchi à cette indispensable réforme, soit non seulement maintenue mais élargie à d'autres pays ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Pascal Clément, qui est retenu à l'étranger. Je m'efforcerai de répondre du mieux possible au problème douloureux que vous évoquez.

En 2005, nous avons recensé 302 déplacements illicites d'enfants, qui posent les problèmes que vous avez signalés.

Vous l'avez rappelé, la France applique la convention de La Haye depuis le 1er décembre 1983. Cette convention institue une coopération afin d'assurer le retour d'un enfant illicitement déplacé ou retenu à l'étranger vers son lieu de sa résidence. Cette convention permet aux autorités de chaque État signataire de coordonner leurs actions afin de localiser l'enfant et, à défaut de règlement amiable, de saisir une juridiction.

La France a accepté, le 2 janvier 2006, l'adhésion de dix nouveaux États à cette convention. Les adhérents sont donc aujourd'hui au nombre de soixante et un.

Vous avez également souligné, madame la sénatrice, l'accord intervenu entre les États membres de l'Union européenne, qui permet un mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution.

Mais, en cette matière évidemment très sensible, plusieurs pistes sont à l'étude pour améliorer la situation.

Bien sûr, nos représentations diplomatiques et consulaires sont chaque fois fortement mobilisées et apportent leur appui aux ressortissants nationaux confrontés à de tels problèmes.

Nous avons également mis en place une mesure de médiation, qui permet de rechercher une issue négociée à un conflit familial transfrontalier aigu, en vue d'obtenir un accord sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale.

Par ailleurs, le ministère de la justice a créé la Mission d'aide à la médiation internationale pour les familles, qui traite plusieurs dizaines de dossiers par an.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est déterminé à tout mettre en oeuvre pour parvenir à un règlement apaisé de ces situations, qui sont évidemment humainement très difficiles.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, le week-end dernier, dans une commune voisine de la ville de Nevers, que j'ai l'honneur d'administrer, plusieurs de mes concitoyens ont été refoulés à l'entrée d'une discothèque, pour d'évidentes raisons discriminatoires. Ils ont été pris pour cibles par les vigiles de l'établissement et ont été, on peut le dire ainsi, « tirés comme des lapins ». Les maisons environnantes portent encore aujourd'hui les impacts des projectiles utilisés.

Malheureusement, l'un des quatre blessés, atteint à la tête, est aujourd'hui dans un état désespéré, entre la vie et la mort, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

L'émotion légitime qu'a suscité cet engrenage a, hélas ! servi de prétexte à des émeutes urbaines, dont les excès sont condamnables et qu'il a été difficile de contenir. Le calme est à ce jour revenu, grâce à l'effort, à la réflexion et au dialogue engagés entre tous - tous pouvoirs publics confondus -, mais également grâce aux familles du quartier, qui sont dans le chagrin, aux travailleurs sociaux, aux animateurs et, enfin, à la mise en place d'une originale veille citoyenne qui, jusqu'à maintenant, a porté ses fruits.

À Évry, au cours de ce même week-end, un adolescent est mort, victime d'un affrontement entre jeunes.

Ces événements graves mettent en lumière deux problématiques. Nos concitoyens attendent des réponses précises et concrètes de la part du Gouvernement.

En premier lieu, la législation concernant le port d'armes apparaît inadaptée. La détention d'armes doit absolument être interdite dans les boîtes de nuit et les personnes chargées d'en assurer la sécurité doivent faire l'objet de contrôles réguliers et disposer d'une qualification reconnue.

En second lieu, chacun a conscience que notre société est bien malade : malade des inégalités sociales criantes et accrues qui la déchirent chaque jour un peu plus, malade des discriminations et de la haine qui conduisent à des agissements insupportables dans une démocratie digne de ce nom.

Monsieur le ministre, vous êtes au Gouvernement depuis quatre ans et vous prétendez remédier à cette situation par des mesures toujours plus sécuritaires, à l'efficacité douteuse ; chaque jour, face à l'évidence, nos concitoyens sont conduits à mettre en doute les chiffres que vous annoncez.

En réalité, c'est de plus d'équité et de fraternité que notre pays a besoin aujourd'hui. Votre politique ne prend pas ce chemin-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

M. Didier Boulaud. Au-delà des effets d'annonce, quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour éviter que, à l'avenir, de tels événements tragiques ne se reproduisent ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. Monsieur Boulaud, vous avez été écouté sans avoir été interrompu. Veuillez en tirer un enseignement pour la suite !

Sourires

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

S'agissant des comportements discriminatoires, monsieur le sénateur, je ne peux que partager votre sentiment. D'ailleurs, Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher ont apporté des réponses tout à fait précises à ce problème dans la loi pour l'égalité des chances.

Pour le reste, en matière de lutte contre l'insécurité, nous n'avons aucune leçon à recevoir !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

L'insécurité dans notre pays a augmenté de 14 % entre 1997 et 2002.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Depuis, elle a reculé de 8, 9 %

Applaudissementssur les travées de l'

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

S'agissant de la délinquance des mineurs, nous voulons des politiques justes et équilibrées entre prévention et intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il n'y a aucune prévention, il n'y a que de la répression. Ce n'est pas équilibré !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Je fais cette déclaration alors que le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, est à Évry, où un drame - je l'ai indiqué tout à l'heure - s'est produit...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

... dans la nuit du 30 avril au 1er mai. Un adolescent de seize ans a perdu la vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La prison à l'âge de dix ans, voilà ce que vous proposez !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Malheureusement, le meurtrier présumé est un autre adolescent de seize ans. Ce sont donc deux vies qui sont brisées. Tel est l'enseignement qu'il nous faut tirer de ce drame.

Nous devons donc, sans la moindre défaillance et avec la plus grande fermeté, apporter des réponses adaptées. C'est la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy vous soumettra prochainement un projet de loi sur la prévention de la délinquance des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est honteux ! Pourquoi pas la prison dès l'âge de trois mois ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce projet de loi devra être lié à une réforme de la politique de la ville. Il n'est plus acceptable de considérer, comme en 1945, qu'un voyou de seize ans ne doit pas être traité de la même manière qu'un voyou de trente ans.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Quand on se comporte comme un barbare, on est un barbare ! Il faudra donc avoir le courage de modifier l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Protestations sur les mêmes travées

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Il conviendra également de responsabiliser les maires, en relation avec les caisses d'allocation familiales et les inspections d'académie.

Avec Lionel Jospin, vous aviez reconnu que vous aviez été naïfs en matière de sécurité ; nous n'avons pas du tout l'intention, en ce qui nous concerne, de l'être à notre tour !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous n'avez pas répondu sur les armes à feu !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de la République du Kazakhstan.

Cette délégation, conduite par M. Nurtay Abykayev, président du Sénat du Kazakhstan, et composée de présidents de commissions et du ministre du travail et de la cohésion sociale, participe au colloque « Kazakhstan : partenaire aujourd'hui, géant demain », organisé au Palais du Luxembourg par le Sénat et UBIFRANCE.

Je forme des voeux pour que cette visite contribue au développement d'un partenariat pleinement bénéfique à nos deux pays et au renforcement de nos relations.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Serge Lagauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 mars dernier, la Commission européenne a officiellement autorisé jusqu'en 2011 les mécanismes français de soutien au cinéma et à l'audiovisuel, estimant qu'ils « encouragent le développement culturel sans affecter les échanges entre États membres dans une mesure contraire à l'intérêt commun. »

Cette décision est d'autant plus importante pour le cinéma français que l'efficacité de son système propre d'aide au financement de la production, de la distribution, et de l'exploitation n'est plus à démontrer.

En 2005, avec pas moins de deux cent quarante films produits et agréés, contre deux cent trois l'année précédente, la production française a ainsi enregistré un nouveau record alors qu'avec près de cinq mille trois cents écrans répartis de manière harmonieuse sur l'ensemble du territoire, la France peut s'enorgueillir du premier parc européen de salles cinématographiques et du quatrième au monde.

L'une des caractéristiques essentielles de la spécificité du financement du cinéma français repose sur la chronologie des médias et sur le transfert, tout au long de cette chronologie, des droits d'exploitation de l'oeuvre. À tous les stades, le succès de l'exploitation génère une taxe parafiscale sur le chiffre d'affaires réalisé d'abord dans les salles de cinéma, puis en vidéo, puis sur la télévision payante et, enfin, sur la télévision gratuite. Cette exploitation séquentielle des films permet ainsi à l'ensemble des intervenants de participer au financement des oeuvres par un mécanisme de redistribution automatique et sélective assuré par le Centre national de la cinématographie, le CNC.

La révolution numérique que connaissent aujourd'hui les industries cinématographiques et audiovisuelles est-elle une menace pour leur pérennité et leur développement ?

Il me semble important de rappeler que si le cinéma est certes une industrie productrice de valeurs économiques, il est avant tout un art, le septième, vecteur de sens et d'émotions.

Dans cette perspective, la numérisation des oeuvres combinée au développement de l'internet est une véritable chance pour la transmission et la diffusion de ces émotions et, d'une manière générale, pour la démocratisation de l'accès à toutes les cultures cinématographiques et audiovisuelles.

Formidable progrès pour le partage des connaissances et des savoirs, l'ère numérique n'est cependant pas exempte de dangers pour la diversité de l'offre culturelle.

Sur le plan juridique, le droit d'auteur, dans ses composantes essentielles - exclusivité et proportionnalité - est précisément le garant de cette diversité, en ce qu'il permet d'assurer à l'auteur un retour sur les investissements qui auront été engagés pour la production et la diffusion de son oeuvre.

Dans ces conditions, le développement par le biais de l'internet des échanges non autorisés d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et le risque de tarissement parallèle d'une offre culturelle diversifiée sont un défi pour le législateur que nous sommes.

Concernant le cinéma, l'étude conduite en 2005 par le CNC et l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, l'ALPA, sur l'offre « pirate » de films sur Internet démontre que le développement du phénomène de téléchargement illégal est grandissant. Il ressort ainsi des chiffres fournis par le CNC que plus de 92 % des films téléchargés sans autorisation et déjà sortis en salle sont disponibles sur les réseaux peer to peer avant leur sortie en DVD. Plus d'un tiers des films piratés sont par ailleurs disponibles avant leur sortie en salle. S'il est vrai que les films français ne sont pratiquement pas touchés par ce phénomène, 53 % des films américains sont concernés.

Le développement, par le biais des technologies peer to peer, des échanges non autorisés de films sur Internet est donc massif. Personne ne le conteste.

Dans ces conditions, comment concilier la liberté d'accès de tous à la culture avec le respect des règles de la propriété intellectuelle, garantes de la diversité culturelle, tout en favorisant l'émergence de modèles économiques viables pour les partenaires de la création ?

L'idée d'une licence globale - et donc d'une exception au droit d'auteur - fondée sur une gestion collective obligatoire par le biais d'une rémunération forfaitaire des ayants droit, en raison de son caractère radical et définitif pour la création, n'était pas satisfaisante.

D'abord, sur le plan juridique, la mise à disposition d'oeuvres musicales ou cinématographiques sans autorisation du titulaire des droits était contraire à l'article 3 de la directive, qui impose aux États membres de prévoir, pour les auteurs, le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs oeuvres.

Ensuite, cette rémunération forfaitaire ne figurait pas sur la liste exhaustive des exceptions au droit exclusif des auteurs pouvant être prévues par les États membres et encadrées par le 3 de l'article 5 de la directive.

Enfin, le régime de la licence globale ne remplissait pas avec succès le test dit « des trois étapes », qui doit être effectué pour toute nouvelle exception au droit d'auteur et que la directive du 22 mai 2001 nous impose d'intégrer dans le code de la propriété intellectuelle.

Sur le plan économique, la rémunération forfaitaire prévue par le système de la licence globale n'était pas non plus adaptée, dans la mesure où tout porte à croire qu'elle se serait substituée non seulement aux revenus générés par l'offre légale matérielle, mais également - et surtout - au développement de l'offre légale en ligne.

Or, que ce soit dans le domaine de la musique ou dans celui du film, l'offre légale sur Internet est en pleine expansion.

Concernant le film et l'audiovisuel, cette montée en puissance se traduit notamment par le développement de la vidéo à la demande. Entre 2000 et 2005, d'après une étude publiée le 5 avril dernier par le CNC, l'offre de vidéo à la demande a en effet été multipliée par dix en Europe. Plus de deux mille films sont désormais disponibles par ce biais. Si la Grande-Bretagne a longtemps été en pointe sur ce marché, les résultats de l'étude montrent que la France a désormais largement rattrapé son retard avec une offre de plus de sept cents films.

Avec plus de quarante services de vidéo à la demande lancés en 2005 dans toute l'Europe, les perspectives d'évolution de ce marché sont donc très importantes. La plupart des groupes audiovisuels français, en s'engageant les uns après les autres sur ce marché, l'ont si bien compris que l'étude commandée par le CNC souligne que la vidéo à la demande pourrait entraîner des « transformations majeures dans le mode d'accès aux programmes et modifier l'économie du secteur, notamment le financement de la production. »

En France, l'accord interprofessionnel sur la vidéo à la demande, signé le 20 décembre 2005 entre l'ensemble des représentants de la filière cinématographique de l'audiovisuel et des fournisseurs d'accès à Internet, a permis de résoudre cette question du financement et de l'intégration des services de vidéo à la demande dans la chronologie des médias. Conclu pour une durée de douze mois, cet accord a en effet permis de fixer la place de la vidéo à la demande dans une fenêtre de huit mois et demi après la sortie des films en salle, soit entre la sortie en DVD, fixée à six mois, et l'apparition du film sur les chaînes payantes, fixée à douze mois.

Cette intégration dans la chronologie des médias est fondamentale car elle détermine les conditions de participation des opérateurs au financement du cinéma et de l'audiovisuel. Ainsi, l'accord prévoit qu'ils contribueront au développement de la production des oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française en fonction du chiffre d'affaires réalisé par l'opérateur de la plateforme de vidéo à la demande, cette part pouvant aller jusqu'à 10 %.

Au-delà de l'intégration de la vidéo à la demande dans la chronologie des médias, cet accord garantit pour les ayants droit une rémunération proportionnelle au prix payé par le public, laquelle, en toute hypothèse, ne pourra être inférieure à 50 % du prix de location ou de vente pour une nouveauté, et à 30 % pour un film de catalogue.

Les professionnels du cinéma et les fournisseurs d'accès à Internet ont par ailleurs proposé une réponse graduée, c'est-à-dire un système échelonné de sanctions au droit de la propriété intellectuelle.

Vous nous avez affirmé lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles, monsieur le ministre, que le système de contraventions pénales que vous proposez serait protecteur des libertés individuelles en ce qu'il reposerait sur un contrôle des oeuvres et non des internautes, qui seront confondus par le biais de l'adresse IP de leur ordinateur.

Je souhaite, monsieur le ministre, que nos débats nous apportent toutes les réponses qui s'imposent.

Quand on estime à plus de deux millions et demi le nombre de personnes qui, en France, téléchargent des oeuvres de manière illicite, l'enjeu est de taille. De plus, l'efficacité du système que vous mettrez en place conditionnera également la réussite du développement des offres légales de musique et de films.

Nous savons qu'un internaute qui télécharge illégalement une musique ou un film n'est pas un pirate. Mais, pour leur propre intérêt, il faut que les internautes soient responsabilisés sur la défense du droit d'auteur et que les pirates soient lourdement châtiés.

Concernant la vidéo à la demande, les oeuvres récentes représentent encore moins de 5 % de l'offre, car les industries du cinéma et de l'audiovisuel sont en attente de l'adoption définitive de ce projet de loi avant de déterminer si elles prendront ou non le risque d'ouvrir leurs catalogues aux opérateurs, en fonction du niveau de protection qui sera assuré aux contenus.

Par ailleurs, des systèmes commerciaux d'échanges d'oeuvres sont en cours de développement et permettront demain de rémunérer les auteurs et les ayants droit proportionnellement au téléchargement réel de leurs oeuvres, notamment par la mise en place de technologies de reconnaissance des oeuvres circulant sur la toile.

Ce texte permettra t-il d'inciter les internautes à passer d'une offre en ligne illicite à de tels dispositifs régulés permettant une juste rémunération des ayants droit de la création ?

Bien entendu, nous le souhaitons, tant nous sommes convaincus que la révolution numérique est une chance et non une menace pour la culture.

Le succès phénoménal rencontré le 27 avril dernier par l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, pour le lancement de l'offre « Archives pour tous » en est la preuve flagrante. En seulement quelques heures, près de six millions d'internautes se sont connectés sur son site pour accéder aux dix mille heures de programmes mises en ligne. Pour 20 % des documents protégés par le droit d'auteur, l'institut a su s'adapter en en proposant l'accès payant par le biais de la vidéo à la demande.

Près de la moitié des sommes collectées seront ainsi reversées aux ayants droit, tandis qu'un tiers d'entre elles seront réinvesties pour alimenter le site.

La mise en ligne des archives des journaux télévisés a suscité une protestation de la part des journalistes de France 3, qui estiment que leur droit d'auteur n'a pas été respecté. Mais la recherche d'une solution est en cours et une prochaine réunion entre les représentants des journalistes de France Télévisions et l'INA devrait permettre de parvenir à un accord dans le cadre de la convention collective de l'audiovisuel public.

De plus, l'exemple de l'INA nous montre combien il est indispensable d'organiser - comme pour les bibliothèques et les médiathèques gérées par les collectivités territoriales - un espace public de la culture numérique qui soit capable de combler les carences de l'initiative privée.

Dans cette perspective, l'amendement introduit à l'unanimité de nos collègues de l'Assemblée nationale concernant les modalités de mise en place d'une plateforme publique de téléchargement est une piste qu'il conviendra d'explorer. Encore faudra-t-il que ce dispositif permette une juste rémunération des ayants droit.

Quelle sera la structure publique pertinente pour organiser cette diffusion ? Quels en seront les modes de financement ? Nous ne le savons pas encore, mais peut-être l'INA pourrait-il participer à la construction de cet espace public numérique.

Nous ne pouvons que regretter les inconséquences et le manque de préparation dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, pour proposer ce texte au Parlement.

Alors que vous aviez la possibilité de rassembler le monde de la création autour d'un enjeu politique majeur - le financement de la création à l'heure du numérique -, ce texte, parce que trop tardif et mal préparé, a au contraire exacerbé les divergences d'intérêts des partenaires de la création et des internautes sur l'indispensable compatibilité des mesures techniques de protection avec tous les supports de lecture, le renforcement des garanties pour la copie privée dans la mise en oeuvre de ces procédés et la défense des logiciels libres.

Ceux-ci constituent un formidable outil pour la diffusion et le partage des connaissances. Encore faut-il que leur finalité ne se heurte pas aux principes de la propriété littéraire et artistique.

M. le rapporteur, en réécrivant intégralement l'article 14 quater, offre d'ailleurs des possibilités intéressantes par la création du registre public des oeuvres protégées et diffusées sous forme numérique.

Qui peut sérieusement nous dire de quoi l'internet de demain sera fait ? Qui peut savoir si les solutions proposées par les uns et les autres pour adapter le droit d'auteur et les droits voisins à la réalité numérique, si mouvante et évolutive, seront pertinentes pour encadrer les pratiques d'alors ?

Je souhaite que la méthode adoptée par le Sénat sous l'impulsion de M. Valade, visant à consulter le plus largement possible et à ne pas travailler dans l'urgence, contrairement à ce que vous avez fait, soit dorénavant retenue par votre ministère. Le financement public de la création à l'heure du numérique est un enjeu politique majeur, qui ne peut se conjuguer avec la précipitation et l'improvisation.

Pour conclure, sachez, monsieur le ministre, que nous approuverons toutes les dispositions proposées, en particulier celles de notre excellent rapporteur, qui consolideront le droit d'auteur, source de la création et de la diversité culturelles.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit, le débat d'aujourd'hui est d'abord celui de la transposition de la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins et de la directive du 27 septembre 2001 sur le droit de suite.

Sur ce point, permettez-moi deux observations.

Premièrement, je le redis, notre pays est constamment en retard en matière d'adaptation de sa législation au droit communautaire. La France est le mauvais élève de l'Union, et cette fâcheuse habitude ternit notre image au niveau européen. Nous sommes ensuite contraints de légiférer dans l'urgence et amenés à transposer des textes qui ont été déjà été transcrits par nos partenaires en 2002 ou 2003.

Deuxièmement, comme l'indique le titre de la directive de mai 2001, il s'agit d'harmoniser « certains aspects » du droit d'auteur. C'est dire si notre ambition et celle de la commission sont modestes.

Le droit d'auteur en Europe prend racine dans des traditions tellement contrastées et différentes qu'il ne saurait être question de les harmoniser - au sens communautaire classique, c'est-à-dire de les réunir et d'en faire une synthèse -sans provoquer des bouleversements considérables dont on pourrait craindre qu'ils ne marquent une mise en cause de la tradition et de la spécificité françaises.

Mais, en même temps, il est essentiel d'intégrer le phénomène Internet dans notre droit, comme l'ont fait nos grands anciens pour l'imprimerie, la radio puis la télévision.

J'ajoute que nous allons traiter non pas seulement de la transcription de ces deux directives, mais aussi de nombreux autres sujets, qui, s'ils ne sont pas « disparates », sont en tous cas de nature très différente et dont il est impossible de dégager un fil conducteur : le droit d'auteur pour les agents publics, le dépôt légal de l'Internet, les modalités d'administration des sociétés de gestion collective, le droit de suite.

Ce projet de loi est vraiment une auberge espagnole, et vous auriez sans doute été mieux inspiré en vous cantonnant à son objet même, c'est-à-dire à la transcription des directives.

Je souhaite avant tout rappeler que la défense des droits des auteurs doit être au sommet de nos préoccupations. Ayons constamment à l'esprit que le droit d'auteur constitue presque toujours l'unique revenu des auteurs. À la différence des « vedettes », la plupart d'entre eux vivent dans une extrême précarité ! À l'instar de Jack Lang, j'estime que le respect du droit d'auteur est « un impératif catégorique » qui est au fondement même de notre exception culturelle.

Une comparaison rapide avec la loi de 1985, dite « loi Lang », qui avait su innover en mettant à profit la concertation pour instaurer, par exemple, la redevance pour copie privée ou la licence légale, me conduit directement à critiquer l'économie générale du projet de loi qui nous est proposé.

À mon sens, une transposition stricto sensu de la directive eût été préférable. En cherchant à tout faire en même temps, en voulant répondre à une obligation communautaire et accompagner une transition culturelle, vous avez élaboré un texte « fourre-tout », trop technique, qui, de surcroît, a été examiné dans de mauvaises conditions à l'Assemblée nationale.

L'élaboration de ce projet, qui ne répond ni aux exigences des auteurs ni aux demandes des internautes, est symptomatique d'une action brouillonne. Afin de panser les plaies, ce projet de loi doit donc être « épuré », car certains articles sont, en l'état, confus, ambigus, voire dangereux pour la défense même du droit d'auteur.

Face à l'influence de plus en plus forte du copyright dans l'ère de la mondialisation des échanges culturels, nous devons continuer à donner la primauté aux auteurs. Ainsi, nous garantirons l'avenir de la création dans notre pays. À la différence du système anglo-saxon, le droit d'auteur doit demeurer un droit moral interdisant toute dénaturation d'une oeuvre contre la volonté de son auteur. Mais, en même temps, celui-ci doit rester libre de mettre ses oeuvres gratuitement à la disposition du public.

De ce point de vue, l'évolution du droit d'auteur en France est le corollaire de l'exception culturelle, pour le respect de laquelle notre pays a beaucoup oeuvré avant qu'elle soit acceptée et respectée. Tout le monde le reconnaît, elle lui a permis de conserver une capacité de création spécifique, rare dans le monde, rare en Europe. Nos artistes, nos compositeurs, nos interprètes, nos metteurs en scène, dans les domaines qui sont les leurs, ont pu rester eux-mêmes et continuer à faire vivre notre grande et belle culture.

Le droit d'auteur est aussi un droit patrimonial, en vertu de l'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle. Par conséquent, à chaque représentation ou reproduction d'une oeuvre doit correspondre une rémunération juste et équitable. La culture ayant un coût et la copie privée n'étant en aucun cas un droit, les exceptions au droit d'auteur doivent être limitées et encadrées. Nous y reviendrons au cours de la discussion de ce texte.

Monsieur le ministre, le droit d'auteur à la française ne doit pas être, selon l'expression de Roger Chartier, historien du livre, « une parenthèse de l'histoire ». La multiplication des échanges culturels par le biais d'Internet ne doit pas conduire à la disparition du droit d'auteur au profit du copyright.

Afin de préserver notre philosophie de la propriété intellectuelle, des efforts en termes de pédagogie sont nécessaires pour accompagner les changements nécessaires, et parfois douloureux.

Aujourd'hui, faute d'avoir encadré juridiquement certaines offres culturelles sur Internet, toute une génération baigne dans la culture de la gratuité. Or l'accès aux oeuvres ayant un coût, il faut inverser la donne et instaurer de nouveaux modèles économiques, publics et privés, garantissant la protection et la défense des droits des créateurs, mais aussi un accès rapide, de masse et à coût réduit pour les internautes.

Étant donné le rythme rapide de l'innovation technologique à l'ère numérique, il va de soi que ces modèles devront être continuellement « actualisés ».

Tout d'abord, je suis convaincu qu'il faut développer les offres légales accessibles à tous en incitant le marché à proposer des offres diversifiées et bon marché.

Ensuite, il faut reprendre l'idée d'une plate-forme publique gratuite fondée sur le principe de la diversité culturelle. La France a initié le débat qui a conduit l'UNESCO à adopter la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Montrons aussi la voie dans le domaine numérique.

À cet égard, si je tiens à rendre hommage à la commission des affaires culturelles pour la qualité de son rapport, qui est un grand monument de la pensée dans le domaine du droit d'auteur

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Enfin, pour permettre la lecture des copies privées téléchargées sur ces plates-formes, il faut garantir le principe de l'interopérabilité, qui est le seul acquis positif de ce texte.

Or, monsieur le rapporteur, la commission des affaires culturelles semble vouloir sanctionner les personnes qui contourneraient les mesures techniques de protection en rendant leurs appareils de lecture interopérables avec le système auquel elles n'ont pas accès.

Outre qu'elle serait inopérante, cette mesure répressive ne constitue pas une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace. Elle ne répond pas correctement à la question du « craquage » des modes techniques de protection.

De notre point de vue, il faut pénaliser non pas les internautes, mais les professionnels qui font obstacle à l'interopérabilité. Pour ce faire, les internautes, au lieu de pratiquer ce « craquage » - il ne faut en aucun cas le légaliser -devraient pouvoir ester en justice afin de demander réparation du préjudice.

Telles sont, monsieur le président, les observations générales que je voulais formuler en introduction à un débat qui, je l'espère, sera riche et nous permettra d'intervenir en profondeur sur ce texte important.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je retiens tout d'abord du débat de ce matin et de cet après-midi un accord d'ensemble sur les principes fondamentaux qui représentent les objectifs de ce texte.

Le premier d'entre eux est le respect du droit d'auteur, droit fondamental et intangible. Le second est l'accès de tous aux oeuvres et à la culture.

L'enjeu central de ce texte est bien de construire, sur le fondement de ces deux principes, de nouveaux modèles d'offre culturelle en ligne pour répondre aux attentes de chacun.

Monsieur le rapporteur, vous êtes un monument,

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. ...et puisque vous affectionnez particulièrement les métaphores maritimes, je dirai même que vous êtes un phare !

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je suis convaincu, à l'issue de cette discussion générale, que le texte arrive maintenant à bon port.

Le sujet est difficile. Ce sont de nouveaux territoires qu'il nous faut défricher, explorer, inventer. Si nous sommes francs, les uns par rapport aux autres, nous reconnaîtrons qu'il a fallu faire preuve de courage pour expliquer à l'ensemble de nos concitoyens qu'il convenait de passer de la gratuité à une démarche de responsabilité.

Ce n'est pas si facile : on peut parfois considérer que les oeuvres de l'esprit, l'immatériel absolu, n'ont aucune contingence. On peut parfois oublier la dimension économique de la culture. Traiter de ces questions, ce n'est pas porter atteinte à la liberté et à la création ; c'est au contraire donner la possibilité d'un véritable essor.

Monsieur le rapporteur, vous avez raison, il s'agit d'une tâche difficile, mais passionnante, et le travail remarquable que vous avez accompli avec M. Valade et les membres de la commission des affaires culturelles nous permet de relever ce défi. Vous avez parfaitement analysé les enjeux de ce projet de loi. Je suis heureux que nous ayons réussi, au terme d'une démarche constructive, à élaborer un nouveau dispositif mieux centré sur les éditeurs de logiciels.

L'avènement de l'ère numérique non seulement bouleverse l'économie de la création et l'offre culturelle, mais invite aussi à une réflexion globale, car les technologies n'ont pas de frontière et l'art est universel.

Madame Morin-Desailly, je partage votre préoccupation de ne pas imposer un modèle économique unique. C'est précisément la raison pour laquelle le texte offre aujourd'hui un cadre indispensable pour que le plus grand nombre de nouveaux modèles économiques puissent apparaître et se développer.

Vous estimez que ce texte intervient ou trop tôt ou trop tard. C'est la dialectique du courage, et nous ne sommes pas très nombreux, sur ces questions, à tenter d'appliquer la pédagogie nécessaire pour en faire comprendre les enjeux.

Au moment où nous abordons ce débat, nous faisons figure de précurseurs à certains égards ; en revanche, nous sommes l'avant-dernier pays de l'Union européenne à transposer la directive européenne.

Il est nécessaire et urgent que ce projet de loi soit adopté par le Parlement. Il est à la hauteur des défis actuels, grâce au travail effectué par la commission. Il y a toujours de bonnes raisons de ne rien faire. Pour ma part, j'ai choisi d'agir.

Vous vous interrogez sur le dispositif de sanction. Les sanctions concernant le téléchargement illégal, accompagné ou non d'une mise à disposition, ont été conçues pour être adaptées et elles seront effectives. Parce qu'elles seront appliquées, elles seront proportionnées et responsabiliseront les internautes.

Vous regrettez le courriel d'avertissement de la réponse graduée : c'est précisément pour éviter ce que François Bayrou, proche de vous, a appelé une « police de l'Internet », que certains ont assimilé à une milice privée, et pour protéger la vie privée des internautes que le choix a été fait par l'Assemblée nationale d'adresser des messages de prévention généraux.

Dans mon esprit, la version initiale de la réponse graduée était le mail individualisé correspondant au constat d'une infraction. Cette idée étant source de polémiques, comme je l'ai bien senti, le dispositif a été modifié.

En revanche, il est essentiel, et c'est une exigence permanente, d'expliquer à nos jeunes concitoyens les valeurs qui sous-tendent le respect du droit d'auteur et des créateurs. Il importe de mener ces actions de sensibilisation dès l'école, et nous nous y employons.

Par ailleurs, si le présent texte est voté par le Parlement, les fournisseurs d'accès à Internet auront l'obligation d'envoyer un certain nombre de messages d'information à tous les abonnés.

Contrairement à ce que vous laissez entendre, le texte n'entrave pas le développement du logiciel libre ; nous aurons l'occasion de débattre de ce point. Je suis, tout comme vous, soucieux de la créativité et de l'activité économique que ce secteur représente. L'intelligence n'est pas uniquement artistique ; elle peut être également scientifique. Le monde du logiciel libre est une fierté pour notre pays et une grande capacité que nous devons savoir protéger.

Monsieur Assouline, vous aimez la politique ; moi aussi, mais l'heure n'est pas aux débats, qui sont l'honneur d'une démocratie. Si vous n'aimiez pas tant la politique et les affrontements qui rythment la démocratie, à savoir que je suis un ministre du Gouvernement et que vous êtes aujourd'hui dans l'opposition, vous auriez davantage exprimé nos points d'accord, car ils existent, comme j'ai pu le constater en vous écoutant.

Mais au cours de votre intervention, très dense, vous ne l'avez pas fait et vous vous êtes même livré, je le reconnais, à un art, celui de la caricature. J'ai reçu récemment au ministère les créateurs dans ce domaine, pour leur donner un coup de chapeau ; j'aurais dû vous inviter à cette occasion !

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

En effet, sous certains aspects, vous avez quelque peu transposé non pas la directive, mais la réalité du travail que j'essaie d'entreprendre sur cet enjeu difficile.

Cette directive aurait pu être transposée dès 2001 par le Gouvernement, qui a mis pas moins de quatre ans à la négocier, et ce d'autant plus si vous souhaitiez une simple transposition. Il a fallu, depuis, effectuer un travail considérable pour aboutir, dans la concertation, à un texte qui soit en phase avec l'évolution des pratiques et des techniques.

Si je vous ai bien compris, votre seule proposition aurait été ... d'attendre. Mais l'attentisme nous faisait et nous fait courir d'énormes risques. En effet, la technologie galope et permet des évolutions considérables. Il est donc essentiel de donner aux créateurs français, comme à leurs homologues européens, tous les moyens pour les inciter à basculer leurs catalogues et faire en sorte qu'une offre nouvelle puisse véritablement se développer, grâce à des principes de sécurité juridique.

L'attentisme aurait été l'érosion de la création, le désert culturel évoqué par Catherine Tasca. Vous comprendrez que je ne puisse me résoudre à une telle perspective.

S'agissant de la concertation, pour être juste, je veux rappeler le rôle fondamental qu'a joué le Conseil supérieur de la propriété littéraire artistique, mis en place précisément par Catherine Tasca lorsqu'elle était ministre de la culture et de la communication.

Que ce soit en séance plénière ou en sous- commission, ce conseil a tenu un nombre considérable de réunions sur le présent projet de loi, entre 2001, année de l'ouverture du processus de concertation, et la fin de l'année 2005. Tous les acteurs concernés ont contribué à cette concertation.

Lorsque j'ai pris mes fonctions rue de Valois, j'ai constaté, en revanche, qu'aucune réunion de concertation n'avait eu lieu entre les fournisseurs d'accès à Internet et le monde du cinéma et de la télévision ou le monde de la musique et de la radio. Nous les avons multipliées, en créant une véritable atmosphère de rencontre, de décloisonnement, dans l'objectif d'introduire une dynamique positive nouvelle et d'essayer d'éradiquer un certain nombre d'antagonismes.

Vous avez fait allusion à la procédure parlementaire. Ce qui m'intéresse avant tout dans ce débat, c'est le fond du sujet. Je pense d'ailleurs que vous n'hésiterez pas à utiliser votre talent, que j'ai constaté, pour unifier des positions qui ont parfois marqué de vives oppositions entre le groupe socialiste de l'Assemblée nationale et un certain nombre de responsables du parti socialiste.

Vous avez évoqué l'inflation des oeuvres. Sachez qu'il n'y aura jamais trop d'oeuvres à mes yeux : c'est le gage d'une diversité culturelle dynamique.

Mon objectif est non pas de provoquer ou d'attiser des conflits entre les uns et les autres, mais de favoriser les réconciliations nécessaires pour faire émerger l'intérêt général et créer une dynamique positive. Je sais que la Haute Assemblée le partage.

Ce texte donne un avenir à la diversité culturelle, qui est entrée dans le droit international en 2005, je le rappelle, avec l'adoption de la convention de l'UNESCO, à la quasi-unanimité de la communauté internationale. Adoptée en octobre, cette convention a eu des conséquences d'ores et déjà très positives que, reconnaissons-le, tous les gouvernements depuis une vingtaine ou une trentaine d'années et les majorités successives avaient appelées de leurs voeux.

Notre pays vient de remporter une très grande victoire en obtenant la reconnaissance par la Commission européenne de la validité du système français d'aide au cinéma. Nous ne sommes plus les moutons noirs ! Nous sommes désormais à l'avant-garde et nous faisons figure de précurseurs. C'est là une conséquence directe de cette reconnaissance de la diversité culturelle.

Tel est, en particulier, l'objectif que nous devons viser en ce qui concerne Internet.

A cet égard, je comprends certaines interpellations formulées par Jack Ralite tout à l'heure : si l'on ne fait rien, si l'on ne légifère pas, si l'on ne protège pas la création française ou européenne, il ne faudra pas s'étonner de l'uniformisation, de la marchandisation et de l'absence de réalité de la diversité culturelle.

Vous m'avez entendu citer à plusieurs reprises ce chiffre très édifiant : 85 % des places de cinéma vendues dans le monde concernent des productions d'Hollywood. Dès lors, si nous ne favorisons pas l'émergence d'une offre nouvelle, diversifiée et protégée en ligne, Internet sera un facteur non pas de diversité, d'ouverture et de diffusion des oeuvres, mais de concentration encore plus forte.

Sur ce sujet, quelle que soit la vivacité des différentes expressions, nous devons pouvoir nous rassembler.

Certaines actions en cours sont d'ailleurs très positives ; je pense, notamment, au plan de numérisation et de sauvegarde de l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, qui connaît un très grand succès. Je vous encourage, mesdames, messieurs les sénateurs, à consulter le site www.ina.fr

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur Dufaut, je vous remercie pour votre propos très positif, qui a situé notre débat à la hauteur de l'enjeu que représente la diffusion des oeuvres culturelles par Internet.

Vous avez raison, il est urgent d'agir, car la création et la diversité culturelle sont en jeu.

Vous avez insisté sur la nécessité de trouver un juste équilibre. Nous partageons tout à fait cet objectif, non pas, je le rappelle à mon tour, pour abuser de ce principe d'équilibre et pour brider la créativité législative, mais pour parvenir à concilier des points de vue qui, dans un premier temps, étaient parfaitement contradictoires.

Monsieur Seillier, ce texte concerne la vie quotidienne de nos concitoyens. Vous avez prononcé un brillant et vibrant éloge du livre et de la lecture. Tout comme vous, je suis très attaché à cette civilisation de l'écrit où notre culture s'enracine. Je veux vous faire part de ma conviction que l'avènement de la civilisation des écrans ne sonnera pas le glas de la civilisation de l'écrit.

Monsieur Retailleau, vous avez raison, ce texte est à la croisée de multiples enjeux, tout autant économiques, sociaux que culturels.

Vous craignez que, en déplaçant exagérément le curseur, ce texte n'offre trop de protections et pas assez de liberté. J'ai confiance en la sagesse du Sénat pour maintenir un juste équilibre, qui me paraît atteint par les propositions de la commission. Tout équilibre est par nature fragile : c'est la raison pour laquelle il est nécessaire, d'une part, de prévoir une évaluation de l'application de ce texte - et c'est avec modestie que le Gouvernement s'engage à présenter un rapport sur ce point au Parlement - et, d'autre part, de renforcer l'autorité de régulation, comme le propose la commission des affaires culturelles du Sénat.

Il s'agit non pas de dessaisir le Parlement d'un pouvoir, mais, au contraire, de demander au législateur de fixer un certain nombre de principes, de rappeler des valeurs, d'organiser un cadre que nous adapterons au fur et à mesure des évolutions de la technologie.

C'est parce que je suis conscient des enjeux économiques et des enjeux de société de ce texte que, comme vous, j'appelle au lancement d'un pair-à-pair légal.

Vous affirmez que l'on passe d'une interopérabilité de principe à une interopérabilité éventuelle et négociée. Telle n'est pas ma perception des choses. Dans le cadre du droit communautaire et du respect des règles de la concurrence, sur lequel vous insistez à juste titre, aucun pays en Europe n'est allé jusqu'à présent aussi loin que le nôtre avec le texte qui vous est soumis aujourd'hui.

Je vous remercie d'approuver les déclarations que j'ai faites à un grand journal américain. Au-delà des enjeux économiques, c'est bien de la diversité culturelle qu'il est question. Il s'agit non pas de se montrer agressif à l'égard de quiconque, mais de définir des règles qui seront progressivement plébiscitées par l'ensemble des internautes et des consommateurs de la planète.

Monsieur Ralite, une fois de plus, vous ne nous avez pas déçus et vous placez la barre très haut. Une fois de plus, j'ai vibré, à l'unisson de l'hémicycle tout entier, au rythme de votre verbe aux accents dignes à la fois de Jaurès et de Malraux, de votre retour aux sources du droit d'auteur et de la création.

Mais je ne partage pas pour autant le « malaise » que vous avez exprimé face aux vertiges d'Internet, dont vous avez rappelé qu'il comporte autant de chances que de risques.

Oui, le droit moral est inaliénable ; oui, le droit moral est au coeur du droit d'auteur, il est sacré. Et précisément pour cette raison essentielle, le droit d'auteur ne se divise pas. Comme l'a rappelé Catherine Tasca, le droit matériel, le droit économique et le droit moral sont indissolublement liés, selon la belle formule de Beaumarchais que, sans vouloir abuser des citations, je me permets de répéter : « Rendre à chacun ce qui lui est dû ».

Disant cela, je vous rejoins : c'est bien de la place de la culture dans notre société qu'il s'agit. C'est une place non pas marginale, mais centrale. Pour la situer et pour revenir aux « motifs vertueux » - selon vos propres termes - de ce texte, s'il faut invoquer à la fois Paul Claudel et Eugène Potier, l'auteur proudhonien de l'Internationale, je citerai les deux derniers vers du deuxième couplet de l'Internationale...

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Vous voyez !

« Soufflons nous-mêmes notre forge,

« Battons le fer quand il est chaud ! »

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Certains les connaissent par coeur et d'autres ont besoin de les lire ; c'est cela la diversité politique qu'un hémicycle peut rassembler !

Monsieur Nogrix, si je partage vos propos sur la profonde mutation des modèles économiques que ce texte a précisément pour objet de préparer et d'anticiper, si je partage aussi votre analyse des évolutions de la musique sur Internet, je ne peux souscrire aux conclusions que vous en tirez quant au texte qui vous est soumis.

Prônez-vous l'immobilisme ou l'attentisme ? Ce ne serait pas faire preuve du bon sens qui vous est si cher.

Vous êtes préoccupé, à juste raison, par l'avenir du logiciel libre : ce projet de loi doit permettre à se dernier de continuer à se développer.

Vous avez affirmé : l'interopérabilité existe, ou elle n'existe pas. Je vous le confirme, elle existera grâce à ce texte, s'il est adopté par la Haute Assemblée, et c'est un objectif qui doit nous réunir, parce que nous aurons été des précurseurs.

Madame Tasca, vous avez raison, ce débat est un moment de vérité qui doit nous permettre de dissiper les idées fausses et les amalgames ; vous avez raison, la directive aurait pu être transposée plus tôt ! Oui, elle aurait pu être transposée dans sa forme initiale dès avant 2002. Mais étant donné que la directive n'a pas été transposée tout de suite, nous ne pouvons nous limiter aujourd'hui à un texte qui correspond à l'état du droit et des techniques à l'époque où, ministre, vous l'avez négocié. C'est bien pourquoi j'ai dû mener de nombreuses négociations et concertations, comme en témoignent par exemple les multiples réunions du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dont j'ai fait état tout à l'heure. Ces concertations se poursuivront bien entendu pour l'élaboration des décrets d'application.

Je suis heureux de constater que nous partageons les mêmes objectifs pour garantir le droit d'auteur à l'ère numérique. À la différence d'autres, vous n'avez pas cédé à la démagogie ni au populisme. Comme vous, je pense que les logiciels libres ont un grand avenir, mais qu'ils ne doivent pas être un moyen d'organiser le piratage : le soutien aux logiciels libres ne peut en effet se faire contre l'économie de la culture. Vous avez tenu un langage de vérité : il n'est pas responsable de prétendre opposer la démocratisation de la culture et la défense du droit d'auteur.

Monsieur Cambon, je tiens à vous remercier de la clarté de votre propos : elle illustre votre attachement à la pédagogie nécessaire attachée à ce texte. Vous avez très justement insisté sur le rôle utile que peuvent jouer les élus locaux pour sensibiliser nos concitoyens, particulièrement les plus jeunes d'entre eux, afin qu'ils comprennent les enjeux de ce texte, notamment en termes d'emploi et de métiers dans les filières de la musique et du cinéma qui les attirent tant et qui sont les viviers des talents et des créations de demain. Oui, vous avez raison, il faut inciter tous les acteurs de ces filières à développer des stratégies originales pour renouveler et pour développer l'offre légale. Au fond, à chacun son rôle : au Gouvernement et au législateur de fixer des principes et une sécurité juridique pour les auteurs et les créateurs ; aux professionnels de s'emparer de ces dispositifs le plus rapidement et le plus vigoureusement possible pour faire en sorte que s'accélère la diversification de l'offre proposée à l'ensemble de nos concitoyens. L'enjeu est absolument considérable.

Madame Blandin, la diversité culturelle est aussi précieuse que la biodiversité ! Le projet de loi a pour objet non seulement de la conserver, mais aussi de l'encourager, de la stimuler, de lui permettre de se développer. Vous avez parlé de création, de liberté, d'éthique. Ces principes sont au coeur de mon action. Le texte ne fait pas reposer la responsabilité du téléchargement illégal sur les seuls internautes qui téléchargent pour leur usage personnel. Bien au contraire, vous le savez, les sanctions sont proportionnées et seront plus lourdes pour ceux qui organisent le piratage de la musique et du cinéma : ceux qui conçoivent et donnent les moyens de casser les mesures techniques de protection et, plus encore, ceux qui éditent des logiciels manifestement destinés à la mise à disposition illégale d'oeuvres protégées.

Vous soulignez - et c'est courageux de votre part, car nous n'étions pas nombreux à le faire - que la gratuité se paie un jour. C'est vrai, particulièrement en matière culturelle. Vous relevez que les jeunes s'habituent à la gratuité. Ils n'hésitent pourtant pas à payer pour les musiques ou les sonneries de leurs téléphones portables ! Cette culture de la gratuité est donc un leurre. Faire comprendre aux jeunes que la culture a un coût et que le travail des artistes et des techniciens mérite salaire et considération, c'est tout l'enjeu pédagogique de ce texte, et vous avez raison de vouloir l'exprimer.

Monsieur Lagauche, je vous remercie d'avoir évoqué l'accord conclu le 20 décembre dernier entre les professionnels du cinéma, le monde de la télévision et les fournisseurs d'accès à Internet. Il me paraît apporter la vraie réponse à l'implication financière des fournisseurs d'accès à Internet dans la création ; nous la souhaitons, parce que ce sont des ressources supplémentaires, fléchées et destinées à la création. C'est donc une réponse intelligente au regard de l'impératif de diversité culturelle. J'espère que cet accord va permettre le plus rapidement possible le basculement des catalogues pour que ces derniers soient mis à la disposition de nos concitoyens et, au-delà, de tous les internautes en Europe et dans le monde.

Monsieur Yung, j'estime comme vous que le droit d'auteur, loin s'en faut, n'est pas une parenthèse. Vous avez évoqué tous les risques qui peuvent exister, vous avez évoqué aussi la vivacité de certains débats parlementaires. Eh bien, après le temps de la pédagogie et des affrontements - et ils existent, sur des sujets aussi électriques ! -, vient maintenant le temps de l'examen de ce projet de loi. Sachez en tout cas que le ministre que je suis fera preuve de l'ouverture d'esprit la plus grande possible et qu'il aura le souci du point d'équilibre : il apparaît en effet clairement que, si l'on se déporte dans un sens, on prive les auteurs de certaines garanties légitimes et que, si l'on se déporte dans l'autre sens, on ne rend pas les oeuvres accessibles au plus grand nombre grâce à Internet. C'est tout l'enjeu du débat qui commence.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 197, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (269, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Ivan Renar, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu'avec la question du droit d'auteur on est au coeur de l'humain, de l'imaginaire, de l'intelligence sensible, de ce qui rend la vie vibrante et encore plus vivante, et malgré un bon rapport bien fait et intéressant, malgré l'ardeur du ministre à convaincre, je dois avouer ma perplexité face à ce projet de loi qui tend plus à brider la création et son accès qu'à leur donner un nouvel envol : bref, à traiter la culture en simple produit de consommation où c'est l'Avoir qui domine l'Être.

L'univers numérique est en constante évolution, tant en termes d'innovations technologiques qu'en termes de pratiques. Pourtant, le projet de loi vise à transposer une directive européenne vieille de cinq ans déjà, laquelle s'appuie sur un accord de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle qui a lui-même plus de dix ans. Dès le départ, le texte proposé est donc en profond décalage avec les pratiques d'une société qui n'a pas attendu pour s'approprier toutes les innovations technologiques qu'offre aujourd'hui l'univers numérique.

Par ailleurs, chacun sait parfaitement que cette directive européenne est aujourd'hui dépassée et fait actuellement l'objet d'une opportune révision à Bruxelles. Malgré cette réalité, le Gouvernement a paradoxalement décrété la procédure d'urgence pour l'examen de ce projet de loi. Comme si l'enjeu législatif se bornait au rattrapage du temps perdu par les multinationales, pour lesquelles le temps, c'est avant tout de l'argent ! Le retard est pourtant devenu si phénoménal qu'il est vain de vouloir le combler, tant il est vrai que certaines pratiques se sont profondément inscrites dans la vie quotidienne de millions de citoyens - au grand dam des industries culturelles, qui ne considèrent la relation entre auteurs et public que sous l'angle étroit de la froide rentabilité et non de l'enrichissement humain. N'est-il pas plutôt indispensable de tenter d'anticiper l'avenir ? N'est-ce pas cela, l'art de gouverner ? En fait, il est urgent de ne pas légiférer vite, mais, bien au contraire, de prendre le temps de légiférer bien, c'est-à-dire juste.

La question du droit d'auteur et des droits voisins à l'ère numérique est non seulement un enjeu de société capital, mais aussi un défi majeur pour le monde de la création et pour sa relation au public : l'exception culturelle de notre pays, toujours plus menacée par les lois « sans conscience ni miséricorde » du marché, doit en sortir renforcée, consolidée.

En ce sens, l'irrésistible extension du numérique nous fournit une belle occasion d'approfondir les fondements mêmes des conquêtes culturelles et sociales de notre société, de leur donner de nouvelles ailes, et de veiller au partage équitable du meilleur de ce que sont capables de mettre au monde la « matière grise » et l'imagination humaines. Plus le monde se complexifie et plus grandit l'impératif démocratique d'émancipation individuelle et collective, et donc de l'appropriation par tous des nouvelles avancées culturelles, scientifiques, sociales, écologiques, éducatives, industrielles...

Les parlementaires que nous sommes ont plus que jamais la responsabilité morale d'inventer de nouveaux droits et devoirs dont les seuls paradigmes doivent relever de l'intérêt général. Or, comme l'ont montré les débats à l'Assemblée nationale, les conditions d'un travail législatif serein et clairvoyant ne sont pas réunies tant le lobbying, les pressions, les antagonismes, les invectives, les intérêts contradictoires s'y affrontent avec une rare violence et un ton polémique, lesquels ne facilitent guère les compromis équilibrés ni les alternatives crédibles aux solutions qui sont à ce jour préconisées par les uns et les autres et ne satisfont personne. D'aucuns s'érigent en défenseurs du droit d'auteur pour mieux le prendre en otage, pour mieux l'asservir. J'observe que l'on se sert quelquefois du droit d'auteur plus qu'on ne le sert !

Cela étant, je suis stupéfait de constater que le projet de loi, tel qu'il a été voté à l'Assemblée nationale, a pour principal effet de diviser les artistes et les internautes, les artistes et les interprètes, les sociétés civiles de perception de droits entre elles, etc., bref, de diviser pour mieux faire régner les majors, les industries culturelles et les seules logiques du marché.

La question est trop vitale, pour la création comme pour la démocratisation de notre société du savoir et de la connaissance, pour que nous nous contentions de réponses législatives partiales et partielles, inadaptées et approximatives. C'est pourquoi, monsieur le ministre, la sagesse devrait conduire non seulement à lever la procédure d'urgence, mais, mieux encore, à suspendre nos travaux et à entamer dès aujourd'hui une nouvelle réflexion, au sein d'une mission d'information parlementaire ou du conseil « Beaumarchais-Internet-responsabilité publique » proposé par Jack Ralite.

Le projet de loi relatif au droit d'auteur est au coeur d'enjeux à la fois culturels, artistiques, économiques, techniques et sociaux dont les parlementaires eux-mêmes peuvent difficilement maîtriser la très haute technicité. Je suis convaincu que les « braconniers du savoir » que nous sommes ne pourront pas mener de façon satisfaisante leur tâche législative sans avoir préalablement pris le temps d'une meilleure approche des enjeux et d'une analyse exhaustive des différentes réponses susceptibles d'être apportées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Entre braconniers et pirates, on devrait pouvoir s'entendre !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Je pense qu'il est possible, si l'on s'en donne les moyens - et le temps -, de trouver un équilibre entre, d'une part, les auteurs et les interprètes, qui revendiquent légitimement une rémunération juste de leur travail, et, d'autre part, les citoyens, qui aspirent à pouvoir jouir des nouvelles facilités d'accès à la culture et à la connaissance qu'offre Internet. Alors, pourquoi s'obstiner à vouloir faire à la va-vite une loi qui ne sera ni appliquée ni applicable ?

De plus, le projet de loi remet en cause le droit à la copie privée, asséchant ainsi les fonds importants issus de la redevance. Pourtant, celle-ci permet de soutenir des centaines et des centaines de spectacles et d'artistes. Sa disparition programmée est d'autant plus dangereuse pour la création que le budget de la culture, de plus en plus contraint, est loin de répondre aux besoins, comme vous le savez bien, monsieur le ministre. Remettre en cause le principe de la copie privée quel que soit le support concerné revient à un véritable recul de civilisation.

À ce scandale s'ajoutent les mesures techniques de protection, qui menacent les logiciels libres, l'interopérabilité et les libertés des internautes et représentent un véritable danger pour l'indépendance technologique de notre pays. Ce qui est sûr, c'est que, si le projet de loi reste en l'état, dans tous les cas, les auteurs et les artistes, dont se réclame pourtant le Gouvernement, seront systématiquement perdants puisqu'ils percevront via les sites de téléchargement payant une rémunération encore plus faible qu'avec les ventes de supports physiques. Sans même parler du pair à pair, que votre texte ne fera pas disparaître, vous le savez bien, et pour lequel n'est prévue aucune compensation. Tous ces dangers méritent réflexions et réponses que je ne trouve pas dans le texte. Il faut lever l'urgence, il faut une étude approfondie !

La nouvelle donne issue de la « révolution » numérique en cours n'est-elle pas une belle occasion de redonner du souffle et un nouvel élan à nos politiques culturelles et artistiques quelquefois fatiguées et rituellement victimes d'ajustements et de gels budgétaires dramatiques tant pour le spectacle vivant que pour le patrimoine ? Alors que la précarité, contre laquelle viennent de s'élever toute une jeunesse et la grande majorité de salariés, est le lot quotidien de nombre d'auteurs et d'artistes, notre travail législatif pourrait se fixer pour objet d'améliorer le soutien à la création et à sa diffusion. Notre priorité ne doit-elle pas consister à permettre aux artistes de mieux vivre de leur travail tout en favorisant pour le public un accès complet à la grande diversité des oeuvres ? Ne nous revient-il pas d'innover et d'inventer un service public de l'art et de la culture ambitieux et adapté à l'ère numérique, de redonner ses lettres de noblesse au service public de la culture en faisant converger les intérêts des auteurs et ceux des usagers de leurs oeuvres ?

Face à la fracture numérique, seul le service public peut concourir à l'égalité des chances numériques et faire en sorte que chacun puisse pleinement maîtriser l'outil Internet, qui est comme un nouvel alphabet indispensable. À cet égard, je rappellerai que le prix d'accès à Internet demeure bien trop élevé pour de nombreux ménages. Les valeurs de la République doivent contribuer à ce que le vaste domaine de la création artistique, scientifique, technologique, ne soit pas abandonné aux seules lois marchandes de la rentabilité, qui conduisent au conformisme, au formatage et à l'assèchement même de la vitalité artistique. En réalité, la directive européenne qu'il nous faut transposer est un véritable jeu de dupes dans lequel ceux qui crient au voleur et dénoncent les internautes comme des pirates sont les premiers à vouloir exproprier les auteurs de leurs droits.

Les multinationales de l'industrie culturelle n'ont pas attendu le législateur pour s'accaparer un maximum de droits d'exploitation des oeuvres, concentrant ainsi les contenus culturels : d'abord, l'appropriation des tuyaux, puis celle des contenus afin de mieux exploiter les créateurs.

Si l'on a beaucoup parlé de gratuité à propos d'Internet, celle-ci est bien un mythe ! Internet est plutôt une machine à sous complexe, un nouvel eldorado où de nombreux affairistes cherchent à s'accaparer le bon filon, à l'image du fameux Bill Gates, qui, après avoir fait fortune avec ses logiciels brevetés - d'où son horreur des logiciels libres -, mise sur de nouveaux et alléchants bénéfices en s'accaparant toutes les images fixes de référence dans le monde.

Bienvenue à la banque d'images Corbis, qui concentre le patrimoine iconographique mondial ! Bill Gates a compris depuis longtemps que l'immatériel est devenu l'or d'aujourd'hui et de demain. Il n'a que faire des photographies et encore moins des photographes qui les ont produites. Ce qu'il achète, ce n'est pas tant le support matériel que le monopole exclusif d'exploiter la mémoire collective de notre société qu'il « truste » au nom de son seul profit.

Ce phénomène de concentration sans âme concerne tous les secteurs culturels, de l'écrit à l'image en passant par le son, à tel point que la notion de domaine public est en voie de disparition.

Ce qui prime aujourd'hui, c'est loin d'être le droit d'auteur et encore moins son droit moral, c'est bien plutôt le droit d'exploiter les oeuvres en se passant si possible des auteurs.

Sur une question de société de cette importance, qui est suivie attentivement par de très nombreux concitoyens, il est indispensable de mieux respecter la démocratie et le travail parlementaire.

Pourquoi, sur une question aussi sensible et compliquée, se priver des navettes entre l'Assemblée nationale et le Sénat, alors que celles-ci ont pour vertu d'améliorer les textes tout en favorisant la nécessaire concertation et la conciliation d'intérêts contradictoires particulièrement exacerbés concernant ce projet de loi ?

Sommes-nous à deux ou trois mois près quand cette directive attend depuis près de cinq ans et qu'il vous a fallu deux mois, monsieur le ministre, pour proposer un nouveau texte à l'Assemblée nationale afin de mieux rejeter l'amendement autorisant la licence globale, que les députés avaient contre toute attente majoritairement adopté à la veille de Noël ?

Pour autant, si je ne souhaite pas retomber dans la caricature d'un débat manichéen opposant licence globale et mesures techniques de protection, je ne peux m'empêcher de penser que la licence globale, malgré ses limites et ses défauts, a au moins eu le mérite de susciter un nécessaire débat sur la question fondamentale des conditions de la diffusion de la création sur Internet.

De toute façon, ce projet de loi n'endiguera pas les pratiques de téléchargement de millions d'internautes. C'est ce que l'on peut observer aux États-Unis, malgré des mesures répressives particulièrement draconiennes. C'est dommage, car les citoyens sont loin de mépriser le droit du travail, comme en témoigne le rejet massif du CPE, et se seraient majoritairement pliés à de nouvelles règles du jeu, à un code de bonne conduite, dès lors qu'il s'agit de remettre l'auteur et les artistes au coeur de la rémunération.

Ne laissons pas les majors dicter des mesures dont l'obsolescence n'a d'égale que l'inefficacité. Finalement, incapables d'être en phase avec leur temps, les industries culturelles sont en train de promouvoir la gratuité sur le Net, puisqu'elles refusent aux internautes des alternatives leur permettant de rémunérer les ayants droit via les échanges pair à pair.

Pourtant, ceux qui aiment la musique, le cinéma, la littérature et l'émotion irremplaçable que procurent les arts admirent les créateurs qui les engendrent et n'ont aucune envie de les léser.

Mais ils ne veulent pas non plus être lésés par des règles qui aboutissent en définitive à pénaliser les artistes. Les majors ont la prétention de vouloir arrêter un phénomène de société qu'elles ont elles-mêmes favorisé par leur attentisme prédateur et leur conservatisme étriqué.

L'économie des compteurs qu'a évoquée Jack Ralite est une piste à creuser. Plutôt que de persécuter les internautes et sans attenter à leur vie privée, comptons les oeuvres téléchargées afin d'assurer de façon proportionnelle la juste rétribution des auteurs et interprètes.

Par ailleurs, s'il est normal que les internautes soient mis à contribution pour la rémunération du travail de création, les fournisseurs d'accès à Internet doivent aussi participer au financement de la création, puisqu'ils engrangent d'énormes profits via la publicité, se servant des oeuvres comme produits d'appel, sans oublier les plates-formes payantes et la téléphonie mobile.

L'évolution des nouvelles technologies et les nouveaux usages qu'elles engendrent entraînent aussi des gains nouveaux. Les perspectives de profits sont considérables, notamment grâce aux gains de productivité permis par la révolution numérique.

De toute évidence, la loi ne peut présenter un réel intérêt que si la question du financement de la culture est remise à plat, ce qui suppose une réflexion neuve et ouverte sur la question des prélèvements, leur perception et leur répartition.

Pour autant, on ne saurait trop rappeler que le droit d'auteur, outre un droit patrimonial, est aussi un droit moral.

Si, grâce au numérique, les coûts de reproduction et de distribution sont devenus dérisoires, pourquoi ne pas prendre en compte cette « désintermédiation » pour mieux rémunérer la création et ses coûts associés de production ?

Internet peut également permettre une meilleure diffusion des oeuvres, qui souffrent pour beaucoup d'entre elles, d'une part, d'une absence d'exposition sur les autres médias et, d'autre part, du phénomène de concentration des industries culturelles.

Alors, pourquoi ne pas construire une nouvelle économie de la culture au service de la création et de sa diversité ?

Je le répète, le temps n'est-il pas venu de créer un service public numérique ? La France peut jouer un nouveau rôle moteur en Europe. Le président de la Bibliothèque nationale, monsieur le ministre, a contre-attaqué face au projet de bibliothèque numérique de Google. Ne pourrait-on s'inspirer de cet exemple pour être à l'offensive pour l'émergence d'un nouveau siècle des Lumières ?

L'évolution des technologies ouvre de fantastiques perspectives pour stimuler la création et permettre une circulation sans précédent des oeuvres de l'esprit et des savoirs, pour peu que le droit s'appuie sur l'intérêt général, favorisant ainsi un saut de civilisation pour l'ensemble de l'humanité plutôt que sur la pression et le lobbying d'une poignée de grands groupes spéculatifs qui voudraient arrêter le progrès au nom du profit !

Favoriser l'appropriation la plus large des oeuvres de l'esprit, n'est-ce pas en quelque sorte favoriser la création de demain ? Rien ne naît ex nihilo. Tout art se nourrit de l'expérience, de l'apport, de l'audace, de l'influence d'autres artistes, penseurs, chercheurs, sans se contenter d'en hériter. En ce sens, toute oeuvre s'inscrit dans une longue lignée féconde dont elle s'inspire et dont elle se détache par sa singularité.

C'est pourquoi il faut absolument préserver cette faculté nouvelle qu'offre l'internet d'une plus grande circulation des oeuvres artistiques, de la pensée et de la connaissance.

Dans cette logique, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, l'exception pédagogique, qui a d'ailleurs été avalisée par de nombreux pays européens, devrait être un minimum afin de ne pas fragiliser notre recherche et l'enseignement.

Le projet de loi que vous nous soumettez pose plus de questions et de problèmes qu'il n'en résout. En ce sens, avoir décrété l'urgence est une véritable hérésie législative. Loin de n'être qu'une question de procédure, c'est une question de fond, celle de mettre enfin à la portée de tous l'art et la culture, bref de concilier droit des auteurs et des interprètes, et droit à la culture pour tous.

Osons être créatifs et modestes. Une loi n'invente rien, elle s'adapte aux évolutions pour rendre la vie plus belle et plus généreuse.

Oui, j'en ai la conviction, le numérique et l'internet sont potentiellement des innovations bénéfiques pour les auteurs, les interprètes et leurs publics, à condition que la loi ne devienne pas le dogme du libéralisme que notre peuple rejette massivement.

La clé est chez Pascal : « Toute chose étant médiate et immédiate, causée et causante, je tiens impossible de connaître la partie si je ne connais le tout, ni de connaître le tout si je ne connaissais les parties. » Et au-delà de la connaissance, reste le pari de Pascal sur ce en quoi l'on croit. Je parie non pas comme lui sur l'existence de Dieu, mais sur le fait que l'homme, comme la loi, est amendable.

C'est pourquoi je pense qu'il faut remettre l'ensemble du travail sur l'établi. À ce jour, la meilleure façon de le faire, mes chers collègues, c'est de voter notre motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt l'intervention de M. Ivan Renar, membre assidu et efficace de la commission des affaires culturelles.

Intervenant pour défendre la motion tendant à opposer la question préalable, déposée par le groupe CRC, notre collègue en a profité pour exprimer son sentiment sur le projet de loi, ce qui est tout à fait dans nos habitudes.

Cependant, une partie des questions qu'il a évoquées a obtenu tout à l'heure des réponses de la part de M. le ministre.

S'agissant des arguments avancés à l'appui de la motion tendant à opposer la question préalable, monsieur Renar, vous avez stigmatisé la façon dont ce texte a été étudié, modifié, puis voté à l'Assemblée nationale.

La difficulté de l'exercice, à la fois la transposition d'une directive européenne mais aussi une avancée juridique et technologique dans le domaine du droit d'auteur, justifiait non pas, peut-être, un tel fracas, mais une réflexion qui nous a permis, ici, au Sénat, de bénéficier, après que M. le ministre a recherché et obtenu une forme d'équilibre, d'un texte intéressant à partir duquel nous avons pu travailler.

Monsieur le sénateur, vous avez stigmatisé l'attitude des députés, mais vous avez également fait certains flash-back assez étonnants, puisque vous avez réutilisé les discussions ayant eu lieu à l'Assemblée nationale à votre profit. Autrement dit, vous critiquez la façon dont les choses se sont passées à l'Assemblée nationale, mais vous en utilisez certains éléments, ce qui constitue un paradoxe.

Ce texte est complexe, mais il comporte deux aspects : d'une part, la transposition de la directive et, d'autre part, la maîtrise de l'évolution des mentalités, des technologies et des marchés, et c'est bien dans cet ordre-là que la commission des affaires culturelles a tenté d'apporter sa contribution.

Nous avons déjà eu l'occasion de discuter sur ce sujet en commission, et je tiens à vous dire - vous le savez d'ailleurs bien - que je partage en grande partie vos interrogations et vos doutes quant à l'opportunité de nous prononcer sur des sujets très techniques, voire trop techniques, dont le sens semble parfois - mais parfois seulement - nous échapper.

Nous avons d'ailleurs formulé une proposition qui a été acceptée, me semble-t-il, par M. le ministre, visant à distinguer, d'une part, ce qui ressortit à la loi et, d'autre part, ce qui doit relever d'un suivi permanent. C'est la raison pour laquelle, partant de l'instance de médiation qui avait été prévue dans le projet de loi initial, nous avons proposé la création d'une autorité indépendante qui suivra ces différents éléments.

Interopérabilité, mesures techniques de protection, copies privées, ce texte soulève des difficultés juridiques mais aussi culturelles sur lesquelles Jack Ralite a d'ailleurs très longuement disserté tout à l'heure, avec le bonheur qui est le sien lorsqu'il traite de ces sujets, bonheur que nous partageons, car nous l'écoutons toujours avec beaucoup d'attention et d'intérêt.

Il faut cependant que le législateur se prononce, car c'est son rôle. M. Assouline s'interrogeait ce matin sur la pertinence de l'acte de légiférer. Mais si ce rôle ne nous appartient pas, à qui appartient-il donc ?

En revanche, monsieur Renar, je suis beaucoup plus perplexe quant à votre remarque concernant l'urgence dans laquelle serait examiné ce texte, qui sous-tend une grande partie de votre argumentation.

Après le premier paradoxe dont je faisais état tout à l'heure - vous critiquez les travaux de l'Assemblée nationale et vous récupérez une partie de ce qui a été fait là-bas -, vous en cultivez un second, en déplorant le retard tout en critiquant la déclaration d'urgence.

Je rappellerai deux dates pour permettre à l'ensemble de nos collègues de constater le retard caractérisant l'examen de ce texte par le Parlement.

La première date est celle du dépôt du projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, à savoir novembre 2003.

La commission des affaires culturelles a mis à profit ces deux années et demie d'attente pour travailler. Outre les travaux personnels du rapporteur, que nous avions désigné en son temps, et ceux de son président, la commission a auditionné une cinquantaine de personnalités qualifiées. Par ailleurs, en février dernier, nous avons organisé une table ronde consacrée au téléchargement des films et de la musique.

De ce point de vue, nous pouvons nous féliciter d'avoir eu le temps de donner la parole à toutes les personnes qui désiraient être entendues, mais également à toutes celles que nous souhaitions auditionner. Et vous le savez, monsieur Renar, nous avons écouté avec la même attention les représentants tant des artistes, des industriels, des consommateurs que des internautes.

La seconde date est relative au délai de transposition de la directive par les États membres. L'article 13 de la directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dispose que « les États mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 22 décembre 2002 ».

Nous avons déjà plus de trois ans de retard, et vous demandez encore un délai supplémentaire ! Cela me paraît incohérent. D'ailleurs, et M. le ministre l'a indiqué ce matin, la Commission européenne rappelle régulièrement aux autorités françaises leur manquement à leurs obligations communautaires.

En fait, deux problèmes se posent. Le premier est lié à la transposition des directives et à l'évolution des données techniques correspondantes. Le second, évoqué entre autres par M. Jack Ralite, est de savoir quelle nouvelle société se met en place du fait de l'évolution des technologies.

Faut-il attendre d'avoir une vue plus claire pour légiférer ou bien faut-il prendre acte de la situation actuelle sur le plan tant de la transposition de la directive que de l'évolution actuelle des technologies, avec l'organe de surveillance que nous proposons ?

Pour le reste, comme elle le fait de manière constante, la commission des affaires culturelles se saisira des problèmes de société et elle s'efforcera de définir les éléments d'une nouvelle relation entre le citoyen, le créateur et les fournisseurs d'outils améliorés d'accès à la culture.

Je considère, vous l'aurez compris, qu'il n'est pas raisonnable d'attendre. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur la motion n° 197 tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Il est urgent, chacun le sait, de proposer une offre nouvelle aux internautes. À cette fin, il faut que les droits des créateurs et des auteurs soient sécurisés dans un cadre juridique.

Nous sommes certes l'avant-dernier pays à transposer la directive, mais nous serons le premier à fixer un certain nombre de valeurs qui se veulent des réponses aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Je suis prêt à tous les débats nécessaires, mais l'urgence, c'est de délibérer. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas émettre un avis favorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le groupe socialiste votera la motion présentée par M. Renar, au nom du groupe communiste républicain et citoyen.

J'ai longuement expliqué ce matin pourquoi nous devions remplir nos obligations en transposant a minima la directive européenne : il est plus que temps !

Le débat qui s'est instauré à l'Assemblée nationale, et qui a ensuite largement irrigué les tribunes d'idées et les rebonds dans la presse, a montré l'intérêt que suscitait le sujet qui nous occupe dans toutes les composantes de la société. Toutefois, il n'a pas atteint un degré de maturité suffisant et il n'a pas abouti à des conclusions telles que la représentation nationale puisse légiférer en toute connaissance de cause. Nombre d'entre nous l'ont souligné lors des auditions auxquelles a procédé la commission des affaires culturelles.

Ce débat fait référence à des données techniques assez poussées. Les personnalités que nous avons auditionnées avaient souvent prévu toutes les évolutions qui leur semblaient possibles. Tout et son contraire a été défendu avec le même aplomb.

Si les politiques que nous sommes veulent, et c'est mon cas, résister au pouvoir de la technocratie, ils doivent savoir maîtriser les enjeux techniques et être en mesure de formuler une opinion politique sans se placer entre les mains de techniciens, fussent-ils de très grande valeur.

Vous nous reprochez de ne pas avoir immédiatement transposé la directive de 2001, mais nous ne pouvions pas mener le processus de transposition à son terme avant l'échéance électorale de 2002. Vous avez donc hérité de ce dossier.

Nous vous reprochons non pas de transposer la directive, mais d'avoir voulu introduire un élément de réponse, centré sur la répression, à une question qui n'existait pas en 2001 parce que le téléchargement n'était pas aussi massif. C'est avec cela que vous êtes arrivé devant l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, et c'est cela qui a mis le feu aux poudres. Un vrai débat aurait pu s'engager.

Par ailleurs, vous avez déclaré l'urgence sur ce texte. Malgré cela, le Sénat est saisi sept mois après l'Assemblée nationale. Le délai aurait-il été plus long si l'urgence n'avait pas été déclarée ? Je l'ignore. Mais, lorsque l'on veut aller vite, on se prend souvent les pieds dans le tapis. Mieux vaut donc prendre le temps de la discussion, prévoir le temps plutôt que le subir en trébuchant sur les petites étapes que l'on se fixe.

Nous souhaitons une remise à plat de ce dossier. Il faut certes absolument transposer la directive, mais le temps du débat viendra de toute façon à l'occasion des futures échéances politiques majeures. Il n'est pas un industriel, pas un créateur, pas un connaisseur des nouvelles technologies qui ne considère que, d'ici à deux ans, il faudra à nouveau légiférer. Il faudra alors le faire avec beaucoup plus de visibilité, en intégrant mieux les évolutions en cours et en associant l'ensemble des citoyens à un débat qui devra déboucher non pas sur le conflit, mais sur l'harmonie entre le droit à la culture et le droit de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Monsieur le ministre, ne vous méprenez pas : le groupe UC-UDF ne veut pas adopter une position attentiste ; il veut que ses parlementaires jouent leur rôle, qu'ils alimentent le débat et l'enrichissent de leur analyse.

Nous allons donc présenter, tout au long de la discussion des articles, des amendements dont vous tiendrez compte, j'en suis persuadé, et dont vous nous donnerez acte.

Bien que n'étant pas membre de la commission des affaires culturelles, j'ai suivi le travail très sérieux effectué par cette dernière. Elle n'a pas attendu que l'urgence soit déclarée sur ce texte pour se saisir de la question qui nous occupe aujourd'hui. Elle l'étudie régulièrement depuis de nombreux mois. Il aurait été opportun qu'elle soit associée bien en amont à la rédaction du projet de loi.

Nous regrettons la précipitation qui résulte de la déclaration d'urgence. Les parlementaires qui ne sont pas membres de la commission des affaires culturelles n'ont sans doute pas tous eu le temps d'étudier tout le travail accompli sur un sujet aussi complexe. Pour autant, nous ne voterons pas la motion déposée par le groupe communiste républicain et citoyen, car ce texte permettra de faire avancer les choses.

Il n'est pas dans la culture de nos assemblées, et nous le regrettons, de revenir sur un texte qui a été voté. Pourtant, monsieur le ministre, il faudrait très rapidement pouvoir le faire afin de l'améliorer.

Nous en aurons d'ailleurs probablement l'occasion puisque la Commission européenne sera sans doute amenée à réviser la directive. J'espère que vous tiendrez alors compte du travail qui a été accompli par la commission des affaires culturelles du Sénat.

En tout état de cause, je le répète, le groupe UC-UDF ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Je tiens à préciser que notre objectif n'est pas de gagner du temps. Dans le langage parlementaire, urgence et rapidité ne sont pas synonymes. La procédure d'urgence impose qu'il soit procédé à une seule lecture d'un projet de loi, à l'Assemblée nationale et au Sénat, avant la réunion d'une commission mixte paritaire, laquelle n'est pas publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

M. Ivan Renar. Il est vrai que les réunions des commissions mixtes paritaires ressemblent parfois à des marchés persans !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

M. le ministre avait me semble-t-il promis, à l'Assemblée nationale, que, si les textes votés par les députés et les sénateurs n'étaient pas identiques, il ferait en sorte qu'il y ait une deuxième lecture.

Les lectures successives, au nombre de deux ou trois au maximum, constituent des allers et retours entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Si elles ne permettent pas de gagner du temps, elles contribuent à enrichir le débat, à favoriser la concertation et à trouver les consensus nécessaires, surtout sur des projets de loi de société, tels que le présent texte.

Les discussions ont été vives au sein des différents groupes. Les fractures ne suivaient pas la ligne de séparation entre la droite et la gauche. C'était plus compliqué.

La motion tendant à opposer la question préalable visait à obtenir la levée de la procédure d'urgence afin que nous puissions suivre une procédure normale, digne d'un parlement qui se respecte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 197, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

TITRE IER

DISPOSITIONS PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2001/29/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, DU 22 MAI 2001, SUR L'HARMONISATION DE CERTAINS ASPECTS DU DROIT D'AUTEUR ET DES DROITS VOISINS DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

CHAPITRE IER

Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'article 1er a été supprimé par l'Assemblée nationale.

I. - L'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa du 3° est supprimé ;

2° Sont ajoutés huit alinéas ainsi rédigés :

« 6° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que sur des oeuvres autres que les logiciels et les bases de données, ne doit pas avoir de valeur économique propre ;

« 7° La reproduction et la représentation par des personnes morales en vue d'une consultation strictement personnelle de l'oeuvre par des personnes atteintes d'une déficience motrice, psychique, auditive ou visuelle d'un taux égal ou supérieur à 50 % reconnue par la commission départementale de l'éducation spécialisée, la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ou la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, ou reconnues par certificat médical comme empêchées de lire après correction. Cette reproduction et cette représentation sont assurées, à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap, par des personnes morales et tous les établissements ouverts au public tels que bibliothèques, archives, centres de documentation et espaces culturels multimédia dont la liste est arrêtée par l'autorité administrative.

« Les personnes morales et établissements précités doivent apporter la preuve de leur activité professionnelle effective de conception, de réalisation et de communication de supports au bénéfice des personnes physiques mentionnées à l'alinéa précédent par référence à leur objet social, à l'importance de leurs membres ou usagers, aux moyens matériels et humains dont elles disposent et aux services qu'elles rendent.

« Les documents imprimés, dès lors qu'ils sont mis à la disposition du public, font l'objet d'un dépôt sous la forme d'un fichier numérique, lorsque celui-ci existe, auprès d'organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l'autorité administrative, dans un standard ouvert au sens de l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et sont rendus accessibles aux seules personnes morales et établissements précités, qui garantissent la confidentialité et la sécurisation de ces fichiers afin d'en limiter strictement l'usage à l'objet du présent 7° ;

« 8° Les actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des musées ou par des services d'archive, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ;

« 9° La reproduction intégrale ou partielle, dans un but d'information, d'une oeuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, lorsqu'il s'agit de rendre compte d'événements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi et sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur, lorsque cette reproduction est faite de manière accessoire ou que l'oeuvre a été réalisée pour être placée en permanence dans un lieu public.

« Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.

« Les modalités d'application du présent article, notamment les caractéristiques et les conditions de distribution des documents mentionnés au d du 3°, l'autorité administrative mentionnée au 7°, ainsi que les conditions de désignation des organismes dépositaires et d'accès aux fichiers numériques mentionnés au troisième alinéa du 7°, sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'État. »

II. - Après l'article L. 131-8 du même code, il est inséré un article L. 131-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-8-1. - L'auteur est libre de choisir le mode de rémunération et de diffusion de ses oeuvres ou de les mettre gratuitement à la disposition du public. »

III. - Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport relatif aux modalités de la mise en oeuvre d'une plate-forme publique de téléchargement visant à la fois la diffusion des oeuvres des jeunes créateurs dont les oeuvres ne sont pas disponibles à la vente sur les plates-formes légales de téléchargement et la juste rémunération de leurs auteurs.

IV. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « collectif de branche » sont remplacés par le mot : « sectoriel ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur le droit d'auteur, le débat de société s'est focalisé sur la question du téléchargement, il faut cependant bien rappeler que ce texte ne traite pas seulement du téléchargement de fichiers musicaux et cinématographiques et de la lutte contre le piratage. Parce qu'il tente d'adapter le droit d'auteur au contexte de la société de l'information numérique et à l'internet, il traite aussi de la question des exceptions aux droits exclusifs des auteurs.

Dans ce domaine, la directive européenne laisse aux États membres la faculté d'introduire des exceptions dans leur droit interne en puisant dans une liste de vingt exceptions aux règles générales du droit d'auteur. La plupart des États européens ont intégré dans leur régime d'exceptions les bibliothèques et les activités d'enseignement et de recherche.

Dans ce domaine, le projet de loi initial se situait en deçà de la directive en ne transposant que l'exception obligatoire relative à certaines reproductions provisoires et celle - ô combien importante ! - en faveur des associations de handicapés. Cette dernière est fondamentale dans une société moderne, qui marque ainsi son souci d'intégration des différences en favorisant l'accès des handicapés à la culture. C'est pourquoi, sans vouloir allonger exagérément cette liste, nous nous félicitons de l'ajout opéré par l'Assemblée nationale s'agissant, d'une part, de l'exception en faveur des bibliothèques publiques, des archives et des musées, et, d'autre part, de la reproduction d'une oeuvre « dans un but d'information ».

Nous approuvons l'exception en matière d'information, qui a été introduite à l'Assemblée nationale sur l'initiative de Pierre-Christophe Baguet. La commission des affaires culturelles du Sénat propose une amélioration de la rédaction du texte, en précisant que la reproduction ou la représentation des oeuvres d'art graphique doit répondre à un but exclusif d'information immédiate.

Nous soutiendrons les amendements bienvenus de nos collègues Marie-Christine Blandin et Jean-Paul Alduy visant à retirer les photographies de cette exception, afin de s'assurer que le droit d'auteur des journalistes-photographes est respecté.

Nous souhaitons également que le Sénat introduise l'exception au droit d'auteur pour des utilisations à des fins d'enseignement et de recherche, exception assez largement répandue en Europe. Nous reviendrons sur ce point lors de l'examen de notre amendement, moins restrictif que celui qui est proposé par la commission des affaires culturelles.

Au demeurant, je voudrais insister sur l'exception en faveur des bibliothèques publiques. C'est une question centrale pour les collectivités territoriales que nous représentons ici : toute une partie de la dimension culturelle de l'action des collectivités locales, et notamment la lecture publique, est en jeu.

De très nombreuses communes ont, depuis trente ans, créé et développé des bibliothèques pour favoriser l'accès du plus grand nombre à la culture et à la connaissance. Il s'agit en effet d'établissements essentiels pour favoriser l'égalité des chances et la formation tout au long de la vie, grâce à l'accès des populations les plus diverses aux oeuvres les plus variées. La bibliothèque publique est parfois le seul lieu ouvert à tous dans une commune ou un quartier. Ces services publics connaissent aujourd'hui une mutation vers un fonctionnement mêlant les supports physiques et les ressources électroniques.

La législation doit donc s'adapter pour faciliter cette évolution et pour garantir la poursuite des missions de service public de ces institutions. Voilà pourquoi il nous semble nécessaire que la loi intègre, comme l'y autorise la directive européenne, cette exception en faveur des bibliothèques accessibles au public, des établissements d'enseignement, des musées et des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect.

Nous l'avons expliqué ce matin, une telle exception vise non pas à créer un droit nouveau, mais à garantir, dans l'univers du numérique, les fonctions légitimes des bibliothèques que sont la conservation et la communication. Sans l'adoption de cette exception, c'est pied à pied que des milliers de collectivités territoriales devraient négocier chaque usage, chaque condition d'utilisation des ressources numériques qu'elles mettent à la disposition des citoyens. En intégrant cette exception, il s'agit de maintenir dans l'univers du numérique l'équilibre qui existe dans l'univers du papier, sans remettre en cause, bien sûr, la légitimité des droits des auteurs.

Avec ces nouvelles exceptions, le groupe UC-UDF est satisfait de l'équilibre atteint par le projet de loi. Sans aller trop loin et en respectant les droits légitimes des auteurs, les nouvelles exceptions garantissent l'accès et la diffusion de la culture, des savoirs et de l'information dans notre société.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 168, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le deuxième alinéa () du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans le premier alinéa du 3°, après les mots : « sous réserve » sont insérés les mots : « des droits moraux de l'auteur, et »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement, qui peut apparaître comme un amendement de précision, a une grande importance, comme l'a d'ailleurs si bien expliqué Jack Ralite, au nom de notre groupe, lors de la discussion générale. Il touche en effet au droit moral.

Lors de la création d'une oeuvre, l'auteur est titulaire d'un droit, le droit d'auteur, composé de deux attributs, le droit patrimonial et le droit qu'on pourrait qualifier d'« extrapatrimonial », qui est rattaché au premier : il s'agit du droit moral, « inaliénable » et « imprescriptible », car il demeure « attaché à la personne de l'auteur ». Seul ce dernier peut exercer ce droit, qui est « transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur ».

Le droit moral est doté de quatre prérogatives précises : le droit de divulgation, le droit à la paternité, le droit au respect de l'oeuvre et le droit de retrait ou de repentir.

Par ailleurs, le droit moral est reconnu par les articles L. 121-1 à L. 121-5, ainsi que par l'article L. 121-7 du code de la propriété intellectuelle. Il est également reconnu, sans l'ampleur ni la portée que lui accorde le droit français, par la convention de Berne conclue en 1886, à laquelle ont adhéré 152 pays. Ainsi, d'après ce traité international, l'auteur ne peut notamment revendiquer son droit moral au respect de l'oeuvre que dans la mesure où la dénaturation de sa création porte atteinte à son honneur ou à sa réputation, ce qui est beaucoup plus restrictif. Ce droit s'exerce d'ailleurs de cette façon au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves.

Le droit moral demeure l'un des traits les plus remarquables et les plus particuliers de la législation française sur le droit d'auteur. Comme vous pouvez le constater, la précision donnée par le présent amendement a véritablement son importance, bien que la commission la considère comme superflue. Ce droit est en effet implicitement nommé lorsque l'on parle de droit d'auteur.

Cependant, comme l'a rappelé Jack Ralite, le droit moral a été bien peu évoqué, comparativement aux questions du marché, lors des débats à l'Assemblée nationale.

Aussi, il nous semble primordial de débuter l'examen de ce texte en nommant précisément ce droit. C'est ce que nous vous proposons en vous invitant à adopter le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

La précision apportée par cet amendement ne paraît pas nécessaire, car le droit français reconnaît traditionnellement une prééminence aux attributs d'ordre intellectuel et moral sur les attributs d'ordre patrimonial du droit qu'a l'auteur sur son oeuvre. D'ailleurs, l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle subordonne l'exercice des exceptions, qui affectent le droit patrimonial de l'auteur, à la divulgation de l'oeuvre qui relève, elle, des prérogatives morales.

Le bénéfice des exceptions ne peut, dans ces conditions, altérer le droit moral reconnu à l'auteur sur son oeuvre. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Madame David, je partage votre souci du respect du droit moral de l'auteur, car celui-ci est intimement lié au fondement même de sa protection.

Les exceptions consacrées par le code de la propriété intellectuelle doivent s'exercer dans le respect du droit moral de l'auteur, qui est, je le rappelle, perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

De ce fait, l'amendement n° 168 est superfétatoire. Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, je comprends parfaitement la démarche de nos collègues du groupe communiste, dont je partage assez largement les arguments.

En fait, comme l'ont d'ailleurs dit M. le ministre et M. le rapporteur, il n'est pas nécessaire, me semble-t-il, d'affirmer le droit moral dans cet article du code. Il faudrait plutôt, monsieur le ministre, se pencher un jour sur les conditions de son exercice et de sa protection.

En effet, la règle habituelle consiste à utiliser une oeuvre sans en demander préalablement l'autorisation à son auteur, en pensant : « s'il n'est pas content, il n'a qu'à plaider ! ». L'INA, l'Institut national de l'audiovisuel, est d'ailleurs coutumier de ce genre de pratiques. Dix ans après, tout cela se termine devant la Cour de cassation, pour trois francs cinquante !

Pour ma part, monsieur le ministre, je pense qu'il faudrait réfléchir à la manière dont le droit moral doit s'appliquer avant et non pas après l'utilisation de l'oeuvre. En effet, compte tenu des délais habituels de la justice, sa protection perd toute signification.

Je ne voterai pas l'amendement n° 168 déposé par nos collègues du groupe communiste, parce qu'il ne me semble pas utile de l'insérer dans cet article du texte, compte tenu de l'ensemble des dispositions du code de la propriété intellectuelle qui évoquent ce droit. Au demeurant, si nos collègues communistes avaient rédigé un amendement plus conforme au sens que j'indique - je pense qu'ils peuvent partager mon point de vue -, cela aurait été autrement plus intéressant et nous aurions réellement avancé concernant la protection de cet élément essentiel du droit de propriété de l'auteur qu'est le droit moral. S'il existe actuellement, il est très mal protégé et souvent inopérant en pratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je ne peux pas ! L'amendement est trop concis !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Il est vrai que le droit moral est inscrit dans les textes fondamentaux. Néanmoins, nous sommes en train de discuter de la transposition d'une directive dont nous sommes partie prenante en tant que membres de l'Union européenne ! Or on connaît les batailles qu'il a fallu mener pour sauvegarder le droit moral à l'échelon européen.

Mais considérons simplement l'échelon national. Un jugement en faveur de Jean Ferrat est intervenu récemment au sujet d'une compilation parue sans son accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Fort heureusement, les juges lui ont donné raison. Mais cela aurait pu ne pas être le cas...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Au bout de combien de temps cette décision est-elle intervenue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Un certain temps !

Par ailleurs, s'agissant de la Convention de Berne citée tout à l'heure, les Etats-Unis, quand ils ont bien voulu s'y rallier, l'ont fait en supprimant l'article 6 relatif au droit moral !

Le copyright, à travers une offensive devenue mondiale, qui n'est d'ailleurs pas étrangère aux débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et que nous poursuivons au Sénat, marque des points.

En proposant cet amendement, nous « bégayons » peut-être la réalité. Mais vous savez combien il a fallu de temps pour venir à bout du contrat première embauche !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Cela dit, les arguments de notre collègue Michel Charasse m'intéressent. Il va bien falloir que nous ayons un débat sur le droit moral ! §En effet, aujourd'hui, ce droit est en danger dans le monde, car il fait passer le culturel avant le marchand. Or, aujourd'hui, c'est le marchand qui passe avant le culturel.

Le droit moral est donc un droit d'humanité, que la France à créer pour le respecter et le faire respecter.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa () du I de cet article, insérer un 1° bis ainsi rédigé :

bis Le 3° est complété par un e) ainsi rédigé :

« e) La représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvres, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire nonobstant la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l'article L. 122-10. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés ce matin, lors de la discussion générale, concernant les raisons pour lesquelles j'ai déposé cet amendement.

Ils tiennent en trois points essentiels. D'abord, la directive 2001/29, dans le a) du paragraphe 3 de l'article 5, prévoit une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche. Ensuite, un certain nombre de pays européens l'ont déjà adoptée. Enfin, les accords intervenus récemment dans ce domaine ne nous paraissent pas suffisamment satisfaisants.

Au demeurant, le dispositif que nous vous proposons dans cet amendement encadre strictement cette exception.

Tout d'abord, celle-ci ne peut porter que sur de courtes oeuvres ou des extraits d'oeuvres, à l'exception des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques.

Ensuite, elle est subordonnée à des fins d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche ; leur utilisation ne doit donner lieu à aucune exploitation commerciale.

Enfin, à l'image de l'exception concernant les représentations dans le cercle familial, elle est limitée au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le sous-amendement n° 203, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° , remplacer le mot :

strictement

par le mot :

majoritairement

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

L'exception en faveur de l'enseignement et de la recherche que vient de nous proposer M. le rapporteur est bienvenue. Elle répond à l'intérêt général. C'est un cas spécial. Le forfait compensateur permettra que les auteurs ne soient pas spoliés. L'exploitation des oeuvres ne s'en trouve pas compromise.

Le test est franchi et tous les critères sont remplis ! Mais, pour que l'exception joue son rôle, encore faut-il qu'elle soit opérationnelle.

Lorsqu'il a défendu l'amendement n° 1, M. le rapporteur nous a dit que la présentation des oeuvres était limitée au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs. Il n'a pas lu précisément son texte, qui précise que le public doit être « strictement circonscrit au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés ».

Quand on connaît l'enseignement universitaire, les méthodes utilisées pour les colloques, les échanges, etc., l'importance de la recherche-développement, on sait que ce n'est pas possible ! Cela ne se passe pas dans des cercles strictement fermés entre enseignants et étudiants. Parfois, des ministres viennent inaugurer un colloque ; il peut y avoir aussi des invités extérieurs. Pour la recherche-développement, des ingénieurs viennent très fréquemment exposer tel ou tel dispositif.

On ne va quand même pas leur demander de sortir au moment d'une citation, pendant la projection d'une diapositive ou une courte présentation !

C'est pourquoi il me semblerait judicieux d'utiliser l'adverbe « majoritairement » plutôt que « strictement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 47 est présenté par M. J.L. Dupont, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 198 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le deuxième alinéa () du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... °- Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« e) L'utilisation à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement ou de la recherche scientifique, sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur, dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 47.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cet amendement, comme l'amendement n° 1 de la commission et les amendements déposés par l'ensemble des groupes, tend à intégrer, dans la liste des exceptions au droit d'auteur, l'exception pour les universités, l'enseignement et la recherche.

Sans souhaiter allonger exagérément cette liste, ajouter cette exception nous semble également essentiel pour la compétitivité de l'enseignement supérieur et de la recherche française à l'échelle européenne et internationale.

En l'absence d'exception législative, les chercheurs et les étudiants français seraient malheureusement contraints de trouver sur les réseaux numériques anglo-saxons, par exemple, les documents de travail dont ils ont besoin.

Par ailleurs, nos partenaires européens ont inséré dans leur législation nationale cette exception. Il n'y a donc aucune raison que nous nous marginalisions, surtout sur ce terrain où l'harmonisation européenne est souhaitable.

L'amendement n° 47 est moins restrictif que l'amendement n° 1, déposé par la commission, mais je ne doute pas qu'un juste milieu soit possible entre les deux versions.

La rédaction de l'amendement n° 1 nous inquiète sur quelques points.

D'abord, comme l'a fait Marie-Christine Blandin, j'insiste sur le fait que l'expression « strictement circonscrit » semble écarter du champ de l'exception les colloques, les conférences, les séminaires organisés au sein d'une université.

Faut-il entendre que la présence d'auditeurs étrangers à l'université empêcherait la reproduction d'oeuvre censée illustrer un propos, une thèse ?

Cela veut-il dire, par exemple, que cette prestigieuse institution qu'est le Collège de France, dont le principe est justement d'ouvrir à tous l'accès aux séminaires, ne pourrait pas invoquer le bénéfice de cette exception ?

Cette restriction est peut-être volontaire, mais, sincèrement, le sous-amendement n°203 nous semble utile et pertinent, car il donne plus de souplesse au dispositif proposé.

J'en viens à la question relative à la contrepartie financière.

Cette précision a-t-elle été inscrite dans l'amendement de la commission parce que cinq conventions ont été déjà signées ou répond-elle à un autre impératif ?

Nous nous interrogeons d'autant plus que, d'après les informations que nous avons pu obtenir, ces conventions ont été signées sans véritable concertation avec la Conférence des présidents d'université, pendant le débat à l'Assemblée nationale. Cela justifiait sans doute la nécessité de ne pas accorder cette nouvelle exception.

J'attire tout de même votre attention sur le fait que les universités sont déjà assujetties, pour le droit de photocopie et le droit de prêt, à une compensation qui s'avère lourde pour les budgets toujours très tendus de nos universités.

Pour l'instant, il est prévu que le ministère de l'éducation nationale prendra cette contrepartie en charge jusqu'au 31 décembre 2008. Mais, passée cette échéance, le problème restera posé. A-t-on aujourd'hui l'assurance que des crédits spécifiques seront attribués ?

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, si nous partageons, comme vous tous, le souci de prévoir une exception en faveur des chercheurs et des enseignants, et si nous sommes conscients du fait que notre propre amendement n'encadre pas assez la mise en oeuvre de cette exception, nous considérons cependant que la version proposée par M. le rapporteur mériterait peut-être d'être améliorée sur les différents points que je viens d'évoquer et, en tout cas, de faire l'objet de précisions supplémentaires.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 198.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Cet amendement est identique au précédent.

N'oublions pas que les transpositions doivent tendre, autant que faire se peut, vers l'harmonisation entre les États membres. La plus fidèle des harmonisations, c'est le texte même de la directive quand celui-ci est précis et concret. C'est le cas de cet ajout que nous vous proposons.

M. le rapporteur a eu raison, ce matin, de citer les pays qui ont fait ce choix et de rappeler le constat d'accord non abouti pour ce qui est de nos ministères de l'éducation et de la recherche.

Les activités d'enseignement et de recherche ne sont pas commerciales. Chacun plaide pour l'ouverture des esprits en formation sur le monde. Chacun plaide aussi pour des universités européennes tournées vers l'échange. On ne peut imaginer des différences dommageables d'accès aux outils de la formation qui laisseraient nos étudiants et chercheurs en retard.

Aussi cet amendement reproduit-il exactement les phrases de la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 121, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa () du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... ° Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° La représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvres, autres que des oeuvres conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'apprentissage, d'illustration ou d'analyse, dans le cadre d'activités d'enseignement et de recherche, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire nonobstant la cession du droit de reproduction par reprographie mentionné à l'article L. 122-10. »

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'exception dite « pédagogique » recouvre une réalité multiple. Plusieurs alinéas de l'article 5 de la directive ouvrent aux États des possibilités d'introduire des exceptions au droit exclusif des auteurs, pour des motifs de pédagogie. Ces motifs sont évoqués de façon distincte par cet article de la directive.

Ainsi, le c) du paragraphe 2 appréhende les actes de reproduction spécifiques, effectués par les bibliothèques accessibles au public, les établissements d'enseignement supérieur, les musées ou services d'archives qui ne recherchent aucun avantage commercial.

Le a) du paragraphe 3 appréhende les cas exclusifs d'illustration à fins d'enseignement et de recherche, sous réserve d'indiquer, sauf impossibilité, la source.

Le n) du paragraphe 3 appréhende les cas de communication sur site d'oeuvres faisant partie de la collection des bibliothèques, musées, services d'archives et établissements d'enseignement qui ne sont pas soumises à des conditions en matière d'achat ou de licence.

Les principaux États membres qui ont transposé la directive ont généralement retenu, avec des différences de portée, ces trois types d'exceptions.

La France, dans le projet de loi initial, n'avait pas prévu l'exercice de l'exception pédagogique ; seuls les établissements en charge du dépôt légal avaient été retenus pour se voir appliquer le bénéfice des exceptions des c) du paragraphe 2 et n) du paragraphe 3 de l'article 5.

En première lecture, l'Assemblée nationale a introduit une nouvelle exception en faveur des musées, bibliothèques et services d'archives sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure, lors de la défense de nos amendements.

Compte tenu de la grande misère des universités françaises et des établissements de recherche, nous souhaitons que ces deux catégories d'établissements puissent également bénéficier d'une exception légale au droit patrimonial exclusif des auteurs.

En France, on constate de lourdes charges pour la catégorie principalement concernée par l'exception pédagogique : les universités, qui versent déjà, chaque année, environ 2, 4 millions d'euros au titre de la photocopie d'oeuvres protégées et 1, 5 million d'euros au titre de la redevance pour droit de prêt en bibliothèque, afin d'assurer la juste rémunération des ayants droit.

Les récents accords signés par le ministère de l'éducation nationale avec les représentants des ayants droit, branche par branche, depuis début mars 2006, portant la date globale du 27 février 2006, ont permis d'aboutir à des accords sur la rémunération des ayants droit des secteurs concernés : écrit, audiovisuel musique, arts visuels et presse.

Ces accords sont satisfaisants, mais notre amendement tend à leur octroyer une base légale tout en insérant, dans notre droit de la propriété littéraire et artistique, une exception pédagogique légitime, mais restrictivement définie.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le sous-amendement n° 231, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°121, remplacer le mot :

strictement

par le mot :

majoritairement

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Que la rédaction vienne du rapporteur ou du groupe socialiste, l'argumentation est la même : mieux vaut écrire « majoritairement » !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 96, présenté par MM. Garrec, de Raincourt, Carle et Humbert, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 122-5 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé:

« Art. L. ... - La représentation ou la reproduction d'extraits d'oeuvres à des fins exclusives d'illustration et d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auxquelles elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, ne peut être interdite dès lors que la rémunération de ces exploitations est assurée, nonobstant la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l'article L. 122-10, dans le cadre de conventions triennales conclues entre le ou les ministres de tutelle et les organismes professionnels d'auteurs. »

La parole est à M. René Garrec.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Cet amendement est assez proche de celui de la commission. Cependant, il représente un compromis pour les tenants d'une exception du droit d'auteur à des fins pédagogiques et les tenants d'une licence contractuelle.

Il subordonne la mise en oeuvre de l'exception légale assurée dans le cadre des conventions triennales conclues entre les ministres de tutelle et les organismes professionnels d'auteurs.

De plus, il valide les accords qui viennent d'être évoqués par notre collègue David Assouline et qui ont été conclus en février dernier entre les ministres concernés et les représentants des ayants droit. Ces accords, qui, je vous le rappelle, ont demandé deux ans de travail, ont été conclus pour une durée allant jusqu'à la fin de 2008. Il me paraît très difficile de ne pas les prendre en compte à cet endroit du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, puis-je déposer un sous-amendement ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Monsieur le président, afin de concilier les arguments vrais qui ont été employés par Mme Blandin et qui n'ont pas été contestés par d'autres collègues, je propose de laisser, dans l'amendement n° 1, l'adverbe « strictement », qui dit bien ce qu'il veut dire, mais de préciser qu'il s'agit d'un public « circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Cela montrerait qu'il s'agit vraiment d'une exception strictement limitée, mais, en même temps, que le cercle est composé « majoritairement », ce qui permet de recevoir les personnes extérieures qui ne font pas partie des groupes d'étudiants, de professeurs, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 260, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 1 de la commission pour le e) complétant le 3° de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

circonscrit au cercle des élèves, étudiants enseignants et chercheurs

par les mots :

circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

La commission est défavorable au sous-amendement n° 203, car elle a souhaité encadrer strictement l'exception en faveur de l'enseignement et de la recherche de façon à ne pas causer un préjudice excessif aux auteurs.

Je suis favorable au sous-amendement n° 260 de M. Charasse, car cette suggestion me paraît aller dans le sens souhaité par l'ensemble de ceux qui approuvent l'amendement n° 1.

La commission est défavorable aux amendements identiques nos 47 et 198, qui reprennent littéralement le texte de la directive européenne. Or celle-ci fixe le cadre général dans lequel les États peuvent prévoir des exceptions, plutôt qu'elle ne les invite à reproduire ce qui constituerait des « exceptions types », en quelque sorte.

Sa rédaction large vise à englober les différentes exceptions déjà existantes en Europe et sa transposition littérale en droit français déboucherait sur une exception trop large, qui ne serait pas conforme aux exigences du test en trois étapes que la directive nous oblige, par ailleurs, à introduire dans notre droit.

Ces raisons ont conduit la commission à circonscrire plus précisément le champ d'application de l'exception en faveur de l'enseignement et de la recherche, en l'adaptant aux caractéristiques de notre droit en vigueur.

La rédaction de l'amendement n° 121 est très proche de celle de l'amendement n° 1 de la commission, mais étend le bénéfice de l'exception à l'apprentissage.

Cette extension pourrait soulever des difficultés au regard de la directive qui insiste à plusieurs reprises sur la nature non commerciale des utilisations susceptibles d'entrer dans le champ de l'exception.

L'apprentissage, qui, par définition, est à cheval sur le monde éducatif et sur celui de l'économie, risque donc, quel que soit par ailleurs son intérêt, de ne pas répondre à ces exigences.

Ces considérations conduisent la commission à donner un avis défavorable à l'amendement n° 121, qui présente par ailleurs une large convergence avec celui qu'elle a elle-même proposé.

S'agissant du sous-amendement n° 231, la commission estime que l'exception éducative, qui ne concerne d'ailleurs pas que l'enseignement supérieur, doit être strictement circonscrite pour ne pas risquer d'infliger un préjudice excessif aux auteurs et aux ayants droit. En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Enfin, la rédaction de l'amendement n° 96 est, sous de nombreux aspects, très proche de celle de l'amendement de la commission. Elle s'en distingue cependant sur deux points.

Contrairement à la commission, qui propose d'intégrer ce paragraphe à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle consacré à l'ensemble des exceptions, M. Garrec souhaite inscrire cette nouvelle exception dans un article distinct, comme pour souligner son statut particulier. Celui-ci découle du rôle tenu par la rémunération assurée aux ayants droit.

Pour sa part, la commission a proposé, dans un esprit d'équité, que l'exception soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire, sans préjudice du droit de reproduction par reprographie existant.

L'amendement n° 96 subordonne, en revanche, la mise en oeuvre de cette exception légale à une rémunération assurée dans le cadre de conventions triennales conclues entre le ou les ministres de tutelle et les organismes professionnels d'auteurs. Il constitue en quelque sorte une voie intermédiaire entre la voie contractuelle privilégiée par le Gouvernement et l'instauration d'une exception légale à part entière.

Si cette disposition devait être adoptée, il conviendrait de compléter le nouvel article pour rappeler, comme le fait l'article L. 122-5 pour les autres exceptions, que le bénéfice de l'exception est subordonné à la divulgation préalable de l'oeuvre.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, j'ai bien entendu les arguments de notre collègue René Garrec, et la commission pourrait rectifier son amendement n° 1 en vue de préciser que ces dispositions ne s'appliqueront qu'à compter du 1er janvier 2009, ce qui permettrait de respecter les accords en cours.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

S'agissant de l'amendement n° 1 et du sous-amendement n° 260, j'exprimerai un certain nombre de considérations qui me semblent importantes sur ce sujet sensible.

Cette nouvelle proposition d'exception s'inscrit dans l'objectif légitime de permettre aux enseignants, aux élèves et aux chercheurs de se saisir des opportunités offertes par les nouvelles technologies. En effet, il est parfaitement naturel que soient utilisées pour les activités pédagogiques et de recherche des oeuvres de création protégées par des droits de propriété littéraire et artistique.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé une négociation avec les titulaires de droits pour autoriser ces utilisations nouvelles et leur donner une sécurité juridique. Comme le Gouvernement s'y était engagé - il n'était pas ici question d'une mesure dilatoire qui serait reportée aux calendes grecques -, le ministère de l'éducation nationale et l'ensemble des titulaires de droits ont signé en mars dernier des accords visant à autoriser de façon large l'utilisation des oeuvres dans l'enseignement, notamment via les réseaux de communication électronique.

La Conférence des présidents d'université a naturellement été associée, je tiens à le rappeler, à cette négociation et a pu faire part de ses observations, chaque fois qu'elle s'est fait représenter. La politique de la chaise vide ne permet évidemment pas de faire entendre sa voix ; mais cela relève de la responsabilité de celles et de ceux qui prennent la décision de siéger ou de ne pas siéger.

Ces accords permettent d'adapter, dans un contexte nouveau, les mécanismes fondés sur la négociation et le contrat qui ont fait la preuve de leur efficacité, qu'il s'agisse tant de la photocopie que des panoramas de presse. Ils ont notamment visé à préciser l'étendue des extraits et à inclure les oeuvres réalisées à des fins pédagogiques.

La loi risque donc de figer une situation, alors même que la logique contractuelle devrait permettre une adaptation permanente à la réalité des besoins ; c'est ce que les accords ont prévu et ce à quoi le Gouvernement est prêt à s'engager.

Une définition trop large et imprécise de l'exception ne serait pas conforme à la directive européenne et à nos engagements internationaux puisque les exceptions doivent tenir compte, comme l'indique le considérant 44 de la directive, « de l'incidence économique accrue que celles-ci sont susceptibles d'avoir dans le cadre du nouvel environnement électronique ».

Je tiens à souligner le fait que l'impossibilité pour la loi d'être aussi précise que les accords placera nombre de secteurs déjà fragiles dans une situation d'insécurité juridique inquiétante, alors que ceux-ci sont essentiels à la diffusion du savoir et que l'enseignement représente pour eux une activité très importante. Je pense notamment aux partitions de musique, aux éditions techniques et de sciences humaines, aux éditions d'oeuvres dramatiques, bref à toutes les éditions fragiles. Notre objectif est de faire en sorte que les auteurs et créateurs puissent trouver des éditeurs susceptibles de publier leurs oeuvres. Nous devons avoir à coeur d'atteindre la masse critique nécessaire aux plus fragiles de nos compatriotes et à leurs créations, car cette diversité pourrait finalement être menacée au détriment de ceux-là mêmes qui doivent profiter de l'exception.

Même si je comprends parfaitement un certain nombre des objectifs que vous poursuivez, monsieur le rapporteur, je ne puis, en l'état actuel des choses, émettre un avis favorable sur cet amendement. Toutefois, si vous acceptez de rectifier votre amendement en intégrant la date référence de 2009, je reverrai ma position.

S'agissant du sous-amendement n° 260, j'y suis défavorable pour des raisons de précision. De même, je suis défavorable au sous-amendement n° 203, aux amendements identiques n° 47 et 198 ainsi qu'à l'amendement n° 121 et au sous-amendement n° 231.

En revanche, l'amendement n° 96 vise à proposer un compromis entre, d'une part, l'affirmation dans la loi d'un droit de reproduction et de représentation reconnu aux établissements d'enseignement et de recherche et, d'autre part, le recours à la démarche contractuelle pour fixer et faire évoluer dans le temps les modalités d'application de ce droit en matière de rémunération. Il permet ainsi de reconnaître les accords conclus entre les représentants des ayants droit et le ministère de l'éducation nationale, tout en en renforçant la portée. Cette disposition entrera en application sans porter atteinte aux droits de reproduction par reprographie et à la rémunération qui en découle, ce qui est indispensable. En effet, dans le cas contraire, ce serait tout l'édifice fondé par la loi de 1995 qui s'écroulerait avec, à la clé, une remise en cause profonde des équilibres économiques de plusieurs secteurs relevant de la presse et de l'édition.

Cet amendement peut donc permettre de concilier l'approche de la Haute Assemblée et celle du Gouvernement afin de répondre à notre objectif commun qui est de favoriser le développement des activités d'enseignement et de recherche, tout en reconnaissant la nécessité de respecter le droit des auteurs et de se placer dans un cadre reconnu et agréé par l'ensemble des acteurs concernés. En conséquence, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le rapporteur a proposé de rectifier l'amendement n° 1 pour préciser que les dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 2009. Cette solution vous satisfait-elle, monsieur Garrec ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Tout d'abord, je tiens à remercier M. le ministre de l'avis de sagesse qu'il a émis sur mon amendement.

La proposition de M. le rapporteur consistant à prévoir que les dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 2009 me conviendrait tout à fait, car il nous faut intégrer le travail réalisé en la matière depuis deux ans par les ministres.

Néanmoins, monsieur le président, il subsiste une nuance entre l'amendement n° 1 et mon amendement n° 96 dans la mesure où je propose de procéder de façon contractuelle, alors que la commission veut inscrire cette exception dans la loi. Peut-être la commission pourrait-elle faire une proposition de synthèse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, je vous propose d'y réfléchir pendant la suspension !

Nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.