Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 4 mai 2006 à 15h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Monsieur Dufaut, je vous remercie pour votre propos très positif, qui a situé notre débat à la hauteur de l'enjeu que représente la diffusion des oeuvres culturelles par Internet.

Vous avez raison, il est urgent d'agir, car la création et la diversité culturelle sont en jeu.

Vous avez insisté sur la nécessité de trouver un juste équilibre. Nous partageons tout à fait cet objectif, non pas, je le rappelle à mon tour, pour abuser de ce principe d'équilibre et pour brider la créativité législative, mais pour parvenir à concilier des points de vue qui, dans un premier temps, étaient parfaitement contradictoires.

Monsieur Seillier, ce texte concerne la vie quotidienne de nos concitoyens. Vous avez prononcé un brillant et vibrant éloge du livre et de la lecture. Tout comme vous, je suis très attaché à cette civilisation de l'écrit où notre culture s'enracine. Je veux vous faire part de ma conviction que l'avènement de la civilisation des écrans ne sonnera pas le glas de la civilisation de l'écrit.

Monsieur Retailleau, vous avez raison, ce texte est à la croisée de multiples enjeux, tout autant économiques, sociaux que culturels.

Vous craignez que, en déplaçant exagérément le curseur, ce texte n'offre trop de protections et pas assez de liberté. J'ai confiance en la sagesse du Sénat pour maintenir un juste équilibre, qui me paraît atteint par les propositions de la commission. Tout équilibre est par nature fragile : c'est la raison pour laquelle il est nécessaire, d'une part, de prévoir une évaluation de l'application de ce texte - et c'est avec modestie que le Gouvernement s'engage à présenter un rapport sur ce point au Parlement - et, d'autre part, de renforcer l'autorité de régulation, comme le propose la commission des affaires culturelles du Sénat.

Il s'agit non pas de dessaisir le Parlement d'un pouvoir, mais, au contraire, de demander au législateur de fixer un certain nombre de principes, de rappeler des valeurs, d'organiser un cadre que nous adapterons au fur et à mesure des évolutions de la technologie.

C'est parce que je suis conscient des enjeux économiques et des enjeux de société de ce texte que, comme vous, j'appelle au lancement d'un pair-à-pair légal.

Vous affirmez que l'on passe d'une interopérabilité de principe à une interopérabilité éventuelle et négociée. Telle n'est pas ma perception des choses. Dans le cadre du droit communautaire et du respect des règles de la concurrence, sur lequel vous insistez à juste titre, aucun pays en Europe n'est allé jusqu'à présent aussi loin que le nôtre avec le texte qui vous est soumis aujourd'hui.

Je vous remercie d'approuver les déclarations que j'ai faites à un grand journal américain. Au-delà des enjeux économiques, c'est bien de la diversité culturelle qu'il est question. Il s'agit non pas de se montrer agressif à l'égard de quiconque, mais de définir des règles qui seront progressivement plébiscitées par l'ensemble des internautes et des consommateurs de la planète.

Monsieur Ralite, une fois de plus, vous ne nous avez pas déçus et vous placez la barre très haut. Une fois de plus, j'ai vibré, à l'unisson de l'hémicycle tout entier, au rythme de votre verbe aux accents dignes à la fois de Jaurès et de Malraux, de votre retour aux sources du droit d'auteur et de la création.

Mais je ne partage pas pour autant le « malaise » que vous avez exprimé face aux vertiges d'Internet, dont vous avez rappelé qu'il comporte autant de chances que de risques.

Oui, le droit moral est inaliénable ; oui, le droit moral est au coeur du droit d'auteur, il est sacré. Et précisément pour cette raison essentielle, le droit d'auteur ne se divise pas. Comme l'a rappelé Catherine Tasca, le droit matériel, le droit économique et le droit moral sont indissolublement liés, selon la belle formule de Beaumarchais que, sans vouloir abuser des citations, je me permets de répéter : « Rendre à chacun ce qui lui est dû ».

Disant cela, je vous rejoins : c'est bien de la place de la culture dans notre société qu'il s'agit. C'est une place non pas marginale, mais centrale. Pour la situer et pour revenir aux « motifs vertueux » - selon vos propres termes - de ce texte, s'il faut invoquer à la fois Paul Claudel et Eugène Potier, l'auteur proudhonien de l'Internationale, je citerai les deux derniers vers du deuxième couplet de l'Internationale...

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