Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 4 mai 2006 à 15h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Certains les connaissent par coeur et d'autres ont besoin de les lire ; c'est cela la diversité politique qu'un hémicycle peut rassembler !

Monsieur Nogrix, si je partage vos propos sur la profonde mutation des modèles économiques que ce texte a précisément pour objet de préparer et d'anticiper, si je partage aussi votre analyse des évolutions de la musique sur Internet, je ne peux souscrire aux conclusions que vous en tirez quant au texte qui vous est soumis.

Prônez-vous l'immobilisme ou l'attentisme ? Ce ne serait pas faire preuve du bon sens qui vous est si cher.

Vous êtes préoccupé, à juste raison, par l'avenir du logiciel libre : ce projet de loi doit permettre à se dernier de continuer à se développer.

Vous avez affirmé : l'interopérabilité existe, ou elle n'existe pas. Je vous le confirme, elle existera grâce à ce texte, s'il est adopté par la Haute Assemblée, et c'est un objectif qui doit nous réunir, parce que nous aurons été des précurseurs.

Madame Tasca, vous avez raison, ce débat est un moment de vérité qui doit nous permettre de dissiper les idées fausses et les amalgames ; vous avez raison, la directive aurait pu être transposée plus tôt ! Oui, elle aurait pu être transposée dans sa forme initiale dès avant 2002. Mais étant donné que la directive n'a pas été transposée tout de suite, nous ne pouvons nous limiter aujourd'hui à un texte qui correspond à l'état du droit et des techniques à l'époque où, ministre, vous l'avez négocié. C'est bien pourquoi j'ai dû mener de nombreuses négociations et concertations, comme en témoignent par exemple les multiples réunions du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dont j'ai fait état tout à l'heure. Ces concertations se poursuivront bien entendu pour l'élaboration des décrets d'application.

Je suis heureux de constater que nous partageons les mêmes objectifs pour garantir le droit d'auteur à l'ère numérique. À la différence d'autres, vous n'avez pas cédé à la démagogie ni au populisme. Comme vous, je pense que les logiciels libres ont un grand avenir, mais qu'ils ne doivent pas être un moyen d'organiser le piratage : le soutien aux logiciels libres ne peut en effet se faire contre l'économie de la culture. Vous avez tenu un langage de vérité : il n'est pas responsable de prétendre opposer la démocratisation de la culture et la défense du droit d'auteur.

Monsieur Cambon, je tiens à vous remercier de la clarté de votre propos : elle illustre votre attachement à la pédagogie nécessaire attachée à ce texte. Vous avez très justement insisté sur le rôle utile que peuvent jouer les élus locaux pour sensibiliser nos concitoyens, particulièrement les plus jeunes d'entre eux, afin qu'ils comprennent les enjeux de ce texte, notamment en termes d'emploi et de métiers dans les filières de la musique et du cinéma qui les attirent tant et qui sont les viviers des talents et des créations de demain. Oui, vous avez raison, il faut inciter tous les acteurs de ces filières à développer des stratégies originales pour renouveler et pour développer l'offre légale. Au fond, à chacun son rôle : au Gouvernement et au législateur de fixer des principes et une sécurité juridique pour les auteurs et les créateurs ; aux professionnels de s'emparer de ces dispositifs le plus rapidement et le plus vigoureusement possible pour faire en sorte que s'accélère la diversification de l'offre proposée à l'ensemble de nos concitoyens. L'enjeu est absolument considérable.

Madame Blandin, la diversité culturelle est aussi précieuse que la biodiversité ! Le projet de loi a pour objet non seulement de la conserver, mais aussi de l'encourager, de la stimuler, de lui permettre de se développer. Vous avez parlé de création, de liberté, d'éthique. Ces principes sont au coeur de mon action. Le texte ne fait pas reposer la responsabilité du téléchargement illégal sur les seuls internautes qui téléchargent pour leur usage personnel. Bien au contraire, vous le savez, les sanctions sont proportionnées et seront plus lourdes pour ceux qui organisent le piratage de la musique et du cinéma : ceux qui conçoivent et donnent les moyens de casser les mesures techniques de protection et, plus encore, ceux qui éditent des logiciels manifestement destinés à la mise à disposition illégale d'oeuvres protégées.

Vous soulignez - et c'est courageux de votre part, car nous n'étions pas nombreux à le faire - que la gratuité se paie un jour. C'est vrai, particulièrement en matière culturelle. Vous relevez que les jeunes s'habituent à la gratuité. Ils n'hésitent pourtant pas à payer pour les musiques ou les sonneries de leurs téléphones portables ! Cette culture de la gratuité est donc un leurre. Faire comprendre aux jeunes que la culture a un coût et que le travail des artistes et des techniciens mérite salaire et considération, c'est tout l'enjeu pédagogique de ce texte, et vous avez raison de vouloir l'exprimer.

Monsieur Lagauche, je vous remercie d'avoir évoqué l'accord conclu le 20 décembre dernier entre les professionnels du cinéma, le monde de la télévision et les fournisseurs d'accès à Internet. Il me paraît apporter la vraie réponse à l'implication financière des fournisseurs d'accès à Internet dans la création ; nous la souhaitons, parce que ce sont des ressources supplémentaires, fléchées et destinées à la création. C'est donc une réponse intelligente au regard de l'impératif de diversité culturelle. J'espère que cet accord va permettre le plus rapidement possible le basculement des catalogues pour que ces derniers soient mis à la disposition de nos concitoyens et, au-delà, de tous les internautes en Europe et dans le monde.

Monsieur Yung, j'estime comme vous que le droit d'auteur, loin s'en faut, n'est pas une parenthèse. Vous avez évoqué tous les risques qui peuvent exister, vous avez évoqué aussi la vivacité de certains débats parlementaires. Eh bien, après le temps de la pédagogie et des affrontements - et ils existent, sur des sujets aussi électriques ! -, vient maintenant le temps de l'examen de ce projet de loi. Sachez en tout cas que le ministre que je suis fera preuve de l'ouverture d'esprit la plus grande possible et qu'il aura le souci du point d'équilibre : il apparaît en effet clairement que, si l'on se déporte dans un sens, on prive les auteurs de certaines garanties légitimes et que, si l'on se déporte dans l'autre sens, on ne rend pas les oeuvres accessibles au plus grand nombre grâce à Internet. C'est tout l'enjeu du débat qui commence.

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