Intervention de Jacques Valade

Réunion du 4 mai 2006 à 15h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Question préalable

Photo de Jacques ValadeJacques Valade, président :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt l'intervention de M. Ivan Renar, membre assidu et efficace de la commission des affaires culturelles.

Intervenant pour défendre la motion tendant à opposer la question préalable, déposée par le groupe CRC, notre collègue en a profité pour exprimer son sentiment sur le projet de loi, ce qui est tout à fait dans nos habitudes.

Cependant, une partie des questions qu'il a évoquées a obtenu tout à l'heure des réponses de la part de M. le ministre.

S'agissant des arguments avancés à l'appui de la motion tendant à opposer la question préalable, monsieur Renar, vous avez stigmatisé la façon dont ce texte a été étudié, modifié, puis voté à l'Assemblée nationale.

La difficulté de l'exercice, à la fois la transposition d'une directive européenne mais aussi une avancée juridique et technologique dans le domaine du droit d'auteur, justifiait non pas, peut-être, un tel fracas, mais une réflexion qui nous a permis, ici, au Sénat, de bénéficier, après que M. le ministre a recherché et obtenu une forme d'équilibre, d'un texte intéressant à partir duquel nous avons pu travailler.

Monsieur le sénateur, vous avez stigmatisé l'attitude des députés, mais vous avez également fait certains flash-back assez étonnants, puisque vous avez réutilisé les discussions ayant eu lieu à l'Assemblée nationale à votre profit. Autrement dit, vous critiquez la façon dont les choses se sont passées à l'Assemblée nationale, mais vous en utilisez certains éléments, ce qui constitue un paradoxe.

Ce texte est complexe, mais il comporte deux aspects : d'une part, la transposition de la directive et, d'autre part, la maîtrise de l'évolution des mentalités, des technologies et des marchés, et c'est bien dans cet ordre-là que la commission des affaires culturelles a tenté d'apporter sa contribution.

Nous avons déjà eu l'occasion de discuter sur ce sujet en commission, et je tiens à vous dire - vous le savez d'ailleurs bien - que je partage en grande partie vos interrogations et vos doutes quant à l'opportunité de nous prononcer sur des sujets très techniques, voire trop techniques, dont le sens semble parfois - mais parfois seulement - nous échapper.

Nous avons d'ailleurs formulé une proposition qui a été acceptée, me semble-t-il, par M. le ministre, visant à distinguer, d'une part, ce qui ressortit à la loi et, d'autre part, ce qui doit relever d'un suivi permanent. C'est la raison pour laquelle, partant de l'instance de médiation qui avait été prévue dans le projet de loi initial, nous avons proposé la création d'une autorité indépendante qui suivra ces différents éléments.

Interopérabilité, mesures techniques de protection, copies privées, ce texte soulève des difficultés juridiques mais aussi culturelles sur lesquelles Jack Ralite a d'ailleurs très longuement disserté tout à l'heure, avec le bonheur qui est le sien lorsqu'il traite de ces sujets, bonheur que nous partageons, car nous l'écoutons toujours avec beaucoup d'attention et d'intérêt.

Il faut cependant que le législateur se prononce, car c'est son rôle. M. Assouline s'interrogeait ce matin sur la pertinence de l'acte de légiférer. Mais si ce rôle ne nous appartient pas, à qui appartient-il donc ?

En revanche, monsieur Renar, je suis beaucoup plus perplexe quant à votre remarque concernant l'urgence dans laquelle serait examiné ce texte, qui sous-tend une grande partie de votre argumentation.

Après le premier paradoxe dont je faisais état tout à l'heure - vous critiquez les travaux de l'Assemblée nationale et vous récupérez une partie de ce qui a été fait là-bas -, vous en cultivez un second, en déplorant le retard tout en critiquant la déclaration d'urgence.

Je rappellerai deux dates pour permettre à l'ensemble de nos collègues de constater le retard caractérisant l'examen de ce texte par le Parlement.

La première date est celle du dépôt du projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, à savoir novembre 2003.

La commission des affaires culturelles a mis à profit ces deux années et demie d'attente pour travailler. Outre les travaux personnels du rapporteur, que nous avions désigné en son temps, et ceux de son président, la commission a auditionné une cinquantaine de personnalités qualifiées. Par ailleurs, en février dernier, nous avons organisé une table ronde consacrée au téléchargement des films et de la musique.

De ce point de vue, nous pouvons nous féliciter d'avoir eu le temps de donner la parole à toutes les personnes qui désiraient être entendues, mais également à toutes celles que nous souhaitions auditionner. Et vous le savez, monsieur Renar, nous avons écouté avec la même attention les représentants tant des artistes, des industriels, des consommateurs que des internautes.

La seconde date est relative au délai de transposition de la directive par les États membres. L'article 13 de la directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dispose que « les États mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 22 décembre 2002 ».

Nous avons déjà plus de trois ans de retard, et vous demandez encore un délai supplémentaire ! Cela me paraît incohérent. D'ailleurs, et M. le ministre l'a indiqué ce matin, la Commission européenne rappelle régulièrement aux autorités françaises leur manquement à leurs obligations communautaires.

En fait, deux problèmes se posent. Le premier est lié à la transposition des directives et à l'évolution des données techniques correspondantes. Le second, évoqué entre autres par M. Jack Ralite, est de savoir quelle nouvelle société se met en place du fait de l'évolution des technologies.

Faut-il attendre d'avoir une vue plus claire pour légiférer ou bien faut-il prendre acte de la situation actuelle sur le plan tant de la transposition de la directive que de l'évolution actuelle des technologies, avec l'organe de surveillance que nous proposons ?

Pour le reste, comme elle le fait de manière constante, la commission des affaires culturelles se saisira des problèmes de société et elle s'efforcera de définir les éléments d'une nouvelle relation entre le citoyen, le créateur et les fournisseurs d'outils améliorés d'accès à la culture.

Je considère, vous l'aurez compris, qu'il n'est pas raisonnable d'attendre. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur la motion n° 197 tendant à opposer la question préalable.

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