Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 4 mai 2006 à 15h00
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Article 1er bis

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur le droit d'auteur, le débat de société s'est focalisé sur la question du téléchargement, il faut cependant bien rappeler que ce texte ne traite pas seulement du téléchargement de fichiers musicaux et cinématographiques et de la lutte contre le piratage. Parce qu'il tente d'adapter le droit d'auteur au contexte de la société de l'information numérique et à l'internet, il traite aussi de la question des exceptions aux droits exclusifs des auteurs.

Dans ce domaine, la directive européenne laisse aux États membres la faculté d'introduire des exceptions dans leur droit interne en puisant dans une liste de vingt exceptions aux règles générales du droit d'auteur. La plupart des États européens ont intégré dans leur régime d'exceptions les bibliothèques et les activités d'enseignement et de recherche.

Dans ce domaine, le projet de loi initial se situait en deçà de la directive en ne transposant que l'exception obligatoire relative à certaines reproductions provisoires et celle - ô combien importante ! - en faveur des associations de handicapés. Cette dernière est fondamentale dans une société moderne, qui marque ainsi son souci d'intégration des différences en favorisant l'accès des handicapés à la culture. C'est pourquoi, sans vouloir allonger exagérément cette liste, nous nous félicitons de l'ajout opéré par l'Assemblée nationale s'agissant, d'une part, de l'exception en faveur des bibliothèques publiques, des archives et des musées, et, d'autre part, de la reproduction d'une oeuvre « dans un but d'information ».

Nous approuvons l'exception en matière d'information, qui a été introduite à l'Assemblée nationale sur l'initiative de Pierre-Christophe Baguet. La commission des affaires culturelles du Sénat propose une amélioration de la rédaction du texte, en précisant que la reproduction ou la représentation des oeuvres d'art graphique doit répondre à un but exclusif d'information immédiate.

Nous soutiendrons les amendements bienvenus de nos collègues Marie-Christine Blandin et Jean-Paul Alduy visant à retirer les photographies de cette exception, afin de s'assurer que le droit d'auteur des journalistes-photographes est respecté.

Nous souhaitons également que le Sénat introduise l'exception au droit d'auteur pour des utilisations à des fins d'enseignement et de recherche, exception assez largement répandue en Europe. Nous reviendrons sur ce point lors de l'examen de notre amendement, moins restrictif que celui qui est proposé par la commission des affaires culturelles.

Au demeurant, je voudrais insister sur l'exception en faveur des bibliothèques publiques. C'est une question centrale pour les collectivités territoriales que nous représentons ici : toute une partie de la dimension culturelle de l'action des collectivités locales, et notamment la lecture publique, est en jeu.

De très nombreuses communes ont, depuis trente ans, créé et développé des bibliothèques pour favoriser l'accès du plus grand nombre à la culture et à la connaissance. Il s'agit en effet d'établissements essentiels pour favoriser l'égalité des chances et la formation tout au long de la vie, grâce à l'accès des populations les plus diverses aux oeuvres les plus variées. La bibliothèque publique est parfois le seul lieu ouvert à tous dans une commune ou un quartier. Ces services publics connaissent aujourd'hui une mutation vers un fonctionnement mêlant les supports physiques et les ressources électroniques.

La législation doit donc s'adapter pour faciliter cette évolution et pour garantir la poursuite des missions de service public de ces institutions. Voilà pourquoi il nous semble nécessaire que la loi intègre, comme l'y autorise la directive européenne, cette exception en faveur des bibliothèques accessibles au public, des établissements d'enseignement, des musées et des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect.

Nous l'avons expliqué ce matin, une telle exception vise non pas à créer un droit nouveau, mais à garantir, dans l'univers du numérique, les fonctions légitimes des bibliothèques que sont la conservation et la communication. Sans l'adoption de cette exception, c'est pied à pied que des milliers de collectivités territoriales devraient négocier chaque usage, chaque condition d'utilisation des ressources numériques qu'elles mettent à la disposition des citoyens. En intégrant cette exception, il s'agit de maintenir dans l'univers du numérique l'équilibre qui existe dans l'univers du papier, sans remettre en cause, bien sûr, la légitimité des droits des auteurs.

Avec ces nouvelles exceptions, le groupe UC-UDF est satisfait de l'équilibre atteint par le projet de loi. Sans aller trop loin et en respectant les droits légitimes des auteurs, les nouvelles exceptions garantissent l'accès et la diffusion de la culture, des savoirs et de l'information dans notre société.

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