Pouvons-nous maintenir un tel système sans nous rendre suspects d'activer de quelque façon la délocalisation ?
Le Gouvernement souhaite contribuer à l'amélioration du pouvoir d'achat des Français, autrement dit faire baisser les prix. C'est louable. Toutefois, messieurs les ministres, la recherche d'une baisse des prix, d'une part, et la création d'emploi, la lutte efficace contre le chômage, d'autre part, sont-elles compatibles ?
Le modèle français se résume bien souvent à cette formule : moins cher pour moins d'emploi.
Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des situations particulièrement préoccupantes d'entreprises qui disparaissent. Ceux qui font du profit sont ceux qui mettent les biens sur le marché. Ceux qui produisent sont au contraire pratiquement condamnés, pour rester compétitifs, à prendre les uns après les autres la voie du nomadisme économique.
La France consacre 47, 3 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires aux organismes de sécurité sociale, alors que ce taux est de 24 % dans l'ensemble des pays de l'OCDE. Nous sommes donc dans une situation singulière, et, si nous n'y portons pas remède, messieurs les ministres, nous prenons le risque de voir nos prévisions de croissance déçues.
Il nous faut nous demander ce qui peut donner souffle et élan aux entreprises, ce qui peut les mettre en situation de créer de l'emploi et de produire de la croissance.
L'heure me paraît venue de procéder à un nouveau partage des responsabilités.
Il me semble, monsieur le ministre délégué au budget, que, dans une économie qui s'est globalisée, il est vain de présenter le budget en opposant ce que paient les entreprises et ce que paient les ménages. Y a-t-il un seul impôt payé par les entreprises qui, en définitive, ne soit acquitté par les ménages ? Même les « retraites chapeau » des présidents qui prennent congé de certains groupes de distribution sont payées par les consommateurs.
Les Français doivent pouvoir comprendre cette analyse, et c'est tout le sens du débat que nous devons faire vivre devant l'opinion publique.
La sanction des impôts de production est trop souvent la délocalisation des activités et de l'emploi. Cessons donc d'asseoir les cotisations sur la production.
Cette assiette affecte également dans une large mesure la taxe professionnelle. Les responsables des entreprises et les représentants des élus territoriaux ont été entendus par la commission Fouquet. Vous avez vu, monsieur le ministre, à quel point les attentes des uns et des autres s'opposaient frontalement. Les uns, pour rester compétitifs, demandaient que l'on allège substantiellement la taxe professionnelle ; les autres entendaient défendre cette taxe, ressource qui leur permet d'équilibrer les budgets.
Il me semble donc, monsieur le ministre, que le rôle des entreprises doit être la créativité, l'innovation, la création de biens, de services, de richesses et la création d'emploi.
Quant à la cohésion sociale, elle me semble relever de la responsabilité des citoyens, ce qui justifie un impôt de consommation : la TVA.
Si l'on admet que doivent disparaître les impôts de production, qui représentent de larges fractions des impôts acquittés par les entreprises et qui participent du prix de revient de la production, il faut refonder le pacte fiscal, le pacte républicain sur une contribution assise soit sur la consommation, soit sur le revenu, soit sur le patrimoine. Nous connaissons les limites à ne pas transgresser.
Telle serait la répartition des rôles que nous pourrions mettre en place. Il nous reste à programmer la disparition des impôts de production. Il faut mettre un terme à ces droits de douane à l'envers.
D'aucuns avancent qu'un supplément de TVA serait de nature à créer de l'inflation. Je n'y crois pas. Les seuls produits et services qui seront mis sur le marché national à un prix plus élevé sont ceux qui viennent de l'extérieur. En revanche, ce qui est produit sur le territoire national sera produit à un prix hors taxe inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, et le supplément de TVA n'entraînera pas d'inflation, toutes taxes comprises.
Certains font observer que l'augmentation de la TVA de 2 % en 1995 a été une expérience malheureuse. Je dois dire qu'à l'époque le plan de communication n'avait pas été des meilleurs. Au surplus, si nous avions imaginé d'augmenter la TVA, c'était non pas pour financer autrement la protection sociale, mais pour combler un déficit. L'exercice, ici, n'est absolument pas le même, vous l'avez compris : il s'agit de substituer à des impôts de production des impôts de consommation.
Puisque seuls les produits et services importés verraient leurs prix augmenter, cette mesure relève peut-être du concept de patriotisme économique, messieurs les ministres. Nous protégerions l'emploi sur le territoire de façon plus satisfaisante, me semble-t-il.
C'est pourquoi, messieurs les ministres, vous nous entendrez souvent évoquer ces schémas. Les déclarations contenues dans votre propos liminaire, monsieur le ministre délégué au budget, sont tout à fait encourageantes. Il semble que ce qui, hier, apparaissait comme un blocage, soit en train de s'estomper.