Monsieur le ministre, vous hochez la tête : nous savons en effet que cette mesure a provoqué une vive réaction de la part des organisations syndicales, avec lesquelles le Gouvernement a été finalement obligé de discuter. De plus, des pressions supplémentaires ne cessent de raviver la question lancinante de la réforme des cotisations patronales, qui est loin d'être réglée. Au demeurant, la hausse des cotisations patronales provoque des craintes même chez les salariés, ceux-ci redoutant que les employeurs ne la répercutent.
En revanche, le débat sur la modification profonde de l'assiette des cotisations patronales est beaucoup plus serein et ne provoque pas la même inquiétude. L'étendre à tout ou partie de la valeur ajoutée remédierait à certains inconvénients. Cela permettrait en outre une augmentation du salaire disponible, une évolution de l'assiette qui suivrait celle du produit intérieur brut, et une parfaite neutralité de la combinaison des facteurs de production.
Au regard de la situation sans précédent des comptes de la sécurité sociale, nous estimerions donc opportun que le Gouvernement se penche sur cette question. Nous pensons en effet que l'effort doit être partagé. A cet égard, la décision du Gouvernement de prolonger la CRDS est inadmissible. Elle ne fait que reporter la charge de la dette sur les générations futures.
Pour garantir un bon niveau de soins et de confort pour tous, il faut un système de financement durable. En réalité, ce sont les réformes de structure qui font défaut à notre système de sécurité sociale : les plans menés par les ministres qui se sont succédé depuis 2002 - MM. Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy et, aujourd'hui, Xavier Bertrand - n'ont pas résolu le problème.
La réforme des cotisations patronales serait de nature à alléger le poids des prélèvements, qui reposent aujourd'hui presque exclusivement sur les revenus du travail, et elle renforcerait l'assiette financière de la sécurité sociale.
Il convient également de noter et de dénoncer à l'occasion de ce débat la multiplication des exonérations de cotisations sociales qui n'ont jamais été pleinement compensées, situation qui explique d'ailleurs très largement le déficit considérable de cette année et dont ont déjà souvent débattu la commission des affaires sociales et la commission des finances.
L'an passé - et il l'a d'ailleurs redit à peu près dans les mêmes termes aujourd'hui -, notre collègue Alain Vasselle concluait que, dans le contexte actuel, les pouvoirs publics n'avaient plus d'autre choix que d'exercer leur « créativité » au service de la maîtrise des comptes sociaux plutôt que de céder à la tentation d'accroître sans arrêt les prélèvements obligatoires.
Peut-être est-il plus simple de céder à cette tentation, ou serait-ce que vous manquez de « créativité », messieurs les ministres ?
En tout état de cause, la conclusion de notre collègue Alain Vasselle nous convient assez bien. Depuis longtemps, le groupe socialiste dénonce en effet l'absence de réforme structurelle. Il ne sert à rien de mettre des pansements sur des plaies qui se rouvrent et se creusent davantage d'année en année !
La dérive des comptes atteint, on le sait, des records sans précédent. Les réformes à l'emporte-pièce qui ont été adoptées depuis trois ans et qui continuent d'ailleurs à nous être proposées, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, ne remédieront pas au déficit de notre système de protection sociale.
La garantie de la pérennité de ce système passe par la définition de priorités, par une gestion rigoureuse et par des ressources. Le financement de la dépendance, la solidarité envers les handicapés, la correction des inégalités de santé publique imposent, certes, de mobiliser des moyens importants, mais votre gouvernement, messieurs les ministres, s'est contenté de mesures d'urgence, injustes et inefficaces, et il s'est appliqué à réduire la part de la dépense collective affectée à la santé en renvoyant le financement de l'assurances maladie vers les assurés et vers les assurances complémentaires.
Or, et Jean-Pierre Davant vient de le rappeler, on sait aujourd'hui que les assurances complémentaires ne pourront plus continuer à intervenir, comme cela leur est demandé, de manière neutre pour les assurés. Quant au recours à des assurances privées, votre clientèle électorale en est peut-être friande, mais la nôtre non !
Afin de stopper le démantèlement de notre système de protection sociale, il faut une alternative à cette politique qui l'a accentué.
Cela passe par la définition d'objectifs clairs et de priorités en matière de prévention et d'éducation à la santé, ainsi que par une meilleure organisation et une meilleure coordination de l'offre des soins.
Cela passe aussi - mais vous vous refusez à le faire - par la mise en place d'incitations à l'installation des professionnels de santé dans les zones désertées. Comment fonctionnerait l'éducation nationale si tous les enseignants voulaient enseigner dans le sud de la France ? C'est pourtant ainsi que fonctionne aujourd'hui notre système de protection sociale et de médecine, et ce n'est plus possible !
Cela passe également par le dépassement du seul mode du paiement à l'acte : il ne favorise pas la prévention, alors qu'une politique de santé publique est avant tout une politique de prévention, et il ne favorise pas non plus la maîtrise des dépenses.
Il faut certes instaurer des modes de contrôle et d'information indépendants et des modes de financement adaptés à notre régime actuel, mais, en vérité, c'est d'une réforme profonde que notre système a besoin. En aucun cas, l'augmentation des prélèvements sociaux que vous nous proposez ne s'impose !