Je crois que la disposition qui nous est proposée, et qui précise que les exceptions énumérées ne peuvent pas porter « atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur », est à la fois nécessaire et insuffisante, car il faudra bien finir par affirmer et garantir le droit de propriété dans la loi.
Je rappelle que, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ce droit est le deuxième des droits fondamentaux, tout de suite après la liberté, puisque sont évoquées « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression », et qu'il est défini par l'article XVII de cette même déclaration, qui précise qu'il s'agit d'un droit « inviolable et sacré » et que « nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».
Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai essayé de reprendre ces principes en proposant une rédaction différente de l'alinéa concerné, précisant d'abord que les exceptions que nous avons adoptées mettraient en cause le droit de propriété si elles n'étaient pas conformes à la nécessité publique de la diffusion des oeuvres et de la pensée. Et c'est le législateur qui le constate dans mon texte.
En outre, mon amendement rappelle que ces exceptions touchant au droit de propriété ainsi que les conditions à remplir pour y accéder doivent toutes être définies par la loi, car nous sommes dans le domaine visé par l'article 34 de la Constitution.
Mon dispositif conserve naturellement les garanties votées par l'Assemblée nationale : ces exceptions ne peuvent pas porter « atteinte à l'exploitation normale des oeuvres ni causer un préjudice aux intérêts légitimes de l'auteur ».
Enfin, mon amendement s'achève en indiquant clairement que l'indemnisation doit être juste et préalable et qu'elle est accordée aux auteurs conformément à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Mes chers collègues, j'ai la conviction que, si le projet de loi dont nous discutons est soumis au Conseil constitutionnel au terme de notre procédure législative, ce dernier peut être tenté de faire une interprétation stricte du droit de propriété ou du moins d'en rappeler les exigences. Des parties importantes du texte pourraient ainsi sortir fort écornées de l'examen du Conseil constitutionnel.
Si ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui le fait, un auteur pourra toujours saisir la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, car le droit de propriété figure en bonne place dans la Convention européenne des droits de l'homme et cette cour a déjà eu l'occasion de s'exprimer fermement à son sujet.
Et si ce n'est pas la cour de Strasbourg, ce sera celle de Luxembourg, car, parmi les bases fondamentales du droit européen, figure le droit de propriété dans des termes très voisins de l'article XVII de la Déclaration de 1789.
Tels sont, mes chers collègues, les motifs pour lesquels il me paraît nécessaire de rappeler dans ce texte que nous restons fidèles aux éléments constituant le droit de propriété, qui est l'une des bases de la société française et européenne.