Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 14 décembre 2006 à 9h45
Parité pour les mandats électoraux et les fonctions électives — Discussion générale

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie par la commission des lois du projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, déposé sur le bureau du Sénat par le Gouvernement afin d'honorer un engagement présidentiel visant à franchir une « étape nouvelle pour la parité ». Elle a également été saisie de quatorze propositions de loi d'initiative sénatoriale tendant toutes à renforcer la parité en politique. Ces textes comportent des dispositions concernant tant les élections au scrutin de liste que les élections au scrutin uninominal, les élections sénatoriales, les fonctions exécutives et intercommunales, ou encore le statut de l'élu.

La loi du 6 juin 2000, qui a mis en oeuvre pour la première fois les principes posés par la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 sur la parité en politique, s'est traduite par une avancée réelle pour les élections à la représentation proportionnelle, mais par un quasi-immobilisme pour les élections au scrutin majoritaire.

Sur le fondement à la fois de l'étude du bilan de cette loi et des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé sur ce sujet, la délégation a adopté dix recommandations afin de faire avancer la parité en politique.

Dans ce domaine, la délégation aux droits des femmes a estimé devoir se montrer à la fois ambitieuse et réaliste : elle est allée au-delà des dispositions du projet de loi tout en formulant des propositions qui ne paraissent pas déraisonnables. C'est pourquoi certaines de ces recommandations font dès à présent l'objet d'amendements, tandis que d'autres soit relèvent d'une loi organique et ne peuvent donc pas être examinées à l'occasion de la discussion du présent projet de loi, soit constituent des pistes de réflexion pour l'avenir.

S'agissant des élections municipales, la délégation recommande d'instaurer une alternance stricte entre candidats de l'un et l'autre sexe pour la composition des listes dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Rétrospectivement, le dispositif actuel - une parité par tranche de six candidats - peut être considéré comme une disposition transitoire et être abandonné pour les élections municipales, comme il l'a été, en 2003, pour les élections régionales. De surcroît, le maintien de ce dispositif apparaît difficile à justifier aujourd'hui sur le plan des principes, dès lors que les difficultés pratiques qui avaient motivé son instauration au moment de l'adoption de la loi du 6 juin 2000 ont aujourd'hui disparu.

La délégation s'est également prononcée en faveur d'un abaissement de 3 500 à 2 500 habitants du seuil d'application du scrutin de liste, avec obligation de parité pour les élections municipales. Cette mesure, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nécessiterait toutefois l'adoption d'une loi organique.

En ce qui concerne les élections cantonales, la délégation recommande d'étendre la portée de la disposition du projet de loi tendant à ce qu'un conseiller général et son suppléant soient de sexe différent : elle propose que le suppléant soit appelé à remplacer le titulaire non pas uniquement dans l'éventualité d'un décès, mais dans tous les cas de vacance du mandat. Ce dispositif permettrait d'éviter près de 90 % des élections partielles, alors que la mesure prévue dans le projet de loi ne permettrait d'empêcher qu'un tiers d'entre elles.

La délégation a d'ailleurs reçu un message de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, dans lequel il lui faisait part de son accord sur ce point, en particulier dans le cas où un élu doit démissionner pour se mettre en conformité avec la législation sur la limitation du cumul des mandats.

S'agissant des élections législatives, la délégation recommande d'approuver le renforcement des pénalités financières applicables aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives, prévu par le projet de loi, en portant de la moitié aux trois quarts de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe, rapporté au nombre total de candidats, le pourcentage de l'abattement appliqué sur la première fraction de l'aide publique.

La délégation recommande également d'instituer l'obligation pour un candidat aux élections législatives d'avoir un suppléant de sexe différent, afin de faire entrer plus de femmes à l'Assemblée nationale, mais elle n'ignore pas que cette mesure ne peut être envisagée dans l'immédiat, car elle relève d'une loi organique.

Pour ce qui est des exécutifs locaux, la délégation est d'avis, afin de donner son prolongement naturel à la loi du 6 juin 2000, d'instaurer la parité au sein des exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants et des régions. Elle suggère de rendre obligatoire, comme dans le projet de loi, la parité des candidatures pour l'élection des adjoints au maire, des membres des commissions permanentes et des vice-présidents des conseils régionaux.

Au cours de nos auditions, le problème du cumul des mandats dans le temps a fréquemment été abordé. Ce phénomène a pour conséquence de ralentir le renouvellement du personnel politique, donc de réduire les opportunités pour les femmes d'accéder à l'exercice d'un mandat.

Afin de favoriser ce renouvellement et ainsi de faciliter l'accession des femmes à l'exercice de responsabilités politiques, la délégation recommande de limiter à trois le nombre de mandats consécutifs de même nature.

Pour ce qui concerne les parlementaires, cette mesure nécessiterait bien entendu l'adoption d'une loi organique. Elle constitue néanmoins une piste de réflexion pour l'avenir.

Il en est de même de la recommandation de la délégation concernant diverses dispositions relevant du statut de l'élu et destinées à faciliter l'exercice d'un mandat. Ces mesures permettront aux femmes de mieux concilier l'exercice d'un mandat avec leur vie professionnelle et familiale.

Il s'agit, d'abord, de prévoir l'instauration en faveur des élus locaux d'un dispositif de dédommagement systématique des frais de garde d'enfants ou d'assistance à des personnes dépendantes liés à l'exercice du mandat. Pour les petites communes, ce dispositif serait financé grâce à une réforme de la dotation particulière « élu local ».

Il s'agit, ensuite, d'assurer l'application effective des dispositifs de formation prévus en faveur des élus locaux. Cette mesure serait également financée, pour les petites communes, par une réforme de la dotation particulière « élu local ».

Il s'agit, encore, de faciliter la réinsertion professionnelle des élus à l'issue de leur mandat, grâce à la validation des acquis de l'expérience et à l'extension aux autres élus du mécanisme de suspension du contrat de travail déjà prévu pour les parlementaires.

Il s'agit, enfin, d'améliorer le régime de retraite des élus locaux en autorisant ceux qui cessent leur activité professionnelle au cours de leur mandat à cotiser aux régimes facultatifs de retraite par rente mis en place sur le fondement de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux.

Les travaux de la délégation ont montré en effet que l'amélioration de la place des femmes en politique est liée à la question du statut de l'élu.

Pour ce qui est de la parité dans les structures intercommunales, point évoqué par le Président de la République, mais absent du projet de loi, la délégation a souhaité, là aussi, avancer deux propositions afin d'engager un débat qui ne pourra être éludé : d'une part, les établissements publics de coopération intercommunale constituent des bastions masculins et, d'autre part, l'instauration de la parité dans les EPCI se heurte actuellement à des obstacles à la fois juridiques et pratiques.

Outre l'établissement de statistiques précises concernant la présence des femmes au sein des assemblées délibérantes des EPCI, afin de combler une lacune, la délégation recommande l'instauration de la parité au sein des assemblées délibérantes et des exécutifs des EPCI à fiscalité propre, à l'occasion d'une réflexion d'ensemble sur le mode de désignation des délégués des communes dans ces structures intercommunales.

Au total, il me semble que l'adoption des amendements que je vous proposerai, directement inspirés de certaines recommandations de la délégation, ainsi que la position du Gouvernement sur les autres recommandations adoptées par elle, seront de nature à franchir une étape nouvelle en matière de parité.

En ma qualité de rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je tiens à souligner l'important travail réalisé par celle-ci afin de faire progresser la place des femmes dans le monde politique. À cet effet, je me suis efforcée d'être le porte-parole d'un certain nombre d'attentes recueillies au cours de nombreuses auditions.

Pour autant, à titre personnel, je souhaite mettre en garde contre les excès auxquels pourrait donner lieu une interprétation des recommandations formulées par la délégation. De telles dérives ne pourraient que générer des effets contraires, pour ne pas dire pervers, au regard du but recherché.

Il m'apparaît que, dans un tel débat, le réalisme doit être de rigueur. Si les mesures proposées aujourd'hui ont pour finalité essentielle de donner une impulsion nouvelle et une dynamique à l'instauration d'une plus grande parité, malgré, semble-t-il, quelques réticences ancrées dans nombre d'esprits, il n'en demeure pas moins qu'elles ne sauraient être appelées à perdurer. Je suis en effet convaincue que les femmes, du moins celles qui ont de véritables compétences et une non moins réelle volonté de s'engager en politique, sauront d'elles-mêmes se faire une place.

Enfin, au-delà de ce débat très actuel sur la parité, il serait fondamental d'engager une réflexion approfondie sur le statut de l'élu, source de complexité et de multiples blocages, car l'enjeu est important : bien des domaines sont concernés. Cela nous permettrait sans doute d'apporter une réponse appropriée à une problématique d'ensemble de nature à profiter, sans disparités, tant aux hommes qu'aux femmes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion