Intervention de Gisèle Gautier

Réunion du 14 décembre 2006 à 9h45
Parité pour les mandats électoraux et les fonctions électives — Discussion générale

Photo de Gisèle GautierGisèle Gautier, présidente de la délégation :

Je suis heureuse de vous saluer, monsieur le ministre !

Encore conviendrait-il de veiller à ce que l'on ne les enferme pas dans des spécificités prétendument féminines, comme les affaires sociales et scolaires, ou la culture, et que l'on ne réserve plus aux hommes les délégations les plus prestigieuses, comme les finances, l'urbanisme ou les transports. Nous connaissons toutes cela, dans les conseils municipaux, les conseils régionaux et même au Sénat, où il m'a fallu beaucoup de persévérance pour parvenir à être membre de la commission qui m'intéressait. Telle est la réalité !

L'institution d'un suppléant du conseiller général de sexe différent de celui du titulaire permettra l'entrée progressive des femmes au sein des conseils généraux, tout en évitant l'organisation de trop fréquentes et coûteuses élections cantonales partielles, qui ne suscitent que peu d'intérêt de la part des électeurs, comme en témoigne l'abstention importante constatée à chacune de ces élections.

Cependant, je tiens à souligner que cette mesure ne pourra produire pleinement ses effets que si sa portée est étendue de façon à permettre le remplacement du titulaire par le suppléant, non seulement dans l'éventualité d'un décès - j'y insiste -, mais aussi dans les autres cas de vacance du mandat, notamment celui de la démission d'un élu devant se mettre en conformité avec la législation sur le cumul des mandats ; je vous proposerai, à l'occasion de la discussion des articles, d'adopter un amendement en ce sens, afin d'aller jusqu'au bout de cette logique.

Enfin, le projet de loi prévoit un alourdissement des pénalités financières applicables aux partis politiques ne respectant pas l'objectif de parité des candidatures aux élections législatives. Je voterai en faveur de cette mesure, sans illusions excessives néanmoins. J'estime en effet que les sanctions financières n'ont pas fait réellement la preuve de leur efficacité jusqu'à présent, si ce n'est pour pénaliser les petits partis.

Celles-ci posent, au demeurant, un problème de principe. Est-il satisfaisant que l'absence ou l'insuffisance de femmes élues puisse se monnayer ? La femme est-elle une marchandise dont on mesurerait la quantité pour pénaliser les mauvais élèves ou les récalcitrants ? Je n'en suis pas sûre !

L'idée plus positive d'un « bonus » financier alloué aux partis en fonction du nombre de femmes élues à l'Assemblée nationale, que nous avons évoquée avec vous, monsieur le ministre, lorsque vous nous avez fait l'honneur de venir devant notre délégation, idée qui avait d'ailleurs été avancée par M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, mériterait d'être creusée. Je vous proposerai d'y réfléchir de nouveau à l'occasion de l'examen d'un amendement.

Par ailleurs, le système de parité par tranche de six candidats actuellement en vigueur pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants ne paraît plus justifié, les difficultés pratiques qui pouvaient éventuellement survenir au moment de la mise en place de la nouvelle loi pour trouver suffisamment de femmes candidates ayant maintenant disparu. Cette disposition devrait donc être abandonnée au profit d'une obligation de stricte alternance entre candidats de l'un et l'autre sexe, comme je vous le proposerai par la voie d'un amendement.

En outre, au-delà des mesures proposées par le projet de loi, la délégation aux droits des femmes a présenté un certain nombre de recommandations complémentaires, qui ne pourront certes pas toutes être prises en compte dans le cadre du présent débat, j'en suis consciente, mais qui doivent à mes yeux servir de pistes de réflexion pour l'avenir.

Les communes de moins de 3 500 habitants ne peuvent bien évidemment pas être écartées de la réflexion visant à améliorer la parité. La délégation a proposé d'abaisser à 2 500 habitants le seuil d'application du scrutin de liste avec obligation de parité. Malheureusement, cette mesure ne pourra être mise en oeuvre dans le cadre du présent projet de loi, car, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle nécessiterait l'adoption concomitante d'une loi organique tendant à modifier les dispositions relatives à la limitation du cumul des mandats. Nous y reviendrons !

En ce qui concerne les élections législatives, pourquoi ne pas envisager, à l'instar de la mesure proposée par le projet de loi pour les conseillers généraux, un suppléant de sexe différent de celui du titulaire ? Je regrette que cette mesure, qui nécessiterait également l'adoption d'une loi organique, ne puisse être proposée dans l'immédiat, eu égard à la proximité des prochaines échéances électorales.

Les EPCI, dotés de compétences croissantes, forment désormais un maillage pour la plus grande partie de notre territoire et sont devenus de véritables lieux de décision. Or les femmes y sont quasiment absentes, seules un peu plus de 5 % des communautés étant présidées par une femme. Je regrette, là encore, que le projet de loi n'ait rien prévu pour améliorer la présence des femmes au sein des EPCI, en dépit du souhait exprimé par le Président de la République lors de ses voeux à la nation.

La question de l'introduction de la parité au sein des EPCI à fiscalité propre devra donc impérativement être revue dans le cadre de l'indispensable réflexion à mener sur le mode d'élection des délégués des communes au sein des structures intercommunales. Nous nous accordons sur ce point, me semble-t-il.

À cet égard, l'élection des conseillers communautaires en même temps que les conseillers municipaux, par transposition du système dit « PLM », qui permettrait de clarifier et de responsabiliser les choix des électeurs, constituerait une piste de réflexion intéressante. Vous aviez d'ailleurs fait observer, monsieur le ministre, au cours de votre audition devant la délégation, qu'il s'agissait probablement de la formule la plus consensuelle.

Quoi qu'il en soit, il faudra bien envisager un jour la prise en compte des présidences d'EPCI au sein des mandats ou fonctions dont le cumul est soumis à limitation.

J'en viens à une autre question importante s'agissant de l'accès des femmes aux responsabilités politiques : le statut de l'élu. Cette question, qui déborde le cadre du présent projet de loi, constitue une véritable « arlésienne » : on en parle depuis des années, quels que soient les gouvernements en place. Le statut de l'élu, bien que ne concernant pas uniquement les femmes, a été évoqué de façon récurrente au cours des auditions de la délégation.

Ainsi que le soulignent les associations d'élus, il paraît indispensable d'améliorer les conditions d'exercice du mandat pour faciliter sa conciliation avec les responsabilités professionnelles et familiales des femmes. Je vous proposerai donc quelques amendements d'appel tendant à mettre en oeuvre les recommandations adoptées par la délégation sur ce sujet.

En particulier, il est nécessaire de prévoir le dédommagement systématique des frais de garde d'enfants liés à l'exercice du mandat, de développer les dispositifs de formation et de faciliter la reconversion professionnelle des élus locaux à l'issue de leur mandat.

Les indemnités des maires et des adjoints dans les petites communes sont d'un montant dérisoire au regard de leurs responsabilités, qui reposent souvent, dans des communes de moins de 500 habitants, sur le maire, quelques adjoints et le secrétaire de mairie. Je rappelle que l'indemnité s'élève à 623 euros pour un maire et à 242 euros pour un adjoint, pour un travail parfois à temps plein, avec toutes les responsabilités juridiques que cela implique ! Le montant de ces indemnités est insuffisant et mériterait d'être revalorisé.

Le niveau des retraites des élus locaux devrait aussi être amélioré. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion sur la clarification de la responsabilité des élus et sur l'amélioration de leur protection juridique. L'Association des maires de France en a parlé longuement lors de son dernier congrès.

Enfin, la délégation aux droits des femmes a souhaité, afin de favoriser le renouvellement du personnel politique et de faciliter ainsi l'accession de femmes à l'exercice de responsabilités politiques, que soit envisagée l'instauration d'une limitation du cumul des mandats dans le temps. Je vous présenterai un amendement sur ce point, tout au moins en ce qui concerne les mandats pour lesquels cette mesure ne nécessite pas l'adoption d'une loi organique.

En conclusion, je dois malheureusement dire que ce projet de loi n'est pas d'une ambition démesurée ; il s'agit d'une avancée a minima.

Je souhaite sincèrement que le débat qui s'ouvre permettra une amélioration du texte par l'adoption des amendements proposés pour un meilleur partage des responsabilités politiques entre les femmes et les hommes. Je tiens à cet égard à rappeler - je rejoins là vos propos, madame la ministre - qu'il s'agit pour moi, comme pour beaucoup d'autres femmes, de revendiquer non pas systématiquement un partage égal des postes, ce qui ne voudrait rien dire, mais plutôt l'exercice en commun des responsabilités au service de l'intérêt général.

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