Les lois qui ont été votées grâce à la réforme constitutionnelle- car, en l'absence de réforme, nous n'en aurions point eu -, en 2000 et 2003, obéissaient à deux logiques différentes.
La première était celle de l'obligation de parité sur les listes de candidats aux élections ayant lieu à la proportionnelle, tempérée pour les municipales.
La seconde logique était celle de l'incitation des partis politiques pour les élections législatives.
Les résultats sont éloquents.
Aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, la proportion de femmes est de 12, 2 %, contre 10, 9 % en 1997 ; au Sénat, elle est de 17, 2 %, contre 5, 6 % en 1997. Les députées européennes sont passées de 30 % à 43, 6 %. Dans les conseils régionaux, les conseillères, qui étaient 27, 5 % en 1998, sont 47, 9 % aujourd'hui. Les conseillères générales sont passées de 8, 6 % en 1998 à 10, 9 % aujourd'hui. Dans les conseils municipaux, pour les villes de plus 3 500 habitants, la proportion de femmes, qui était de 21 % en 1995 est de 46, 4 % aujourd'hui et, pour les communes de moins de 3 500 habitants, elle est passée de 21 % en 1995 à 27, 9 %.
J'en tire une conclusion évidente : seule la première logique, celle de l'obligation de présenter des femmes sur des listes alternée élues à la proportionnelle, a permis de faire progresser réellement la parité.
La seconde logique, celle qui s'est traduite par des pénalités financières, n'a pas eu l'effet que vous prétendiez rechercher, les grands partis politiques préférant acquitter des pénalités plutôt que de présenter des femmes à parité aux élections qui ont eu lieu ensuite.
Les investitures en cours, si j'en crois les protestations émises par les femmes mêmes de ces partis, vont nous le montrer encore en 2007, pour les prochaines législatives.
Comme le disait M. Yvon Collin en 1999, au rythme qui a prévalu depuis 1946 à l'Assemblée nationale, il faudra cinq cents ans pour y avoir la parité ! Vous comprendrez donc que nous soyons des défenseurs inébranlables de la proportionnelle pour cette raison, comme pour d'autres, qui tendent tout simplement à la juste représentation des citoyens.
Le projet que le Gouvernement nous soumet aujourd'hui est a minima, au regard des piteuses performances de la France en matière d'égalité - et nous méritons tous des critiques sur ce sujet -, surtout dans les sphères du pouvoir, puisqu'on retrouve le même ostracisme à l'égard des femmes dans les fonctions exécutives politiques, dans les directions de recherche, dans la haute fonction publique ou dans les directions d'entreprises.
Ajoutons que le non-renouvellement des mandats et le cumul, comme le non-renouvellement des élites en général, y sont évidemment aussi pour beaucoup.
Le Président de la République s'en est ému le 4 janvier 2006 et a promis de marquer son quinquennat de nouvelles avancées. Je rappelle qu'il l'a fait aussi pour les handicapés et dans bien d'autres domaines, sans résultat très concret !
Dans le même temps, quatorze propositions de loi d'origine sénatoriale, émanant de différents groupes, ont été déposées ; et je n'ai pas compté les éventuelles propositions de loi de l'Assemblée nationale ! Il y avait donc matière à proposer des changements efficaces avant la fin du quinquennat !
Or il a fallu attendre le mois de décembre, et encore, à l'arraché, sous la pression de la présidente de l'Observatoire de la parité - qui ne pouvait pas ne rien faire ! - et des délégations aux droits des femmes du Sénat et de l'Assemblée nationale pour que le Gouvernement consente à déposer un petit projet de loi de dernière minute !
La principale et quasi seule avancée concerne les exécutifs locaux. En effet, il est choquant, alors que le nombre de femmes élues a progressé grâce à la proportionnelle dans les assemblées locales, que cela n'ait eu que peu de conséquences sur les exécutifs.
Ainsi, une seule femme est présidente de région ; trois sont présidentes de conseil général ; six sur quarante-quatre sont maires de villes de plus de 100 000 habitants ; 7, 7 % sont maires de communes de plus de 3 500 habitants ; 12 % sont maires de communes de moins de 3 500 habitants.
Concernant les exécutifs, elles ne sont que 23 % à être adjointes dans les communes de plus de 3 500 habitants et 37 % à être vice-présidentes de conseils généraux.
Donc, en ce qui concerne le renforcement de la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, nous approuvons le projet du Gouvernement, qui correspond à une partie de la proposition de loi que j'avais moi-même déposée avec mon groupe.
Nous sommes également favorables à l'élection à la proportionnelle sur liste alternée des adjoints au maire dans les communes de plus de 3 500 habitants ainsi que pour l'élection des membres de la commission permanente des conseils régionaux. Mais pourquoi réduire la portée des seules avancées de ce texte en rendant l'application des dispositions des articles 1er et 2 temporaires pour deux mandats ?
En revanche, je regrette beaucoup que l'extension du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants n'ait pas été retenue.
Plus de 80 % de nos concitoyens, qu'ils soient citadins ou ruraux, sont très majoritairement favorables à l'exercice de mandats électifs par les femmes. Qui plus est, vous-mêmes, chers collègues de la majorité, pour qui il est légitime que les femmes commencent par des mandats locaux, devriez être très favorables à cette proposition.
L'argument, souvent entendu dans cet hémicycle, selon lequel on ne trouverait pas assez de candidates ne tient pas. La proportion de femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants prouve le contraire. Qui plus est, l'observation de la vie locale, y compris dans les petites communes, démontre tous les jours que les femmes sont souvent très engagées dans la vie « de la cité » sur de nombreux sujets.
Nous pouvons donc considérer que les femmes sont tout à fait à même de prendre leur place dans les conseils municipaux, y compris de petites communes, en nombre et, bien sûr, en qualité.
Je suis toujours effarée d'entendre parler de « qualité » pour les femmes et de « quantité » pour les hommes. C'est stupéfiant !
En revanche, les autres mesures contenues dans le présent projet de loi posent de sérieux problèmes.
Ainsi, les dispositions relatives aux élections cantonales ne nous paraissent pas sérieuses, en tout cas pour faire progresser la parité !
La proportion de femmes conseillères générales, c'est-à-dire 10 %, est dérisoire, et je ne parle même pas du nombre de présidentes de conseil général !
Doter les titulaires hommes d'une femme suppléante - en réalité, c'est bien de cela qu'il s'agira -, qui prendra leur place en cas de décès, ne me paraît pas très encourageant, sauf en cas d'épidémie... Je partage également le côté funéraire de la chose !