Votre projet de loi est un texte de circonstances.
D'abord, il n'aborde pas l'intercommunalité, qui est un sujet certes complexe, mais qui constitue également un véritable enjeu de pouvoir dans les années à venir.
Ensuite, il n'aborde pas l'alternance réelle, c'est-à-dire un homme-une femme sur les listes municipales, et non plus par tranches de six, comme c'est le cas aujourd'hui.
En outre, il n'aborde pas non plus la question des seuils - je fais référence au seuil de 2 500 habitants - pour l'application du texte aux élections municipales.
Enfin, il n'aborde pas un sujet essentiel que je vais développer : la parité ne peut pas être effective si l'on n'évoque pas les conditions d'exercice du mandat d'élu-e.
Je me réfère à un texte publié par l'Association des petites villes de France, ou APVF, dont j'ai l'honneur d'être vice-présidente. Cette association compte plus de 900 villes adhérentes. Elle couvre la strate des communes de 3 000 à 20 000 habitants, qui sont au total 2 400 en France et qui représentent - ce n'est pas négligeable - 18 millions d'habitants.
La problématique de la parité touche particulièrement les petites villes, puisque les femmes représentent seulement 7, 3 % des maires de cette strate, alors que la proportion s'élève à 11 % pour l'ensemble des femmes maires En 2005, à l'occasion du Congrès des maires de France, nous avons rédigé un libre blanc intitulé Moderniser l'exercice des mandats locaux, et nous ajoutions cette question : « Veut-on encore des élus locaux en 2008 ?». Ce livre blanc présente quarante propositions.
Le 6 octobre 2006, lors des assises de l'APVF à Cancale, nous vous avons remis une pétition signée par près de mille élu-e-s. Le président Malvy a également attiré l'attention de M. le Premier ministre sur trois propositions qui nous semblent de nature à améliorer sensiblement l'égalité d'accès aux mandats locaux. Elles prennent en compte l'importance de la technicité, ainsi que la part croissante de la dimension juridique dans la gestion locale, l'augmentation des demandes sociales et l'exigence de disponibilité accrue. Le risque d'une surreprésentation des hommes, des retraités et des fonctionnaires est réel.
Voici ces trois propositions : premièrement, le remboursement aux employeurs de l'équivalent horaire du temps que les salariés élus locaux, ou les salariées élues locales, ne consacrent pas à leur activité professionnelle du fait de l'exercice de leur mandat - cela se pratique en Italie ; deuxièmement, le renforcement du dispositif de remboursement des frais de garde d'enfants ou de personnes dépendantes ; troisièmement, la création d'un droit d'accès à un cycle court de formation pour les élus accédant pour la première fois à des fonctions électives.
Il est grand temps d'en finir avec le mythe du bénévolat. Les élu-e-s, femmes et hommes, doivent pouvoir assumer concrètement leur mandat et, à l'issue de celui-ci, se réinsérer dans le monde du travail en faisant valoir la compétence acquise au cours des années passées au service de leurs concitoyens. Un vrai « statut » permettrait également de limiter le cumul des mandats et d'atteindre une représentativité plus conforme à l'état de la société. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a représenté un premier pas, il faut aller plus loin.
Bien entendu ces dispositions sont destinées à tous les élus, hommes et femmes. Mais nous savons bien que ces dernières sont les plus concernées, puisqu'elles assument encore en très grande partie les charges de la vie familiale. Il est clair que le blocage essentiel vient de l'inégalité dans le partage des tâches domestiques. En effet, l'essentiel de ces tâches - ménage, courses, repassage, vaisselle, éducation des enfants - repose très majoritairement, à 80 % selon les estimations, sur les femmes, qui y consacrent plus de trente heures par semaine. Il est évident que, sans parité domestique, il n'y aura pas de parité politique.
Avant de conclure, je souhaite aborder un thème que nous devrions ajouter à nos réflexions en tant qu'élus locaux. Il s'agit de la mise en place d'une politique de genre, dans et par nos collectivités territoriales. En effet, nous constatons que, selon les services, la mixité n'est pas réelle et que les femmes sont moins nombreuses aux postes de responsabilité les plus élevés dans l'administration.
Une initiative intéressante et innovante, prise par l'Association française du conseil des communes et régions d'Europe, que préside notre collègue Louis Le Pensec, existe au niveau européen. Elle propose aux collectivités locales la signature d'une Charte européenne pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Celle-ci a pour objectif de promouvoir l'égalité au niveau local et régional, dans les aspects les plus concrets de la vie quotidienne : logement, sécurité, transports publics, monde du travail, santé. Cette initiative mérite tout notre intérêt.
Pour conclure, je dirai que l'expérience nous permet de tirer les enseignements suivants : pendant des années, on pensait que les choses évolueraient d'elles-mêmes avec le temps... Eh bien, non ! Nous avons vu que tel n'était pas le cas. Seule la « contrainte » a permis à de nombreuses femmes d'être élues. L'un de nos collègues - qui n'appartient pas à mon groupe - a confessé, en commission des lois, qu'il « avait initialement été défavorable aux lois sur la parité avant de changer d'avis en raison de la compétence des femmes élues grâce aux dispositifs instaurés ».
Bien des progrès restent encore à faire, d'une part, pour faire changer les mentalités et permettre la reconnaissance de l'égalité entre hommes et femmes dans tous les secteurs de la vie, d'autre part, pour nous doter des moyens réels et concrets de faire changer les choses.
Malheureusement, monsieur le ministre, malgré quelques timides avancées, votre projet n'est pas à la hauteur des enjeux du xxie siècle !