Au conseil général du Rhône, où je siège depuis treize ans, il y a eu un décès sur cinquante-quatre conseillers en quatre renouvellements. Une seule suppléante serait donc entrée au conseil général dans cette période ! On peut dire que ce dispositif est vraiment efficace pour améliorer la parité ! Encore faut-il souhaiter que ce ne soient que les hommes titulaires - et pas les quelques femmes présentes - qui meurent, et vite, si possible !
Je vous propose une simulation pour le mandat de 2008 à 2011, fondée sur le nombre d'élus de 2004. En 2008, nous élirions ainsi 4 038 conseillers généraux dont 411 femmes, soit 10, 9 %. Je lis, dans les différents rapports, qu'entre 1999 et 2005, en six ans, on a compté 108 décès de conseillers généraux en exercice, ce qui fait, si je sais compter, 54 décès dans un mandat de trois ans. J'applique la loi que vous nous proposez, et je passe en fin de mandat en 2011, à 500 femmes, et encore, à condition que seuls des hommes soient décédés ! La proportion de femmes va donc passer miraculeusement de 10, 9 % à 12, 4 %. On peut dire que c'est vraiment un progrès !
Passons, maintenant, à l'article 4 de votre projet de loi : il est de la même veine. Il prévoit d'augmenter les pénalités à l'encontre des partis politiques qui ne respectent pas la parité dans les candidatures aux élections législatives.
On peut être content : les femmes vont prendre de la valeur sur le marché ! Mais enfin, soyons sérieux ! Avoir eu l'idée des pénalités financières pour les partis ne présentant pas assez de femmes est déjà en soi un scandale. À croire que les femmes sont monnayables comme au temps de l'esclavage !
Augmenter les pénalités financières est donc aussi scandaleux mais, en plus, inefficace. Les pénalités n'ont eu aucun effet, puisqu'on est passé en cinq ans, avec l'application de la loi, de 10, 9 % à 12, 3 % de femmes à l'Assemblée nationale - la même proportion que votre projet de loi permettrait d'obtenir pour les conseillers généraux.
À qui va-t-on faire croire qu'aggraver le manque à gagner sur l'ensemble de leur budget de 5, 76 % à 8, 64% pour l'UMP, par exemple, ou de 3, 67 % à 5, 51% pour le Parti socialiste, va vraiment faire changer les choses ! Je n'ai pas fait ces calculs au hasard, bien sûr, j'ai utilisé les chiffres officiels de 2004 auxquels j'ai appliqué les modes de calcul contenus dans ce projet de loi.
Mais le comble de l'hypocrisie, c'est d'avoir inscrit cette loi à l'ordre du jour tellement tard qu'elle ne pourra être appliquée qu'au premier renouvellement intervenant après le 1er janvier 2008, c'est-à-dire vraisemblablement en 2012. Et, pour « rajouter une couche », monsieur le rapporteur, vous allez nous proposer, au nom de la commission des lois, un amendement prévoyant que cette disposition ne sera applicable que pour deux élections législatives. Je n'en reviens pas !
Ce n'est pas d'un coup d'essai dont nous avons besoin, c'est d'une loi pérenne qui « favorise » vraiment, comme le dit la Constitution, « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Nous avons vu le résultat d'un retour en arrière avec les élections sénatoriales de 2004, dans les départements qui élisent moins de quatre sénateurs : une chute du nombre de candidates et de sénatrices élues par rapport au résultat qui aurait pu être escompté de l'application de la loi du 6 juin 2000. Tel est sans doute votre objectif avec cet amendement : revenir à une assemblée bien masculine et bien machiste !
En conclusion, je constate que cette loi ne prend en compte ni les conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, ni le retour à la proportionnelle pour les élections sénatoriales dans les départements élisant trois sénateurs, ni un réel effort pour favoriser la parité dans les élections uninominales. De plus, elle est humiliante dans ses dispositions relatives aux élections législatives et cantonales.
Où est la belle loi qui prendrait en compte toutes les élections et permettrait aux femmes d'assumer pleinement leurs responsabilités de citoyennes ? Certes, l'objectif n'est pas facile à atteindre, mais est-ce une raison pour ne pas même essayer ? Avec ce projet de loi, on se refuse les moyens d'obtenir la parité.
En nous présentant ce texte minimaliste, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que vous trahissez aussi la pensée du Président de la République, dont Mme Veil avait été chargée de lire le message, lors des états généraux de la parité, le 7 mars 2005 ? Il disait alors qu'il souhaitait « que le Gouvernement entreprenne une réflexion sur les moyens de rendre la parité réellement effective à l'occasion des scrutins uninominaux ». Apparemment, le Gouvernement ne l'a pas entendu !
En ce début d'année, j'ai déposé une proposition de loi qui offre aux électeurs un vrai choix de parité - on sait que nos concitoyens y sont favorables -, sans l'imposer, pour les législatives, les cantonales et les communes de moins de 3 500 habitants. J'en ai repris les éléments dans les amendements que j'ai déposés sur ce projet de loi. J'aurai donc l'occasion d'en expliquer les modalités dans la poursuite du débat.