Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les mauvais signaux donnés par une planification imposée d'en haut peuvent être remplacés par la responsabilité personnelle des assistants techniques et par une évaluation indépendante des crédits d'aide qui inciteront à rechercher ce qui marche sur le terrain, selon le lieu et l'époque ».
C'est en ces termes que William Easterly, chercheur à la New York University, critiquait la planification du développement en vogue aujourd'hui, lors du séminaire de l'Agence française de développement de décembre 2005. Sa condamnation d'une aide publique mondiale planifiée comme aux temps du Gosplan me renforce dans mon scepticisme sur l'évaluation de l'aide que nous pouvons apporter au développement d'autrui.
Elle me renforce aussi dans mon rejet de certains détournements du concept d'aide au développement et des mensonges statistiques internationaux auxquels la France apporte sa contribution.
Je répète inlassablement tous les ans, et je crois que je ne cesserai pas, que le progrès culturel, social et économique d'une société surgit du coeur de son peuple, grâce à des entrepreneurs et des intellectuels dynamiques, liés à leur société par ce que nous appelons - dans le cadre de l'État nation - le patriotisme et grâce à l'action de leaders visionnaires. Le développement trouve sa source dans une telle convergence. La Corée du Sud, l'île Maurice et la Tunisie ont utilisé l'aide internationale, plus ou moins généreuse, mais celle-ci n'a été qu'un adjuvant, apporté par des coopérants qui se sentaient personnellement responsables des résultats obtenus.
Nous constatons que la France a opté, depuis une dizaine d'années, pour la participation au système multilatéral d'aide. Le transfert de l'essentiel des actions bilatérales à l'AFD achève cette évolution qui était probablement inévitable et qui, dans certains cas, renforce notre action, surtout face aux pandémies.
De grâce, soyons bien conscients que le rationalisme du système multilatéral est un habillage plus qu'une réalité et qu'il trouve sa limite face au réel.
La lutte victorieuse contre la pauvreté relève, en réalité, d'un travail de fourmi au service de groupes sociaux - les femmes par exemple - qui veulent s'en sortir eux-mêmes, et non de la planification, fût-elle mondiale. Je rejoins sur ce point le rapporteur spécial, Michel Charasse : la planification mondiale n'est ni mesurable, ni contrôlable ; bien qu'indispensable, elle est source de problèmes.
Rappelons aussi que les plus grands ennemis du développement, en Afrique aujourd'hui, sont les gouvernements prédateurs qui servent les intérêts patrimoniaux d'un clan au pouvoir, se perpétuant désormais par filiation, et les intérêts des pays développés et émergents, tels que la Chine, en quête de matières premières. En réalité, ces gouvernements servent nos intérêts. Cessons donc de dire que nos intérêts sont communs avec ceux des pays pauvres, c'est souvent faux !