Madame la secrétaire d’État, je vous souhaite à mon tour la bienvenue dans cet hémicycle !
Je souhaite appeler votre attention sur le dossier très sensible de la vente en bloc des 32 000 logements du patrimoine de la société Immobilière Caisse des dépôts, ICADE, vente lourde de conséquences pour les finances des communes concernées, soit près d’une quarantaine rien qu’en Île-de-France.
Les logements locatifs sociaux bénéficient, au moment de leur construction ou de leur rachat, de différents régimes d’exonération de longue durée – généralement pendant quinze ans – de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB. Cette exonération est décidée par l’État au profit des propriétaires bailleurs. En revanche, la perte de recettes pour les collectivités locales, qui bénéficient en principe du produit de cette taxe, n’est pas systématiquement compensée par l’État.
Initialement, la loi prévoyait que l’État ne compensait, de manière partielle, les exonérations accordées que si celles-ci entraînaient une perte « substantielle » de recettes, soit une perte supérieure à 10 % du produit total de la TFPB perçu par la collectivité concernée.
Aujourd’hui, les règles de compensation varient selon le type de logement social, la période de construction ou d’acquisition de celui-ci et selon que l’on se situe dans les quinze premières années de la période d’exonération ou les dix dernières : il s’agit donc d’un régime éminemment fluctuant.
La situation des collectivités locales varie excessivement : les exonérations accordées pour les opérations de construction financées par le prêt locatif social, ou PLS, ne sont pas compensées, sous réserve de l’application de la règle des 10 % que je viens d’évoquer ; quant aux opérations de construction ou d’acquisition sous le régime du prêt locatif aidé d’intégration, PLAI, et du prêt locatif à usage social, PLUS, elles sont compensées par l’État, mais avec application d’un taux de minoration de près de 17 %, qui évolue chaque année en fonction des arbitrages de la loi de finances. Enfin, les règles de compensation sont différentes pour les dix dernières années d’exonération, mais je n’entrerai pas dans ces détails d’une grande complexité.
L’ensemble de ces mesures a naturellement des conséquences directes sur le budget des collectivités locales, avec une acuité toute particulière dans la période actuelle.
En effet, pendant longtemps, le parc de logements sociaux, en particulier en Île-de-France, est demeuré relativement stable. Les constructions neuves étaient limitées et le patrimoine existant, datant pour l’essentiel des années 1950-1960, changeait peu de propriétaire.
Ainsi, la Caisse des dépôts et consignations a construit après la guerre, par l’intermédiaire de sa filiale immobilière, la Société centrale immobilière, ou SCIC, devenue ICADE, un nombre considérable de logements dans toute la région d’Île-de-France. Elle a commencé à se séparer de certains de ses logements à la fin des années quatre-vingt-dix et au cours des années deux mille, avant d’annoncer, dans un communiqué du 12 décembre 2008, sa décision de procéder à la vente de l’ensemble de son parc de logements en Île-de-France, soit 32 000 logements. Dans mon département du Val-de-Marne, 5 800 logements sont concernés, soit près de 700 pour la seule commune de Sucy-en-Brie, qui compte 25 000 habitants.
Par ailleurs, il est important de souligner que le patrimoine d’ICADE bénéficie d’un régime dérogatoire de rachat par les bailleurs sociaux : le rachat des logements sociaux appartenant aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la CDC se fait sous financement PLS, mais des conditions d’occupation plus sociales que celles qui sont appliquées aux logements PLS « ordinaire » peuvent être prévues.
Autrement dit, même si le niveau de loyer pratiqué par le nouveau bailleur après rachat est de type PLAI ou PLUS, les ventes d’ICADE interviennent toutes dans le cadre d’un financement PLS, qui ne donne pas matière à compensation de l’État.
Ainsi, tout le patrimoine social conventionné d’ICADE actuellement mis en vente, une fois racheté par un bailleur social, bénéficiera pendant vingt-cinq ans d’une exonération de TFPB qui ne sera pas compensée par l’État.
En conséquence, la politique d’exonération de TFPB influera sérieusement sur les équilibres des budgets locaux pour une longue période.
Pour reprendre l’exemple de Sucy-en-Brie, qui permet de bien raisonner, la perte de recettes est estimée, en 2009, à 140 000 euros, alors même que la vente globale du patrimoine d’ICADE n’a pas encore eu lieu. Cette perte résulte de la vente partielle de 148 logements, réalisée en 2008, et à un changement de propriétaire pour 150 autres logements sociaux. Par ailleurs, 700 logements restent à vendre : si tous ces logements sont vendus à un bailleur social, 1 200 logements au total auront disparu des bases de TFPB en l’espace de deux ans.
Ainsi, du jour au lendemain, ou presque, le budget municipal de Sucy-en-Brie pourrait se trouver amputé d’une recette de l’ordre de 500 000 euros par an, ce qui correspond, dans cette ville de 25 000 habitants, à une augmentation des impôts locaux de plus de trois points – excusez du peu !
Or Sucy-en-Brie ne constitue pas un cas isolé dans notre région : trente-six maires d’Île-de-France se sont d’ailleurs mobilisés pour attirer l’attention de l’État sur les conséquences de la cession en cours du patrimoine d’ICADE.
Madame la secrétaire d’État, il est paradoxal de constater que l’État affirme sa volonté – qui ne saurait être mise en doute – d’encourager le logement social, alors que, dans le même temps, sa politique de compensation d’exonération de la TFPB peu lisible, souvent fluctuante et pour le moins partielle, n’incite pas les collectivités locales à s’engager dans cette voie, y compris celles qui ne respectent pas le fameux seuil des 20 % instauré par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Ma question est donc très simple : quelles mesures compensatoires l’État envisage-t-il de prendre pour aider les communes à faire face à des pertes de rentrées fiscales particulièrement lourdes de conséquences ?