Intervention de Marie-Luce Penchard

Réunion du 7 juillet 2009 à 15h00
Nouvelle-calédonie et mayotte — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer :

Monsieur le président, je tiens d’abord à vous remercier de ces paroles d’encouragement.

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les textes examinés aujourd'hui par la Haute Assemblée selon la procédure accélérée constituent une étape importante pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte.

Certains d’entre vous, je le sais, s’interrogent sur l’intitulé d’un texte qui porte à la fois sur l’évolution institutionnelle de Mayotte et sur celle de la Nouvelle-Calédonie. Je voudrais les rassurer : il ne faut y voir aucun message particulier du Gouvernement ; ce sont les contraintes du calendrier parlementaire qui ont, seules, conduit à cette présentation commune.

Bien entendu, chaque collectivité suit son propre cheminement, comme le prévoit la Constitution ; il s'agit de deux trajectoires différentes, que nous respectons et accompagnons.

Ce projet de loi organique constitue une étape importante pour Mayotte car il consacre, ainsi que le prévoit la Constitution, le changement de statut décidé par nos compatriotes, à 95 %, le 29 mars dernier.

La collectivité unique prendra, en 2011, la place des institutions existantes. Naturellement, les dispositions de la loi organique concernant Mayotte ne constituent qu’un premier pas. Il faudra d’autres textes, qui seront soumis ultérieurement au Parlement, pour organiser la transition entre le régime actuel et la collectivité unique.

À cet égard, je veux signaler que le Gouvernement souscrit tout à fait à la rédaction nouvelle adoptée par la commission des lois pour l’article concernant Mayotte, qui prévoit clairement la mise en place de la collectivité unique à compter de mars 2011.

Ce projet de loi organique marque surtout une étape importante pour la Nouvelle-Calédonie. Les textes qui vous sont soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrivent dans la continuité et dans l’esprit de l’accord de Nouméa de 1998, car le consensus a toujours été le fil directeur de nos travaux.

Toutes ces dispositions, avant d’être soumises au Parlement, ont été nourries des travaux menés depuis 2006 en Nouvelle-Calédonie pour modifier le statut de cette collectivité.

Ainsi, le comité des signataires du 2 février 2006 a confié à un groupe de travail réunissant l’ensemble des partenaires le soin de formuler des propositions sur une révision du statut. Ce groupe de travail a remis ses conclusions ; celles qui faisaient l’objet d’un consensus local ont été reprises, dans leur grande majorité, au sein des actuels projets de lois.

Une part importante de ces textes porte sur la modernisation du statut de la Nouvelle-Calédonie. En effet, le statut actuel, qui est issu des lois organique et ordinaire du 19 mars 1999 et n’a pratiquement pas été révisé depuis lors, est antérieur à ceux de la plupart des autres collectivités d’outre-mer, exception faite de Wallis-et-Futuna, qui ont tous été élaborés ou mis à jour en 2007. Il était donc nécessaire d’harmoniser les règles qui ont vocation à être communes à l’ensemble des collectivités.

Le présent texte prévoit des modifications qui portent, notamment, sur l’harmonisation des règles relatives à la consultation de la Nouvelle-Calédonie sur les projets de loi et d’ordonnance ; sur la création d’un véritable statut des élus – je pense que ceux-ci s’en féliciteront –, garantissant une protection efficace, notamment sur le plan juridique ; sur l’institution de procédures d’expédition des affaires courantes et de modernisation des recours devant la juridiction administrative.

Par la modification de la loi organique de 1999, il s’agit aussi de clarifier la répartition des compétences, par exemple en permettant l’extension au sénat coutumier du régime des inéligibilités et incompatibilités ou en autorisant le congrès à édicter, à travers une loi du pays, un véritable statut de la fonction publique néo-calédonienne.

Ce texte fixe aussi des conditions d’intervention économique plus souples, qui s’accompagnent d’une transparence renforcée, et j’en félicite l’ensemble des signataires des accords, car ils ont beaucoup travaillé sur ce point. Ainsi, la collectivité de Nouvelle-Calédonie pourra créer des groupements d’intérêt public locaux avec les provinces et des personnes publiques ou privées, en vue de faciliter la coopération entre les institutions locales.

La modification de la loi organique permettra la participation des établissements publics des provinces au capital de sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général. Les provinces pourront accorder des subventions aux entreprises. Enfin, il sera possible, dans le respect des principes de la loi Sapin du 29 janvier 1993, de déléguer un service public.

Parallèlement, et dans le souci d’une plus grande transparence de la vie économique, ce texte permettra d’organiser une meilleure information du congrès sur les interventions locales en matière économique. Il assurera l’extension du contrôle de légalité du haut-commissaire aux actes des établissements publics. Enfin, il procède à une réelle modernisation du contrôle budgétaire des établissements publics locaux.

S'agissant des transferts de compétences, qui représentent une part importante de ce texte, le Gouvernement a loyalement transcrit les conclusions du comité des signataires de l’accord de Nouméa du 8 décembre dernier.

Au préalable, un long travail de préparation et de réflexion avait été conduit entre les signataires de l’accord, afin que ces transferts de compétences soient effectivement conduits dans les conditions prévues. Le comité des signataires a validé l’ensemble des propositions relatives à la révision de la loi organique.

Cet esprit d’équilibre général et de consensus, validé dans des termes très précis le 8 décembre dernier, se retrouve dans les projets de textes dont le Parlement est saisi.

Par ailleurs, la réussite du transfert de compétences suppose une adaptation des structures administratives. Les signataires ont souhaité que de réelles garanties soient apportées afin de maintenir la qualité du service rendu à nos compatriotes néo-calédoniens.

Des solutions concrètes et innovantes, associant l’État et les institutions locales, ont ainsi pu être proposées dans ce texte.

Il s'agit, notamment, de la création de « services mixtes », permettant la coexistence d’attributions de l’État et de la Nouvelle-Calédonie au sein d’une même administration, et de dispositions spécifiques concernant les personnels de l’éducation nationale, qui visent à assurer la transition la mieux adaptée. À ce titre, il est prévu dans un premier temps une mise à disposition globale de services.

Par ailleurs, le projet de loi vise la compensation financière intégrale des compétences transférées. Le mode de calcul de cette dernière sera même plus favorable qu’en métropole puisque la dotation de compensation sera indexée sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, alors que, en France métropolitaine, la dotation globale de décentralisation est désindexée.

En matière de sécurité civile, le présent projet prévoit que la Nouvelle-Calédonie et les provinces apporteront leurs concours à l’établissement public d’incendie et de secours.

Cette mutualisation des moyens ira de pair avec le concours de l’État, dans le cadre du fonds d’aide à l’investissement qu’un projet d’ordonnance en cours d’examen devant le Conseil d’État prévoit d’étendre à la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le projet de loi prévoit un accompagnement technique du transfert de compétences, dans le cadre de conventions qui pourront être conclues par la Nouvelle-Calédonie avec les administrations centrales et les autorités administratives indépendantes.

Ce suivi technique permettra d’éviter toute rupture dans la mise en œuvre des compétences, ce qui garantira une continuité administrative, sans porter préjudice au libre exercice par les institutions locales de leurs nouvelles compétences. Il s’agit d’aider le gouvernement néo-calédonien à élaborer sa propre réglementation dans des domaines complexes, comme le droit des affaires ou celui de la concurrence.

Le congrès de Nouvelle-Calédonie a proposé une série d’amendements destinés à améliorer, du point de vue de cette collectivité, l’équilibre budgétaire des transferts.

Je le rappelle avec force, le projet de loi présenté par le Gouvernement est conforme aux engagements inscrits en décembre dernier : non seulement la Nouvelle-Calédonie ne se trouve pas en retrait par rapport au droit commun en matière de transferts, mais elle bénéficie d’une dotation indexée sur la DGF, ce qui n’est plus le cas depuis cette année pour les dotations d’équipement.

À cet égard, la commission des lois a figé la période de référence pour la dotation de compensation des investissements de manière à inclure la construction du lycée du Grand Nouméa. Le Gouvernement adhère à cette proposition.

En revanche, la formulation retenue pour la participation de l’État au financement des opérations engagées n’est pas conforme aux conclusions du comité des signataires et risque d’avoir des effets sur l’échéancier du transfert de la compétence. Le Gouvernement a déposé un amendement visant à éviter ce risque.

S’agissant des compétences relatives au droit civil, aux règles concernant l’état civil, au droit commercial et à la sécurité civile, le comité des signataires avait décidé qu’elles seraient transférées selon les modalités prévues à l’article 27 de la loi organique. Ce changement a suscité des objections lors de l’examen du texte par le Conseil d’État, sa conformité à la Constitution ayant été débattue.

M. le rapporteur propose une rédaction qui revient à l’équilibre actuel de la loi organique tout en tenant compte des difficultés propres aux deux blocs de compétences pour lesquels les signataires de l’accord ont jugé nécessaire de poser des préalables. Cette position, sur laquelle nous avons consulté nos partenaires, nous semble conforme au consensus qui se dégage actuellement et elle est de nature à garantir que les transferts interviendront effectivement dans le délai prescrit par l’accord de Nouméa.

L’assouplissement, toutefois, doit être strictement circonscrit aux seules compétences qui devaient être introduites à l’article 27.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous soumet deux textes qui sont en grande partie le produit d’un consensus et traduisent un équilibre politique entre les signataires de l’accord, dont l’État est à la fois le garant et l’un des acteurs.

Pour le Gouvernement, le consensus de tous les partenaires s’est manifesté le 8 décembre. Le congrès a donné, à l’unanimité, un avis favorable sur les projets du texte sous réserve de plusieurs modifications.

Si le Gouvernement ne méconnaît pas le poids politique de l’accord trouvé, il a également sa vision et ses responsabilités dans le processus. C’est pourquoi certaines évolutions lui paraissent peu opportunes.

Plus fondamentalement, ces textes marquent la volonté très claire du Gouvernement, signataire de l’accord de Nouméa, d’assurer que les transferts de compétences qui doivent impérativement intervenir avant l’échéance fixée dans l’accord, c’est-à-dire 2014, soient effectifs dans les conditions les plus opérationnelles et dans le souci de maintenir la qualité des services rendus.

Les transferts sont la clé de la réussite de l’accord de Nouméa. Le Gouvernement vous confirme par ma voix qu’il entend bien que ce processus soit poursuivi.

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