Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 7 juillet 2009 à 15h00
Nouvelle-calédonie et mayotte — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’histoire a retenu que ce sont deux gouvernements dirigés, en 1988, par Michel Rocard et, en 1998, par Lionel Jospin qui, en liaison étroite avec tous les acteurs locaux, ont fait évoluer positivement le dossier calédonien.

Leur démarche commune était fondée sur une stratégie d’écoute et de dialogue.

Tout le monde a encore en mémoire l’assaut, en mai 1988, de la grotte d’Ouvéa par l’armée et la gendarmerie, puis la mission dite « du dialogue », dirigée par le préfet Christian Blanc.

Il y a eu non pas un miracle soudain, mais une longue et lente approche des personnes et de leurs problèmes. Peu à peu, la conviction s’est établie que quelque chose était possible, qui était susceptible de conduire à une sorte de décrispation en chaîne des mentalités et des réactions, donc de mener à la paix.

Le 26 juin 1988, les partenaires calédoniens signent les accords de Matignon-Oudinot avec une poignée de main historique entre Michel Rocard, qui était accompagné de notre ancien collègue Louis Le Pensec, alors ministre des départements et territoires d’outre-mer, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou.

Le processus de Matignon résiste à l’assassinat de Jean-Marie Tjibaou et de Yeiwene Yeiwene, survenu à Ouvéa le 4 mai 1989.

Le scrutin d’autodétermination de 1998, désigné comme un « référendum couperet », aurait pu mettre un terme à cette évolution pacifique. Il n’en a pas été ainsi, les appréhensions des partenaires, attisées à l’approche de cette échéance, ayant été surmontées, sous l’action conjuguée du Premier ministre Lionel Jospin et de Jean-Jack Queyranne, son secrétaire d’État à l’outre-mer. Ni le Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, ni le Rassemblement pour la Calédonie dans la République, le RPCR, n’ont voulu prendre la responsabilité de la division de la Nouvelle-Calédonie et des affrontements.

La signature de l’accord de Nouméa, le 5 mai 1998, traduit juridiquement par la loi organique du 19 mars 1999, a doté la Nouvelle-Calédonie d’une organisation inédite, adaptée à sa spécificité, faisant une large place à l’identité kanake, établissant une citoyenneté calédonienne au sein de la nationalité française et prenant en compte la nécessité du rééquilibrage économique et social du territoire, notamment par l’application de la notion d’emploi local.

Il ne s’agit pas ici de détailler le fil des événements. Cette tâche revient aux chercheurs, aux historiens, aux acteurs de cette histoire qui continue de s’écrire chaque jour. Nous faisons simplement le constat, que personne ne peut nier, mais qu’on peut oublier de le mentionner, qu’il a été donné à la gauche de conduire l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans la voie de la réconciliation.

L’évocation du passé permet d’illustrer une méthode de gouvernement qui a fait ses preuves et qui n’a, heureusement, jamais été remise en cause par les plus hautes autorités actuelles de l’État. Les déclarations du Président de la République, du Premier ministre et de votre prédécesseur au secrétariat d’État à l’outre-mer, madame, sont sans équivoque. Permettez-moi, une fois n’est pas coutume, de citer les propos de François Fillon devant le comité des signataires : « L’accord de Nouméa reste la feuille de route commune et constitue pour l’État un engagement. »

La campagne électorale qui a précédé les élections provinciales de 2009 a montré que la situation calédonienne reposait sur un équilibre qui reste fragile. Le climat politique s’est tendu, à droite comme à gauche. Néanmoins, chacun a assumé ses responsabilités, dans le cadre d’institutions qui ont fait une nouvelle fois la preuve de leur stabilité, parce que la logique de la collégialité et l’esprit de construction commune ont prévalu.

L’État, pour sa part, doit tenir ses engagements. Il doit assumer son rôle en veillant à l’application loyale de l’accord de Nouméa, notamment en matière de transferts de compétences, mais aussi en agissant pour le rééquilibrage économique en Nouvelle-Calédonie.

C’est parce qu’elles s’inscrivent dans cette perspective et qu’elles respectent l’esprit comme la lettre de l’accord de Nouméa que le groupe socialiste approuve les propositions du rapporteur et est prêt à adopter les textes proposés par la commission des lois.

Si ces textes nous donnent satisfaction sur le fond, la forme dans laquelle le Sénat a été appelé à en délibérer n’en est pas moins inacceptable ; au demeurant, je vous en donne acte, madame la secrétaire d’État, vous n’en êtes nullement responsable.

Les conditions d’examen du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire parlent d’elles-mêmes.

Adoptés en conseil des ministres le 17 juin 2009, ces projets ont été déposés le jour même sur le bureau du Sénat et transmis à la commission des lois. Le rapport de Christian Cointat a, quant à lui, été adopté le 24 juin, soit sept jours plus tard. Je salue d’ailleurs le remarquable travail qui a été effectué en si peu de temps aussi bien par notre collègue que par le personnel de la commission des lois, et qui nous permet de disposer aujourd'hui d’un rapport dont tout le monde reconnaît la qualité.

Pour autant, ce n’est pas parce que le rapport est de qualité et que notre administration a parfaitement rempli sa mission que nous devons travailler dans des conditions aussi insupportables, d’autant que tout doit être terminé au cours de cette session extraordinaire !

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