Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 7 juillet 2009 à 15h00
Nouvelle-calédonie et mayotte — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Il est curieux que le comité de pilotage et la mission d’appui, composée d’experts, de magistrats et de hauts fonctionnaires, n’aient pas attiré l’attention sur les conséquences prévisibles de la solution retenue et validée par le comité des signataires.

La menace de la transgression de l’accord de Nouméa a été soulignée par de nombreux élus calédoniens. Le groupe socialiste a partagé cette crainte et l’a relayée vigoureusement.

Il est heureux que M. le rapporteur ait souscrit à cette analyse et que, sur sa proposition, la commission ait modifié la rédaction des articles 1er et 3 du projet de loi organique. La solution retenue est pragmatique : elle consiste à retarder non pas les transferts, mais la décision de transférer les quatre compétences – parce que ces transferts-là exigent, chacun le reconnaît, un temps de préparation plus long –, tout en assurant, dans la rédaction approuvée à l’unanimité par la commission des lois, l’effectivité des transferts en novembre 2009 et en 2011.

En revanche, il ne semble pas nécessaire de solder l’hypothèse où le congrès n’adopterait pas de loi du pays relative aux transferts ni le cas où il ne le ferait que pour certaines compétences. Je me réjouis que cette préoccupation ait été retenue.

L’équation calédonienne en matière de transferts repose sur une mathématique politique imparable : l’automaticité des transferts doit conjurer tout risque d’immobilisme.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, veillons à ne pas brûler les étapes.

La problématique de la sortie de l’accord de Nouméa se pose dans les mêmes termes que celle de la sortie des accords de Matignon. Il faut y travailler sans chercher à instrumentaliser les règles de gouvernance de la Nouvelle-Calédonie. Si la loi organique prévoit que les transferts de compétences doivent être décidés par le congrès à la majorité des trois cinquièmes, c’est pour les solenniser par une manifestation périodique de quasi-consensus, et non pour les remettre en cause.

L’accord de Nouméa a pris en compte la poursuite du rééquilibrage économique et social entre les trois provinces, dont l’élément déterminant est la réalisation effective de l’usine du Nord. La province Nord est partie prenante.

La Nouvelle-Calédonie a connu, ces dernières années, une euphorie économique exceptionnelle, sous le double effet des investissements publics et de la flambée des cours du nickel. La stabilité politique a facilité son intégration régionale dans le Pacifique. Avec un revenu par habitant avoisinant celui de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, elle suscite de plus en plus l’intérêt des États océaniens.

Mais aujourd’hui, rattrapée par la crise, la Nouvelle-Calédonie risque de connaître une explosion sociale. Le creusement des inégalités constitue un risque politique majeur.

Mes chers collègues, un quart des ménages calédoniens vit sous le seuil de pauvreté relative. Le salaire minimum brut est égal à un peu moins de 70 % de son équivalent métropolitain, et une récente enquête de l’UFC-Que choisir a révélé que le panier de la ménagère était 96 % plus cher qu’en métropole.

Ayons le courage de le reconnaître, cette disparité crée une société à deux vitesses, divisée entre une minorité urbaine aisée, essentiellement européenne, et une population majoritairement kanake, peu formée et défavorisée.

Il faut renforcer la notion d’équilibre politique à l’origine de la provincialisation justement instaurée par les accords de Matignon, en développant, par des projets structurants, un rééquilibrage spatial.

Celui-ci doit s’accompagner de politiques sociales volontaristes, pour réduire les disparités importantes des niveaux de vie qui marquent toujours la société calédonienne et pour répartir plus équitablement les richesses locales.

En conclusion, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je forme le double vœu que nous puissions adopter ce projet de loi organique et ce projet de loi ordinaire à l’unanimité, pour donner à nos délibérations toute la force nécessaire, et que l’Assemblée nationale ait la sagesse de ne pas remettre en cause le point d’équilibre ainsi trouvé. Ce serait à mes yeux la meilleure manière de confirmer les acquis du passé et d’assurer, en Nouvelle-Calédonie, les voies d’un avenir pacifique.

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