Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder le fond du texte qui nous revient de l’Assemblée nationale, je souhaiterais faire un bref rappel d’ordre quantitatif.
En première lecture, nous avions examiné un projet de loi comportant quinze articles. Tout en approuvant les lignes directrices de ce texte, nous y avions apporté un certain nombre d’adjonctions, dont certaines sous forme d’articles additionnels. Au nombre de sept, ceux-ci prévoyaient, pour trois d’entre eux, le dépôt de rapports du Gouvernement au Parlement sur des sujets qui nous semblent importants : l’accueil des touristes dans les aéroports internationaux français, la situation des résidences de tourisme et les difficultés de mise aux normes des petits établissements hôteliers. Les quatre autres visaient respectivement à encadrer l’activité des motos-taxis, à réformer la durée des baux commerciaux dans les résidences de tourisme, à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive « Timeshare » de 2008 et, enfin, à élargir les possibilités de dégrèvement de la taxe de séjour forfaitaire en cas de circonstances exceptionnelles.
L’Assemblée nationale a ajouté seize articles, dont certains, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas anodins, tels celui qui concerne la réduction du taux de TVA dans la restauration à 5, 5 % ou encore celui qui est relatif à la déclaration d’intérêt général pour certaines enceintes sportives.
Ce sont donc au total trente-six articles que le Sénat examine aujourd’hui en deuxième lecture. M. le secrétaire d’État ayant présenté les travaux de l’Assemblée nationale, je me limiterai aux articles importants et qui font débat, afin d’expliquer les raisons pour lesquelles votre commission vous propose d’adopter conforme le texte de l’Assemblée nationale.
Le premier point sensible concerne les articles 4 et 4 bis A, relatifs aux voitures de grande remise et aux moto-taxis.
Pour les premières, l’Assemblée nationale a renvoyé au décret le soin d’établir les conditions d’aptitude professionnelle des chauffeurs. Cela nous convient, monsieur le secrétaire d’État, si vous nous confirmez que figureront, au titre de ces conditions, des capacités linguistiques, et que les moyens que le Sénat avait prévus pour justifier de ces aptitudes – le stage, l’exercice d’activités antérieures, l’examen professionnel ou la possession d’un diplôme, d’un titre ou d’un certificat agréé – seront bien retenus.
Quant aux motos-taxis, les députés ont approuvé le principe de l’encadrement, mais ils ont préféré aux modalités retenues par le Sénat celles de l’un de leurs collègues, Didier Gonzales, qui auraient fait l’objet de négociations approfondies tant avec la profession qu’avec le ministère de l’intérieur.
Dès lors que les objectifs sont bien les mêmes, que la sécurité du consommateur est assurée et que les conditions de concurrence avec les taxis sont bien prises en compte, le texte de l’article 4 bis A convient, en l’état, à la commission.
Les députés ont ensuite supprimé l’article 4 bis, qui prévoyait un rapport sur l’accueil des touristes internationaux français. Je ne m’étendrai ni sur cette suppression ni sur les arguments qui y ont présidé, alors que l’Assemblée nationale a par ailleurs ajouté deux nouveaux rapports gouvernementaux et a très notablement étendu la portée des deux autres rapports que demandait le Sénat.
Nous n’allons pas poursuivre la navette pour cette seule raison, mais je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’ État, que, tout à l’heure, lors de l’examen de l’amendement visant au rétablissement de l’article, déposé par notre collègue Philippe Dominati, qui était l’initiateur de cette proposition, vous nous confirmiez votre engagement, nonobstant une disposition législative expresse, à fournir à la représentation parlementaire, dans le courant du premier trimestre 2010, ce rapport sur les aéroports qui est attendu par nombre de nos collègues.
S’agissant de l’article 6 relatif à Atout France, la commission n’a pas émis d’objection aux diverses modifications apportées par l’Assemblée nationale. Je voudrais toutefois souligner qu’en comparant notre offre touristique à celle de nos concurrents proches ou lointains, on mesure les efforts à accomplir pour élever la compétence des acteurs du tourisme français, condition essentielle de notre compétitivité : produits plus innovants, meilleurs processus de gestion et de commercialisation, amélioration de la qualité du service constituent en effet des défis auxquels il nous faut répondre rapidement.
L’une des tâches d’Atout France sera d’assurer la préparation et la cohérence de ces réponses. Mais les missions de la nouvelle agence seront d’une ampleur telle que, même si ses moyens sont accrus, ils s’avéreront largement insuffisants pour lui permettre de répondre seule à l’ensemble de ces défis, de sorte que des coopérations avec des partenaires qualifiés seront évidemment nécessaires.
Dans les domaines complexes de l’enseignement et de la formation en particulier, où le secrétariat d’État chargé du tourisme ne dispose plus de compétences propres, l’agence Atout France n’aura-t-elle pas le plus grand intérêt, ainsi que vous l’avez publiquement recommandé le 27 mai dernier devant le nouvel Institut français du tourisme, monsieur le secrétaire d’État, à s’appuyer sur les réseaux existants les plus pertinents ?
Ce serait, en pleine harmonie avec l’esprit et les objectifs de modernisation du projet de loi, donner le signe d’un pragmatisme fondé sur l’écoute des acteurs professionnels et apporter un soutien à une initiative partenariale novatrice qui vise, notamment, à créer en France le réseau de pôles d’excellence dont notre tourisme a besoin.
Aux articles 8 et 9, les députés ont jugé peu efficient, au regard des délais considérés – une quinzaine d’années environ –, d’interdire à un même organisme évaluateur de contrôler plus de deux fois successivement le même établissement. Il s’agit d’une mesure qui, le cas échéant, nous amènerait au mieux en 2023, ce qui est en effet assez lointain.
Les députés ont préféré – et la commission les a rejoints sur ce point – interdire à ces organismes de commercialiser d’autres prestations de services concomitamment à l’évaluation. Cette prohibition est effectivement plus intéressante pour garantir l’objectivité de l’évaluation, qui est notre souci commun.
Voilà pourquoi je serai conduite, tout à l’heure, à donner au nom de la commission un avis défavorable à plusieurs amendements de Philippe Dominati et de nos collègues du groupe socialiste.
À l’article 9, toujours, les députés ont aussi supprimé la procédure d’évaluation des chambres d’hôtes par un organisme accrédité. Il est vrai que nous avions créé le classement des chambres d’hôtes sans tenir compte de l’extrême hétérogénéité tant de l’offre de ces structures que des organismes qui procèdent à l’évaluation, pour lesquels la procédure du COFRAC est sans doute inadaptée en raison de sa très grande rigueur.
Je partage donc l’avis exprimé par M. le secrétaire d’État, qui l’a conduit à souhaiter procéder d’abord par voie réglementaire pour établir un dispositif d’évaluation adapté à la réalité de l’offre d’hébergement de ce secteur, en liaison avec les associations représentatives, l’agence Atout France et les organismes locaux de tourisme.
Il vaut mieux créer un système qui fonctionne après avoir mené une consultation, quitte à le légaliser ultérieurement, plutôt que de vouloir boucler immédiatement le dispositif, au risque de le rendre si rigoureux que beaucoup de gestionnaires de chambres d’hôtes trouveraient trop lourd et trop coûteux de s’y engager. Nous aurions alors tous raté notre cible, car notre objectif est bien de faire entrer les chambres d’hôtes dans le cadre d’une offre d’hébergement de qualité standardisée. C’est pourquoi, monsieur Maurey, je vous proposerai tout à l’heure de retirer votre amendement.
À l’article 11, l’Assemblée nationale a supprimé la procédure dérogatoire propre aux auto-entrepreneurs. Elle a en effet estimé que les maires devaient être informés de la même manière, quelle que soit la qualité des personnes proposant des chambres d’hôtes ou des meublés de tourisme. La commission n’a pas d’objection à opposer à cette précaution. De même, elle approuve le fait qu’à l’article 12 les députés aient souhaité que toutes les personnes offrant des boissons alcoolisées soient soumises à la même formation sur celles-ci. Pour les exploitants des tables d’hôtes, le plus important était que leurs fédérations nationales soient autorisées à dispenser cette formation, ce que le texte confirme.
S’agissant de l’article 14 relatif à l’Agence nationale pour les chèques-vacances, l’ANCV, les députés n’ont pas retenu la proposition du Sénat d’élargir ses missions aux non-salariés. Là encore, à la réflexion, je pense qu’ils ont raison et c’est pourquoi la commission ne sera pas favorable à un amendement proposant de rétablir la rédaction que nous avions adoptée en première lecture.
En effet, il ne faut pas confondre la mission de solidarité sociale de l’ANCV, qui est déjà réalisée par celle-ci au travers de la bourse solidarité vacances, mise en place par notre collègue Michelle Demessine, et des partenariats noués avec des associations caritatives au bénéfice des publics fragiles, avec sa mission propre au monde des entreprises.
Avec les adjonctions adoptées tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, sont désormais couverts tous les salariés, leurs conjoints, concubins ou pacsés, et tous les chefs d’entreprise de moins de cinquante salariés.
Au fond, seuls les professionnels libéraux qui ne sont pas constitués en société demeurent en dehors du dispositif, ce qui n’est pas choquant. Il est préférable que l’ANCV se concentre sur la mission élargie qui est désormais la sienne, ainsi que sur ses interventions sociales à l’attention des publics fragiles, plutôt que sur la généralisation absolue que proposent nos collègues.
Cela dit, sur ce point, l’élargissement de l’accès aux chèques-vacances va, ipso facto, accroître le rôle de l’ANCV. Or la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, reconnaît d’ores et déjà la mission de service public de cette agence dans le domaine de la politique d’aide au départ en vacances. Dès lors, ne conviendrait-il pas de mettre en harmonie avec l’évolution en cours le programme budgétaire concerné de la LOLF, en reconnaissant à l’ANCV le statut d’opérateur de l’État, qu’elle exerce déjà de fait ?
Cette mise en conformité du droit et de la pratique rendrait en outre plus lisible l’effort accompli par l’État, notamment au travers de l’importante dépense fiscale et sociale inscrite dans la LOLF au bénéfice des ayants droit du chèque-vacances et, indirectement, de l’agence elle-même.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous donniez des précisions sur ce point important pour la pérennité de l’ANCV.
Par ailleurs, s’agissant de l’article 14 bis, autant il sera utile de disposer dans deux ans d’un rapport sur l’évolution de la diffusion des chèques-vacances, autant il n’est pas pertinent de fixer dans la loi des objectifs que l’on sait difficiles à atteindre et, surtout, d’anticiper sur ce résultat pour préconiser des pistes de réforme.
Je le dis clairement : le législateur de demain ne sera pas lié par les préconisations de ce rapport, surtout si elles devaient remettre en question le rôle de l’ANCV.
Enfin, à l’article 15 relatif au timeshare, l’Assemblée nationale a remplacé le retrait de droit de la société des héritiers de parts ou actions du capital social par une disposition faisant relever des « justes motifs » pouvant être reconnus par le juge non seulement cette situation d’héritier, mais aussi la fermeture ou l’inaccessibilité de la station ou de l’ensemble immobilier concerné.
Cette solution d’équilibre sécurise la situation des personnes concernées, tout en préservant les intérêts des autres associés et en demeurant dans le cadre général du droit des contrats. C’est pourquoi la commission ne sera pas favorable à l’amendement qui vise à rétablir le texte que nous avions adopté en première lecture. Au demeurant, celui-ci n’accélérait nullement les procédures, puisque, en tout état de cause, un jugement demeurait nécessaire.
J’en viens maintenant, mes chers collègues, aux nombreuses adjonctions de l’Assemblée nationale soit dans les articles introduits par le Sénat, soit au travers d’une quinzaine d’articles additionnels. Je n’évoquerai cependant que les mesures qui semblent poser des difficultés. Je vous invite à vous reporter à mon rapport écrit en ce qui concerne les autres, que votre commission a approuvé sans réserve.
À l’article 1er, les députés ont facilité la prise en charge des clients de l’organisme de garantie financière quand celui-ci se substitue au professionnel défaillant en situation d’urgence. Cette faculté est opportune car, dans ces situations, l’accord exprès des clients peut être impossible à obtenir. Dès lors, maintenir cette exigence peut se révéler tout à fait défavorable au consommateur.
C’est pourquoi la commission n’est pas favorable à l’amendement de suppression déposé par mes collègues du groupe socialiste, car une telle disposition pourrait être très pénalisante pour les clients eux-mêmes.
Vient ensuite une série de quatre articles nouveaux relatifs aux résidences de tourisme et sur lesquels, je l’avoue, je suis assez dubitative. En première lecture, nous étions convenus, monsieur le secrétaire d’État, qu’un rapport serait établi sur ces résidences. Cela nous permettrait de faire le point sur une législation qui ne donne pas entièrement satisfaction – c’est peu de le dire ! –, puis de modifier celle-ci globalement, de manière équilibrée.
Or on conserve l’idée du rapport dans l’article 10 bis, mais on procède par petites touches, ici ou là, pour corriger tel ou tel aspect, sans cette vision d’ensemble qui semblait opportune. Un tel choix est regrettable, d’autant qu’il conduit évidemment certains de nos collègues à vouloir compléter ces adjonctions.