Intervention de Alain Pichon

Réunion du 9 février 2010 à 14h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Alain Pichon, doyen  :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la remise du rapport public annuel est un moment toujours particulier dans les relations sans cesse plus étroites que le Sénat et la Cour ont nouées.

Vous le savez, ce rapport est l’occasion pour les juridictions financières de sélectionner des sujets illustrant non seulement les errements et les insuffisances, mais aussi les progrès qu’elles constatent dans la gestion publique. Toutefois, nos échanges ne se limitent pas au seul rapport public annuel, loin s’en faut ! Cette année encore, la Cour a porté à votre connaissance de nombreux rapports représentant plusieurs milliers de pages afin de vous assister dans l’exercice de vos missions constitutionnelles de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.

En 2009, nous vous avons notamment adressé les cinq rapports prévus par la loi organique relative aux lois de finances et la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui sont destinés à nourrir vos grands débats budgétaires et financiers.

Conformément à ces deux lois organiques, nous avons effectué plusieurs enquêtes à la demande de vos commissions habilitées à nous saisir.

Ainsi, cinq communications ont été adressées à la commission des finances du Sénat, portant sur la gestion des centres de rétention administrative, sur le programme Copernic, sur l’Office national des forêts, sur l’articulation entre la politique de la ville et l’éducation nationale dans les quartiers sensibles et enfin sur la présidence française de l’Union européenne.

Votre commission des affaires sociales, quant à elle, a été destinataire de deux communications, l’une relative à la lutte contre le VIH/SIDA et l’autre à l’action sociale dans la branche famille.

Nous travaillons d’ores et déjà à satisfaire votre demande de cinq nouvelles communications, qui vous seront adressées dans le courant de l’année 2010.

En 2009, nos six rapports publics thématiques vous ont également été adressés. Ils ont porté sur la protection de l’enfance, France Télévisions, la décentralisation, les transports express régionaux et l’évolution des effectifs de l’État. Vous avez également été destinataires du rapport sur les concours publics accordés aux établissements de crédits affectés par la crise financière.

Enfin, nous vous avons communiqué six rapports relatifs au contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique, portant notamment sur les Restos du Cœur ou sur le Sidaction.

J’en viens maintenant à la présentation du rapport public annuel, dont le premier tome rassemble les résultats de vingt-cinq contrôles menés en 2008 et surtout en 2009.

J’évoquerai tout d’abord la situation générale de nos finances publiques, puis les insertions aux enjeux financiers les plus significatifs, en recettes comme en dépenses.

Chacun connaît les maux dont nos finances publiques sont affectées, mais ce n’est pas une raison pour ne pas les rappeler.

Le déficit public, selon les dernières prévisions du Gouvernement, devrait s’élever à 7, 9 % du PIB en 2009, soit plus qu’un doublement en un an, et atteindrait 8, 2 % en 2010.

L’essentiel de cette forte dégradation résulte indéniablement de la crise économique, qui a fait fondre les recettes fiscales et sociales et entraîné un surcroît de dépenses imputables au plan de relance et de soutien de l’économie.

La Cour considère toutefois – elle a sur ce point une divergence avec le Gouvernement qui transparaît dans sa réponse publiée dans le rapport – que le déficit structurel a augmenté de 0, 6 point par rapport à 2008 et qu’il représente désormais la moitié du déficit pour 2009.

La dérive structurelle des comptes publics s’est donc poursuivie en 2009 sous l’effet de la persistance du dynamisme de la dépense publique et des allégements pérennes d’impôts consentis pour 2009 et 2010.

Nous assistons en conséquence à un emballement de la dette publique. Entre 2003 et 2009, la dette est passée de 1 000 milliards d’euros à près de 1 500 milliards d’euros, et cette tendance menace de s’accélérer encore.

Le Chef de l’État vient d’annoncer une série de mesures qui marquent une volonté de rupture avec les pratiques antérieures. C’est lors de notre rendez-vous de juin prochain et dans les rapports ultérieurs consacrés à la situation des finances publiques que nous pourrons analyser les décisions qui seront prises en ce début d’année et leurs premiers effets.

Elles devront conduire à un effort massif pour réduire les dépenses publiques et optimiser le rendement des prélèvements obligatoires, c’est-à-dire des impôts existants, en commençant par la réduction rigoureuse et volontaire des dépenses et des niches fiscales et sociales.

Ainsi, le coût de certains dispositifs d’allégement d’impôts prévus par la loi dite Girardin de 2003 apparaît particulièrement disproportionné. Nos contrôles en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna ont montré que ces dispositifs d’incitation à l’investissement privé conduisent l’État non seulement à rembourser aux investisseurs privés leur mise de fonds, mais aussi à les rémunérer très généreusement. Dans ces territoires, le rendement net d’impôt est de 18 % pour l’immobilier et le taux d’intérêt servi par l’État pour les investissements industriels à Wallis-et-Futuna peut atteindre 66 %.

Nous consacrons plusieurs insertions au contrôle et à la lutte contre la fraude dans plusieurs secteurs.

Les contrôles fiscaux des entreprises et des particuliers ont été réorientés sur les erreurs et fraudes les plus faciles à détecter et à sanctionner afin d’offrir le meilleur rendement budgétaire possible. La conséquence en est que les contribuables ne sont pas égaux face à ces contrôles ; les différents impôts ne font pas l’objet de la même attention ni de la même vigilance.

La lutte contre la fraude à l’indemnisation du chômage a mobilisé l’UNEDIC et les ASSEDIC au cours de la période récente, avec la création d’un corps d’auditeurs spécialisés et la modernisation des outils de contrôle.

Cependant, Pôle emploi reste largement démuni faute d’une coopération suffisante avec les autres services publics, à commencer par les services préfectoraux. Mais la Cour insiste sur la nécessité de faire converger les assiettes et règles de recouvrement des cotisations d’assurance chômage avec celles de la sécurité sociale, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Nous examinons également la gestion du produit des amendes de circulation routière, qui ont rapporté plus de 1, 5 milliard d’euros au budget de l’État en 2008, notamment avec la mise en œuvre croissante et très productive des amendes-radars.

Leur gestion reste marquée par une grande opacité, ce qui favorise la perpétuation de pratiques d’annulation d’amendes pourtant interdites par les textes, les fameuses « indulgences ».

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