Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 17 décembre 2010 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Article 40, amendements 238 2011

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Compte tenu de la réponse complète et précise de M. le ministre, je voudrais centrer mon explication de vote sur notre responsabilité collective s’agissant de cet amendement.

Comme M. le rapporteur général y a fait allusion, mon collègue Jean-Pierre Masseret et moi-même – lui au nom de la commission des finances et moi au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – avons déposé voilà deux un rapport commun sur le programme d’avions de transport militaire stratégique et tactique A400M.

En effet, cet appareil, qui est essentiel pour la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, connaissait des problèmes importants de conception, de conduite du programme, ainsi que des difficultés techniques, ce qui occasionnait des retards et signifiait des surcoûts annoncés. Un abandon du programme avait même été envisagé.

En conclusion de notre rapport, nous avons présenté des réflexions et des préconisations pour sauver l’A400M. Je rappelle que ce rapport a été adopté à l’unanimité des deux commissions et que nous avons été missionnés pour en assurer le suivi, ce que nous faisons depuis.

Grâce à l’engagement fort des États partenaires, du ministre français de la défense d’alors, M. Hervé Morin, du délégué général pour l’armement et des industriels, qu’ils soient avionneurs, motoristes ou sous-traitants, il a été possible d’apporter des solutions aux problèmes organisationnels et techniques.

De plus, un nouveau calendrier et la prise en charge par les États partenaires et industriels des surcoûts ainsi créés ont été validés dans le cadre d’un accord – cela vient d’être mentionné – signé à Berlin le 5 mars 2010, accord soumis actuellement – et non dans six mois – au paraphe des États.

La France a ainsi engagé sa responsabilité, notamment avec la garantie, largement évoquée aujourd'hui, de l’État, selon la formule dite « Export levy facility », ou ELF, via la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 417 millions d’euros.

Comme l’a indiqué M. le ministre, l’Allemagne a fait de même à hauteur de 500 millions d’euros, via la KFW et un dispositif similaire avec accord de la commission budgétaire du Parlement. Le dispositif n’entrera en vigueur qu’au début du mois de janvier, et le coût exact pourra alors être calculé en fonction du taux du marché.

En Allemagne comme en France, c’est un scénario d’exportation très prudent qui a été retenu. Le gouvernement allemand vient d’informer la commission parlementaire que cette prudence devrait conduire l’État à ne pas faire effectivement jouer la garantie accordée à la KFW.

Si l’amendement n° 238 était voté, donc si la loi était promulguée en l’état, la conclusion finale des négociations ne pourrait pas intervenir, empêchant la signature des contrats au tout début de l’année 2011, puisque l’État français ne pourrait pas juridiquement engager sa signature.

Cela signifierait – M. le ministre l’a expliqué – que la France n’honorerait pas ses engagements, mais également que les décisions finales sur l’A400M seraient bloquées et que de nouveaux retards insupportables en découleraient.

Je veux rappeler que nos armées ont un besoin urgent de cet appareil, dont la première livraison pour la France est attendue dès 2013. À défaut, le trou capacitaire dans le domaine du transport stratégique et tactique perdurerait avec deux conséquences.

D’une part, nous devrions subir l’absence d’un appareil indispensable à nos missions, notamment en Afghanistan, en Afrique du Nord et dans les départements ultramarins.

D’autre part, il serait nécessaire d’affréter des matériels à l’international, ce qui ne répondrait pas complètement à nos besoins et créerait des surcoûts importants.

Et je n’aborde même pas les répercussions sur nos industriels, en particulier les PME sous-traitantes !

Ce qui est vrai pour la France le serait également pour les autres pays partenaires, notamment le Royaume-Uni, dont les besoins de l’A400M sont aussi urgents que les nôtres.

Je vous laisse imaginer ce que serait l’image de la France vis-à-vis de nos partenaires et dans le monde, ainsi que la perte de crédibilité face à un tel désastre, à cause d’un seul amendement du Sénat.

La réalisation de cet avion est un exemple concret de la défense européenne. À l’heure où les marchés sont chahutés, les industries de défense européennes ont besoin de confiance et de stabilité. À nous de leur donner ces garanties et signaux.

Cet amendement compromet un an et demi de négociations entre tous les pays de lancement de l’A400M et l’industriel en vue de permettre l’achèvement du programme dans les délais prévus.

Voilà pourquoi, au nom du groupe UMP, monsieur le rapporteur général, je soutiendrai M. le ministre en vous demandant de retirer votre amendement. À défaut, j’appellerai mes collègues à voter contre.

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