Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 8 février 2007 à 9h45
Équilibre de la procédure pénale — Articles additionnels avant l'article 3

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Nous abordons ici le sujet très important de la détention provisoire.

La commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau a relevé que, parmi les personnes qu'elle avait entendues, nombreuses étaient celles qui avaient souligné que, sans la détention provisoire, il n'y aurait pas eu d'affaire d'Outreau.

S'il est sans doute excessif de ramener tous les dysfonctionnements dans cette affaire au problème de la détention provisoire, force est de reconnaître que ce qui a d'abord frappé les esprits dans l'affaire d'Outreau, c'est la proportion de placements en détention provisoire par rapport aux autres solutions possibles, au premier rang desquelles le contrôle judiciaire.

Ensuite, ces détentions ont choqué par leur durée, extrêmement longue : 39 mois, 37 mois, deux ans et demi, deux ans, 23 mois, etc. J'ajoute qu'une des personnes incarcérées dont l'état de santé s'était beaucoup dégradé en prison est décédée au bout de quatorze mois de détention provisoire.

Le Gouvernement et la majorité se sont soudain émus que l'on puisse rester plus de trois ans en détention provisoire. Mais qui a fait adopter ces lois ?

La loi Perben II recèle un bon exemple de disposition permettant de faciliter le recours à la détention provisoire. L'article 137-4 du code de procédure pénale prévoit en effet la possibilité, pour le parquet, de saisir directement le juge des libertés et de la détention pour demander ce placement, dans l'hypothèse où le juge d'instruction estime que cette détention provisoire n'est pas justifiée.

La loi Perben II a ainsi supprimé l'une des garanties du justiciable face à une demande de placement en détention provisoire qui constitue pourtant l'une des mesures les plus importantes au regard de la présomption d'innocence.

Après l'obligation faite au juge d'instruction de motiver le maintien en liberté, après l'institution du référé-détention au profit du ministère public par la loi Perben I, la loi Perben II a organisé l'éviction pure et simple par le procureur de la République d'un juge d'instruction, toujours suspect, et que l'on voudrait aux ordres du parquet.

Lorsque nous avons examiné ce texte en 2004, le rapporteur n'avait d'ailleurs pas hésité à affirmer qu'il s'agissait, par cette disposition, de permettre « au procureur de la République de surmonter un éventuel refus du juge d'instruction ».

La loi de juin 2000 s'était pourtant donné pour objectif de limiter le recours à une procédure attentatoire à la liberté individuelle s'agissant de personnes encore non condamnées, et ce dans la foulée des travaux de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, qui estimait que certaines personnes n'avaient rien à faire en prison. Nous aimerions que ce temps ne soit pas totalement révolu.

Aujourd'hui, environ un tiers de la population carcérale est constitué de prévenus, c'est-à-dire de présumés innocents jusqu'à leur jugement, et la durée moyenne de cette détention avant jugement s'allonge d'année en année.

Compte tenu de ce constat à la fois édifiant et alarmant, et si l'on estime que le débat qui a lieu aujourd'hui a pour objectif de faire reculer le recours à la détention provisoire, il convient de mettre fin aux dispositions qui facilitent un tel recours.

C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 137- 4 du code de procédure pénale.

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