Cet amendement a pour objet de ne permettre le placement en détention provisoire en matière correctionnelle que si la personne poursuivie encourt une peine de cinq ans d'emprisonnement, et non de trois ans comme c'est le cas aujourd'hui.
Avant la loi de juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes, une personne pouvait se voir placée en détention provisoire si elle encourait une peine d'un an de prison, en cas de délit flagrant, ou de deux ans, dans les autres hypothèses, mais ce texte a limité en matière correctionnelle le recours à la détention provisoire, qui n'est désormais possible que si la peine encourue est de trois ans, un quantum qui nous semble néanmoins encore trop bas.
Mes chers collègues, nous connaissons les effets de la détention provisoire sur les personnes qui la subissent, et je croyais d'ailleurs que la philosophie de ce projet de loi était précisément de réduire la durée de cette détention !
Présumées innocentes, les personnes placées en détention provisoire sont incarcérées dans des conditions souvent éprouvantes, qui ressemblent à celles réservées aux condamnés. Elles attendent leurs procès dans des maisons d'arrêt surpeuplées, occupées à 125 % en moyenne. D'ailleurs, M. le ministre connaît très bien le cas de la maison d'arrêt de la Talaudière, située dans son cher fief électoral du département de la Loire.
Malgré les dispositions contraires du code pénal, ces personnes se trouvent contraintes de cohabiter à deux ou à trois dans une même cellule, qu'elles partagent parfois avec des personnes condamnées. Par ailleurs, leur brusque privation de liberté les plonge dans un état de grande vulnérabilité psychique.
Selon les spécialistes du milieu carcéral, ce problème ne se limite pas aux conditions de détention : il est très difficile de faire accepter leur enfermement à des personnes qui ignorent combien de temps celui-ci va durer. En effet, contrairement aux condamnés qui comptent les jours et calculent leur réduction de peine, les prévenus sont dans une totale incapacité de se projeter dans l'avenir. Dès lors, est-ce un hasard si les prévenus constituent 47 % des suicidés en prison, alors qu'ils ne représentent qu'un tiers de la population carcérale ?
L'affaire d'Outreau a provoqué un électrochoc, qui doit susciter, me semble-t-il, une réponse beaucoup plus ambitieuse que celle qu'offre le présent projet de loi.