Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 8 février 2007 à 9h45
Équilibre de la procédure pénale — Article 3

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

J'ai été, mes chers collègues, très attentif et très sensible à la démonstration que vient de faire M. le garde des sceaux.

Il me semble qu'on ne devrait pas, au motif que certaines erreurs peuvent être commises dans le placement en détention provisoire, aussi tragiques que soient parfois ces erreurs, réduire excessivement le champ de celle-ci.

M. le garde des sceaux a fort justement rappelé qu'il existait certaines circonstances où, même en matière correctionnelle, et au moins pour la première mise en détention, elle restait absolument nécessaire, normale même.

M'étant, dans ma jeunesse, beaucoup occupé d'affaires pénales, je puis vous dire que les détenus qui, au fond d'eux-mêmes, savent bien qu'ils sont coupables - c'est quand même le cas d'une majorité d'entre eux, car la contestation de culpabilité n'est bien souvent qu'un moyen de défense - préfèrent effectuer de la détention provisoire plutôt que de purger une peine six mois, un an, voire trois ans après la commission de leur délit, alors qu'ils l'ont oublié et ont repris une vie normale. Cela mérite aussi d'être pris en considération.

Cela ne signifie pas que je suis insensible à un certain nombre de drames. Il est évidemment terrible de mettre un innocent en détention provisoire. Mais ce n'est pas en réduisant sans cesse les hypothèses de détention provisoire, y compris dans les cas où elle est justifiée, qu'on résoudra le problème. C'est plutôt du côté de la collégialité qu'il convient de se tourner pour résoudre le problème, essentiel s'il en est, de la faculté de discernement des magistrats. Ce n'est pas parce que le discernement est difficile à obtenir qu'il faut pour autant renoncer à cette chose normale dans la politique pénale qu'est la détention provisoire.

Permettez-moi, mes chers collègues, de faire une fois encore appel à mon expérience. Ceux qui, comme moi, ont pratiqué le métier d'avocat le savent : certains délinquants préfèrent aller en détention provisoire, notamment parce que, souvent, cela leur permet d'être détenus dans un endroit proche du lieu où réside leur famille. J'en ai entendu me dire : « Je préfère faire de la préventive à la Santé, parce que ma famille habite à Paris, plutôt que d'être condamné et expédié en centrale à l'autre bout de la France, où personne ne pourra venir me voir ! » Ce sont des choses que j'ai réellement vécues !

Pour toutes ces raisons, il me semble tout à fait possible d'admettre, en matière correctionnelle, la détention provisoire pour la première détention. Je partage sur ce point l'avis du garde des sceaux, et je ne voterai donc pas cet amendement.

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