Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculteur français d'aujourd'hui a bien du mal à se représenter son avenir dans un XXIe siècle placé sous le signe de la rupture avec le passé, de la globalisation, des mobilités accrues et de la mutation économique, démographique et sociologique des espaces ruraux.
La transformation est grande, et elle est rapide. Les agriculteurs de notre pays, qui sont de moins en moins nombreux, cherchent à ne pas perdre pied dans une Europe qui s'élargit à d'autres nations agricoles.
En même temps, nos agriculteurs s'inquiètent beaucoup de leur place dans une France décentralisée, où ils sont renvoyés chaque jour un peu plus vers des collectivités locales dont ils savent bien qu'elles seront, demain, leurs principales partenaires.
Ils sont pleinement conscients que le couple du productivisme et de la cogestion, qui fut le modèle de l'après-guerre et qui est cher à notre collègue Alain Vasselle, est à présent tout à fait usé. Il n'existe plus un seul modèle d'agriculture : celle-ci est fractionnée, comme la société est fragmentée.
La revendication écologique de nos concitoyens, les effets des pollutions sur la santé, l'essor de l'agriculture biologique, en contrepoint de l'évolution du génie génétique et des biotechnologies, ou encore les besoins en matière d'énergies renouvelables sont autant de demandes expresses et nouvelles adressées au monde agricole.
Dès lors, monsieur le ministre, quelle agriculture voulez-vous ? Une agriculture intensive, banalisée, exportatrice, dirigée par un nombre restreint d'entrepreneurs et qui soit à même de faire face à la concurrence internationale, en fonction d'une réglementation calquée sur la législation commerciale ? Ou une agriculture aménageuse du territoire, porteuse de qualité de vie et de production, une agriculture familiale qui permette l'installation d'un nombre significatif de paysans, ou en tout cas leur maintien ?
Le budget pour 2007 que vous nous proposez désavantage singulièrement les paysans - un terme que j'aime à employer - par rapport aux entrepreneurs.
Monsieur le ministre, ce n'est pas faute pour nous d'avoir tiré la sonnette d'alarme, à l'occasion, notamment, de l'examen des précédents budgets de l'agriculture ou de la loi d'orientation agricole. Toutefois, vous ne nous avez globalement proposé qu'une baisse des aides économiques, sans soutenir suffisamment le volet « aménagement et multifonctionnalité ».
La baisse de l'aide accordée aux zones défavorisées via les indemnités compensatoires de handicaps naturels ou les crédits dévolus aux CTE et aux CAD, les contrats territoriaux d'exploitation et les contrats d'agriculture durable, éclaire significativement votre politique. D'ailleurs, les mesures agro-environnementales en général sont maltraitées par votre budget, puisqu'elles diminuent de 400 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 450 millions d'euros en crédits de paiement.
Nous l'avons constaté, la mise en oeuvre des DPU, les droits à paiement unique, n'est pas de nature à rassurer ceux, les plus nombreux, qui peinaient déjà à subsister et qui reçoivent désormais des soutiens publics figés en fonction d'une situation historique.
Quant à l'installation des agriculteurs, l'enveloppe prévue pour la DJA, la dotation aux jeunes agriculteurs, ne permet pas d'être optimiste, eu égard aux facteurs de plus en plus nombreux qui dissuadent les jeunes d'exercer ce métier. Ce problème doit d'ailleurs être mis en perspective avec le désengagement de l'État en matière de prêts bonifiés.
Mes chers collègues, je n'évoquerai pas la baisse des crédits des offices, sauf pour indiquer qu'elle s'ajoute aux réductions successives des années précédentes.
Enfin, monsieur le ministre, le geste symbolique que vous avez adressé aux retraités agricoles est appréciable, mais il n'est à la hauteur ni des besoins ni de l'effort accompli sous la précédente législature.
Pour conclure, je ne parviens toujours pas à comprendre que le contrat direct entre les pouvoirs publics et l'agriculteur, un outil innovant qui prend en compte tous les aspects de l'activité des exploitations agricoles, soit à ce point mésestimé par la majorité actuelle.
Nous avions besoin d'un minimum de stabilité institutionnelle. Pourtant, au lieu de capitaliser sur l'avance que nous avions prise en matière de développement durable, nous avons marqué le pas dans ce processus et nous menons aujourd'hui une politique d'accompagnement plutôt que d'innovation.
La France a défini une stratégie nationale du développement durable sur un plan théorique, mais celle-ci a bien du mal à se traduire dans les faits, en particulier dans ce budget que, par conséquent, nous ne voterons pas.