Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est une première conclusion que nous pouvons tirer du travail réalisé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, c’est que la mise en œuvre de la mutualisation n’a pas été facilitée par les règles européennes et nationales. Or il est grand temps de développer cette notion, dans l’intérêt de nos collectivités, et donc de nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas sur l’excellente intervention du président de la délégation, M. Lambert, qui a posé la question de la jurisprudence européenne et de son évolution. Cette évolution, que nous avions déjà constatée lors du récent débat, empreint d’unanimité, sur la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, est positive depuis un peu plus de deux ans. Nous ne doutons pas des effets de l’action favorable sur ce point du Gouvernement auprès des autorités européennes.
À l’échelon national, notre réflexion s’est poursuivie à l’occasion du débat sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Le Sénat, grâce à un amendement déposé par M. Lambert à l’article 34, a facilité la mutualisation. Le texte en discussion prévoit l’insertion de deux nouveaux articles dans le code général des collectivités locales : les articles L. 5211-4-2 et L. 5211-4-3. Il y est clairement affirmé que les EPCI à fiscalité propre et une ou plusieurs communes membres peuvent se doter de services communs. Il s’agit là incontestablement d’un progrès.
Yves Détraigne et moi-même considérons naturellement que la mutualisation des moyens dans le cadre intercommunal, question sur laquelle nous avons travaillé pour la délégation, est un moyen de développer l’intercommunalité.
Certes, l’aboutissement de l’organisation intercommunale, c’est le transfert de compétences accompagné du transfert de charges permettant une gestion du service au niveau de l’EPCI et, le plus souvent, de l’extension de nouveaux services à des communes membres. C’est l’apogée et la fin de la mutualisation. Mais quelle belle fin !
Cependant, la mutualisation a un intérêt de plus en plus évident : elle peut être une étape transitoire vers cet apogée ou, tout simplement, un instrument de gestion plus efficace compte tenu de la mise en place de services communs.
À ce stade de la discussion, il paraît important de relever un point fondamental. Yves Détraigne et moi-même avons considéré que l’objectif réaliste de la mutualisation était non pas de dépenser moins – et encore moins de dépenser plus, monsieur le secrétaire d’État.) –, mais de dépenser mieux et donc de gérer mieux. Pour autant, cela ne signifie pas qu’aucune économie ne puisse être espérée. Mais nous n’en réaliserons vraisemblablement pas à court terme. Il est plus sage selon nous de considérer la mutualisation comme un moyen d’éviter à terme des dépenses supplémentaires.
N’oublions pas non plus la vocation fortement « péréquatrice » de l’intercommunalité et de la mutualisation, lesquelles permettent de fait à des communes de bénéficier de services dont elles ne disposaient pas. Cette péréquation qualitative, monsieur le secrétaire d’État, ne se mesure pas dans un bilan comptable, mais elle constitue l’essentiel de l’amélioration des services rendus à nos concitoyens.
Nous avons compris que, pour un temps certain, il était peu réaliste d’envisager des incitations financières de l’État pour développer intercommunalité et mutualisation. Dire autre chose ne serait pas très réaliste ! En revanche, l’État doit selon nous supprimer les obstacles en mettant en place un dispositif juridique sécurisant et responsabilisant, facilitant la mutualisation. Dans la foulée, monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrait-on indiquer au contrôle de légalité que la mutualisation n’est pas une espèce nuisible ?