Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 17 juin 2010 à 9h30
Débat sur l'optimisation des moyens des collectivités territoriales

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai été très intéressée par la lecture du rapport de MM. Lambert, Détraigne, Mézard et Sido, auxquels j’adresse mes félicitations, car leur travail sera utile à tout élu local. Ce rapport est le bienvenu et il s’inscrit dans un contexte dont plusieurs paramètres doivent être rappelés.

Premièrement, les finances publiques connaissent une crise profonde et les collectivités locales éprouveront de plus en plus de mal à trouver des financements. La nécessité de gérer au mieux s’impose donc et, de ce point de vue, la mutualisation sera un outil précieux.

Deuxièmement, on a trop souvent entendu dire, même si cela s’est calmé, que les collectivités locales étaient trop dépensières. Or l’examen des chiffres publiés par l’Association des maires de France, l’AMF, ou par l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, révèle que 39 % des intercommunalités pratiquent déjà la mutualisation. Si nos collègues, dans leur rapport, estiment que ce niveau reste insuffisant, il n’est cependant pas négligeable puisque le développement de l’intercommunalité est un phénomène assez récent, remontant à la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement », qui a encouragé la multiplication des intercommunalités. Le fait que près de 40 % des communautés soient déjà engagées, à des degrés divers, dans des partages de services mérite d’être salué. Certes, la mutualisation doit être développée, mais je tenais malgré tout à souligner le niveau d’avancement de cette dernière.

Troisièmement, les collectivités locales assument de nouvelles missions, soit du fait de la décentralisation, soit du fait de l’apparition de nouveaux services. Je citerai l’exemple, très important pour le monde rural, des services publics d’assainissement non collectif, les SPANC. Dans ce domaine, la mutualisation s’est rapidement mise en place parce que, bien souvent, les communautés rurales ne peuvent pas supporter seules l’embauche d’une personne. La solution de la mutualisation s’est donc imposée pour assurer des services nouveaux à la population.

Quatrièmement, nous observons un recul de l’assistance des services de l’État aux collectivités territoriales : d’autres orateurs ont évoqué avant moi cet état de fait, mais je tenais à le souligner également. Prenons l’exemple des ex-directions départementales de l’équipement, les DDE, qui jouaient un rôle très important auprès des communes rurales : leur intervention s’est beaucoup réduite et nous voyons se profiler des difficultés pour assurer l’instruction des permis de construire, en raison de la diminution des effectifs des DDE. Cette charge incombera, bien sûr, aux collectivités territoriales, en particulier aux communes et aux intercommunalités. Là encore, la mutualisation est absolument impérative : les dossiers ne pourront pas toujours être traités par la commune et seront le plus souvent pris en charge par l’intercommunalité.

Nous discutons de la mutualisation des moyens des collectivités territoriales au moment où le Sénat va examiner en deuxième lecture le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. La parution de ce rapport d’information est donc particulièrement opportune.

Comme MM. les rapporteurs le soulignent, mutualisation et intercommunalité sont des notions siamoises. Il faut donc continuer à aider les communes et les intercommunalités à développer la mutualisation.

Chacun sait que la mutualisation peut être de deux natures différentes : descendante – les moyens de l’intercommunalité sont mis au service des communes – ou ascendante – les communes contribuent, par la mise à disposition de leurs moyens, au plein succès d’une intercommunalité.

Pendant un certain temps, il a existé des difficultés dans un sens, et pas dans l’autre. Ce problème étant réglé, il faut maintenant opter pragmatiquement, selon les compétences concernées, et donc selon les services, pour une mutualisation ascendante ou pour une mutualisation descendante. Ce choix est important, car il permettra de garantir l’efficacité, la proximité et la bonne gestion des services publics.

Le rapport signale également que la mutualisation facilite le développement de l’esprit et de l’action intercommunaux. Ce point est primordial.

L’intercommunalité favorise déjà une meilleure compréhension des élus entre eux. Bien des mésententes et des a priori ont été atténués par le fait que les différents acteurs ont appris à travailler ensemble : ils se rendent ainsi compte qu’ils ont beaucoup plus de points communs qu’ils ne le croyaient initialement, qu’ils partagent les mêmes soucis et les mêmes problèmes, et ils reviennent sur les préventions qu’ils éprouvaient les uns envers les autres. La mutualisation renforce davantage cette meilleure compréhension.

Je sais d’expérience qu’il est important, par exemple, d’organiser très régulièrement des réunions entre les directeurs généraux des services, les DGS, de toutes les communes réunies au sein d’une même intercommunalité, et ce même si les services ne sont pas mutualisés. On développera d’autant mieux l’esprit et l’action intercommunaux que l’on créera des relations permanentes entre les différents DGS et que l’on ne se contentera pas de travailler avec les seuls services de l’intercommunalité.

Messieurs les rapporteurs, j’ai été très intéressée par certaines de vos propositions. Je pense à celle qui vise à permettre aux communes membres d’un même EPCI de mutualiser leurs agents pour l’exercice des missions de service public dont la compétence ne lui a pas été transférée. Cette disposition s’inscrit dans le prolongement des arguments que je viens d’exposer.

Je pense également à la création d’un « coefficient d’intégration fonctionnelle » calculé en fonction des services mutualisés. Je rappelle que cette idée d’instituer un dispositif de bonus-malus selon le degré de mutualisation avait été émise par notre collègue M. Dallier qui, dans son rapport d’octobre 2006 fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation du Sénat, proposait d’« introduire dans le calcul de la DGF des EPCI à fiscalité propre un nouveau critère appelé ″le coefficient d’intégration fonctionnelle″, mesurant le degré de mutualisation des services entre l’EPCI et ses communes membres », le tout à enveloppe constante, monsieur le secrétaire d’État, le bonus devant compenser le malus.

Je pense, enfin, à la proposition qui vise à poser le principe d’un débat annuel d’orientation budgétaire entre les responsables de l’EPCI et ceux des communes membres, et à exiger que, à cette occasion, soit inscrit à l’ordre du jour l’examen d’un schéma de mutualisation des services.

Cette dernière proposition est d’autant plus intéressante que les communes doivent faire un effort pour discuter de leurs budgets respectifs à l’intérieur de l’intercommunalité. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer, même si chacun reste maître chez soi, que les budgets communaux des communes membres d’une intercommunalité soient votés sans un minimum de concertation avec les autres communes membres de l’intercommunalité. La situation des communes entre elles est un peu similaire à celle de la France par rapport aux autres pays membres de l’Union européenne.

Ayant épuisé mon temps de parole, je poserai, en conclusion, trois questions à MM. les rapporteurs et à M. le secrétaire d’État.

Premièrement, la coopération horizontale mérite d’être développée. Ne faudrait-il pas la favoriser ?

Deuxièmement, il existe un dispositif de groupements de commandes et il faudrait légiférer ou réglementer pour le rendre plus souple. Pourquoi ne pas envisager d’aller jusqu’aux centrales d’achat que certains appellent de leurs vœux ?

Troisièmement, ne conviendrait-il pas, comme l’a déjà suggéré un des orateurs, de préciser la notion communautaire de service non économique d’intérêt général, afin de ne pas freiner la mutualisation ?

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