Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 17 juin 2010 à 9h30
Débat sur l'optimisation des moyens des collectivités territoriales

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Monsieur le président, mes chers collègues, avec ce Gouvernement, nous ne sommes pas à un paradoxe près ! Nous défendons aujourd’hui dans l’hémicycle, grâce au formidable travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, l’idée de développer la mutualisation dans les politiques territoriales. Or tout a été mis en œuvre par le pouvoir actuel pour que cette mutualisation, qui existait, disparaisse !

Il est d’ailleurs intéressant de comparer les propositions essentielles que contient le rapport de la délégation pour améliorer les politiques publiques avec celles qui sont mises en œuvre par le Président de la République et qui ont pour seul objectif de réduire à néant ces mêmes politiques publiques.

Ce débat ne peut être détaché du contexte dans lequel il se déroule. La vie des collectivités territoriales est aujourd’hui bouleversée par les projets du Gouvernement. Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales est injuste, recentralisateur et inefficace.

J’en viens à notre débat.

Messieurs les rapporteurs, vous définissez la mutualisation des moyens des collectivités territoriales comme « la mise en place, temporaire ou pérenne, d’une logistique commune à deux ou plusieurs collectivités ». Où est la nouveauté ? Vous n’inventez rien ! Il faudrait plutôt dénoncer la mise à mal des mutualisations existantes.

Prenons l’exemple de l’expertise au service des collectivités. La réduction, sans contrepartie, que l’on fait subir aux services déconcentrés – je pense notamment aux directions départementales de l’équipement – fait aujourd’hui revenir sur le devant de la scène l’idée d’une mutualisation de l’expertise.

De fait, disposer d’une étude neutre et impartiale des projets est essentiel à la dynamique des collectivités territoriales et à leur bonne gestion. Nous souhaitons tous ici la mise en place de politiques mutualisées au service de l’intérêt général, mais, comme l’a précisé Edmond Hervé, de nombreuses collectivités n’auront pas la capacité « de se doter de certains services experts pour jouer leur rôle de maîtrise d’ouvrage ». Malheureusement, les élus locaux que nous sommes sont confrontés à ce manque d’expertise neutre et impartiale depuis que les services de l’État ne jouent plus ce rôle essentiel.

Je retiens donc de la proposition de M. Hervé l’idée « de créer entre les collectivités des services d’expertise pour venir en aide aux petites collectivités dans trois domaines : la fiscalité, l’environnement et l’urbanisme ».

Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales permet au département de contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, et c’est là un point positif.

Mais nous devons aller plus loin. Cette expertise doit être non seulement neutre et indépendante, ainsi que je l’ai souligné, mais également accessible à l’ensemble des collectivités pour lesquelles le fait de contractualiser de manière récurrente avec un cabinet de conseil privé a un coût important, voire exorbitant. Il faut donc recréer un service d’expertise neutre pour assister les collectivités.

Je voudrais parler ici du désarroi des élus dans leurs relations vis-à-vis d’entreprises multinationales avec lesquelles, en l’absence de tiers objectif, ils signent des contrats parfois léonins. Les collectivités territoriales sont sans protection quand les entreprises viennent « se partager le gâteau » sur leur dos.

On le voit dans nos communes avec les contrats d’affermage en matière d’assainissement, de gestion de l’eau potable ou des ordures ménagères. Aujourd’hui, ces contrats sont la seule solution dont disposent ces collectivités. Or elles sont démunies face aux entreprises concernées qui, il faut le dire, se sont bien souvent réparti le territoire.

La commune a beau vouloir lancer un nouvel appel d’offres en cas de renouvellement du contrat, ce n’est pas elle, en définitive, qui a la haute main sur cette question. Or la mutualisation pourrait s’entendre comme une régie, afin que les collectivités se voient offrir une véritable alternative et que soient réunies les conditions d’une vraie concurrence.

Je me félicite de ce que les rapporteurs ne fassent pas de la nécessité de réaliser des économies d’échelle l’objectif premier de la mutualisation. La mutualisation peut et doit favoriser l’optimisation des coûts, mais elle n’est pas la réponse à la crise financière.

Je souhaiterais enfin élargir la réflexion à la mutualisation des moyens autour d’un projet politique. La mutualisation en matière d’administration territoriale est un concept très fort. Il s’agit non plus d’être les uns à côté des autres, mais bien d’être tous intéressés par ce que fait l’autre. Il s’agit d’une authentique solidarité territoriale. C’est cela qui a été à l’origine de l’intercommunalité et c’est cela qui permet de dépasser les rivalités entre communes.

Cependant, il faut prendre garde : la mutualisation ne peut pas être un pansement destiné à couvrir les manquements de l’État.

On le voit, par exemple, pour la mise en place du haut débit sur tout le territoire : la liaison numérique est devenue une nécessité de service public et, pourtant, l’État ne joue pas son rôle en la matière. Dans les agglomérations attractives, les opérateurs privés se précipitent, mais il n’en va pas de même dans les zones les plus éloignées. Lâchées par l’État et par les opérateurs privés, les communes ne peuvent pas financer seules cette nouvelle charge. C’est alors que la mutualisation se met en œuvre. On le constate dans le Finistère, avec le projet haut débit du département.

La mutualisation qui s’impose par défaut est toujours regrettable. Or j’estime que la mutualisation peut être pour les responsables des collectivités territoriales une nouvelle façon de penser. Il s’agit de travailler mieux et au plus près des besoins. Il s’agit de donner un avenir à chacune des collectivités. Il ne s’agit pas, pour les communes périphériques ou éloignées, de se défier de la ville-centre, mais plutôt de se donner les moyens de mieux travailler ensemble et de faire émerger ce qu’il y a de plus fort dans chaque entité.

La mutualisation doit s’apprécier entre tous les niveaux de collectivités. Notre réflexion dépasse la seule vision intercommunale et ne doit pas s’arrêter à un niveau territorial. Ce débat doit se poursuivre... si le Gouvernement nous en donne les moyens !

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