Monsieur le président, monsieur le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, messieurs les rapporteurs, monsieur Hervé – permettez-moi de citer votre nom, même si vous n’avez pas souhaité être rapporteur –, mesdames, messieurs les sénateurs, l’initiative de ce débat est particulièrement heureuse puisqu’elle intervient quelques semaines après les conclusions de la conférence sur les déficits publics, quelques jours avant la deuxième lecture par votre assemblée du projet de loi de réforme des collectivités territoriales et quelques jours aussi avant le débat d’orientation budgétaire.
Ce débat se tient également dans un contexte particulier pour nos finances publiques, qui nécessite un effort partagé de maîtrise des dépenses.
À l’évidence, la question de l’optimisation des moyens des collectivités territoriales est d’une actualité particulière et appelle un éventail de réponses concrètes. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui va permettre, j’en suis persuadé, de progresser dans cette voie prometteuse. J’ai du reste enregistré beaucoup de propositions positives ce matin ; bien entendu, le Gouvernement s’efforcera d’en tenir le plus grand compte.
J’ai délibérément parlé d’éventail de réponses concrètes, car les moyens des collectivités territoriales présentent de multiples formes, qui appelleront des solutions spécifiques. C’est pourquoi je souhaiterais d’abord évoquer avec vous la question des ressources, avant d’en venir à la mutualisation, sur laquelle le rapport de votre délégation apporte un précieux éclairage.
Une réflexion sur l’optimisation des moyens doit nécessairement aborder la question des ressources financières. À cet égard, je rappelle très brièvement les apports du groupe de travail sur la maîtrise de la dépense locale, coprésidé par Gilles Carrez, député, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et le préfet Michel Thenault, qui ont conclu leur rapport en formulant plusieurs constats marquants.
Premièrement, hors décentralisation, les dépenses locales ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix et, par la suite, à un rythme plus proche du PIB.
Deuxièmement, s’agissant toujours des dépenses, les disparités sont importantes au sein d’un même niveau de collectivités. Par exemple, le ratio de la dépense par habitant varie de 1 à 3 entre les 10 % de communes les moins dépensières et les 10 % les plus dépensières.
Troisièmement, il existe surtout une forte corrélation entre le niveau de ressources d’une collectivité et sa dépense par habitant. Ainsi, 62 % des écarts de dépenses entre deux communes s’expliquent par des écarts de niveau de recettes, les écarts de charges et les différences de choix politiques venant après.
À la lumière de ce rapport, il y a donc manifestement des marges de réduction de la dépense locale, mais celles-ci ne vont pas sans certaines conditions.
C’est dans ce contexte que la conférence sur les déficits publics s’est conclue sur la nécessité de prendre plusieurs mesures majeures pour les prochaines années.
Tout d’abord, comme le préconisent les auteurs de ce rapport, les concours financiers de l’État aux collectivités locales seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013. Parallèlement, la péréquation sur les dotations de l’État sera renforcée.
Ensuite, la dynamique des dépenses sociales dans les départements ruraux devra être traitée par un renforcement de la péréquation et sera examinée en priorité dans le cadre de la réforme de la dépendance.
Enfin, et je réponds là à M. Dufaut, un moratoire sera appliqué immédiatement sur les normes réglementaires concernant les collectivités locales, en dehors d’éventuelles normes internationales d’application obligatoire. À cet effet, le rôle de la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, sera renforcé. Voilà qui est de nature à rassurer M. Fortassin. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre hommage à Alain Lambert, qui joue, en tant que président de la CCEN, un rôle éminent dans cette instance, très importante pour l’avenir des finances de nos collectivités territoriales.
Il est clair que ces mesures vont non seulement contribuer à l’optimisation des ressources, mais également répondre à certaines contraintes de gestion des collectivités territoriales. Toutefois, il faut aller plus loin et doter les collectivités territoriales d’outils performants de gestion mutualisée.
C’est toute l’ambition du rapport d’information sur la mutualisation des moyens des collectivités territoriales. J’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt des propositions que vous avez collectivement formulées en matière de mutualisation de moyens et de services, en particulier dans le cadre intercommunal, mais aussi au niveau des conseils généraux.
Comme la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le Gouvernement souhaite agir, et agir vite, que ce soit pour élargir les possibilités de mutualisations dites « verticales », au sein du bloc communal, entre les EPCI et leurs communes membres, pour favoriser entre les départements et entre les régions le recours à des mutualisations conventionnelles de type horizontal, pour élargir les mutualisations aux domaines des services fonctionnels au-delà des compétences exercées, ou encore pour sécuriser le développement des mutualisations au regard des exigences communautaires.
Croyez bien que le Gouvernement sera à vos côtés pour apporter aux collectivités territoriales les outils nécessaires. Vous le voyez, cher Alain Lambert, nous sommes loin d’avoir une attitude timorée en la matière.
Je crois cependant nécessaire de clarifier ce que nous souhaitons s’agissant de la mutualisation intercommunale. Je lis dans le rapport d’information, sous la plume de MM. Détraigne et Mézard, que « la mutualisation doit compléter l’intercommunalité, elle ne doit ni la concurrencer, ni s’y substituer ». Voilà qui plaide, à mon avis, en faveur d’une mutualisation menée de préférence au niveau de la structure intercommunale.
Cette ambition partagée de progresser dans la mutualisation, nous allons la mettre en œuvre très concrètement.
Le Premier ministre a souhaité lancer un travail concerté avec l’Assemblée des départements de France sur la question de la situation financière des départements. Un groupe de travail traitera de la question des mutualisations, une question que Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, a particulièrement développée dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre.
Là encore, les pistes sont multiples ; je mentionnerai les mutualisations de fonctions support entre les départements et les SDIS ainsi qu’entre les SDIS eux-mêmes, point qu’a évoqué notamment M. Vestri.
La volonté du Premier ministre est de faciliter la mise en œuvre de ces préconisations. Je suis donc convaincu que nous trouverons collectivement des réponses concrètes au diagnostic posé par votre collègue Bruno Sido sur la mutualisation des moyens des conseils généraux.
Nous allons aussi et surtout développer la mutualisation grâce à la réforme des collectivités territoriales. Vous le savez, plusieurs articles ont été introduits à cette fin dans le projet de loi, parfois ici même.
Nous nous sommes fixé trois objectifs : sécuriser la mise à disposition de services, favoriser la gestion unifiée de services et organiser la mutualisation de moyens.
Ainsi, l’article 33 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales vise à régulariser, pour être en conformité avec le droit communautaire de la concurrence, les conventions de mise à disposition de services entre les EPCI et leurs communes membres. Il a été notamment proposé d’encadrer les conditions de remboursement des frais de fonctionnement pour éviter qu’ils ne soient considérés comme la contrepartie d’une prestation de service.
Quant aux articles 34 et 34 bis A, ils définissent le cadre d’une mise en commun de services au profit des couples communes-intercommunalité et départements-région. Le Sénat a, là aussi, joué un rôle majeur dans l’élaboration de ce texte.
S’agissant du couple communes-intercommunalité, le Gouvernement a souhaité créer expressément, afin de garantir la sécurité juridique des initiatives locales et d’inciter à ces bonnes pratiques, le régime de mutualisation de services hors champ de compétences transférées à l’intercommunalité. Le service commun ainsi créé sera rattaché à l’intercommunalité. L’article 34 permet même à une structure intercommunale, afin de susciter des économies d’échelle, d’acquérir des biens qui seront mis à la disposition des communes pour exercer des compétences qui n’ont pas été transférées ; il s’agit là d’une mesure importante.
Par ailleurs, l’article 34 bis A, d’origine sénatoriale, autorise le couple départements-région à se doter de services communs et à conclure des conventions pour assurer en commun leurs missions de service public. Ces conventions ne sont pas soumises au droit commun de la concurrence, car elles respectent les critères jurisprudentiels définis par la Cour de justice de l’Union européenne en matière de marchés publics.
Vous le voyez, les modalités d’optimisation des moyens des collectivités territoriales seront mises en place très promptement et elles contribueront à répondre au souhait de cohérence territoriale émis par nombre d’entre vous, notamment par Pierre Hérisson.
D’ailleurs, le rapport de la délégation sénatoriale nous montre que ces nouvelles voies devront être mises en œuvre avec une grande célérité. C’est une obligation à la fois eu égard à la trajectoire de nos finances publiques, au regard de l’exigence de qualité des services publics locaux et vis-à-vis du citoyen.
Monsieur le président Lambert, nous serons très attentifs aux évolutions de notre droit interne. Vous avez évoqué une question tout à fait essentielle en abordant la notion de bonus-malus. Cette piste mérite d’être explorée, conformément aux conclusions de la récente conférence des déficits publics, présidée par le chef de l’État.
Permettez-moi maintenant de répondre succinctement, pour respecter le temps qui m’a été imparti, mais de manière aussi complète que possible, aux différents orateurs qui se sont exprimés.
Monsieur le sénateur Détraigne, vous proposez d’autoriser une partie des communes membres d’un EPCI à mutualiser des moyens pour exercer des compétences non transférées à l’EPCI. Je pense ne pas trahir votre pensée si je dis que nous pourrions ainsi avoir, au sein d’un même EPCI, deux régimes différents : d’une part, une mutualisation « verticale », réalisée au niveau de l’EPCI pour des compétences transférées et, d’autre part, une mutualisation « horizontale », au niveau de quelques communes volontaires pour des compétences non transférées.
Tout en comprenant l’intérêt de cette proposition, notamment pour ce qui concerne les compétences non structurantes à l’échelon intercommunal, telles que le fleurissement, je crois qu’il faut prendre garde aux freins éventuels que celle-ci pourrait constituer pour le développement des projets communautaires, tout particulièrement pour l’évolution vers un exercice plus intégré des compétences communales au sein des EPCI, source d’économies d’échelle à moyen terme.
Pour ma part, je suis persuadé que la réflexion peut et doit se poursuivre, notamment avec votre assemblée, afin que nous trouvions ensemble le bon équilibre.
Mme Beaufils craint que la mutualisation ne conduise à la « disparition » des petites communes, dont les services seraient dissous au profit de mutualisations à l’échelon intercommunal.
Au contraire, l’article 34 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit que les intercommunalités pourront acquérir des biens qui seront ensuite mis à disposition de leurs communes membres pour l’exercice de leurs propres compétences, comme ce pourrait être le cas, en matière de viabilité hivernale, avec l’acquisition de chasse-neige. Mon département est particulièrement concerné par ce problème important, mais je ne savais qu’il y avait autant de neige en Indre-et-Loire !