Intervention de Alex Türk

Réunion du 17 juin 2010 à 15h00
Débat sur les nanotechnologies

Photo de Alex TürkAlex Türk :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter, en quelques minutes, les problèmes que poseront les nanotechnologies dans le domaine des systèmes d’information.

Le risque est simple à comprendre : les experts que nous rencontrons un peu partout dans le monde prévoient qu’il sera possible dans moins de dix ans de créer des systèmes d’information pratiquement invisibles à l’œil nu et qui permettront d’entendre, de voir et de communiquer à distance. Cela entraînera, chacun le comprend, un véritable bouleversement de nos modes de vie et de notre société, une transformation profonde des rapports humains puisque chaque fois que nous nous exprimerons, nous nous demanderons si nous ne sommes pas vus et entendus ! Cela signifie une aliénation totale de notre liberté d’expression, ainsi que de notre liberté d’aller et de venir. Chacun sur nos travées jugera que c’est absolument insupportable. Tout cela, je le répète, se produira dans moins de dix ans !

J’attire votre attention sur le fait que la miniaturisation à laquelle nous allons aboutir signifie l’invisibilité et que l’invisibilité implique l’irréversibilité : quand les objets nanoparticulaires se répandront dans la nature, il ne sera plus possible de les récupérer. Nous assisterons alors à une sorte de développement métastasique. Aujourd'hui, quand on me parle de Big Brother, je réponds bien souvent que je crains davantage les millions de petits brothers qui vont se disséminer dans la nature que le bon gros Big Brother contre lequel il nous reste tout de même le droit à l’insurrection.

Il faut bien comprendre que le passage aux nanotechnologies constitue non pas un changement de degré, mais un changement de nature. Ce n’est pas parce qu’on réduit la taille d’un phénomène qu’on peut dire qu’il s’agit seulement d’un changement de degré.

Il y a une terrible urgence. Au fond, d’une certaine manière, et je profite de votre présence, madame la secrétaire d’État, pour le dire, le combat pour nos libertés est le même que celui pour la protection de l’environnement. L’environnement naturel ne se reconstituera pas une fois qu’il aura été franchement mutilé. Il en va de même pour notre liberté. Notre intimité, notre dignité et notre identité forment un patrimoine qui nous est donné à la naissance. Alors que, pendant des siècles, des pays se sont battus pour ce patrimoine, il serait inconcevable qu’une société dite « démocratique » et « évoluée » ne prenne pas les mesures nécessaires pour le préserver.

Voilà trente-cinq ans, lorsque quelques hurluberlus nous ont expliqué que le monde et l’environnement seraient en danger dans quelques décennies, nous étions nombreux à nous interroger. Trente-cinq ans plus tard, nous nous demandons s’il n’est pas trop tard. J’en déduis que cela a bien dû être le bon moment à un certain moment !

En matière de systèmes d’information, le bon moment est arrivé. L’urgence est grande, d’autant que, chacun l’a compris, le problème, n’est pas national. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette question préoccupe moins nos homologues de l’Union européenne, chez qui les nanotechnologies se développent beaucoup plus vite qu’en France sans qu’il y ait la recherche d’un équilibre.

Bien entendu, je ne prétends pas un instant qu’il faille renoncer aux nanotechnologies définitivement et globalement. Je dis simplement que nous devons rapidement effectuer un travail d’analyse extrêmement approfondi.

À cet égard, je tiens à remercier à la fois le président de la commission de l'économie et le président du Sénat. Je vous remercie également de votre présence, madame la secrétaire d’État, puisque c’est la première fois, me semble-t-il, qu’un début de dialogue est engagé sur un tel sujet en présence des pouvoirs publics. Cela constituera, je l’espère, une sorte d’appel du 17 juin !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion