Séance en hémicycle du 17 juin 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Elle est très simple : quelle appréciation portez-vous aujourd’hui sur la relation franco-allemande ?

M. le Premier ministre fait son entrée dans l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Ces derniers mois, nous avons eu le sentiment qu’elle était plutôt difficile. Certains commentaires donnaient l’impression qu’il existait des désaccords, notamment sur la solidarité, à l’intérieur de l’Union européenne, envers les pays les plus fragiles, des difficultés de gouvernance de la zone euro au regard du pilotage économique décidé à vingt-sept, ou encore des difficultés d’interprétation des politiques budgétaires dans chacun des pays.

À ces sensibilités différentes sur le plan politique se sont ajoutées un certain nombre de compétitions, en particulier sur le plan économique. Systématiquement, dans les pays émergents, les entreprises françaises et allemandes se font face, dans le cadre d’une concurrence assez vive.

Or peut-on regarder l’avenir sereinement si l’on ne travaille pas quotidiennement au renforcement de la coopération franco-allemande ?

Le 14 juin dernier, le Président de la République a fait un pas très important en s’accordant avec la Chancelière sur une position commune, relative, d’une part, à la gouvernance mondiale, notamment à la régulation bancaire, et, d’autre part, à la gouvernance économique dans la zone des Vingt-Sept.

Les positions se sont rapprochées ; c’est une bonne nouvelle.

Aujourd'hui, que peut-on attendre, lors des prochains conseils, de cette position commune ? Quelles sont les avancées que la position commune franco-allemande est susceptible de faire émerger dans le cadre de la construction européenne ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon léger retard.

Avant de vous répondre, je tiens à transmettre les condoléances du Gouvernement à toutes les familles des victimes des intempéries du Var. Le ministre de l’intérieur s’est rendu hier sur place et tous les moyens de l’État sont mobilisés pour venir en aide aux sinistrés. J’aurai l’occasion de présider demain une réunion interministérielle en vue de prendre les décisions nécessaires. Le Président de la République se rendra sur place en début de semaine prochaine.

Monsieur Raffarin, la France et l’Allemagne, depuis le début de la crise économique et financière, ont agi en coordination étroite. Il en a été ainsi, d’abord, pour mettre en œuvre le plan de sauvetage des banques, que nous avons conçu et annoncé ensemble, ensuite, même si ce fut plus difficile, pour concevoir le plan de soutien à la Grèce, et, enfin, pour engager le plan permettant de mobiliser 750 milliards d’euros, que vous avez approuvé et qui peut, le cas échéant, servir de garantie pour des États de la zone euro connaissant des difficultés.

S’il est vrai que la France et l’Allemagne ne sont pas toujours spontanément du même avis, force est de constater que nos deux pays parviennent toujours, après négociations et compromis, à se mettre d’accord. Le temps qui est parfois nécessaire pour y aboutir n’est jamais perdu. En effet, lorsque, à l’issue de ce processus, la France et l’Allemagne réussissent à s’entendre, cela signifie, alors, que l’accord européen n’est plus très loin derrière.

Le Président de la République et la Chancelière allemande le savent bien, sans accord franco-allemand, le projet européen ne peut pas fonctionner et se poursuivre : c’est une condition, certes pas suffisante, mais absolument nécessaire.

À ce sujet, je tiens à rendre hommage à Mme Merkel, qui a su placer au-dessus des contingences politiques intérieures l’intérêt général de l’Union européenne et de l’euro, dans un contexte particulièrement difficile.

Lundi dernier, le Président de la République et la Chancelière allemande sont parvenus à des accords, à des compromis, sur plusieurs sujets très importants.

Tout d’abord, il y aura un Gouvernement économique européen.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Il sera exercé par les chefs d’États et de gouvernements du Conseil des Vingt-Sept. Il pourra, en cas de besoin, être mobilisé au niveau de la zone euro.

Nous partions de positions très éloignées : l’Allemagne ne voulait pas entendre parler de gouvernement économique européen ; de notre côté, nous aurions souhaité qu’il soit d’abord un instrument de pilotage de l’euro, donc intégré à la zone euro, avec un secrétariat permanent.

Chacun des deux pays a fait un pas l’un vers l’autre. Il s’agit d’une avancée très importante : cela va permettre au Conseil européen, qui se tient en ce moment même, d’enclencher le processus pour mettre en œuvre ce gouvernement économique européen et définir son mode de fonctionnement.

Ensuite, le Président Sarkozy et Mme Merkel se sont également accordés sur d’autres points.

Ils sont ainsi convenus de la nécessité d’introduire, au-delà des critères de Maastricht, de nouveaux éléments en ce qui concerne la croissance et la compétitivité.

Ils ont affiché leur volonté d’assurer une meilleure coordination des politiques budgétaires dans la zone euro et de prévoir des sanctions plus crédibles pour les États qui ne les respecteraient pas.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Ils ont défini des objectifs de régulation financière très ambitieux.

Dans cet esprit, le Président français et la Chancelière allemande ont écrit au Premier ministre canadien, dont le pays assure actuellement la présidence du G20, pour lui demander d’inscrire à l’ordre du jour, ce qui était loin d’être évident, des objectifs ambitieux en matière de régulation financière et la mise en place d’une taxation des banques, notamment de celles qui prennent des risques et fragilisent le système financier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette crise sonne en quelque sorte l’heure de vérité pour l’Union européenne et pour l’euro. Comme souvent en pareil cas, elle influe sur les comportements, pousse au repli sur soi et favorise forcément un certain égoïsme. Dans le cadre de la position franco-allemande, Mme Merkel et M. Sarkozy ont su, grâce à leur sagesse, éviter ces travers et préserver la cohésion et l’intégrité de l’euro.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le Premier ministre, concernant la suppression de la taxe professionnelle, le Gouvernement que vous dirigez est engagé, aux termes de la loi de finances pour 2010, à présenter au Parlement une clause de revoyure avant le 31 juillet 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cette clause, faut-il le rappeler, doit présenter les financements de substitution qu’attendent les collectivités.

Or, aujourd’hui, force est de constater qu’un rappel à la loi s’impose, d’autant que le 3 juin dernier, sur une question similaire de notre collègue Yves Détraigne, le Gouvernement a éludé le problème.

L’article 76 de la dernière loi de finances prévoit qu’un rapport d’évaluation sur cette réforme, contestée, de la taxe professionnelle serait remis au Parlement avant le 1er juin 2010. Il doit présenter « par catégorie de collectivités […] des simulations détaillées des recettes ainsi qu’une estimation de leur variation ».

Nous sommes le 17 juin et nous attendons toujours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le récent rapport Durieux ne peut en aucune manière s’y substituer. Il ne contient pas les simulations promises et si essentielles. Pourtant, vous avez déposé ledit rapport au Sénat, voilà quelques heures, comme celui du Gouvernement.

Tel quel, il ne paraît pas correspondre aux exigences de la loi.

L’article 76 précise également que la loi à venir « précise et adapte le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales » et qu’elle « met en place des mécanismes de péréquation ».

Quelles que soient nos sensibilités diverses – et vous connaissez le sens de la mesure qui caractérise le RDSE…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces réformes mal préparées ont une conséquence pour nos collectivités : ne pouvant agir rapidement sur les frais de fonctionnement, elles gèlent nombre d’investissements, ce qui est catastrophique pour l’économie nationale et le service du public.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce que le MEDEF aura gagné d’un côté, par la suppression de la taxe professionnelle, les entreprises le perdront de l’autre, par la baisse des investissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En outre, à l’incertitude financière s’ajoute désormais l’incertitude institutionnelle, puisque personne ne peut dire aujourd’hui le sort qui sera réservé à la réforme des collectivités.

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, quelles assurances le Gouvernement est-il en mesure de fournir aux élus locaux ? De quelle manière entendez-vous respecter l’article 76 de la loi de finances pour 2010 ? Quelles garanties pouvez-vous encore apporter quant au maintien des dispositifs de péréquation ? Et comment entendez-vous crédibiliser la parole de l’État en direction des collectivités locales ?

Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Hervé Maurey applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est Jean-Pierre Raffarin qui a demandé la revoyure !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, si j’apprécie votre sens de la mesure, vous me permettrez, toujours avec mesure, de ne pas être tout à fait d’accord avec vous sur l’équation entre la réduction progressive de l’implication financière en matière d’évolution de la taxe professionnelle et la réduction drastique des investissements des collectivités locales.

Murmuressur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

Je suis moi-même un élu local, et je peux vous dire que ce n’est pas la réforme de la contribution économique territoriale qui va altérer les projets des politiques municipales des quatre années à venir !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

C’est le sens de l’intérêt général qui guidera les politiques publiques.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

À gauche comme à droite, il y a des gens responsables !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

J’ajouterai quelques mots concernant la méthode retenue pour cette clause de revoyure de la taxe professionnelle.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le gouvernement de François Fillon avait commandé à M. Durieux un rapport sur la question. Ce dernier a été remis à la fin du mois de mai, puis immédiatement transmis au Comité des finances locales, qui travaille sur le sujet.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

J’ai moi-même adressé toutes les estimations et toutes les simulations envisageables en termes de péréquation pour chacune des collectivités territoriales aux président et rapporteur général des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ainsi les deux assemblées seront-elles en situation d’en discuter.

Les rendez-vous suivants sont connus.

D’abord, le Comité des finances locales fera sa propre évaluation et les commissions des finances rendront leurs expertises. Ensuite, un travail préparatoire sera effectué sur la gestion des sources de financement des dotations d’État, gelées sous l’impulsion du Premier ministre, pour rentrer dans la matrice budgétaire globale de la loi pluriannuelle, qui vise à revenir au niveau d’équilibre de nos déficits d’avant la crise.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

C’est à l’intérieur du système de péréquation que la question de la revoyure devra être examinée avec pertinence.

Il y aura donc, comme le Gouvernement s’y est engagé, une revoyure sur ce sujet, au fil de l’évolution de la préparation budgétaire.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

M. François Baroin, ministre. Je suis en tout temps, tout lieu, toutes circonstances, à la disposition des deux commissions des finances pour aborder ce sujet !

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Le 28 octobre 2009 était promulguée la loi Carle tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

En clair, cette loi abroge l’article 89 de la loi du 25 août 2004, qui rendait obligatoire la contribution des communes de résidence envers des élèves scolarisés dans une classe primaire d’un établissement privé sous contrat d’association.

Cette loi d’équilibre a été souhaitée par de nombreux maires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Elle met ainsi un terme à l’obligation de financement des écoles privées sous contrat d’association – même si celui-ci, naturellement, demeure possible – alors qu’il y a des places disponibles dans l’école publique de la commune de résidence.

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur deux problèmes qu’il me semble urgent de résoudre, la rentrée scolaire de 2010 étant proche.

Premièrement, la loi Carle indique clairement qu’un décret est nécessaire pour préciser la notion de « capacité d’accueil » des écoles des regroupements pédagogiques intercommunaux, dont dépend le financement des élèves qui fréquenteraient un établissement privé. Or, à ce jour, nous attendons toujours la publication de ce texte.

Deuxièmement, comme pour l’enseignement public, la loi reconnaît des cas dérogatoires, dont l’un pose des difficultés d’interprétation. En effet, il est admis qu’une exception est possible lorsqu’un frère ou une sœur fréquente « un établissement scolaire de la même commune d’accueil ».

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : quel est le niveau d’établissement scolaire visé par cette disposition ?

S’il s’agit non pas seulement de l’école primaire, comme le pensent la plupart de ceux qui cherchent à interpréter la loi, mais aussi du collège et du lycée, les dérogations seront automatiquement plus nombreuses, les cadets pouvant être accueillis également dans les communes où étudient leurs ainés. Il conviendrait donc que soient précisés par circulaire les cas précis dans lesquels s’applique la dérogation.

Afin que nous puissions aborder la prochaine rentrée sur des bases claires et définitives, et s’agissant d’un sujet éminemment sensible pour nos communes, il est urgent, me semble-t-il, de nous donner une réponse aux deux points que je viens de soulever.

Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Pas vraiment, messieurs les sénateurs !

Madame Gourault, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Luc Chatel. Toutefois, comme je connais quelque peu ce sujet – certes moins bien que vous –, je vous répondrai à sa place.

Je ne rappellerai pas toutes les difficultés entraînées par l’application de la loi de 2004. Celles-ci ont amené, dans un souci d’apaisement, plusieurs acteurs de ce dossier, notamment l’Association des maires de France, que vous connaissez bien, et le Secrétariat général de l’enseignement catholique, à élaborer un texte de compromis.

Comme vous l’avez relevé, cette démarche a abouti au dépôt, par votre excellent collègue Jean-Claude Carle, d’une proposition de loi, qui est devenue la loi du 28 octobre 2009.

Je répondrai plus précisément aux deux questions que vous avez posées.

Tout d’abord, vous avez évoqué la nécessité de publier un décret relatif aux capacités d’accueil des écoles, en vous étonnant que ce texte ne soit pas encore paru.

Je veux vous indiquer que ce décret a été rédigé, après des échanges nombreux et fructueux entre l’Association des maires de France et le Secrétariat général de l’enseignement catholique. Il est actuellement soumis au Conseil d’État. Celui-ci rendra dans les tout prochains jours un avis, que nous suivrons, je puis vous l’assurer. Par conséquent, le décret sera publié le plus rapidement possible.

En revanche, la loi de 2009, vous le savez, n’a pas prévu l’intervention d’un décret d’application pour préciser les conditions dans lesquelles, par exemple, les frères et sœurs d’un enfant scolarisé à l’extérieur de sa commune de résidence bénéficient, ou non, d’une prise en charge par cette collectivité.

Il ne s’agit pas là d’une omission du législateur : à l’époque, il avait été considéré que le texte en lui-même était suffisamment clair. Toutefois, aux termes de la loi, si des problèmes d’interprétation surgissent, il est prévu que le préfet statue, dans un délai de trois mois, sur la difficulté qui lui aura été soumise.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Je tiens à y associer mon collègue Claude Jeannerot, sénateur du Doubs.

Les derniers chiffres disponibles, ceux du mois d’avril dernier, montrent une nouvelle hausse du nombre des demandeurs d’emploi, qui s’est accru de plus de 10 % en un an. Parallèlement, la qualité de l’emploi se dégrade : huit recrutements sur dix se font avec des contrats précaires. L’intérim représente 15 % du travail salarié. Le chômage de longue durée explose : il a augmenté de 31, 4 % en un an.

Ironie de l’histoire, c’est Pôle emploi qui incarne cette sombre situation. En effet, monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous parler de politique de l’emploi et continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe au sein de ce service public ?

Face à l’augmentation du nombre des dossiers de demandeurs d’emploi, cette institution multiplie les embauches précaires. Sur certains sites, la proportion des contrats de ce type atteint 20 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Et ce sont ces agents, formés à la va-vite, par manque de temps, qui se retrouvent en première ligne face aux demandeurs d’emploi.

Quelle absurdité ! Pôle emploi est censé lutter contre la précarité ; or il l’entretient en son sein !

Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Lors de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, qui, rappelons-le, a été menée au pas de charge et sans concertation avec les personnels, le Gouvernement s’était engagé à donner à Pôle emploi les moyens de réduire à soixante le nombre des chômeurs suivis par chacun des agents. Or, aujourd’hui, ces derniers gèrent en moyenne deux cents dossiers. C’est intenable !

En outre, le Gouvernement envisage la suppression de huit cents postes par an dès 2011 !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le secrétaire d’État, vous participez activement à la montée du chômage !

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Où est la logique ? D’une part, vous annoncez faire de la lutte contre le mal-être au travail une priorité gouvernementale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… et, d’autre part, vous refusez de prendre au sérieux la surcharge de travail des agents de Pôle emploi.

En outre, le Gouvernement a fait le choix d’encourager la sous-traitance des chômeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Nombre d’entre eux sont envoyés dans des bureaux de placement privés, qui utilisent eux-mêmes des salariés en CDD.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Pour chaque chômeur placé, Pôle emploi verse 7 000 euros à ces officines. Voilà à quoi servent les cotisations chômage ! Et aujourd’hui, nous apprenons que l’État n’a pas versé à Pôle emploi la totalité de la dotation financière qu’il lui doit par contrat. Vous réalisez ainsi une économie de 187 millions d’euros !

Cette situation est inacceptable et contre-productive, pour les agents comme pour les demandeurs d’emplois. Comme d’habitude, il existe une contradiction flagrante entre les promesses, les discours et la réalité !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, quand mettrez-vous un terme au démantèlement du service public de l’emploi et prendrez-vous, enfin, toutes les mesures qui s’imposent pour éviter que Pôle emploi ne devienne un nouveau France Télécom ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l'emploi.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de rendre hommage – je crois que nous pouvons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, nous rejoindre sur ce point – aux agents de Pôle emploi, qui, quotidiennement, dans un contexte très difficile

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous les désorganisez et ensuite vous pleurez sur leur sort !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, j’ose espérer que nous avons tous ici de la considération pour ces agents ! Quotidiennement, dans un contexte très difficile, disais-je, ils font face au problème du chômage et assurent leur mission de service public.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Ensuite, il faut avoir un peu de mémoire.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Sur ce dossier, je vous le rappelle, les majorités successives ont calé ; toutes ont échoué à réaliser une réforme qui était pourtant jugée indispensable, à savoir le rapprochement de l’indemnisation et du placement.

Pour faire cet effort de mémoire, il suffit de revenir à 1993.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. À cette époque sévissait une crise bien moins forte que celle que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, d’une part, certaines indemnisations n’avaient pas été versées dans les temps, et, d’autre part, des agences de l’ANPE étaient fermées !

Protestations continues sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Certains demandeurs d’emploi faisaient la queue dans la rue.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

Laissez donc parler M. le secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne prétends pas que les réponses apportées par Pôle emploi aient permis de surmonter complètement la crise, qui est l’un des chocs les plus importants des cinquante dernières années. Toutefois, ce qui est certain, c’est que Pôle emploi nous a assuré une meilleure présence territoriale.

C’est faux ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Aucun d’entre vous ne peut affirmer que des agences ont été fermées !

Aujourd’hui, 95 % de la population vit à proximité d’une agence Pôle emploi.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je croyais que c’était ringard, la proximité !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Pour les demandeurs d’emploi, accéder en un même lieu à l’indemnisation et à l’offre de placement représente un avantage considérable.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Rappelez-vous la situation antérieure : un demandeur d’emploi devait parfois parcourir cinquante kilomètres pour aller d’une agence à l’autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

C’est plutôt ce qui se passe aujourd’hui !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Souvenez-vous également qu’organiser deux rendez-vous le même jour permet parfois de gagner entre deux et trois semaines dans l’accompagnement d’un demandeur d’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Allez le dire aux chômeurs ! Déplacez-vous dans une agence !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Enfin, je voudrais souligner que Pôle emploi, dans la période récente, nous a permis d’apporter un certain nombre de réponses qui n’auraient pas existé sans lui.

Le dispositif « zéro charge » dans les très petites entreprises, qui a permis plus d’un million d’embauches, a été géré par Pôle emploi. L’accompagnement des salariés licenciés, qu’avaient souhaité les partenaires sociaux, dans le cadre du CTP, le contrat de transition professionnelle, ou de la CRP, la convention de reclassement personnalisée, a lui aussi été permis par les agents de Pôle emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Chacun d’entre eux a en moyenne deux cents dossiers à gérer !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Pardonnez ma franchise, mais il est plus facile de critiquer les réformes que l’on n’a pas eu le courage d’entreprendre que de soutenir celles qui sont nécessaires !

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Vous avez fait le pire choix possible, celui de la remise en cause d’un acquis historique : le droit à la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Il s’agit là d’une régression sociale sans précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Alors que l’allongement de l’espérance de vie est une chance, vous le présentez comme un fardeau pour les comptes publics.

Vous allez contraindre les salariés de notre pays à travailler plus longtemps alors que le chômage frappe durement les jeunes.

Non seulement votre réforme est socialement scandaleuse, mais elle est aussi profondément injuste. Les salariés, ceux qui ont connu des périodes de chômage ou qui subissent la précarité, les femmes dont les carrières sont morcelées et incomplètes, enfin celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt sont les grands perdants de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Ils devront travailler jusqu’à 67 ans s’ils veulent bénéficier d’une retraite à taux plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Quant aux salariés qui effectuent des travaux pénibles et qui vivent moins longtemps, vous les condamnez à une retraite de courte durée, dans des conditions de vie et de santé fortement dégradées.

En revanche, vous épargnez les plus riches, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

… ceux qui vivent de leurs rentes ou qui complètent leurs retraites par des stock-options ou des parachutes dorés.

Alors que les hautes rémunérations et les revenus du capital ne contribueront à l’effort de financement qu’à hauteur de 1, 7 milliard d’euros, les salariés, eux, seront ponctionnés de 22 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est incroyable ! Ce sont les pauvres qui vont payer !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

En agissant ainsi, vous cumulez injustice et inefficacité. En effet, en ponctionnant les revenus des salariés, vous assécherez la consommation et pénaliserez la croissance et l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le Premier ministre, 63 % de nos concitoyens et l’immense majorité des organisations syndicales sont opposés à votre réforme. Vous ne pouvez pas toujours gouverner contre la volonté du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Or le Président de la République ne s’estimait pas légitime pour mener cette réforme, quand il déclarait, en mai 2008, à propos du recul de l’âge de départ à la retraite : « Je ne le ferai pas [...] Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français, je n’ai donc pas de mandat pour faire cela. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Dès lors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous imposer votre réforme et passer en force, ou allez-vous entendre la colère…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

M. Bernard Vera. … et l’opposition des salariés et des organisations syndicales, qui vous demandent de retirer votre projet ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur Vera, ce sont vos critiques qui sont totalement sans surprise ! Vous vous répétez depuis de nombreux mois déjà

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … sans jamais présenter la moindre preuve de ce que vous avancez.

Mais si !sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La réalité est tout autre : notre projet n’est pas celui que vous décrivez, monsieur le sénateur ! Il vise d’abord à répondre à un problème démographique par une action sur l’âge du départ à la retraite.

En effet, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais la retraite est vraiment une question d’âge, dans tous les pays du monde !

Sourires ironiques sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est le cas en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Norvège, en Suède, partout ! Il est normal qu’à un âge donné on ait le droit de prendre sa retraite.

Dans un système par répartition, c’est la solidarité entre générations qui s’exerce. Toutefois, nous ne pouvons pas demander à une génération de supporter cette charge à elle seule.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cela doit se faire de manière juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Précisément, la réforme proposée n’est pas juste !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Pourquoi faire payer aux autres générations ce que vous n’avez pas voulu ou osé supporter vous-mêmes ?

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourquoi faire toujours payer les mêmes ? Vous avez oublié que ce sont toujours les salariés qui payent !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce sont eux qui vont supporter les 22 milliards d'euros !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il est un élément dont vous avez oublié de tenir compte, c’est que l’espérance de vie est aujourd'hui nettement supérieure à celle que nous avons connue dans le passé.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ainsi, 60 ans au début des années quatre-vingt, quand l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite a été voté, cela représente plus de 62 ans aujourd'hui, compte tenu de cet allongement de la durée de vie.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est aussi simple que cela ! Celui qui prenait sa retraite à 60 ans il y a trente ans avait donc une espérance de vie moins importante que celui qui, aujourd'hui, la prend à 62 ans. Désormais, le partage entre vie professionnelle et retraite se fait au bénéfice de cette dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est le programme de Mme Parisot que vous appliquez !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cela permet de bénéficier d’une meilleure qualité de vie, certes, mais cela suppose aussi, à l’évidence, plus de responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est toujours la même chose : ce sont les salariés qui paient !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Notre réforme est responsable et raisonnable. Nous assurons l’équilibre des régimes de retraite à partir de 2018. Nous tenons compte de tous ceux qui ont commencé à travailler plus tôt, c'est-à-dire avant 18 ans : ils continueront à partir à la retraite à 60 ans, voire avant. Nous tenons également compte de la pénibilité : tous ceux qui ont effectué des travaux pénibles et qui sont marqués physiquement pourront partir plus tôt à la retraite. Adopter un autre système serait totalement injuste, monsieur le sénateur, car cela signifierait que n’importe qui pourrait prendre sa retraite n’importe quand !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est vrai qu’il y en a qui partent à la retraite à 25 ans !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes justes, responsables et efficaces !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

retraites

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, je vous sollicite à mon tour sur ce sujet de la réforme des retraites.

Vous avez présenté, hier, à la presse, les éléments de votre projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Vous vous êtes inspiré pour cela des dispositions qu’ont engagées nos voisins européens et vous avez également largement tenu compte de l’excellent rapport rendu par Christiane Demontès et Dominique Leclerc, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, que j’ai l’honneur de présider.

Néanmoins, monsieur le ministre, cette réforme suscite quelques interrogations. Avant de les évoquer, je tiens, au nom de mon groupe, à vous adresser toutes nos félicitations et à saluer votre courage, ainsi que celui du Gouvernement, car, malgré la crise, vous avez engagé cette réforme pour sauver notre système de retraites par répartition.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Ceux qui appartenaient à la majorité d’hier, soit à l’opposition d’aujourd’hui, veulent jouer les donneurs de leçons.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

M. Alain Vasselle. Je remarque toutefois que, en dehors de la création du Fonds de réserve des retraites, sous la présidence de Jacques Chirac, la gauche n’a jamais su profiter de la croissance dont bénéficiait alors le pays pour engager des réformes structurelles et préparer l’avenir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Pourtant, le Livre blanc sur les retraites de Michel Rocard l’y invitait.

Ainsi la majorité d’hier a-t-elle préféré laisser à la droite le soin « de faire le sale boulot », comme le déclarait récemment Pierre Moscovici sur France Inter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Les éléments de la réforme sont donc aujourd’hui perçus avec d’autant plus d’appréhension.

J’en viens à mes questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire en quoi la réforme favorisera l’emploi des seniors ? Comment la solidarité s’exprimera-t-elle à l’égard de nos concitoyens percevant les retraites les plus faibles ou ayant exercé les métiers les plus pénibles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En favorisant l’emploi des jeunes, c’est clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Enfin, quelles sont les perspectives d’équité entre les différents régimes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

À cet égard, n’y aurait-il pas lieu de s’intéresser dès à présent à une réforme systémique ?

Monsieur le ministre, je sais pouvoir compter sur votre engagement pour lever les inquiétudes de nos concitoyens. Sachez que vous êtes très apprécié par une majorité de Français pour l’excellent travail que vous réalisez !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ce n’est pas vrai ! Il est surtout apprécié des rentiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

De temps en temps, il est possible de dire du bien d’une réforme du Gouvernement, sans que cela provoque la colère de l’opposition !

Je tiens tout d’abord à remercier Alain Vasselle et les rapporteurs de la MECSS de l’importante réflexion que celle-ci a menée sur les retraites.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il s’agit d’un travail très utile, qui nous servira lors de l’examen du projet de loi.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Laurent Wauquiez l’a évoqué tout à l’heure – nous travaillons d’ailleurs en étroite collaboration avec ses services et ceux de Christine Lagarde –, l’emploi des seniors s’est amélioré en France ces dernières années.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Et il est très important qu’il continue d’en être ainsi.

Il va de soi que, dans la réforme des retraites que nous engageons, l’articulation avec l’emploi des seniors est un élément majeur. Repousser l’âge du départ à la retraite suppose de changer culturellement l’approche des Français sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je manque de temps pour approfondir ce point, mais il s’agit là d’un enjeu essentiel. Aussi le texte présenté hier par le Gouvernement prévoit-il, par exemple, de faciliter le retour à l’emploi des plus de 55 ans.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous le savons bien, le marché de l’emploi est très verrouillé en ce qui les concerne, ce qui est inacceptable. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’alléger les charges, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Toujours les mêmes recettes : allégement des charges pour quelques-uns et tout le poids de la réforme sur les salariés !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

... en réduisant le coût du salariat d’environ 14 % ; c’est un point très important. De même, nous faisons bénéficier les salariés de plus de 55 ans d’un système de tutorat : voilà une merveilleuse manière de passer le relais dans une entreprise.

J’en viens à la pénibilité. Nous ouvrons un droit nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est faux ! Vous mettez les gens en invalidité !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le gouvernement de François Fillon engage sur cette question un débat extrêmement complexe, qu’il ne faut pas simplifier de manière outrancière. Ainsi, parce qu’ils seront physiquement usés prématurément par leur travail, ...

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

... certains de nos concitoyens auront le droit de partir à la retraite à 60 ans.

C’est tout à fait inédit et exceptionnel. Je le répète, il s’agit là d’un droit nouveau qui concernera des milliers de Français. En 2015, 10 000 Français par an partiront plus tôt à la retraite, parce que leur carrière professionnelle aura été plus difficile.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Enfin, le Gouvernement a fait en sorte que public et privé convergent, notamment sur le « prix » de la retraite. Les fonctionnaires ont à peu près le même niveau de rémunération et perçoivent à peu près les mêmes montants de pension que les salariés du privé. Toutefois, d’une certaine façon, ils paient leur retraite moins cher, 3 % de moins environ.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous considérons donc comme juste de remonter leur niveau des cotisations, et je crois que les fonctionnaires partagent ce point de vue.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Cette opération s’effectuera sur dix ans afin de ne pas nuire à leur pouvoir d’achat.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le ministre, je veux vous faire part d’un profond malaise et d’une inquiétude partagée par toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la liberté, au pluralisme et à l’indépendance de l’information.

La semaine dernière, nous avons appris que le Président de la République aurait appelé et même convoqué le directeur du journal Le Monde pour lui indiquer que, si tel candidat à sa recapitalisation était choisi, le journal ne pourrait plus compter sur l’aide de la Caisse des dépôts et consignations pour aider son imprimerie.

Cette nouvelle ingérence de l’exécutif, cette pression sur un quotidien de référence interviennent alors que l’ensemble du paysage médiatique et de l’information dans notre pays est progressivement mis sous influence directe ou indirecte de l’Élysée.

Ainsi, l’audiovisuel privé et les grands groupes de presse sont en grande partie détenus par des amis proches du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’audiovisuel public est mis sous tutelle financière et politique, avec la nomination prochaine du P-DG de France Télévisions par Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Bien plus, cette mainmise concerne également la presse quotidienne régionale, fleuron et richesse de la presse quotidienne, encore si populaire et si proche de nos concitoyens. La multiplicité des titres encore disponibles n’est plus que le paravent de la concentration de ces journaux entre les mains de quelques grands groupes, qui, petit à petit, tuent la diversité et la pluralité des contenus et des expressions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tout le territoire national est touché, mais un seul exemple suffira à étayer mon propos.

Savez-vous que, en Alsace, en Bourgogne, en Franche-Comté, en Lorraine et Rhône-Alpes, l’ensemble des titres de la presse quotidienne régionale sont contrôlés, directement ou indirectement, par le groupe bancaire Crédit Mutuel Centre Est Europe, dont les dirigeants sont réputés proches du Président de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous semble-t-il normal et sain qu’aujourd’hui un même groupe bancaire contrôle, en situation de monopole, pas moins de onze titres de presse quotidienne sur vingt-deux départements ?

Victor Hugo, ici même, dans cet hémicycle, ...

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

... affirmait : « Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

N’est-ce pas cela dont il est question aujourd’hui pour vous : …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Posez votre question, monsieur Assouline. Pensez au dernier orateur inscrit, qui appartient à votre groupe !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. … contrôler la presse pour obscurcir le jugement des citoyens en vue des élections de 2012 ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, les mouvements capitalistiques qu’a déjà connus la presse et qu’elle connaîtra de nouveau dans les prochains mois sont indispensables à la survie d’un secteur fragilisé tant par la révolution numérique que par la crise. En France, cette consolidation se fait dans le respect du pluralisme des courants de pensées et d’opinion, fondement de notre démocratie et objectif de valeur constitutionnelle.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

M. Frédéric Mitterrand, ministre. À ce titre, le législateur a d’ailleurs défini, dans les lois relatives à la presse et à la liberté de communication, un ensemble de règles limitant la concentration et assurant l’indépendance des médias.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

S’agissant du Monde, la qualité des candidats à sa reprise est un élément très positif. Cela démontre que la presse quotidienne parvient à attirer de grands investisseurs, qui plus est, de grands éditeurs européens.

Nous nous sommes engagés à soutenir ce journal dans son effort de modernisation industrielle. Je veux ici souligner l’importance des décisions prises par le Président de la République à l’issue des états généraux de la presse écrite, qui ont montré l’engagement de l’État aux côtés des entreprises de presse.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Les efforts consentis depuis par le Gouvernement – ils sont d’ailleurs considérables – n’ont pas eu d’autre objectif. Jamais l’État n’avait soutenu avec une telle force aussi bien le secteur économique que les valeurs et les métiers du journalisme. Sans les dispositifs souhaités par la profession et confirmés par le Président de la République à l’issue des états généraux, la France aurait certainement régressé en termes de pluralité et de diversité d’opinion.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Depuis plus de deux ans, les faits démontrent donc qu’il est totalement inexact de soupçonner le Président de la République d’une quelconque mainmise sur les médias.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Au contraire, il s’est lui-même investi dans toutes les mesures qui ont permis de renforcer l’indépendance éditoriale, la pluralité de l’information, la transparence du capital et les équilibres économiques des entreprises de presse.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Aujourd'hui, après de nombreuses années d’équilibre précaire, Le Monde est singulièrement fragilisé. Que ne dirait-on pas si le Président de la République ou moi-même nous désintéressions du sujet ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Il s’agit d’un enjeu de société. À l’évidence, sans presse d’opinion, il n’est pas de liberté d’expression, sans journaliste pour défendre cette expression, il n’est pas d’État de droit. Oui, l’avenir du Monde nous intéresse.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les craintes d’une ingérence ou d’une quelconque instrumentalisation de ce grand journal relèvent du fantasme.

Protestations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’indépendance éditoriale, à laquelle je suis farouchement attaché, constitue aussi la marque de fabrique du Monde : c’est un enjeu éditorial et un atout commercial. Les candidats à la reprise ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils se sont tous prononcés pour le renforcement de tout ce qui touche à l’indépendance de la rédaction du Monde.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Ma question s’adresse également à M. le ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le ministre, Napoléon Bonaparte affirmait : « Nous autres Français, il faut que nous riions de tout et toujours. »

Peut-être faisait-il allusion aux pamphlets dont il était victime, ou à ceux qui, pendant des siècles, ont caricaturé les rois de France.

Notre pays a su conserver cette tradition des humoristes au ton virulent et satirique qui se moquent, souvent avec talent, des hommes politiques et des institutions.

Les plus anciens d’entre nous n’ont pas oublié les chansonniers, réveillant, le dimanche matin, le monde par la voie des ondes, ou encore Coluche, et bien d’autres, qui ont maintenu très haut cette spécificité française.

Sur nos ondes, et particulièrement sur celles du service public, les chroniqueurs sont les expressions de cette liberté. Ils assument leur choix de se présenter, parfois, sous les traits d’idéologues aux propos d’une extrême provocation, propos affligeants pour les uns – dont je fais partie –, caustiques pour les autres.

On nous explique qu’ils sont dans leur rôle et incarnent cette violence contemporaine qui s’exprime également par les mots. Certaines paroles de rappeurs en sont d’autres exemples.

La liberté qui leur est offerte n’est pas remise en cause. Cependant, depuis quelque temps, certains d’entre eux semblent restreindre leurs talents et concentrer leurs attaques sur le physique des cibles qu’ils épinglent et, qui plus est, s’en prennent directement à leur direction, et ce de manière répétitive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

M. Jacques Gautier. Monsieur le ministre, n’y a-t-il pas des règles de savoir-vivre à respecter au sein d’une même équipe, et jusqu’où peut-on aller dans la provocation et le nauséabond ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le sénateur, en parlant de « dérive » des chroniqueurs humoristes de Radio France, qui ne font d’ailleurs pas forcément rire tout le monde, vous m’interrogez sur les limites éventuelles du droit à l’humour.

Le législateur a posé le principe de la liberté de la communication audiovisuelle à l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

L’exercice de cette liberté peut toutefois être limité dans la mesure requise, notamment, par le respect de la dignité de la personne humaine, par la protection de l’enfance et de l’adolescence et par la sauvegarde de l’ordre public.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

En matière de liberté d’expression, l’irrévérence et l’humour font partie de l’esprit français. Le juge judiciaire, comme le juge administratif, est fidèle à cette tradition.

Il faut accepter que l’humour puisse être grossier, provocateur, voire vulgaire. La liberté ne se partage pas, et certains comiques réputés parfois insupportables contribuent à la bonne santé du corps social. Pensons à la manière dont il nous arrivait de recevoir les plaisanteries de Coluche, et à quel point il nous manque aujourd'hui.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, autorité administrative indépendante, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle et doit évidemment veiller à ce que les éventuelles limites et sanctions soient appliquées uniquement dans les cas que je viens de rappeler.

Le CSA s’assure notamment que les éditeurs de services de radio et de télévision respectent les dispositions de la loi de 1986. Il dispose pour cela d’un pouvoir de sanction en cas de non-respect de ces principes, notamment lorsqu’il est porté atteinte à la dignité de la personne, dans les programmes mis à la disposition du public par les services de communication audiovisuelle.

En revanche, les éditeurs de services de radio et de télévision publics comme privés sont libres de diffuser les programmes qu’ils souhaitent dans les limites qui viennent d’être rappelées et qui sont contrôlées et sanctionnées par le CSA. C’est une affaire interne si tel ou tel chroniqueur brocarde, parfois d’une manière qui peut sembler pénible à certains auditeurs, sa direction.

Il appartient au CSA de mettre en œuvre le pouvoir de régulation que le législateur lui a confié si les bornes prévues ne sont pas respectées

M. Roland Courteau s’exclame

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

, c’est-à-dire seulement si les propos tenus par certains humoristes portent atteinte à la dignité de la personne, la protection de l’enfance ou la sauvegarde de l’ordre public.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, le décret du 26 mai 2006 relatif aux concessions de plage institue de nouvelles règles d’occupation pour les plages faisant l’objet d’une concession.

Ce texte a cependant suscité, dès sa publication, de nombreuses réactions tant les difficultés d’application étaient nombreuses, au point que le secrétaire d’État chargé du tourisme a constaté l’impossibilité pour bon nombre de professionnels de se conformer aux exigences de ce décret.

Hervé Novelli, en personne, s’est rendu sur place et a fait des propositions constructives pour éliminer les difficultés d’application dues, à l’évidence, à un manque de concertation préalable et à une méconnaissance grave des réalités du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Grâce à cette action, des avancées sensibles ont eu lieu.

M. Roland Courteau s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ces derniers chiffres, sortis de nulle part, sont arbitraires. Pis, ils conduisent à une pure absurdité !

La commune de Cagnes-sur-Mer, classée station touristique et balnéaire, dispose du deuxième hippodrome de France, situé au bord de la Méditerranée, et elle accueille la saison hippique d’hiver la plus importante de notre pays. Ces activités économiques, qui fonctionnent toute l’année depuis plus d’un demi-siècle, se verraient ainsi rayées de la carte par un trait de plume technocratique.

Madame la secrétaire d'État, c’est, à proprement parler, impensable !

Pourquoi a-t-on souhaité ajouter des critères discriminants alors qu’un cadre légal protecteur existe déjà ? Ces critères se révèlent profondément injustes à l’égard de communes comme la mienne, qui vivent essentiellement du tourisme, et ce du 1er janvier au 31 décembre.

J’en appelle donc à une concertation nécessaire et indispensable avec les parlementaires, pour éviter que l’on soit déconnecté des réalités et que l’on aboutisse de nouveau, comme en 2006, à un texte inapplicable.

Aussi, madame la secrétaire d'État, je fais appel aux politiques au plus haut niveau pour redonner au bon sens et au principe de réalité toute leur place et faire en sorte que soit modifié le projet de décret en conséquence.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de bien vouloir excuser Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu, qui m’ont demandé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.

Les plages sont effectivement des espaces remarquables, et donc convoités, faisant l’objet d’attentes assez contradictoires. L’objet du décret de 2006 était de poser trois grands principes pour concilier ces usages.

Le premier visait à libérer progressivement les plages du domaine public maritime. Le second consistait à garantir le libre accès à ces dernières en responsabilisant les maires pour l’aménagement de ces plages. Le troisième, enfin, était d’assurer une transparence dans l’attribution des lots aux exploitants d’établissements.

Vous avez raison de le souligner, l’application de ce décret s’est révélée plutôt délicate, voire cahoteuse, au regard de la diversité des situations sur l’ensemble du littoral. Si les principes du décret de 2006 ne sont pas remis en question, une réflexion a été engagée sur les ajustements nécessaires à mettre en œuvre ; c’était tout l’objet de la mission d’inspection mise en place, qui a procédé à une analyse très détaillée des différentes difficultés rencontrées sur le terrain.

Cette mission a fait des propositions qui sont avant tout des mesures de bon sens visant à normaliser les aberrations actuellement constatées ; elle préconise, par exemple, d’exclure du calcul des taux d’occupation des plages les équipements d’intérêt général ou encore de maintenir les réseaux enterrés sans avoir à les déterrer systématiquement en fin de saison.

En outre, il est tout à fait certain que de nombreuses communes connaissent une activité touristique très importante en dehors de la période estivale. L’application stricte du décret de 2006 permet une ouverture des concessions tout au long de l’année à une quinzaine de communes seulement au niveau national.

Il a donc été suggéré de mieux prendre en compte la prégnance de l’activité touristique locale sur la base d’un critère objectif et simple, que vous avez rappelé, à savoir le rapport entre la capacité d’accueil de la population touristique et la population municipale. Une telle possibilité n’est bien évidemment pas envisagée pour les espaces protégés ou situés à proximité de zones naturelles.

Ce nouveau critère, plus large, doit normalement permettre d’augmenter substantiellement le nombre de communes concernées par l’ouverture annuelle, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement de prendre en compte la réalité économique.

Le décret de 2006 sera donc modifié dans ce sens, l’objectif du Gouvernement étant d’aboutir cette année aux modifications proposées sur la base des réflexions engagées depuis 2008.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

L’ensemble des organisations syndicales polynésiennes, rassemblées sous l’appellation « Collectif pour la paix », a entamé, le jeudi 10 juin 2010, une grève générale qui a paralysé pendant six jours la Polynésie française et fragilisé son économie déjà vacillante.

Fort heureusement, ce mouvement a été levé avant-hier, mais la Polynésie française continue de s’enfoncer.

En 2004, l’effondrement brutal du mode de gouvernance qui a régné durant trois décennies sur la Polynésie française a ouvert, comme vous le savez, madame la ministre, une période d’instabilité politique sans précédent durant laquelle le rôle du Gouvernement national n’a pas toujours été celui d’un partenaire neutre et impartial.

Depuis 2004, les joutes politiciennes locales, envenimées par une stratégie parisienne qui n’a cherché qu’à remplacer la classe politique au pouvoir par une autre sans pour autant aider la Polynésie à remettre à plat son modèle économique et institutionnel d’alors, n’ont fait que masquer les signes avant-coureurs de cette grave crise sociale polynésienne.

Pourtant, le Gouvernement central savait pertinemment que le modèle de développement polynésien avait atteint sa limite de viabilité au début des années deux mille.

La note d’étape du 7 juin 2010 sur la mission d’assistance à la Polynésie française que vous avez transmise avant-hier à l’exécutif polynésien confirme bien que la crise de l’économie polynésienne était prévisible depuis le début de la décennie.

Les systèmes de santé et de protection sociale polynésiens sont en train de vaciller. Des malades meurent ou attrapent anormalement des infections dans les hôpitaux.

Surtout, le modèle démocratique polynésien actuel dans son ensemble est en train de s’effondrer sous nos yeux.

Vous-même, madame la ministre, nous aviez annoncé une réforme de notre mode de scrutin pour la fin de 2010 ou le début de 2011.

Sur le fond, il aurait cependant fallu d’abord demander au peuple polynésien de s’exprimer démocratiquement sur le modèle de développement rénové auquel il aspire pour les trente prochaines années, avant de lui présenter un modèle institutionnel « de dépannage », si je puis me permettre cette expression.

Pourquoi est-ce encore si difficile de consulter et de solliciter le consentement libre, préalable et éclairé de nos concitoyens d’outre-mer ?

Tous les citoyens français ultramarins savent que le Gouvernement central est omniprésent dans l’élaboration des modèles de développement de chacune des collectivités d’outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

La loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, n’induit en rien une véritable refonte de ces « modèles de développement ».

La cherté de la vie, à maintes reprises, a été dénoncée en Polynésie, comme dans toutes les autres collectivités.

Nous constatons donc que l’outre-mer français se trouve dans une situation d’asphyxie économique.

Madame la ministre, ma question est la suivante : quelle stratégie nationale d’accompagnement économique et institutionnel votre ministère s’engage-t-il à garantir aux collectivités territoriales d’outre-mer pour permettre à ces dernières de mettre enfin en place un modèle de développement ultramarin rénové ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Tout pour la Guadeloupe…

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Monsieur sénateur, la situation de la Polynésie française est en effet préoccupante. Elle n’est pas épargnée par la crise et, vous avez raison de le souligner, l’instabilité politique ne fait qu’aggraver la situation.

L’État ne cesse d’affirmer depuis maintenant deux ans qu’il souhaite accompagner la Polynésie et qu’autonomie n’est pas synonyme d’abandon.

L’État vise deux objectifs : d’une part, établir avec la Polynésie un partenariat qui soit fort et véritable ; d’autre part, et surtout, construire des relations financières nouvelles fondées sur le principe d’une meilleure transparence et d’une meilleure utilisation des fonds publics.

M. Daniel Raoul s’exclame.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

C’est tout le sens du protocole que j’ai signé au nom du Gouvernement avec le président du pays, M. Gaston Tong Sang, au mois de janvier dernier, pour établir une nouvelle convention concernant la dotation de la Polynésie.

L’État a toujours accompagné la Polynésie et la solidarité nationale a toujours joué, notamment lors du passage du cyclone Oli. Grâce non seulement à l’intervention des élus, mais aussi à l’implication des services de l’État, le Premier ministre avait alors dégagé une enveloppe de 10 millions d’euros pour la reconstruction des habitations de l’île de Tubuaï.

Simplement, il nous faut aujourd'hui être en mesure d’accompagner la Polynésie dans deux domaines.

Tout d’abord, il importe de lui permettre de redresser ses comptes publics. C’est tout l’objet de la mission d’inspection mise en place, qui a rendu son rapport la semaine dernière.

Ensuite, il convient effectivement de revoir le mode de scrutin, de manière à établir des conditions susceptibles d’assurer, nous l’espérons, une meilleure stabilité politique.

Monsieur le sénateur, peut-être faut-il aujourd’hui prendre conscience que la Polynésie n’a plus les moyens de son train de vie et que le moment est venu d’engager les réformes destinées à prendre en compte cette situation économique et sociale.

Autonomie, cela signifie non pas abandon, mais plus de responsabilités, surtout lorsqu’il s’agit de faire des réformes difficiles, qui ne sont pas de la compétence de l’État.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’appel dont nous célébrons le soixante-dixième anniversaire appartient à notre histoire commune.

Il fut pourtant bien singulier, mais au fond évident, le destin de ces quatre feuillets, raturés et travaillés dans l’urgence, pour parvenir à un ordonnancement de onze paragraphes d’une rigueur, d’un dépouillement et d’une précision qui rompaient avec l’art oratoire de l’époque.

Elle fut pourtant bien étonnante, mais au fond évidente, la destinée de cette adresse au peuple français, qui ne fut guère entendue au moment où elle s’envola vers notre pays, depuis un studio du quatrième étage de l’immeuble de la BBC, par une soirée londonienne où la lumière de juin avait une couleur grise.

Il fut étrange, mais au fond évident, l’écho que rencontra dans notre histoire ce court message prononcé par une voix, alors inconnue, mais dont la détermination était prémonitoire, annonciatrice d’un destin qui allait rencontrer celui de la France.

Elle fut admirable, mais au fond évidente, la dimension que prit cette exhortation à destination de la France défaite, formulée par un sous-secrétaire d’État à la défense, depuis à peine deux semaines, d’une grande puissance vaincue, général de brigade depuis moins de deux mois.

Cet appel – l’Histoire l’a oublié mais celui qui le prononça ne n’oublia jamais – ne fut possible que parce que le Royaume-Uni ne s’y opposa pas. C’était, alors, loin d’être évident ! La France était vaincue, mais sa flotte constituait encore une menace pour l’Empire britannique.

Il y eut le général Edward Spears, affecté aux relations avec la France combattante. Il y eut Duff Cooper, le ministre britannique de l’information. Il y eut Winston Churchill. Il y eut le roi Georges VI d’Angleterre et la reine Elizabeth, qui, dans la singularité séculaire de leurs fonctions respectives, manifestèrent, un soutien délicat et permanent à la France libre. Il y eut, tout simplement, le Royaume-Uni et son peuple.

Qu’avaient-ils en commun ces rares hommes et ces quelques femmes, isolés, qui, dès le 19 juin, se manifestèrent dans les austères locaux de Seymour Place pour rallier ce qui allait devenir la France combattante ?

Qu’avaient-elles en commun la France de l’Extrême-Ouest – entre mer et granit – des marins de l’île de Sein et celle de l’Extrême-Sud – entre sable et savane –, d’un gouverneur du Tchad, originaire de Guyane, du nom de Félix Eboué ?

Qu’avaient-ils en commun ces 1 036 Compagnons de la Libération, venus d’horizons, de classes sociales et de convictions les plus divers – dont 13 siégèrent plus tard dans cet hémicycle –, et dont seulement 700 survécurent à la guerre ?

Ils n’étaient pas de droite, ces femmes et ces hommes. Ils n’étaient pas de gauche. Ils n’étaient pas, loin de là, au lendemain du 18 juin 1940, toute la France. Ils étaient une infime minorité.

Pourtant, déjà, ils étaient toute la France ! Car ces femmes et ces hommes croyaient en l’espoir. Ils croyaient en la liberté. Ils croyaient en l’égalité. Ils croyaient en la fraternité. Ils croyaient en la résistance contre une idéologie abjecte, dont ils refusaient la présence sur le sol national de la force armée qui en était l’instrument. Ils croyaient en la résistance aux compromissions, que, déjà, ils pressentaient croissantes, d’un gouvernement faible et, dès l’origine, si peu légitime.

Oui, ces femmes et ces hommes, déjà, étaient toute la France !

Quels furent les ressorts de cette improbable rencontre entre un jeune et très récent général de brigade « sans notoriété, ni crédit ni justification », « limité et solitaire » et un peuple humilié, désemparé, dévasté, occupé, qui errait sur les routes de l’exode ?

Il y eut, sûrement, la force de l’appel intransigeant de cette voix énergique et étrange, venue d’outre-Manche. Cette voix qui appelait à des valeurs qui grandissent : le courage, l’ardeur, l’espoir. Elle était l’antithèse du ressentiment, de la résignation et de la compassion que prônait le gouvernement de Vichy.

Il y eut, sûrement, la fulgurance visionnaire d’un homme d’exception.

Cette fulgurance fut politique dans la soudaineté de la réplique formulée, à la demande d’armistice sollicitée, le 17 juin, par le maréchal Pétain. Elle fut politique, dans l’analyse tranchante de la nature d’un régime d’emblée marqué par le ressentiment et inspiré par les chefs d’une armée défaite. Elle fut politique dans la définition même de l’envahisseur. Le maréchal Pétain le qualifiait, de manière atténuée et quasi chevaleresque, d’« adversaire ». Le général de Gaulle, lui, dénonçait d’emblée et sans détours, la nature profonde du régime nazi par le terme, radical et sans appel, d’« ennemi ».

Cette fulgurance fut visionnaire. « L’ennemi serait vaincu par la supériorité des mêmes armes que celles qui lui donnèrent la victoire ». C’est ce qu’il advint. L’ennemi serait vaincu parce que cette guerre « était mondiale », et parce que « La France n’était pas seule ». C’est ce qu’il advint. Grâce à une guerre qui devint mondiale, grâce à ses alliés, grâce à son Empire, grâce à des Français de nationalité, mais aussi de cœur ou de circonstances, oui, « la France ne fut pas seule… ».

C’est sans doute beaucoup pour ces raisons que la rencontre entre cet appel et le peuple de France se perpétua dans une longue et belle histoire. Il y eut les sacrifices, le courage, les larmes et le sang de la Résistance. Il y eut la participation des armées de la France combattante, de l’Empire et d’ailleurs, à la victoire. Il y eut, dans une joie immense, le rétablissement de la liberté, de la démocratie et des droits fondamentaux, qui furent enrichis d’une dimension sociale nouvelle.

Il y eut plus, plus tard, le renforcement de l’autorité de l’État, l’affermissement de la parole internationale de la France, l’essor nouveau de son économie, la gestion de la douloureuse question de la décolonisation, l’entrée, visionnaire et courageuse, de la France dans un monde marqué par la rivalité Est-Ouest et par l’émergence de puissances nouvelles, dont le général de Gaulle fut l’un des premiers à déceler les conséquences.

Il y eut la construction de la paix européenne au travers de la réconciliation franco-allemande.

L’appel du 18 juin fut une réponse du moment, forte et lumineuse, à un drame historique. Mais l’appel du 18 juin demeure une référence, dont les valeurs gardent leur puissante actualité.

Ces valeurs sont celles d’une France courageuse, ambitieuse et exigeante. Elles sont celles d’une France clairvoyante, juste et ouverte au monde.

Ces valeurs, ce sont les valeurs de la France.

Ces valeurs, dans la vigueur de nos différences et, parfois, de nos oppositions, sur toutes les travées de l’hémicycle, nous les aimons et nous les servons tous ensemble !

M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures trente, dans la salle Médicis.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle le débat sur les nanotechnologies, organisé à la demande de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La parole est à M. le président de la commission de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, que j’ai l’honneur de présider, et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont j’ai plaisir à saluer le Premier vice-président, M. Jean-Claude Etienne, ont souhaité la tenue de ce débat, et je m’en félicite.

La France est en effet le seul pays qui a organisé un débat public national sur les nanotechnologies. Il me paraît important que la représentation nationale, à son tour, se saisisse d’une question qui est devenue, en quelques années, un véritable enjeu de société. Pour cause, puisque les nanotechnologies se situent au carrefour de problématiques à la fois économiques, scientifiques, industrielles, sanitaires ou encore éthiques.

C’est pourquoi Jean-Claude Etienne et moi-même avons souhaité élargir au maximum le champ de ce débat en ouvrant celui-ci à des personnalités extérieures représentant la société civile. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour leur souhaiter la bienvenue.

En préambule, je voudrais m’inscrire en faux contre une idée trop largement répandue et qui a gravement perturbé les travaux menés par la Commission nationale du débat public : non, le débat sur les nanotechnologies n’est pas encore tranché et tout n’est pas déjà décidé.

À cet égard, je ne peux que regretter que la consultation nationale sur ce sujet ait été émaillée d’actions « antinanotechnologies », à l’instar de celles que mènent les « faucheurs volontaires », qui détruisent les champs d’expérience destinés à étudier les dangers éventuels des OGM, les organismes génétiquement modifiés, ou, pourrait-on également dire, cher Daniel Raoul, des PGM, les plantes génétiquement modifiées.

Il existe des adversaires du débat public, débat qui constitue pourtant la plus élémentaire liberté d’expression. Décider de ne pas participer est une attitude respectable, mais regrettable, car elle signifie que l’on n’a pas confiance dans la démarche démocratique qui est celle du débat. Participer ne veut pas dire accepter mais plutôt « accepter de défendre ses idées ».

Dès lors, pourquoi une telle résistance et de telles craintes à l’égard des nanotechnologies ?

Au sein de la société civile, les opinions qui s’expriment sur ce sujet sont contradictoires.

Certains souhaitent un moratoire total, concernant toutes les applications des nanotechnologies, y compris les applications médicales, mais aussi la recherche. Cette position globalisante me paraît excessive, car l’ignorance qui résulterait de l’abandon des recherches pourrait être sans doute plus préjudiciable encore dans un monde où les nanotechnologies continueront à se développer.

D’autres préconisent un moratoire partiel, portant sur certaines applications tant que leur innocuité pour l’homme ou pour l’environnement n’est pas établie.

Quelles que soient les positions qui peuvent être exprimées, je reste convaincu de la nécessité de poursuivre la recherche en la matière.

De quoi parlons-nous lorsque nous faisons référence à la problématique des nanosciences ?

Les nanomatériaux constituent une terminologie qui recouvre des réalités très différentes : nanotubes, nanoparticules, nanofils, etc.

Les applications des nanomatériaux sont elles aussi très variées : applications médicales, matériaux nanostructurés dans des produits de la vie quotidienne, transmission, stockage et traitement de l’information, et d’autres encore.

Au croisement de ces différentes approches, une chose est certaine : les nanotechnologies marquent une rupture avec le monde visible qui est le nôtre depuis des millénaires. En effet, les objets nanométriques ne mesurent qu’entre 1 et 100 milliardièmes de mètres. Les nanotubes de carbone, par exemple, ont un diamètre 500 000 fois plus petit que celui d’un cheveu. Je laisse à chacun le soin de se représenter la taille de ces molécules cylindriques.

Du point de vue technique, il est remarquable de souligner que de telles dimensions offrent aux objets nanométriques des propriétés très différentes de celles des objets du monde visible. Le seul fait que les nanoparticules aient une surface beaucoup plus grande par rapport à leur masse modifie leur comportement.

Dès lors, des perspectives semblent s’offrir à nous, et je pense particulièrement aux chercheurs mais aussi aux industriels qui tentent d’exploiter toutes ces potentialités.

Que ce soit dans la mise au point de nouveaux traitements médicaux, la production de nouvelles sources d’énergie ou encore la fabrication de nouveaux produits cosmétiques, les nanotechnologies suscitent des espoirs en termes d’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens.

Ainsi, nombreux sont ceux qui souhaitent, à travers ces nouvelles technologies, améliorer les performances humaines. Et comment ne pas fonder des espoirs dans ces nouvelles sciences lorsque les applications peuvent, par exemple, faciliter des opérations microchirurgicales par ordinateur en rendant fluorescentes des tumeurs cancéreuses ?

À l’inverse, d’autres sont plus « nano-sceptiques », car, si ces nouvelles technologies offrent de formidables espoirs, il n’en demeure pas moins qu’elles suscitent de grandes inquiétudes.

D’aucuns s’inquiètent ainsi des risques qu’elles peuvent présenter pour la santé, pour l’environnement ou même pour les libertés individuelles.

En matière de protection de la santé d’abord, je crois que personne ne contestera la nécessité de mettre en œuvre toutes les mesures de précaution pour les travailleurs dans les laboratoires et les ateliers où sont fabriqués ou manipulés des nanomatériaux : masques, vêtements, gants destinés à se protéger contre les dangers potentiels du contact ou de l’inhalation.

S’agissant des consommateurs, l’accent doit être mis sur la traçabilité, l’étiquetage, l’information et la transparence.

En matière de protection de l’environnement ensuite, les précautions ne doivent pas seulement être prises dans les laboratoires et les ateliers où sont fabriqués et manipulés les nanomatériaux pour éviter les rejets accidentels dans la nature. Sur ce point, il convient d’adopter une approche sur l’ensemble du cycle de vie des produits contenant des objets nanométriques et tenant compte de leur recyclage ou, bien sûr, de leur destruction.

En matière de protection des libertés individuelles, il ne fait pas de doute – et je crois que sur ce dernier point notre collègue Alex Türk, président de la CNIL, ne me démentira pas – que les nanotechnologies sont en train de révolutionner les technologies de l’information.

Or, si l’on ne peut que se féliciter de l’impact positif des nanotechnologies dans l’acquisition, le stockage et le traitement de l’information, on ne saurait accepter, à force de miniaturisation, la possibilité d’être surveillé constamment par le biais de nanopuces indétectables, possibilité qui paraît de plus en plus réelle, au point de donner corps à un nouveau « biopouvoir », pour paraphraser Michel Foucault.

C’est pourquoi il ne faudrait pas, au nom de la concurrence internationale dans le cadre de la mondialisation, imposer à une population inquiète des innovations utiles, certes, mais qui pourraient se révéler dangereuses.

Il s’agit de maîtriser collectivement le risque, de débattre des innombrables applications des nanosciences et de décider démocratiquement lesquelles nous souhaitons.

Ce débat soulève des interrogations éthiques et interroge notre relation au progrès, à l’incertitude, au rôle de l’expertise.

Pour le législateur, l’enjeu reste fondamentalement celui de la protection des libertés individuelles et donc de la régulation de ce nouveau champ technologique. Et je le dis solennellement, mes chers collègues, le Parlement devra, le moment venu, prendre ses responsabilités en la matière et déterminer s’il convient ou non d’interdire certaines applications des nanotechnologies, notamment dans les systèmes d’information.

La tâche ne sera pas aisée, car, dans ce domaine, les gouvernances se superposeront et devront être articulées entre elles : gouvernance mondiale à travers une normalisation internationale et coopération au sein de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce ; gouvernance européenne au travers des règlements communautaires et des principes qui régissent le marché européen ; enfin, gouvernances nationales et locales, qu’il faudra coordonner.

En définitive, je crois, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que, loin d’être conclu, le débat sur les nanotechnologies ne fait en réalité que commencer. Personne, même les scientifiques les plus renommés, ne pourrait prétendre avoir une connaissance exhaustive en la matière.

C’est pourquoi l’accent doit être mis sur la transparence qui entoure ces technologies de l’avenir, notamment auprès des élus, mais aussi et surtout des populations concernées.

Ministres et élus, syndicats et représentants d’associations, organisations non gouvernementales et consommateurs doivent poursuivre le débat. Il s’agit, j’en suis persuadé, d’une exigence démocratique salutaire pour notre société.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Etienne

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, qu’il me soit d’abord permis de saluer à mon tour la présence dans la tribune de membres de la Commission nationale du débat public et d’acteurs du secteur des nanotechnologies.

En se référant à Pascal, on peut dire que l’homme, après avoir orienté ses télescopes vers l’infiniment grand, avec l’astronomie, et, d’une manière générale, vers l’espace sidéral, a tourné ses microscopes vers l’infiniment petit. Aujourd’hui, on voit les plus gros atomes, et il y a des enseignements fondamentaux à tirer de cette dimension singulière.

Les nanotechnologies marquent une étape d’importance dans la connaissance scientifique dont nous commençons à percevoir l’incidence sur le quotidien de nos concitoyens : mêmes si elles sont encore méconnues, elles sont déjà parmi nous.

Actuellement, plus de 700 produits de la vie de tous les jours utilisent déjà des nanoparticules : cela va des revêtements dans les bâtiments aux cosmétiques, en passant par les pneumatiques, les textiles, les réfrigérateurs, les bicyclettes, les peintures, les aérosols, les téléphones, les ordinateurs…

En résumé, les nanotechnologies nous entourent, et nombre d’entre elles rendent des services éminemment précieux.

Si les bénéfices attendus de ces technologies nouvelles suscitent l’engouement, les craintes et les rejets qu’elles provoquent méritent aussi notre attention ; ils sont parfois exprimés sur un ton virulent, par des individus qui ne constituent pas de véritables bataillons, mais ce n’est pas une raison pour les ignorer.

Une fois encore, quand il s’agit de technologies nouvelles, les pouvoirs publics ont à connaître d’un affrontement dual entre les nombreux tenants des bénéfices espérés, et les tenants, bien moins nombreux, des nuisances redoutées.

Le président Emorine évoquait l’affaire des OGM ; nous n’en sommes pas encore à ce niveau de protestation et de réactivité. Malgré tout, certaines interventions portant sur les nanotechnologies nous y font penser.

Cet affrontement est à l’origine de mouvements d’opinions importants, qui manquent cependant quelque peu d’arguments. Nous gardons en mémoire les remous et les turbulences qui se sont fait jour lors du grand débat public sur les nanotechnologies ; le président Bergougnoux, ici présent, peut en porter témoignage.

C’est dire combien les problématiques sociétales peuvent, parfois, travestir les réalités et la vérité scientifiques !

Un tel relevé de terrain a conduit notre collègue Jean-Paul Emorine, président dela commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à associer l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, à cet important débat. Les membres de l’Office ont été d’autant plus sensibles à cette attention que nos anciens collègues Pierre Laffitte et Claude Saunier ainsi que, plus récemment, Marie-Christine Blandin et Daniel Raoul sont à l’origine d’un certain nombre de travaux sur cette thématique.

Ce débat vient à point nommé.

Dans un premier temps, dans le cadre de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le Parlement a en effet souhaité organiser une confrontation nationale sur le sujet.

Dans un second temps, la Commission nationale du débat public ayant rendu son rapport en février, l’Agence française de la sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, a produit une première synthèse sur la question en mars dernier.

C’est aujourd’hui, au Sénat, un moment d’« arrêt sur image ».

J’articulerai mon propos autour de trois questions : les bénéfices espérés ; les risques et nuisances redoutées ; les solutions envisageables pour concilier le développement et l’usage des nanotechnologies avec le sacro-saint respect de la biodiversité, autrement dit pour tirer parti des bénéfices sans encourir de risques inutiles.

Je commencerai par les bénéfices attendus, qui ont été rappelés par le président Emorine.

La médecine, tout d’abord, est au cœur de notre problématique, car elle mise sur les nanotechnologies. Je citerai plusieurs exemples.

Les nanovecteurs permettent de cibler les cellules cancéreuses et de les détruire, tout en évitant les risques collatéraux induits par les pratiques classiques de l’orthodoxie médicale, qui portent atteinte de façon diffuse à l’ensemble de l’organisme, faute de diaphragmer leur action sur les cellules concernées.

La neurostimulation, en cas de troubles du fonctionnement moteur, est un véritable réveil biomécanique du paralytique.

La nanobiopsie permet d’effectuer des prélèvements là où c’était impossible jusqu’à présent. Je pense, notamment, aux prélèvements cervicaux.

Enfin, les toutes récentes pratiques de nanotraitements thermiques de certaines carcinoses, que ne peuvent traiter les thérapeutiques classiques, suscitent un espoir. Je citerai simplement les carcinoses péritonéales, soit primitives, soit à point de départ ovarien.

Les médecins fondent donc de grands espoirs dans ces nouvelles technologies.

Elles présentent également des avantages en termes de développement durable, car l’inclusion des nanoparticules dans les nanomatériaux permet d’augmenter leur résistance.

Je parle ici des fameux nanotubes de carbone tressés, très performants sur le plan mécanique. On voit tout de suite les perspectives offertes par ces évolutions en matière d’allégement des structures dans l’automobile ou l’aéronautique, et leur incidence substantielle sur la consommation énergétique. Les États-Unis, mais aussi des pays émergents comme l’Inde et la Chine, ont réalisé récemment, dans ces domaines précis, d’extraordinaires avancées techniques.

Autre exemple : l’un des problèmes de la pile à combustible, c’est qu’elle nécessite une catalyse de platine, un métal rare et cher. En employant des nanoparticules de platine, on estime pouvoir réduire d’un facteur 100, à l’avenir, le métal nécessaire à cette catalyse.

Pour illustrer le lien entre nanotechnologies et technologies de la communication et de l’information, je citerai un seul cas concret : les progrès dans l’électronique de spin ont mis en évidence les magnétorésistances géantes, permettant le développement de l’industrie du disque dur.

J’en viens aux risques redoutés.

Les risques pour la santé et la toxicité chez l’être vivant doivent être étudiés de façon sériée, car il s’agit d’éléments fondamentaux de ce débat.

La toxicité chez l’être vivant doit faire l’objet d’une vigilance renforcée, car la toxicité des nanoparticules diffère de la toxicité chimique conventionnelle, même si la procédure européenne REACH ne les différencie pas clairement. C’est un point important.

Cette toxicité est dominée par la forte réactivité des nanoparticules à surface hypersensible, toujours prêtes à se lier à tout élément de leur environnement. On leur accorde, parallèlement, une biopersistance tout à fait singulière dans l’organisme.

En ce qui concerne l’élimination des nanoparticules par le vivant, les incertitudes demeurent.

Quoi qu’il en soit, je tiens à rassurer les malades : l’utilisation des nanotechnologies par les médecins entre dans le cadre bien défini des méthodologies de recherche clinique soumises à autorisation.

Deux concepts prévalent : l’exposé au malade du rapport bénéfice-risque et le consentement éclairé du patient.

Enfin, les doses de référence toxicologique employées chez l’animal sont de très loin supérieures à celles que nous pouvons utiliser chez l’homme.

Les autres risques redoutés des nanotechnologies concernent les libertés publiques. Comme l’a fait le président Emorine, je laisserai à notre collègue Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le soin de développer cet aspect.

Nous en arrivons à la question essentielle : quelles perspectives pour concilier un développement et un usage possible de ces technologies avec le respect dû à la biodiversité ? C’est la ligne de démarcation entre l’augmentation de l’acquis des connaissances et l’usage même que l’on peut en faire. Ce n’est pas parce que nous savons plus de choses qu’il faut obligatoirement s’en servir. Après tout, « Science sans conscience… » Vous connaissez la suite.

C’est pourquoi le Parlement – et il a eu raison – a souhaité un débat public, au-delà de ceux qui, comme le disait le général de Gaulle en d’autres temps, regretteront toujours « la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile et le charme du temps des équipages ». Si le progrès doit servir l’homme, en syncrétie avec la biodiversité, alors il ne faut pas le manquer. Ce serait une faute contre l’humanité !

À vrai dire, les choses ne sont jamais ni si blanches ni si noires, et c’est une science singulière que de pouvoir, avec les attendus dont on dispose, séparer le bon grain de l’ivraie. C’est une affaire de spécialistes et d’analyses très soigneuses.

Nous en sommes malheureusement assez loin. On sait que sur les 300 millions d’euros investis par l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, dans le secteur des nanotechnologies, seuls 5 millions d’euros, tout au plus, sont consacrés aux travaux sur la toxicité.

En France, aucun des axes stratégiques de recherche ne porte, singulièrement, sur la biodiversité. Si l’on veut se pencher sur le sujet, il faut se tourner vers l’agronomie. Aucune branche de la recherche ne s’intitule « biodiversité » !

Cet enjeu scientifique porte un nom, c’est l’enjeu de la biodiversité : développement des recherches en ingénierie écologique, consolidation des recherches en biomimétisme et bioinspiration, avec à la clé – pourquoi pas ? – la création d’un institut Carnot sur les biotechnologies industrielles.

Telles étaient, d’ailleurs, les conclusions de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre d’un rapport adopté à l’unanimité de son bureau, il y a déjà un an et demi, sous la présidence de notre collègue député Claude Birraux.

En pratique, les bénéfices espérés des nanotechnologies ne se feront qu’au prix d’une vigilance étroite, nourrie par les études garantissant les subtils et fragiles équilibres naturels. C’est d’ailleurs le manque d’études scientifiques rigoureuses dans le domaine de la biodiversité qui produit un certain intégrisme écologique, ou qui empêche d’y répondre clairement et de façon argumentée. Expliquer par le savoir, il n’y a rien de tel pour convaincre les ignorants.

Votre Office parlementaire s’applique à trouver auprès des académies – l’académie des sciences, l’académie de médecine et l’académie des technologies – et auprès des instituts concernés les méthodes et moyens pour répondre aux questions que se posent nos concitoyens dans ces domaines porteurs de grands espoirs, mais aussi de craintes.

Toutes ces craintes doivent être entendues, même celles qui se nourrissent d’un manque de connaissances. On ne peut en vouloir à personne de ne pas savoir. Après tout, même le savant ne connaît pas ce qu’il ignore !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie la commission de l’économie et l’Office parlementaire d’avoir organisé ce débat, lequel donne l’occasion d’aborder un monde qui semble parfois ésotérique. Je souhaite que l’on puisse à la fois mesurer les enjeux et évoquer les problèmes inhérents aux applications.

Le monde nanométrique ou nano-monde est celui de l’infiniment petit. M. le président Emorine a pris pour référence le diamètre d’un cheveu. Pour ma part, je dirai qu’un nanomètre est au mètre ce qu’une orange ou un pamplemousse est à la Terre. Le rapport est similaire. Grossièrement, c’est aussi la taille de trois atomes juxtaposés. Le nano-monde couvre l’échelle de grandeur allant de 1 nanomètre à 100 nanomètres. Vous pouvez donc faire les calculs et trouver le nombre d’atomes ou la taille des molécules qui peuvent être concernés. Je ne relèverai pas les copies à la sortie…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Ce monde peut être atteint de deux façons différentes : soit par la démarche que l’on appelle Top down, ou miniaturisation, cette démarche étant classique, connue depuis un certain temps et qui obéit en particulier à la loi de Moore, laquelle prévoit un doublement tous les dix-huit mois de la puissance dans un même espace ; soit par la démarche que l’on appelle Bottom up, c’est-à-dire par l’assemblage d’atomes pris un par un, constituant ainsi de nouvelles molécules.

La principale évolution dans ce domaine a été permise par les progrès des microscopes électroniques à effet tunnel, à la fin des années soixante-dix du siècle dernier. Il s’est alors produit une véritable révolution dans la démarche habituelle des sciences, où la théorie précède les applications. Les nanotechnologies ont en effet alors devancé la théorie. Dans le monde nanométrique, les lois de la physique classique ne s’appliquent plus, en tous les cas dans le domaine confiné. En conséquence, les propriétés macroscopiques habituelles sont différentes des propriétés de l’échelle nanométrique. Par exemple, la couleur et les constantes physiques de l’or varient considérablement entre l’état massif et l’état de nanoparticule.

Le monde nanométrique n’est pas étrange : il a des effets sur notre environnement depuis fort longtemps, que ce soit lors d’un feu de bois où des nanoparticules sont créées, ou dans les pneus depuis le début du siècle dernier.

L’utilisation de la démarche Bottom up m’interpelle davantage que la démarche de miniaturisation. S’ouvrent ainsi de nouveaux horizons, en particulier à la chimie et à la physique. Grâce aux nanotechnologies, la chimie, qui était une science d’assemblage quelquefois maîtrisée, va devenir entièrement créative, en produisant de nouvelles molécules inexistantes dans la nature.

Cela n’est pas sans soulever des problèmes qui seraient la conséquence d’une volonté de démiurge ou d’un rôle de créateur. On disséminerait dans la nature des molécules inédites dont notre système immunitaire ne nous protégerait éventuellement pas et qui porteraient atteinte à la biodiversité. Ce point a été évoqué voilà quelques instants par notre collègue Jean-Claude Etienne.

Dans le même temps, cette technologie a donné lieu à des fantasmes. Je sais bien que, depuis Shakespeare et l’acte III de Macbeth, les dangers virtuels font plus peur que les dangers réels. Que n’avons-nous entendu sur des robots s’autoreproduisant, dévorant entièrement l’énergie de notre planète et conduisant à une purée grise recouvrant toute la Terre ?

Il est possible de concevoir des nanomatériaux aux propriétés tout à fait différentes. Les lois de la nanophysique s’appliquent lorsque le confinement à l’échelle nanométrique change qualitativement à la fois le comportement des particules mais aussi leurs propriétés.

Je n’évoquerai pas les applications de la démarche de miniaturisation. J’en suis persuadé, mon collègue Christian Gaudin, notamment en raison de la profession qu’il a exercée avant d’être parlementaire, mesurera tous les enjeux et pourra nous préciser les avancées relatives aux gains d’énergie, de temps pour les signaux, et de puissance de calcul.

Je rappellerai simplement que, dans votre téléphone portable, mes chers collègues, vous avez la même puissance de calcul que dans le module lunaire. Cela vous donne une idée de la puissance développée en quelques années et des avancées permises par la miniaturisation et, notamment, de la puissance des microprocesseurs.

Je l’ai dit, des nanoparticules existent dans la nature. Ainsi, le bois, l’os, la coquille d’œuf sont des matériaux nanostructurés. Il ne faut donc pas exagérer le caractère novateur de ces technologies.

Je voudrais évoquer un domaine qui m’interpelle personnellement. Il s’agit de la convergence des nanotechnologies et des biotechnologies, ce que les Américains appellent NBIC, intégrant à la fois l’informatique et les sciences de la connaissance. La récente publication concernant la synthèse de l’ADN n’est pas sans soulever des problèmes de bioéthique. C’est pourtant là que sont les enjeux.

Premièrement, il faut évoquer les aspects positifs des nanotechnologies en matière médicale, point qui a été abordé par notre collègue Jean-Claude Etienne. D’une part, elles permettent de mieux diagnostiquer. D’abord, elles aident à mieux voir in vivo avec, notamment, la caméra embarquée dans une gélule ou bien les marqueurs fluorescents des molécules biologiques. Ensuite, elles aident à mieux voir in vitro. Tel est le cas de l’utilisation des biopuces à ADN qui sont déjà opérationnelles et des lab on chips, c’est-à-dire des micro-laboratoires embarqués sur une nanostructure.

D’autre part, les nanotechnologies permettent de mieux soigner. Je donnerai trois exemples.

D’abord, la vectorisation des médicaments avec des encapsulations dans des fullerènes permet de délivrer le médicament à l’endroit souhaité sans provoquer de dégâts sur d’autres cellules, ciblant la seule tumeur.

Ensuite, ces technologies offrent la possibilité d’une activation des nanoparticules pour des médicaments anticancéreux. Il en est ainsi, en particulier, du chauffage de nanoparticules de fer détruisant les cellules visées.

Enfin, elles permettent de compenser les déficits acquis ou congénitaux, tant en ce qui concerne les neuroprothèses que dans le domaine de l’ingénierie cellulaire avec, notamment, la cornée artificielle et l’ingénierie cutanée.

Deuxièmement, quels sont les enjeux économiques ? On constate une nette augmentation du marché des biopuces. Ce marché qui représentait 250 millions d’euros en 1999 s’élevait à 3 milliards d’euros en 2005, avec une croissance annuelle de 30 % à 40 %, en particulier pour le diagnostic in vitro. Le marché de l’ingénierie tissulaire est estimé entre 5 milliards et 10 milliards d’euros par an.

À l’heure actuelle, les pays européens, isolément ou dans le cadre d’initiatives de l’Union européenne et des différents PCRD, sont largement distancés par les États-Unis et, surtout, par le Japon. L’Inde et la Chine investissent fortement pour rattraper leur retard dans ce domaine.

J’ai eu l’occasion de mesurer l’effort des États-Unis, notamment du département de la défense. Comme je ne les ai jamais pris pour des philanthropes, j’imagine bien quels sont les enjeux stratégiques attachés au développement des nanotechnologies.

Troisièmement, je voudrais évoquer les problèmes socioculturels. D’abord, la toxicité des nanoparticules peut être décuplée en raison de l’augmentation considérable de leur surface efficace. En effet, la surface de toutes ces microsphères offerte en interaction est bien plus grande que la surface de ces matériaux à l’état massif. Il existe donc un problème de dose, mais aussi, peut-être, de porosité des barrières physiologiques, singulièrement de la barrière hémato-encéphalique.

Ensuite, il faut évoquer les dangers liés à l’autoréplication, à propos desquels le Prince Charles s’était exprimé à une certaine époque dans la presse. Le ridicule ne tue pas…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En ce qui concerne le respect de la vie privée, je serai bref car le président de la CNIL développera davantage ce point, un débat ayant eu lieu au sein de l’Office. Les RFID permettent l’identification d’une personne à son insu, en implantant une puce. Cela pose toute de même des problèmes au niveau des libertés.

Je souhaiterais évoquer la tentation du transhumanisme. Quelle est la différence entre un homme réparé et un homme augmenté ? Je ne suis pas sûr que, dans quelques années, les mesures de dopage se limitent à l’EPO, et ne concernent pas le dopage biotechnologique. Comme l’a précisé mon collègue Jean-Claude Etienne, on peut susciter des réflexes à l’état musculaire. Certes, cela peut pallier des déficits acquis ou congénitaux. Mais on peut aussi développer des performances. La championne que vous êtes, madame la secrétaire d’État, pourra peut-être un jour utiliser cette voie…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Enfin, les nano-implants soulèvent de graves problèmes liés au contrôle du comportement. On ne serait plus obligé de dire « Taisez-vous, Elkabbach ! », il suffirait d’appuyer sur une télécommande.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

On pourrait donc définir le comportement d’un individu, lui donner la parole ou le faire taire. De telles mesures pourraient parfois être utilisées dans l’hémicycle…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il faut mener en parallèle des recherches dans les domaines tant de l’éthique que de la toxicité, ce dernier souffrant en effet d’un sérieux déficit, monsieur Jean-Claude Etienne. Au-delà de ses investigations conduites en matière économique, l’ANR doit augmenter ses efforts d’accompagnement vis-à-vis de la société et du caractère toxique de ces techniques.

La dernière publication que j’évoquais précédemment soulève quelques problèmes pour ce qui concerne la synthèse de l’ADN. À quand une nouvelle bactérie, un nouveau virus ? Si l’on est capable de recréer une cellule vivante, quelle chimère habitera la planète ?

J’espère, mes chers collègues, que vous aurez mesuré à la fois les enjeux socio-économiques et les espoirs thérapeutiques que les technologies en cause ont fait naître. Vous avez compris, j’en suis certain, que les nanotechnologies seront, comme les langues d’Ésope, ce que nous en feront eu égard aux limites que nous fixeront aux éventuelles dérives éthiques ou biologiques.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le Premier vice-président de l’Office, mes chers collègues, les nanotechnologies et les nanosciences font l’objet depuis quelques années d’une attention toute particulière non seulement des scientifiques et des industriels, mais aussi des politiques et de la société, qui en utilise déjà beaucoup, souvent sans le savoir.

Les rapports de l’AFSSET – Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail –, de la Commission nationale du débat public, ou encore de la Commission européenne montrent l’étendue de l’intérêt porté aux nanotechnologies.

Je rappellerai que les nanotechnologies consistent à travailler la matière à l’échelle de l’atome. Elles exigent en conséquence d’énormes efforts de recherche dans des domaines multidisciplinaires impliquant une diversité des spécialités : génome et biotechnologies, développement durable, sécurité alimentaire, santé, etc.

Les nanotechnologies constituent indéniablement un pilier de la croissance économique à l’échelon européen depuis la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

Le budget alloué à ce secteur s’élèvera à près de 3, 5 milliards d’euros entre 2007 et 2013. La France est le deuxième bénéficiaire des crédits de recherche et développement alloués par la Commission européenne et devrait percevoir en moyenne 10 % de la dotation globale, soit environ 50 millions d’euros par an.

Mais la politique européenne agit aussi sur l’encadrement de la brevetabilité, ou encore sur la création de pôles d’excellence qu’elle favorise, tels ceux de Saclay, Toulouse et Grenoble.

L’harmonisation du cadre réglementaire, nécessaire à l’échelon européen, est enfin une dimension non négligeable de cette politique économique, car on a pu constater par le passé que les différences d’appréciation entre les États membres ne facilitaient pas le débat public.

Bref, les nanotechnologies ne sont pas un sujet franco-français et l’Europe souhaite développer sa politique de soutien en ce domaine pour conserver sa troisième place, derrière les États-Unis et le Japon, dans cette nouvelle révolution industrielle.

Les nanotechnologies bouleversent les propriétés des matériaux, leur résistance, leur longévité, la miniaturisation des composants, etc. Elles représentent un marché qui pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars en 2015 et trois points de croissance du PIB dans l’Union européenne, à condition de réussir là aussi les passerelles entre la recherche fondamentale et le secteur de l’industrie.

En effet, les pays européens, notamment la France, rencontrent aujourd’hui des difficultés à convertir leurs travaux en produits et en valeur, que ce soit pour ce qui concerne la conversion des connaissances en dépôts de brevets ou la création d’entreprises innovantes. Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne occupe une place prépondérante, consacrant 390 millions d’euros à la recherche publique sur les nanotechnologies, somme sans commune mesure avec celle que consent la France.

Outre l’aspect économique, les nanotechnologies suscitent des réserves car, qu’elles soient à l’état naturel ou utilisées dans des processus industriels, elles font partie de l’infiniment petit. Les professionnels des secteurs du bâtiment, de l’automobile ou de l’électronique les inhalent ; les consommateurs ingèrent les nanoparticules contenues dans les aliments, et celles qui sont présentes dans les produits cosmétiques ou les textiles pourraient pénétrer dans le corps humain par voie cutanée. Nous ne nous rendons pas compte de tout cela et surtout nous ne savons pas si ces nanoparticules présentes dans une centaine de produits quotidiens constituent des risques pour la santé ou même pour l’environnement.

Sur ce point, je souhaite mettre en perspective les nanotechnologies qui font l’objet du débat de ce jour avec d’autres innovations technologiques de l’infiniment petit : la découverte et le développement de l’énergie atomique et les OGM. À l’instar des nanotechnologies, ces matières ont constitué des innovations aux répercussions économiques importantes. Elles ont fait l’objet d’arbitrages politiques, de débats au sein de la société, d’avis divergents de la communauté scientifique au moment où il s’agissait de les développer. S’agissant du nucléaire, son développement ayant précédé l’aboutissement de la recherche sur le traitement des déchets, il en est résulté une prise de risques.

La société, face à cela, est un peu démunie, puisqu’il est difficile d’appréhender scientifiquement ces innovations. Ainsi, les Français sont globalement défavorables à la culture des OGM dans notre pays, mais ils en consomment chaque jour en raison de la présence de tels organismes dans les plats préparés ou même dans des produits frais, issus de croisements de variétés.

Le débat public sur les nanotechnologies, dont les conclusions ont été remises récemment, souligne une mauvaise connaissance du public des nanotechnologies et des risques qu’elles peuvent engendrer sur l’homme et sur l’environnement.

C’est le rôle même de la classe politique de favoriser les liens entre le monde de la recherche scientifique, la conversion de l’innovation scientifique en valeur et la compréhension des enjeux et risques scientifiques pour la société. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques participe à cette mise en relation en éclairant le Parlement – tel est le cas de l’initiative d’aujourd’hui, que je salue – auprès d’une commission organique d’une assemblée.

Le développement des nanotechnologies exige en outre du corps politique un arbitrage entre le progrès économique et technologique résultant d’une telle innovation et les risques sociaux, environnementaux et sanitaires qu’il comporte. Seulement, le rapport de l’AFSSET, saisie en 2008, montre la difficulté d’évaluer les risques sur l’homme des produits manufacturés contenant des nanomatériaux, en l’absence de données spécifiques à ces matériaux et d’une méthodologie dédiée.

Nous devons nous interroger lors de débats, comme aujourd’hui à propos des nanotechnologies, sur le niveau d’acceptabilité du risque face au progrès technologique. Cette question est d’autant plus importante que le rythme des innovations et des progrès scientifiques « structurants », comme les nanotechnologies, va en s’accélérant, cadence que soutient l’économie de la connaissance.

Quelle méthode retenons-nous : soutenons-nous à tout prix l’application de la recherche ou laissons-nous le temps d’informer le public, d’évaluer les risques de l’utilisation de certains produits contenant des nanotechnologies ?

En l’absence d’une connaissance approfondie des risques, et à l’instar de l’article 73 du projet de loi Grenelle II de l’environnement, nous commençons aujourd’hui à poser des garde-fous relatifs à l’information et à la traçabilité des produits nanotechnologiques manufacturés, tout en soutenant la recherche en ce domaine, car cette dernière constitue, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, un facteur de développement économique sans précédent.

En outre, traite-t-on de la même manière les nanotechnologies structurées dans des produits élaborés ou déstructurées, comme la poussière respirée par les professionnels qui usinent ces matériaux ?

Dans notre comportement face au risque, nous devons évidemment tirer les conclusions du problème de l’amiante, matériau très innovant à l’époque, inoffensif quand il est structuré, mais hautement toxique au cours de son processus de fabrication ou lors de son utilisation.

Aborde-t-on aussi de la même manière les nanotechnologies appliquées aux matériaux, à la médecine, à l’électronique ?

En conclusion, je pense que la France, à l’instar des grands pays industriels de l’Union européenne, doit participer à la définition de ce secteur stratégique.

Il faut accroître la connaissance des risques en matière de nanotechnologies pour mieux les prévenir, mieux appréhender le comportement des nanomatériaux tout au long du cycle de vie des produits manufacturés, y compris lors de leur recyclage.

Les nanotechnologies constituent une révolution industrielle et une opportunité économique qui doit profiter à la croissance de nos entreprises, à condition que nous soyons en mesure d’avancer en toute transparence sur la question du risque. Mener une politique publique éclairée et ambitieuse en la matière permettra à l’Union européenne d’affirmer demain sa capacité à préparer la compétitivité de son industrie sur la scène internationale à partir des technologies de l’infiniment petit.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Agnès Labarre

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec les nanotechnologies, une nouvelle révolution industrielle apparaît, pour le meilleur, sans doute – des progrès sont attendus en matière de santé publique et dans le domaine économique, 2 à 3 millions d’emplois pouvant être créés dans les pays concernés –, mais peut-être aussi pour le pire si nous ne nous posons pas les bonnes questions au moment opportun.

Le progrès technique n’est évidemment pas condamnable en soi ; il est un facteur essentiel de la nouvelle croissance que nous recherchons. Mais soyons prudents : ce « nano-monde » génère déjà des profits substantiels sans que ses architectes sachent à quoi ils s’exposent, à quoi ils nous exposent.

Ce monde prometteur est encore mal connu, peu ou pas contrôlé, trop récent pour offrir le recul nécessaire à une parfaite maîtrise des conséquences de son exploitation. Le rapport entre les bénéfices et les risques ne peut pas encore être évalué.

La question des risques liés à l’usage à grande échelle de ces nouvelles technologies pour la sécurité, la santé et l’environnement doit être soulevée.

Rappelons que les nanoparticules sont plus toxiques que leurs homologues visibles ; leur taille leur permet de pénétrer sans filtrage au plus profond des organismes animaux et végétaux, de franchir les barrières biologiques et de dégrader l’ADN.

L’amiante, dont les fibres ne s’insinuent pas au-delà des bronches, a tué et tue encore, alors que sa dangerosité a été établie avant 1900. La logique du profit a été plus forte que l’impératif de santé publique.

Les mêmes causes produiront les mêmes effets : nul ne peut garantir que des métaux lourds, sous forme nanoparticulaire, transportés par le sang au cerveau ou au placenta, ne tueront pas à leur tour ceux qui les fabriquent, ceux qui les mangent, ou encore ceux qui les respirent.

Nous savons – il ne s’agit pas d’un soupçon – que les propriétés des nanoparticules sont potentiellement redoutables sur le plan sanitaire. De ce fait, la recherche ne doit évidemment pas être contrôlée par les entreprises dont la finalité est de tirer profit des nouvelles applications, et au vu du résultat de ces recherches désintéressées, les autorités publiques devront instaurer, à l’échelon européen au moins, le cadre réglementaire qui protégera les générations futures de l’inconséquence d’apprentis-sorciers.

À ce jour, 2 000 nanoparticules manufacturées sont commercialisées à travers plus de 1 000 produits de consommation courante. Et pourtant, moins de 5 % des budgets sont consacrés à l’évaluation des risques. De plus, l’AFSSET juge que la nanotoxicologie « fournit des résultats peu nombreux, disparates et parfois contradictoires », et qu’il est « impossible actuellement de procéder à une évaluation des risques satisfaisante chez l’homme ». De surcroît, aucune norme d’exposition à ce type de particules n’a encore vu le jour ; la Commission européenne tarde à en évaluer la dangerosité et à en organiser le marché. Enfin, le protocole européen REACH n’inclut pas les substances dont la production est inférieure à une tonne par an par fabricant.

Le Parlement européen se préoccupe de ce problème, mais avec les moyens et l’autorité qui sont les siens.

On devine ce que pèse une résolution parlementaire, on sait ce que vaut une recommandation de l’OMS lorsque de formidables appétits industriels sont en jeu. L’unité de mesure est ici le milliard de dollars...

Une simple obligation de déclaration applicable au plan national n’est pas à la mesure des enjeux. Et l’on peut s’inquiéter des moyens dont dispose l’autorité administrative chargée du contrôle.

Nous nous trouvons dans une situation qui nous rappelle de fâcheux précédents.

J’ai déjà évoqué le cas de l’amiante. Nous savons que des nanoparticules agrégées peuvent endommager de manière irréversible les organes et les fonctions vitales du corps humain. Si la législation ne prévient pas ce risque sanitaire alors que nous le connaissons très en amont, notre responsabilité sera considérable.

Je pense aussi à la dioxine, dont on a commencé à se protéger longtemps après que nos usines d’incinération en eurent distillé d’abondantes retombées toxiques.

Je pense aux déchets nucléaires, que l’on ne sait pas traiter et que l’on promène autour du monde en priant pour qu’ils ne nous sautent pas à la figure.

Que deviendront nos invisibles particules lorsqu’elles seront incinérées ou lorsque ces nouveaux polluants seront libérés, disséminés dans l’air et dans l’eau par la dégradation naturelle des produits manufacturés qu’ils composent ? Le risque n’est pas cerné, mais on produit quand même...

Je pense aux OGM. Le parallèle avec les nanoparticules est frappant.

Personne ne le conteste, le génie génétique peut contribuer à nourrir l’humanité. En revanche, il est incontestable que le pouvoir laissé aux industriels et l’absence de cadrage politique ont eu pour effet non pas de faire pousser du maïs là où l’eau est trop rare, mais de soumettre les producteurs européens aux exigences de rentabilité de Monsanto et compagnie ?

Les OGM ont été brevetés, de telle sorte qu’aucun profit n’échappe aux financeurs privés de la recherche appliquée. Les nanoproduits le sont à leur tour.

Posons-nous trois questions.

Voulons-nous confier aux grands groupes privés le soin de ne produire que ce qui est rentable et souvent pas nécessaire, comme nous le faisons pour le médicament, au motif que nos États ont renoncé à financer la recherche et à protéger la propriété publique de la ressource ?

Pouvons-nous laisser aux industriels le soin de décider de ce qui est utile, de ce qui est dangereux ?

Acceptons-nous de ne plus pouvoir interdire la commercialisation d’un produit, au motif que les taxes qu’il génère abondent copieusement le budget de l’État ?

Il y a peut-être là une divergence entre nos familles politiques. À mes yeux, répondre oui à ces questions est impensable. Seule la puissance publique dispose de la légitimité lui permettant de concilier innovation et sécurité sanitaire. N’abandonnons cette responsabilité à aucun prix ! Prenons aujourd’hui les initiatives qui nous dispenseront, demain et après-demain, de verser des larmes de crocodile devant le fait accompli, devant ce qui sera devenu une nouvelle manifestation de l’impuissance publique organisée.

Dans le domaine des nanotechnologies, nous ne sommes pas seulement dans le cadre de la recherche scientifique. Les impacts sont tels que nous devons convoquer une réflexion éthique sur le sujet. En effet, certaines applications permettent d’introduire des capacités opérationnelles et cognitives dans le vivant. Il est déjà possible de surveiller et de tracer des personnes.

Où fixons-nous la limite de l’atteinte à la vie privée ?

Peut-on admettre sans débattre la constitution de fichiers policiers, politiques ou commerciaux non sollicités ? La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, saura-t-elle gérer le multifichage qui s’annonce ?

Quelle garantie avons-nous que le citoyen porteur de cette minipuce, qui influera sur son humeur, ses souvenirs, ses goûts, voire ses convictions, en sera toujours conscient, en mesurera toujours les conséquences sur son autonomie et ses libertés ?

Mais il y a plus encore que le risque sanitaire et le danger pour les libertés et la démocratie : grâce aux nanotechnologies, l’homme sait maintenant se changer lui-même. On voit ici ressurgir le rêve fou du clonage, les vieux fantasmes de l’intelligence supérieure réservée aux porteurs de cette technologie.

Ajoutons que, grâce à ce savoir-faire, les mêmes détiendront de surcroît les armes dont eux seuls auront le moyen de se protéger. Ces armes nouvelles, dit le philosophe Jean-Pierre Dupuy, « seront à la bombe atomique ce que celle-ci était à la fronde ». Le terme « seront » est peut-être inapproprié : d’aucuns prétendent que les premiers essais auraient été effectués.

En résumé et pour conclure, je formulerai quelques propositions. Le législateur que nous sommes devrait les considérer comme des exigences à l’égard de lui-même et envisager de les traduire en proposition de loi.

Première exigence : la prévention des risques.

Le « code de bonne conduite pour une recherche responsable en nanosciences et en nanotechnologies », adopté par la Commission européenne, pèse bien peu face à l’appétit de croissance et de rentabilité du secteur industriel mondial.

Je préconise donc plusieurs réponses : la validation des découvertes scientifiques à l’échelle mondiale par des organismes financés sur fonds publics, auxquelles devront être associées des études d’impact ; la pratique obligatoire de tests par des organismes indépendants avant la commercialisation de produits contenant des nanomatériaux, la charge de la preuve étant supportée par le producteur ; l’attribution de moyens adéquats aux organismes publics chargés du contrôle ; l’instauration de dispositifs de protection du public et des travailleurs pour tout nanoproduit dont l’innocuité n’est pas démontrée ; enfin, l’imposition d’un moratoire sur l’attribution des brevets, ce qui permettra, d’une part, de disposer du recul nécessaire à la détermination des conséquences de l’usage de l’agrégation et de la dissémination des nanoparticules sur les organismes vivants et, d’autre part, de préserver du brevet les innovations les plus fondamentales.

Deuxième exigence : des investissements publics à la hauteur des enjeux scientifiques et économiques.

Un taux de croissance de 40 % par an et un chiffre d’affaires estimé à 1 000 milliards de dollars méritent sans doute que l’on s’interroge sur ce qui relève ou non de l’intérêt général.

Les exemples de l’énergie renouvelable, des véhicules électriques ou des médicaments génériques montrent que ceux qui n’ont pas d’intérêt immédiat à développer des technologies émergentes ne le font pas s’ils n’y sont pas contraints.

Le passé récent le démontre, lorsque la puissance publique abandonne ses missions et son savoir-faire, néglige ses cerveaux et brade ses outils de recherche, ce n’est plus la science, mais le marché qui oriente les recherches ; l’État s’interdit de percevoir le juste retour de ses investissements.

J’en appelle donc à la constitution d’un secteur public européen puissant, voire mondial, collectant les besoins d’investissement, garantissant des coopérations public-privé mutuellement avantageuses et supprimant, grâce à l’harmonisation des règles s’appliquant aux producteurs, le risque de dumping avancé par le MEDEF pour tenter de se soustraire à des obligations qui seraient purement nationales.

Troisième exigence : la transparence et l’information des citoyens à l’échelle européenne.

Les nanotechnologies ont commencé à transformer le monde, et le citoyen n’en sait rien ! Dans ces conditions, comment la vigilance démocratique pourrait-elle s’exercer ?

Invoquer le « progrès » n’est pas un passeport pour la liberté. La société scientifiquement parfaite n’est pas forcément la société la plus libre.

C’est le contrôle citoyen qui s’impose ici, lequel consiste à redéfinir les caractéristiques de l’espace collectif, les modalités d’un développement humain souhaitable et durable, les impératifs de la préservation de l’environnement et les limites de l’espace que l’on réserve à la liberté individuelle. La démocratie prend tout son sens lorsque le citoyen informé participe à l’évaluation des bénéfices du progrès scientifique et fait valoir dans les décisions collectives ses préoccupations sociales, environnementales et éthiques.

Renforcer l’opposition entre les « pro-nano » et les « anti-nano » est contre-productif. Demandons à la Commission nationale du débat public non de faire accepter le « nano-monde », comme elle semble en avoir reçu la mission, mais de jouer son rôle.

La transparence, c’est aussi permettre au citoyen de choisir ce qu’il consomme en connaissance de cause. L’étiquetage des produits, la communication des informations disponibles contribueront à réduire le soupçon de manipulation de la part des pouvoirs publics envers l’opinion et la méfiance grandissante de celle-ci envers les « scientustriels ».

Permettez-moi d’ajouter un dernier mot emprunté au rapport « Éthique et prospective industrielle », paru en 2005 : « Les modèles de sociétés, avec leurs valeurs, le sens des objectifs qu’elles se donnent et les priorités et limites qu’elles se fixent, sont vulnérables à […] la méta-convergence industrielle […] ».

Notre mandat politique consiste peut-être à réduire cette vulnérabilité. L’avenir nous dira si, faisant usage de notre « nano-pouvoir » de législateur, nous serons les derniers des Mohicans ou si, au contraire, nous serons, avec quelques scientifiques et associations, les premiers éclaireurs d’un rapport nouveau, durable et maîtrisé entre l’homme, la science et la nature. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en 1959, le prix Nobel de physique Richard Feynman déclarait : « Il y a beaucoup de place en bas ». Il annonçait ainsi les perspectives offertes par la physique à très petite échelle, celle du nanomètre : le milliardième de mètre.

Depuis la révélation de ce « nano-monde » par les progrès scientifiques, l’homme a tenté d’en tirer parti. Aujourd’hui, le monde de l’« infiniment petit » est une composante à part entière du paysage scientifique, technologique et économique français.

Scientifique, d’abord, parce que, avant toute application, la recherche et les nanosciences visent à comprendre les phénomènes de dimension nanométrique.

Technologique, ensuite, puisque les instruments, les techniques de fabrication et les applications dérivées sont spécifiques à l’échelle nanométrique.

Économique, enfin, parce que ces matériaux nanométriques ont des propriétés particulières les rendant très performants et permettant d’envisager de créer des produits moins coûteux et plus solides, servant de fait le progrès technique et économique.

Des nanosciences aux nanotechnologies, l’avenir se conjugue donc désormais en « nano ». Cette nouvelle dimension oblige à appréhender les disciplines scientifiques traditionnelles – chimie, physique, technologie, biosciences, médecine ou encore sciences de l’environnement – d’un œil nouveau.

Cependant, les « nano » ne se limitent pas aux sciences. Il s’agit en effet d’une véritable révolution, dont on ne mesure pas encore toute la dimension, qui va modifier nos modes de vie et nos comportements.

Pour illustrer la révolution de la maîtrise de l’échelle nanométrique, je prendrai un exemple, celui de la médecine.

Avec le vieillissement de la population, l’émergence de maladies nouvelles liées au style de vie ou encore la prise en compte toujours plus importante du « mieux vivre », les prochaines décennies verront apparaître un besoin accru de soins médicaux.

En permettant une prise en compte optimisée des problèmes de santé à leurs différents stades – prévention, diagnostic, traitement, suivi –, les nanosciences représentent une réelle promesse pour l’avenir. C’est le cas, notamment, pour la lutte contre le cancer. À Toulouse, un dispositif en cours de validation au sein du cancéropôle se fonde sur l’expérimentation de nanoélectrodes qui détectent de très faibles quantités de marqueurs cancéreux et permettent de diagnostiquer les cancers avant même leur stade de développement agressif.

Outre la médecine, la nanorévolution aura aussi un impact considérable sur notre économie, rendant possibles l’amélioration des performances, la réduction des pollutions, les économies d’énergie, la conservation des ressources naturelles ou encore la sécurité des transports.

Les nanotechnologies auront donc un impact majeur sur notre système économique. Une étude de la Commission européenne révèle même qu’elles pourraient supplanter les biotechnologies et générer plus de profits que les technologies de l’information et de la communication. Le marché mondial est évalué à 1 000 milliards de dollars à partir de 2015.

En 2006, on dénombrait environ 6 000 entreprises dans le secteur, dont la moitié aux États-Unis, 30 % en Europe et 20 % en Asie. En France, 150 entreprises sont aujourd’hui estampillées « nanotechnologies ».

Au quotidien, les nanomatériaux investissent déjà le champ des produits d’usage courant, comme le textile, les équipements de sport, les cosmétiques ou encore les aliments.

Aujourd’hui, des milliers de produits de consommation courante incluraient des nanomatériaux. Dans notre pays, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail a recensé 246 produits manufacturés, allant de la brosse à dents à la raquette de tennis, en passant par l’ours en peluche. La Commission nationale du débat public, mise en place en octobre dernier, en a recensé 800, parmi lesquels des tissus antiodeurs et des crèmes solaires.

Pourtant, leurs dangers toxicologiques sont méconnus. Les recherches démontrent que ces matériaux de très petite taille se comportent comme des gaz. De ce fait, ils passent au travers des muqueuses, de la peau et de toutes les barrières corporelles. Les risques sont multiples : inhalation, ingestion, contact cutané.

Les études du Bureau européen de l’environnement et du Réseau international pour l’élimination des polluants organiques persistants soulignent que les nanomatériaux peuvent endommager l’ADN humain. D’ailleurs, je le rappelle, en août 2009, sept travailleuses chinoises exposées à des nanoparticules ont développé des affections cutanées et pulmonaires, entraînant le décès de deux d’entre elles.

Ce constat alarmant doit aussi nous conduire à nous interroger également sur les conséquences environnementales du contact direct des nanoparticules avec la faune et la flore au cours du processus de production et lors de l’émission de déchets. De surcroît, la fabrication des nanomatériaux requiert énormément d’eau et d’énergie pour des rendements plutôt faibles. Les réductions de consommation d’énergie, rendues possibles par les nanotechnologies, s’avéreraient moindres que les besoins en matières premières qu’elles mobilisent pour leur fabrication.

Les risques sanitaires représentés par l’usage des nanomatériaux semblent pour l’instant largement sous-estimés : sur 1, 4 milliard d’euros alloués par la Commission européenne aux nanotechnologies, seuls 38 millions d’euros sont destinés aux travaux sur les risques pour l’environnement et pour les opérateurs.

Mes chers collègues, au-delà de toute application concrète, l’émergence des nanotechnologies nous conduit à nous poser avant tout des questions d’ordre éthique.

Si toutes leurs applications nouvelles sont sans conteste considérées comme remarquables, leur usage suscite de graves inquiétudes et promet des bouleversements aux conséquences incertaines.

Il serait sage de légiférer sur ces questions. Pour les « nano » comme pour les OGM ou encore l’amiante, le principe de précaution devrait s’appliquer. Leur usage devrait être encadré par la loi. Ne nous contentons pas d’un débat : il ne tient qu’à nous, parlementaires, de dessiner les contours de ce cadre législatif !

Par exemple, nous pourrions commencer par rendre obligatoire l’information des usagers, notamment sur l’étiquetage des produits contenant des nanotechnologies. Il me paraît en effet indispensable de permettre aux citoyens de décider de leur succès ou de leur échec commercial.

Les nanotechnologies suscitent des attentes, mais elles soulèvent aussi des inquiétudes justifiées dans l’opinion publique quant aux possibilités de dérives dans leur utilisation. Parmi celles-ci figure l’atteinte aux libertés individuelles. Le développement de nanosystèmes laisse en effet entrevoir des capacités inédites d’échange, mais surtout de transmission de données qui permettront le recueil d’informations sur la localisation, le mouvement ou les paramètres personnels. Or rien n’est prévu pour l’instant contre ce risque d’atteintes graves aux libertés individuelles et au droit de la personne, en particulier à l’insu des intéressés.

Quel réel besoin avons-nous de forcer la nature à ce point ?

Comme l’ont déjà préconisé certains d’entre nous sur ces travées, il est urgent de mettre en place un cadre législatif pour réguler le développement de ces nouvelles technologies et respecter un principe de précaution bien légitime face à leur propagation sauvage.

Avant de conclure, je rappellerai qu’un débat public a déjà eu lieu du 15 octobre 2009 au 24 février 2010. Il a été organisé sur l’initiative des pouvoirs publics, à la suite du Grenelle de l’environnement. Il devait permettre de dégager les pistes appropriées à un développement responsable et sécurisé des nanotechnologies, et de répondre aux interrogations des opérateurs et des citoyens.

Nous attendions de ce débat qu’il nous éclaire sur les orientations de notre pays en matière de soutien à la recherche et aux innovations dans le domaine des nanotechnologies, d’information ou de protection des travailleurs et des consommateurs et, enfin, d’organisation du contrôle et de la gouvernance. Cependant, aucun moratoire n’ayant été décidé, ce débat public est, une fois de plus, intervenu après la bataille, les premières applications ayant déjà été mises sur le marché. De surcroît, le caractère local de son organisation en a considérablement restreint la portée.

Parmi les principales préconisations qui se sont dégagées de ces échanges, la question du principe de précaution et de la nécessaire protection des consommateurs, des travailleurs et des citoyens s’est imposée.

De manière concrète, il me semble que l’augmentation des budgets consacrés à la recherche et aux études toxicologiques en matière de nanotechnologies est essentielle, tout comme il conviendrait de former plus de scientifiques et de professionnels spécialisés sur ces questions et leurs répercussions.

Dans ce sens, une coordination réelle entre les différents organismes appelés à se prononcer sur la question des nanotechnologies permettrait une optimisation des résultats de ces recherches. Ce travail pourrait être assuré par une instance de contrôle dédiée, chargée de mettre en place un encadrement éthique du développement des nanotechnologies et de traiter les questions d’ordre éthique liées aux dangers de l’usage des nanotechnologies.

Il faudrait également envisager, avec l’éducation nationale, d’intégrer les nanosciences et leurs applications dans l’enseignement des sciences.

Enfin, parce que les nanosciences ne connaissent pas les frontières, il serait adéquat que, dans un contexte de mondialisation, la maîtrise et la réglementation des nanotechnologies se fassent à l’échelon européen, voire international. Pour l’heure, le Parlement européen travaille sur une proposition de règlement destinée à protéger les consommateurs et à encadrer l’utilisation par les industriels des substances issues des nanotechnologies.

Confrontée aujourd’hui à ce nouveau défi, l’humanité doit y apporter des réponses non seulement éthiques, mais aussi pragmatiques et, par voie de conséquence, législatives. Je forme donc le vœu, au nom du groupe RDSE, que notre débat ne reste pas lettre morte.

M. le président de la commission de l’économie et Mme Gisèle Printz applaudissent

Debut de section - PermalienPhoto de Alex Türk

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter, en quelques minutes, les problèmes que poseront les nanotechnologies dans le domaine des systèmes d’information.

Le risque est simple à comprendre : les experts que nous rencontrons un peu partout dans le monde prévoient qu’il sera possible dans moins de dix ans de créer des systèmes d’information pratiquement invisibles à l’œil nu et qui permettront d’entendre, de voir et de communiquer à distance. Cela entraînera, chacun le comprend, un véritable bouleversement de nos modes de vie et de notre société, une transformation profonde des rapports humains puisque chaque fois que nous nous exprimerons, nous nous demanderons si nous ne sommes pas vus et entendus ! Cela signifie une aliénation totale de notre liberté d’expression, ainsi que de notre liberté d’aller et de venir. Chacun sur nos travées jugera que c’est absolument insupportable. Tout cela, je le répète, se produira dans moins de dix ans !

J’attire votre attention sur le fait que la miniaturisation à laquelle nous allons aboutir signifie l’invisibilité et que l’invisibilité implique l’irréversibilité : quand les objets nanoparticulaires se répandront dans la nature, il ne sera plus possible de les récupérer. Nous assisterons alors à une sorte de développement métastasique. Aujourd'hui, quand on me parle de Big Brother, je réponds bien souvent que je crains davantage les millions de petits brothers qui vont se disséminer dans la nature que le bon gros Big Brother contre lequel il nous reste tout de même le droit à l’insurrection.

Il faut bien comprendre que le passage aux nanotechnologies constitue non pas un changement de degré, mais un changement de nature. Ce n’est pas parce qu’on réduit la taille d’un phénomène qu’on peut dire qu’il s’agit seulement d’un changement de degré.

Il y a une terrible urgence. Au fond, d’une certaine manière, et je profite de votre présence, madame la secrétaire d’État, pour le dire, le combat pour nos libertés est le même que celui pour la protection de l’environnement. L’environnement naturel ne se reconstituera pas une fois qu’il aura été franchement mutilé. Il en va de même pour notre liberté. Notre intimité, notre dignité et notre identité forment un patrimoine qui nous est donné à la naissance. Alors que, pendant des siècles, des pays se sont battus pour ce patrimoine, il serait inconcevable qu’une société dite « démocratique » et « évoluée » ne prenne pas les mesures nécessaires pour le préserver.

Voilà trente-cinq ans, lorsque quelques hurluberlus nous ont expliqué que le monde et l’environnement seraient en danger dans quelques décennies, nous étions nombreux à nous interroger. Trente-cinq ans plus tard, nous nous demandons s’il n’est pas trop tard. J’en déduis que cela a bien dû être le bon moment à un certain moment !

En matière de systèmes d’information, le bon moment est arrivé. L’urgence est grande, d’autant que, chacun l’a compris, le problème, n’est pas national. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette question préoccupe moins nos homologues de l’Union européenne, chez qui les nanotechnologies se développent beaucoup plus vite qu’en France sans qu’il y ait la recherche d’un équilibre.

Bien entendu, je ne prétends pas un instant qu’il faille renoncer aux nanotechnologies définitivement et globalement. Je dis simplement que nous devons rapidement effectuer un travail d’analyse extrêmement approfondi.

À cet égard, je tiens à remercier à la fois le président de la commission de l'économie et le président du Sénat. Je vous remercie également de votre présence, madame la secrétaire d’État, puisque c’est la première fois, me semble-t-il, qu’un début de dialogue est engagé sur un tel sujet en présence des pouvoirs publics. Cela constituera, je l’espère, une sorte d’appel du 17 juin !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, en ces temps de « grenello-scepticisme », il est important de souligner que c’est justement dans le cadre du Grenelle de l’environnement qu’il a été décidé d’organiser un débat public sur les risques et les bénéfices des nanotechnologies. Il s’agissait, pour être précis, de l’engagement n° 159. La commission particulière du débat public sur les nanotechnologies a donc été missionnée par la Commission nationale du débat public, la CNDP, pour réaliser cet exercice difficile de « démocratie participative ». Le débat a bien eu lieu, malgré les difficultés qu’il a rencontrées.

Lorsqu’on évoque les nanotechnologies, on parle d’une échelle qui va du milliardième au cent milliardième de mètre. Surtout, la matière peut acquérir des propriétés physiques particulières lorsqu’elle est structurée en objet d’aussi petite dimension. Prenons le cas du carbone. Nous savons tous que, depuis des siècles, il peut être cristallisé sous forme de diamant. On découvre qu’il peut aussi s’organiser en nanotubes aux propriétés physiques et chimiques totalement nouvelles. La même substance peut alors – cela rend le sujet encore plus complexe – prendre différentes formes. En outre, ses propriétés peuvent varier.

De telles caractéristiques ne sont pas sans conséquences en termes de maîtrise de ces technologies. Elles impliquent en effet d’inventer de nouveaux appareils pour détecter ces nouveaux matériaux ou encore de mettre au point des méthodes spécifiques en toxicologie.

Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. Depuis qu’il est sur Terre, l’homme vit avec des nanoparticules qui ne sont pas exactement celles que vient d’évoquer M. Türk : la fumée des volcans, la poussière des déserts ou les embruns marins en sont composés.

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que nos industries commencent à utiliser ces matériaux de façon abondante dans des objets courants, qu’il s’agisse des produits cosmétiques, dont les fameuses crèmes solaires, des lunettes, des piles, des pneumatiques, des raquettes de tennis ou encore du ketchup. Toutes nos industries sont concernées : de l’électronique à l’information et aux communications, en passant par la cosmétologie, l’agroalimentaire, ou encore les transports et le bâtiment. La situation est telle que, aujourd’hui, la présence de ces matériaux est identifiée dans plus de 700 produits de consommation.

Les applications des nanomatériaux semblent ainsi illimitées. Je relevais récemment que des chercheurs de l’université de Stanford aux États-Unis avaient réussi à stocker de petites batteries électriques dans un simple vêtement grâce à des nanotubes de carbone, ce qui ouvrirait la possibilité, à l’avenir, de recharger un téléphone portable ou un baladeur radio grâce à une simple chemise, et ce dans les cas d’application favorables.

Les potentialités offertes par ces nouvelles sciences sont donc particulièrement passionnantes, car celles-ci combinent la haute technologie avec des aspects pratiques de la vie quotidienne de millions d’individus.

D’autres utilisations, sans doute plus intéressantes pour l’humanité, se profilent, notamment dans le domaine médical : médicaments ciblés et encapsulés dans des nanovecteurs, imagerie moléculaire, aide à la chirurgie, technique des implants cérébraux, nanopuces pour déceler et suivre l’évolution des maladies. Dans le domaine médical, les espoirs semblent donc être immenses. Les nanotechnologies permettront peut-être, et nous l’espérons, de traiter des maladies qui sont aujourd'hui hors de portée de la médecine. À Grenoble, où se trouvent les pionniers de ces thérapies, des chercheurs travaillent sur l’application des nanotechnologies depuis plus de vingt ans.

Si le potentiel des nanosciences semble illimité, et alors que ces produits commencent à être fabriqués en masse, le débat sur la réglementation des nanotechnologies lui, en revanche, débute à peine, madame la secrétaire d’État. Et pourtant, il existe bel et bien des risques pour l’homme, son environnement et ses libertés.

L’AFSSET, dont on ne peut mettre en cause l’indépendance, soulignait par exemple les risques d’effets biopersistants des nanotubes de carbone rigides dans le corps humain. En clair, notre corps ne serait pas en mesure de les assimiler ou de les détruire, ce qui entraînerait un risque pour la santé humaine.

L’environnement peut, lui aussi, être directement concerné par les nanomatériaux. Prenons l’exemple bien connu des chaussettes composées de nano-argent, aux propriétés antibactériennes et antitranspirantes. Ce qui peut paraître formidable à première vue l’est moins si l’on pense aux effets potentiels en chaîne. Ainsi, le lavage de ces chaussettes dans votre lave-linge pourrait techniquement faire passer dans l’eau des nanoparticules d’argent qui se retrouveraient ensuite dans les stations d’épuration. Malheureusement, ces nanoparticules sont aussi susceptibles de « tuer » les « bonnes » bactéries, lesquelles sont pourtant indispensables au traitement de l’eau dans ces stations.

Ces deux exemples très simples nous invitent à ne pas sous-estimer les risques de dissémination dans l’environnement, d’une utilisation non maîtrisée des nanotechnologies.

Or, il est paradoxal de le constater, jusqu’à très récemment, notre législation ne prévoyait aucune obligation d’information sur les usages des substances à l’état nanoparticulaire. La situation, madame la secrétaire d’État, est désormais plus claire, grâce au projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des rapporteurs. À cet égard, il faut rendre hommage au travail du Gouvernement. En effet, nous avons rendu obligatoire, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la déclaration des substances nanoparticulaires pour les fabricants et les importateurs, ce qui devrait permettre d’identifier précisément les substances concernées, ainsi que les usages qui en sont faits et les quantités mises sur le marché.

En tant que rapporteur de ce texte, j’ai eu l’occasion d’examiner les dispositions relatives aux « risques pour la santé et l’environnement ». Qu’il s’agisse d’exposition des personnes aux ondes électromagnétiques, question sur laquelle le débat a également été intense, ou d’encadrement de l’utilisation des substances nanoparticulaires, les problématiques me paraissent similaires.

À la lumière de cette expérience, permettez-moi d’exprimer une conviction forte : quelles que soient nos opinions politiques, il nous faut écouter toutes les parties, recueillir tous les avis, confronter sans cesse les points de vue. Je suis même tenté de dire que l’opposition au débat fait partie intégrante du débat.

Mme Marie-Agnès Labarre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Certes, ce débat est complexe et d’une grande technicité : son champ est presque aussi large que celui des technologies qu’il concerne. Pour compliquer le tout, nous devons faire face à de nombreuses contradictions qui s’entrecroisent : besoin de financer correctement la recherche publique en toxicologie, décalage entre la pression économique en faveur de l’innovation et les précautions nécessaires au développement des nanotechnologies, etc.

Dans ces conditions, on le comprend aisément, la tâche du législateur est loin d’être facile. Elle devient même particulièrement délicate lorsqu’il nous revient le soin d’examiner la question de la conciliation de ces nouvelles technologies avec la nécessaire préservation des libertés individuelles. Comment nous prémunir contre le risque d’une fuite en avant technologique ? Il s’agit finalement de la question lancinante de la conciliation du progrès scientifique avec le principe de précaution, impératif qui s’applique désormais à l’ensemble de nos politiques publiques puisque – faut-il le rappeler ? – celui-ci a fait l’objet d’une consécration constitutionnelle dans la charte de l’environnement.

Or, comment faire pour que le principe de précaution ne devienne pas également, en matière de nanotechnologies, un principe de l’inaction ? Voilà un véritable défi qui nous est lancé, mes chers collègues !

Oui, tout serait si simple, me direz-vous, si nous disposions de connaissances incontestables dans ce domaine. Hélas ! à l’heure actuelle, nous ne savons presque rien des dangers potentiels que les nanotechnologies font peser sur l’homme et sur son environnement. Et le plus grave est sans doute que nous n’avons pas encore les bons outils pour les mesurer.

Malheureusement, aujourd'hui, seulement 2 % des études scientifiques sur les nanotechnologies traitent des risques pour la santé et l’environnement. Ce manque de connaissances scientifiques et l’absence de preuve sur la fiabilité des nanotechnologies rendent donc la réglementation difficile.

L’AFSSET, que j’ai eu l’occasion d’auditionner avant ce débat, me confirmait la difficulté de procéder à des évaluations satisfaisantes des risques pour l’homme, en raison même du manque de recherches.

Mais, attention ! ce n’est pas parce que nous ne savons pas mesurer les conséquences exactes de l’arrivée des nanotechnologies dans notre monde que les laboratoires s’interdisent, eux, de mener leurs travaux d’exploration ou que les industriels se refusent à les utiliser dans leur processus de production.

Qu’on le veuille ou non, la course est donc bel et bien lancée, et la recherche y joue un rôle prépondérant. La France est au cinquième rang, avec près de 6 % des publications mondiales. Mais elle se situe loin derrière les États-Unis et la Chine, à l’origine chacun de près de 15 % des publications mondiales, ou même l’Allemagne, avec 8, 2 % de ces publications.

En 2008, le marché global des produits issus des nanotechnologies a atteint plus de 700 milliards d’euros. On estime – d’autres intervenants ont évoqué ce point – que, entre 2010 et 2015, les enjeux économiques liés à l’avènement des nanotechnologies au niveau mondial devraient atteindre 1 000 milliards d’euros par an, tous secteurs confondus. Parallèlement, cela permettrait d’employer 2 millions à 3 millions de personnes dans le monde.

De ce point de vue, je rejoins le président de la commission de l'économie, Jean-Paul Emorine, sur la nécessité d’envisager de manière extrêmement prudente toute idée de moratoire sur les nanotechnologies. Un encadrement trop contraignant ne risquerait-il pas d’entraver ainsi la recherche et de faire perdre à la France une nouvelle bataille ? Je crois que l’on peut s’attacher à répondre à cette question.

D’une part, comme pour tout procédé industriel, il faut, pour chaque nanoproduit ou objet, analyser les processus de fabrication et se prémunir contre leur éventuelle dangerosité. Dès lors, la nécessité de poursuivre la recherche en la matière s’impose logiquement. Il nous faut des données précises pour rendre la traçabilité de ces matériaux effective. C’est pourquoi je propose que, sur la base des travaux actuellement coordonnés par l’AFSSET, notre pays se dote rapidement d’une grille de cotation des risques, permettant de catégoriser les risques toxicologiques et écotoxicologiques des nanomatériaux mis sur le marché.

À cet égard, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois vous avouer mon étonnement lorsque j’ai découvert, à l’occasion de mes auditions, qu’il n’existait à l’heure actuelle aucune autorisation préalable de mise sur le marché de ces produits. J’ai par ailleurs constaté qu’au niveau européen la fameuse réglementation REACH, prévoyant l’enregistrement et l’évaluation de toutes substances chimiques mises sur le marché, ne s’appliquait absolument pas aux nanomatériaux, et ce tout simplement pour des raisons de seuil de production.

Répondre à cette distorsion entre les textes légaux européens et les progrès fulgurants dans le domaine de l’utilisation des nanotechnologies constitue, me semble-t-il, une priorité de notre action.

Dans ces conditions, je lance un appel solennel et demande au Gouvernement de bien vouloir appeler l’attention de la Commission européenne, afin que celle-ci formule des propositions communautaires concrètes pour encadrer la mise sur le marché de ces produits, une action en la matière n’étant envisageable qu’à cette échelle pour éviter toute distorsion de concurrence. Il y va, mes chers collègues, de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures, et nous ne pourrons pas dire alors que nous ne savions pas !

D’autre part, on ne peut juger de l’opportunité du développement d’une nanotechnologie qu’à l’aune des finalités considérées comme « estimables » par la société. Nos concitoyens jugeront sans doute « estimable » de comprendre, de soigner, d’économiser des ressources rares ou de protéger l’environnement. À l’inverse, il y a fort à parier qu’ils considéreront comme suspecte la volonté de rester dans la compétition internationale ou d’augmenter le contrôle des individus. En l’occurrence, nous le voyons bien, tout dépendra de choix collectifs et « raisonnés », ce qui posera inévitablement la question de la gouvernance des nanotechnologies.

En définitive, mes chers collègues, je suis convaincu que nous devons non pas freiner la croissance de telles technologies, mais encadrer, les yeux grand ouverts, leur développement, dans le respect de la santé, de la sécurité des consommateurs et des libertés de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mmes Françoise Laborde et Gisèle Printz applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le grand débat sur les nanotechnologies de la Commission nationale du débat public, la CNDP, a suscité des discussions houleuses.

La CNDP a été placée en difficulté, à cause, certes, de ceux qui ne voulaient pas débattre, mais surtout de ceux qui l’ont envoyée au contact de citoyens avertis du fait que 2 000 nanoparticules manufacturées étaient déjà commercialisées, non répertoriées publiquement, non signalées, mal évaluées et que leur mise sur le marché est allée bon train, sans contrôle, à partir de plateformes d’innovations inaugurées et financées par les autorités publiques, par centaines et centaines de millions d’euros !

J’espère que notre débat conduira les autorités sanitaires et le Parlement à reprendre la main.

En effet, nous reproduisons dramatiquement le schéma de l’amiante, la culture du secret en plus : mise sur le marché sans évaluation, surdité aux lanceurs d’alerte, évaluation dans les mains des producteurs.

Les professionnels pourraient être les premiers touchés, 7 000 personnels de laboratoires et 3 200 ouvriers de l’industrie travaillant au contact de ces particules.

Mais, au fond, pourquoi tant d’inquiétudes pour un pas de plus dans la miniaturisation, dont chacun apprécie au quotidien la légèreté ? Je pense par exemple aux batteries.

L’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, oscille entre le médicament qui atteint seulement sa cible et l’homme réparé. Le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, et le CEA, le Commissariat à l’énergie atomique, évoquent une « société économe en énergie et en ressources naturelles ».

Mais permettez-nous de ne dormir que d’un œil quand le même CEA retrouve 39 kilogrammes de plutonium, non nanométrique, donc bien plus lourd, là où il pensait n’en retrouver que 7 kilogrammes !

Je souhaite tout de même apporter une petite précision. Les nanoparticules ne sont pas dans l’infiniment petit. Un milliardième de mètre, c’est quand même un milliard de fois plus gros que l’espace occupé par notre familier électron !

Justement, le risque est que nous sommes à l’échelle atomique, dans des éléments chimiques dont nous connaissions les propriétés naturelles – je pense au carbone, au cuivre ou à l’argent –, mais qui changent totalement de propriétés après que leurs atomes ont été « rangés » artificiellement.

Dès lors, la fibre de carbone se plie mais résiste, au risque de perforer les cellules pulmonaires. L’or en bille devient très réactif, l’argent se met à tuer les bactéries, et on l’a donc mis dans les déodorants quarante-huit heures et dans les chaussettes, ce qui crée des risques de migrations dans les tissus des organes, d’inflammations et de cancérisation.

Madame la secrétaire d’État, on nous avait dit que, avec les nanomatériaux, les aveugles allaient voir et que les sourds allaient entendre, et on nous fait prendre des risques sanitaires et environnementaux, parce des firmes spéculent sur les individus qui ne veulent pas se laver tous les jours !

Nombre d’institutions font part de leurs doutes.

L’AFSSA invoque le cadre réglementaire actuel pour ne pas faire l’inventaire des produits alimentaires et de leurs additifs, ainsi que de leurs emballages.

L’AFSSET a demandé un premier retrait au nom du principe de précaution.

Le Parlement européen, lors du vote du 25 mars 2009, relève des « lacunes considérables dans la connaissance indispensable à l’évaluation des risques et des méthodes toxicologiques […] existantes, qui peuvent ne pas s’avérer suffisantes pour faire face à tous les problèmes en matière de nanoparticules ».

Le règlement REACH – vous l’avez mentionné –, bien manipulé dès son élaboration, ne s’applique qu’aux produits mis en circulation dépassant la tonne. Belle astuce pour éviter l’évaluation indépendante !

Des lacunes dénoncées unanimement, et pour cause ! Les nanomatériaux franchissent les barrières cellulaires, au risque de se distribuer dans l’organisme, y compris par voie lymphatique ou nerveuse et de s’accumuler dans certains organes sans que le corps ait le moyen de les éliminer.

De très petit volume, donc pourvues d’une surface de contact proportionnellement très étendue, ces particules sur place ont de fabuleuses propriétés de réaction chimique, et présentent par conséquent des risques de toxicité in vivo.

Encore faudrait-il que chacun puisse se saisir du débat et que la culture scientifique ne soit pas la branche mourante de nos politiques publiques !

Il est remarquable que, sur les sept ministères ayant saisi la CNDP, il n’y ait pas l’éducation nationale ; circulez, il n’y a rien à comprendre ! En revanche, il y a la défense. On pressent bien la gourmandise de l’armée, au-delà de l’allégement des uniformes, pour d’autres applications moins avouables de capacités augmentées, de peurs inhibées, voire de commandement plus efficace.

Si la production de connaissances et la recherche ont tout leur sens, l’arrogance de certaines filières industrielles est inadmissible. L’Oréal a fait faux bond aux auditions de l’Office parlementaire. La Fédération des entreprises de la beauté cautionne l’introduction sans information de ces particules dans des produits utilisés sur la peau, refuse l’étiquetage et se réfugie derrière le secret industriel pour priver les toxicologues des informations nécessaires à leurs investigations. C’est ainsi que le dioxyde de titane nanostructuré se retrouve dans les dentifrices blancs, dans les crèmes solaires, avec écran efficace mais transparent, malgré l’avis de 2006 de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, le classant dans les cancérogènes et en dépit des cassures démontrées sur l’ADN, au risque de migrations dans le derme, voire dans les tissus de l’œil et dans la très sensible rétine.

Il est hors de question de payer un tel prix aux fameux « pôles de compétitivité », à la croissance ou à la place de la France !

Quant à l’évaluation par l’industrie, elle a consisté, sur ce sujet précis, à déposer la crème sur un morceau de peau morte et à constater au bout d’une semaine qu’elle avait une faible pénétration ! Quel protocole exigeant !

Lors du Grenelle II, l’amendement des parlementaires Verts exigeant l’établissement d’une nomenclature a été sacrifié sur l’autel des intérêts industriels. La connaissance de la structure spatiale des particules, accessible à l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, ou au juge quand il s’agit de lutter contre un plagiat, ne l’est pas aux agences sanitaires et de santé.

Cette transparence est pourtant indispensable, car nous ne confondons pas tous les nanomatériaux, qui vont de la nacre naturelle aux catalyseurs des carburants.

Le Parlement européen a adopté hier un règlement sur l’étiquetage, avec la mention obligatoire des nanomatériaux dans les emballages alimentaires.

Le Plan national santé environnement 2 annonce des recherches sur l’impact sanitaire des nanomatériaux.

Le respect du Grenelle II devrait obliger les entreprises à déclarer leurs usages. Nous votons, nous votons… mais rien ne se passe !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous votons même parfois à l’unanimité, comme pour l’instance de garantie de l’indépendance de l’expertise, qui n’a toujours pas été installée. Et nous constatons que les arbitrages solennels du Parlement ne sont pas mis en œuvre, parce que des lobbies freinent de toutes leurs forces ce qui pourrait modérer leurs imprudences rémunératrices. Dans quelle démocratie vivons-nous ?

Il faut aussi parler de la démocratie du pilotage de la recherche : la liberté du chercheur – nous la défendons ! – n’a aujourd’hui d’égale que l’opportunité de niches souhaitées par l’industrie et cautionnées par la course à la brevetabilité sans conscience de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.

Quelle recherche le secteur public doit-il accompagner ? Quelle société se prépare ? L’avenir est-il dans les caméras miniaturisées, les dispositifs de RFID – identification par radiofréquence –, les mouchards greffés, ou bien dans la modération des doses de médicaments et la régulation de la pompe à insuline ? Où va l’argent ? En plus du niveau sanitaire, il faut se positionner au niveau éthique : à nous de tracer les grandes lignes pour placer l’humain au cœur de sa technologie, et non l’inverse.

Je terminerai en évoquant le principe de précaution constitutionnalisé, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne risque pas de s’user, puisqu’il n’est pas appliqué ! Contrairement aux mesures prises pour la grippe – je devrais plutôt parler de « démesures » ! –, les nanomatériaux font partie du « cœur de cible » du principe de précaution : il s’agit d’innovations technologiques, avec quelques dangers avérés, des faisceaux de risques repérés pour l’environnement et, corrélativement, pour la santé, qui exigent des recherches indépendantes.

Rappelons que le principe de précaution joue un rôle de moteur pour une recherche et une innovation de qualité, et donc une « bonne » concurrence. Ses péripéties en justice ne sont que les séquelles de sa non-application institutionnelle. Madame la secrétaire d’État, nous avons plus de vingt ans de retard dans la maîtrise des nanotechnologies et dans leur encadrement : appliquons les principes et les lois, donnons-nous des textes exigeants, refusons l’opacité industrielle et choisissons la science pour l’homme, plutôt que la spéculation déresponsabilisée !

Monsieur le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, épargnons-nous les bons mots de type « lampes à huile » quand nous cherchons un consensus sur la démarche scientifique d’évaluation, laquelle pourrait inspirer des comparaisons défavorables à certains rapports de l’Office !

Mmes Gisèle Printz et Marie-Agnès Labarre applaudissent.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le Premier vice-président de l’Office, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat intervient dans des circonstances pénibles, puisque je viens d’apprendre que le bilan de la catastrophe du Var s’est encore aggravé : nous déplorons désormais 25 personnes décédées et 13 personnes disparues.

Je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir pris l’initiative d’organiser un débat sur ce sujet absolument fondamental pour notre pays. Je rejoins tout à fait l’approche de M. le président Emorine : il s’agit d’une question de société, et pas simplement d’une question scientifique.

Le développement des nanotechnologies, vous l’avez tous rappelé, représente un enjeu technologique et économique qui concerne principalement trois secteurs clés : les matériaux, l’électronique et les technologies de l’information, les sciences du vivant.

Au niveau mondial, vous l’avez aussi tous indiqué, les perspectives de marché sont colossales, puisqu’elles vont de 450 milliards d’euros à 1 850 milliards d’euros d’ici à 2015. À titre de comparaison, le marché mondial de l’automobile représentait 1 100 milliards d’euros en 2005. Les fonds européens consacrés aux nanosciences et nanotechnologies s’élèvent à 530 millions d’euros : comme vous l’avez rappelé, monsieur Christian Gaudin, les enjeux sont énormes et, en revanche, l’engagement européen est trop faible. Au-delà de cet aspect économique, il s’agit également d’un enjeu en termes de création d’emplois, puisque l’on estime que 10 % des emplois manufacturiers seront liés aux nanotechnologies d’ici à 2015.

Les propriétés des « nanos » sont considérables. Je ne me livrerai à aucune comparaison, car, je dois l’avouer, Daniel Raoul a vampirisé à peu près tous les exemples dont je disposais.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie

Il est vrai que les nanotechnologies sont très prometteuses dans certains domaines, comme celui de l’eau, puisqu’elles pourraient être utilisées comme agents filtrants ou comme agent de dépollution pour dégrader des polluants organiques. Elles sont également très prometteuses dans le domaine de l’énergie, pour augmenter par exemple la puissance des panneaux photovoltaïques. Enfin, elles représentent un espoir exceptionnel dans le domaine de la santé, comme l’a maintes fois rappelé Jean-Claude Etienne.

Certains produits sont d’ores et déjà présents dans notre quotidien. Nous disposons chacun de nos chiffres, mais, pour nous mettre tous à peu près d’accord, je m’appuierai sur un inventaire récent, qui recense environ mille produits présents sur le marché intégrant des nanotechnologies, avec de nombreux exemples qui vont des nanotubes de carbone aux chaussettes pour pieds récalcitrants.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie

La France est un acteur de premier plan des nanotechnologies : sa très forte communauté scientifique la place au cinquième rang mondial, avec plus de 5 300 chercheurs, derrière les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne. Une concurrence que l’on peut qualifier d’acharnée s’exerce au niveau international pour se positionner sur ce futur marché. La Chine investit très fortement et est en passe de devenir un acteur de tout premier plan. Une véritable course mondiale aux découvertes et aux brevets est actuellement en cours.

En France, le Gouvernement a accompagné le développement de ce nouveau secteur par le plan « Nano-Innov », lancé en 2009, qui aborde simultanément la recherche fondamentale, la recherche technologique et la recherche sur la sécurité des nanotechnologies.

La recherche a d’ailleurs été renforcée en 2009 dans le cadre d’un appel à projets spécifique financé à hauteur de 17 millions d’euros par le plan de relance. L’« écosystème grenoblois » a également fait l’objet d’une dotation exceptionnelle dans le cadre du plan « Nano 2012 », avec un effort global de 457 millions d’euros sur la période 2008-2012.

Nous engageons donc des moyens importants pour développer le plus possible la recherche dans ce secteur. Cet effort n’est peut-être pas encore suffisant, car nous devons encore travailler sur de nombreux sujets.

Mais, vous l’avez tous dit, face à ce formidable potentiel, d’énormes inconnues demeurent. Les données dont nous disposons sur la toxicité des nanoparticules proviennent pour l’essentiel d’études sur les particules fines de la pollution atmosphérique et sur les nanoparticules manufacturées. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Louis Nègre, nos connaissances sont très insuffisantes : les études montrent que les nanoparticules peuvent être plus toxiques que les particules de plus grosse taille – je simplifie, parce que je ne suis pas une spécialiste comme vous. Par ailleurs, ces substances peuvent, sous certaines conditions, franchir les barrières naturelles de l’organisme et pénétrer jusque dans les cellules.

Il est donc essentiel de progresser dans la connaissance des effets sanitaires de ces produits, de leur devenir dans l’environnement, en apportant une grande attention à l’exposition des travailleurs, comme l’a souligné Mme Blandin. En effet, lorsque l’on étudie les risques associés à différentes techniques ou substances, il faut cibler soit les personnes exposées à un volume important de ces substances, donc les travailleurs, soit les personnes les plus fragiles.

Je souhaiterais que nous évitions de reproduire, dans ce débat, les erreurs commises à l’occasion d’autres débats. Si nous abordons ces innovations sous un angle purement scientifique, n’essayons pas de démontrer désespérément qu’elles ne représentent aucun risque, puisque nous savons que la science comporte toujours une part d’incertitude. De même, si l’on envisage ces technologies sous l’angle purement économique, on oublie de placer, en regard des gains espérés, les avantages attendus par la société.

On pourrait faire le parallèle avec un vaccin : vous ne vous faites pas vacciner parce que le vaccin présente a priori peu de risques dans l’état actuel des connaissances, et que cela va rapporter beaucoup d’argent aux laboratoires. Vous le faites parce que vous savez que c’est nécessaire pour votre santé et pour la société dans son ensemble.

La question primordiale est donc la suivante : pourquoi voulons-nous ces nanotechnologies, pour quels avantages et quelles utilisations ? On se trompe souvent de débat en n’envisageant la question qu’en termes de risques. Il faut que la société choisisse les nanotechnologies qu’elle souhaite, celles qu’elle veut développer en priorité.

Les questions d’ordre social ou éthique qui portent sur l’opportunité de certaines applications, ainsi que sur d’éventuelles dérives, sont en général mal posées ou oubliées. Par exemple, la création des « nano-mouchards », que nous allons appeler nano brothers sur le modèle de Big Brother, pose une question centrale, qui constitue le cœur du débat, celle de la protection de la liberté individuelle, point qui a été évoqué par M. Alex Türk. C’est probablement le sujet sur lequel nous n’avons pas encore assez travaillé. On ne résoudra pas la question des nanotechnologies dans nos sociétés au sens large sans travailler de manière fouillée ce sujet profondément éthique.

Face aux interrogations sur les effets de ces technologies, nous devons construire une réponse globale et démocratique, effectuer un choix de société qui mette en balance la dimension scientifique et la dimension socio-économique.

Dans ce débat très délicat, le Gouvernement refuse de tomber dans deux types d’excès, qui ont été rappelés par M. Jean-Claude Etienne.

D’une part, il est hors de question d’abandonner ces technologies à leur propre mouvement, sans se préoccuper des questionnements qu’elles suscitent, ni des dommages potentiels. Cette attitude entraînerait inévitablement un rejet et conduirait donc les industriels eux-mêmes dans une impasse.

D’autre part, il serait tout aussi déraisonnable de geler complètement ce développement technologique parce que nous serions incapables de procéder à des choix collectifs.

Le vrai problème, surtout pour notre pays, consiste à se réconcilier avec le progrès en le maîtrisant et en le choisissant. Comme vous l’avez dit dans votre conclusion, monsieur le président, l’enjeu est démocratique, parce que les « sachants » ne peuvent pas déterminer seuls l’avenir du monde, en tout cas l’avenir de notre société.

C’est pour cette raison que huit ministres, dont le ministre de la défense, ont décidé de porter le débat public.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Non, nous étions bien huit à signer la lettre de saisine de la Commission nationale du débat public… même si je ne suis que sous-ministre !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Contrairement à vous, madame Blandin, la participation du ministère de la défense me paraît plutôt positive, car je l’analyse comme un signe d’ouverture. Ce débat répondait à une demande du Grenelle de l’environnement, qui n’avait d’ailleurs jamais été liée à une demande de moratoire sur les nanotechnologies.

Je voudrais insister sur un point essentiel, à l’intention des partisans du développement technologique : le débat ne saurait être assimilé à une sanction. On discute non pas pour sanctionner ou pour critiquer, mais pour poser les bases du développement du progrès et pour donner un peu de visibilité aux producteurs. Ce débat ne constituait pas non plus un alibi pour maintenir les pratiques en cours jusqu’à présent, parce que l’État est bien décidé à tenir compte des positions qui ont été exprimées.

Ce débat a été particulièrement atypique. C’était la première fois que la procédure de la Commission nationale du débat public était utilisée sur un thème aussi vaste et général. Je tiens donc à remercier la Commission d’avoir pleinement joué son rôle, car le travail réalisé présente d’immenses qualités.

Le débat s’est tenu entre le 15 octobre 2009 et le 24 février 2010, et son bilan a été rendu public le 13 avril 2010. Au total, le site Internet dédié a été visité 163 500 fois ; 661 questions du public ont reçu des réponses écrites ; plus de 3 000 personnes ont participé aux réunions publiques organisées dans les régions ; 51 cahiers d’acteurs émanant des diverses parties prenantes ont été versés au débat.

Ce bilan peut sembler mitigé, car on aurait pu espérer que ces chiffres soient plus élevés. Mais ce sujet est peu connu et difficilement accessible, parce que des domaines extrêmement divers sont regroupés sous un même vocable. Compte tenu des 1 500 « retombées presse », on peut estimer que l’information du public a été améliorée. Enfin, les matériaux collectés sont d’une grande qualité, suffisante en tout cas pour en tirer des conclusions.

Comme vous l’avez unanimement reconnu, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat a mis en lumière les lacunes de nos connaissances scientifiques, qu’il s’agisse de détection, de toxicologie ou d’écotoxicologie.

Il a également démontré que le public est demandeur d’informations plus abondantes et, peut-être, simplifiées, pour une meilleure compréhension du sujet.

Le public a surtout souhaité pouvoir mieux comprendre comment se font les choix portant sur les grandes orientations des politiques publiques dans ce domaine. Effectivement, monsieur Etienne, les technologies évoluent beaucoup plus rapidement que les consciences, et l’on a parfois l’impression que personne ne maîtrise vraiment les décisions publiques.

Sachez que le Gouvernement n’a pas attendu l’issue du débat pour commencer à agir.

Les agences de sécurité sanitaire, dont les représentants assistent à notre débat, ont été saisies à diverses reprises, au cours des dernières années.

Par ailleurs, la France a été très active dans ce domaine, notamment en portant le débat sur le règlement REACH, c'est-à-dire « enregistrement, évaluation et autorisation, restriction des produits chimiques ».

En effet, quand ce règlement a été conçu, dans les années deux mille, la question des nanoparticules et des nanotechnologies se posait moins, ces dernières n’étant apparues dans le domaine manufacturier grand public qu’à partir de 2005.

Je le confirme donc à M. Louis Nègre et à Mme Marie-Agnès Labarre, nous comptons bien défendre à l’échelon européen le dossier de la révision des seuils dans le cadre du règlement REACH, révision qui nous paraît prioritaire.

Enfin, nous avons aussi porté le fameux article 73 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II, qui pose le principe d’une déclaration obligatoire aux autorités des nanomatériaux produits ou importés en France.

C’est une grande première, sans équivalent connu ailleurs, ce qui prouve que la France est beaucoup plus sensible à ces questions que d’autres de ses partenaires européens.

D’ailleurs, madame Blandin, je me réjouis à la pensée que vous allez sans doute voter les conclusions de la CMP, ce qui nous permettra de mettre en œuvre cet article..)

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Pour autant, outre ces engagements et les actions entreprises, nous sommes déterminés à répondre aux diverses questions soulevées à l’occasion du débat public. C’est d’ailleurs tout le mérite de la procédure que de nous contraindre à le faire. Il est bon en effet que le Gouvernement soit contraint de répondre aux questions posées dans le cadre d’un débat public.

Nous travaillons donc sur les suites à donner. Mais rien n’est fait, et nous sommes au milieu du gué. Nous avons identifié les grandes lignes des réponses qui devront être données à la mi-juillet, mais il serait aujourd’hui totalement prématuré de préempter, en quelque sorte, les conclusions de ce travail.

Pour ma part, j’estime que, au-delà du nécessaire investissement dans la recherche sur les deux sujets que vous avez tous mentionnés, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir les effets des substances et le lien avec la biodiversité – souvent un peu le parent pauvre, d’ailleurs –, la question centrale est celle de la gouvernance, comme vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le président de la commission.

Qui décide des priorités et des choix faits, tout particulièrement au sujet des nanotechnologies, que nous voulons développer et mettre au service de notre société ? Telle est la question.

Nous devons innover pour associer le mieux possible le public à ce débat global et à ces choix globaux, tout en veillant à organiser aussi le débat au sein du Parlement. Celui que nous avons aujourd’hui est très positif et, une fois encore, je remercie le Sénat d’en avoir pris l’initiative ; il en faudra également un sur les choix définitifs.

Cet échange sur les nanotechnologies est peut-être aussi pour nous l’occasion de réfléchir sur la question du débat public en France.

Comme cela a été rappelé par M. Jean-Paul Emorine, une moitié seulement des dix-sept réunions publiques ont pu se dérouler dans des conditions normales, du fait de l’agitation de quelques opposants très radicaux.

Qu’il y ait des manifestations bruyantes, des oppositions virulentes et fondées, c’est tout à fait normal dans le cadre d’un débat démocratique où chacun peut s’exprimer. En revanche, le caractère organisé et systématique de ces perturbations, au motif que – je cite de mémoire – « débattre, c’est accepter », est totalement inadmissible.

Ce qui me peine le plus, c’est que l’on puisse assimiler de tels comportements à l’écologie. Or c’est précisément tout le contraire. L’écologie repose sur des principes forts que sont la participation du public, l’organisation de débats rassemblant toutes les parties prenantes de la société civile, sur tous les sujets et sans tabou, la prise de décisions collectives.

Nous serons capables de développer les sciences et les technologies dans notre société et de nous réconcilier avec le progrès uniquement lorsque nous aurons construit une démocratie un peu plus apaisée et plus régulée, dans laquelle pourront être abordées les thématiques de la transparence, du respect du débat public, de l’inversion de la charge de la preuve, autant de sujets sur lesquels il nous reste encore tant à faire !

Tels sont les éléments que je souhaitais livrer à votre réflexion, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue d’un débat qui nous aura permis de nous interroger, non seulement sur les nanotechnologies, mais aussi sur l’organisation des débats publics en France, et nous avons encore beaucoup à apprendre dans ce domaine…

Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous remercier encore une fois de cette initiative. Je réitère également les remerciements que j’ai adressés à la CNDP pour le travail qu’elle a effectué.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous en avons terminé avec ce débat sur les nanotechnologies.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 21 juin 2010, à quinze heures et le soir :

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant réforme du crédit à la consommation (415, 2009-2010).

Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission spéciale (538, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 539, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.