Nous votons même parfois à l’unanimité, comme pour l’instance de garantie de l’indépendance de l’expertise, qui n’a toujours pas été installée. Et nous constatons que les arbitrages solennels du Parlement ne sont pas mis en œuvre, parce que des lobbies freinent de toutes leurs forces ce qui pourrait modérer leurs imprudences rémunératrices. Dans quelle démocratie vivons-nous ?
Il faut aussi parler de la démocratie du pilotage de la recherche : la liberté du chercheur – nous la défendons ! – n’a aujourd’hui d’égale que l’opportunité de niches souhaitées par l’industrie et cautionnées par la course à la brevetabilité sans conscience de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.
Quelle recherche le secteur public doit-il accompagner ? Quelle société se prépare ? L’avenir est-il dans les caméras miniaturisées, les dispositifs de RFID – identification par radiofréquence –, les mouchards greffés, ou bien dans la modération des doses de médicaments et la régulation de la pompe à insuline ? Où va l’argent ? En plus du niveau sanitaire, il faut se positionner au niveau éthique : à nous de tracer les grandes lignes pour placer l’humain au cœur de sa technologie, et non l’inverse.
Je terminerai en évoquant le principe de précaution constitutionnalisé, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne risque pas de s’user, puisqu’il n’est pas appliqué ! Contrairement aux mesures prises pour la grippe – je devrais plutôt parler de « démesures » ! –, les nanomatériaux font partie du « cœur de cible » du principe de précaution : il s’agit d’innovations technologiques, avec quelques dangers avérés, des faisceaux de risques repérés pour l’environnement et, corrélativement, pour la santé, qui exigent des recherches indépendantes.
Rappelons que le principe de précaution joue un rôle de moteur pour une recherche et une innovation de qualité, et donc une « bonne » concurrence. Ses péripéties en justice ne sont que les séquelles de sa non-application institutionnelle. Madame la secrétaire d’État, nous avons plus de vingt ans de retard dans la maîtrise des nanotechnologies et dans leur encadrement : appliquons les principes et les lois, donnons-nous des textes exigeants, refusons l’opacité industrielle et choisissons la science pour l’homme, plutôt que la spéculation déresponsabilisée !
Monsieur le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, épargnons-nous les bons mots de type « lampes à huile » quand nous cherchons un consensus sur la démarche scientifique d’évaluation, laquelle pourrait inspirer des comparaisons défavorables à certains rapports de l’Office !