Intervention de Odette Terrade

Réunion du 10 février 2010 à 14h30
Violences au sein des couples — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la violence au sein des couples, sujet resté trop longtemps dans l’ombre, est une nouvelle fois aujourd’hui mis en lumière avec cette proposition de loi de notre collègue Roland Courteau.

Cependant, la lumière reste insuffisante au regard de la situation d’urgence dans laquelle se trouvent les victimes, très majoritairement des femmes.

Inacceptables, ces violences ont des conséquences dramatiques pour les femmes et leurs enfants, témoins « privilégiés », si l’on ose dire, et victimes collatérales de ces violences perpétrées au sein des couples dans le huis clos de la sphère privée.

Selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales portant sur les années 2007 et 2008, on estime à 418 000, dont 310 000 femmes, le nombre de personnes de dix-huit à soixante-quinze ans victimes de violences physiques ou sexuelles et dont l’auteur principal est le conjoint.

L’enquête souligne également « l’augmentation significative des violences physiques ou sexuelles commises par un autre membre de la famille, en dehors du conjoint, mais vivant sous le même toit. ». Pour les mêmes années, cela concerne 250 000 femmes de dix-huit à soixante-quinze ans.

Aujourd’hui, de tels chiffres sont inadmissibles et l’un des éléments majeurs de la lutte contre les violences au sein des couples reste la répression de leurs auteurs, qui ne doivent plus bénéficier de l’ombre tenace dans laquelle ils continuent de se dissimuler. La répression fait, en ce sens, partie intégrante de la prévention, car elle indique clairement le refus de ces violences par la société et envoie un signe fort à l’ensemble de nos concitoyens.

Dévalorisées, humiliées, isolées, vivant dans la peur et sous la tyrannie de leur conjoint, les femmes victimes de violences ne sont pourtant que 10% à oser porter plainte. Ce chiffre illustre bien la difficulté pour ces femmes d’engager des procédures contre leur conjoint. Il montre aussi que les mesures de protection et d’écoute des victimes méritent encore d’être améliorées dans notre pays.

Si de réelles avancées ont été accomplies ces dernières années, telles la prise en compte des violences et l’inscription dans la loi du viol entre époux, notre pays doit avancer d’un pas plus déterminé dans la prévention et la lutte contre ce fléau, notamment par une formation adaptée et des moyens substantiels pour l’ensemble des professionnels et des services en contact avec les victimes.

À cet égard, l’Espagne a franchi un cap décisif avec sa loi-cadre et son « ordonnance de protection », qui comportent un arsenal de mesures visant à protéger les femmes et les enfants. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le groupe CRC-SPG a déposé, le 25 novembre 2007, une proposition de loi n° 138 qui va précisément dans ce sens.

Cette proposition était issue des travaux de nombreuses associations féministes regroupées au sein du collectif national pour les droits des femmes. Celui-ci a été à l’origine des 16 000 pétitions déposées à l’Assemblée nationale en 2008 et qui ont conduit à la création d’une commission spéciale et à la proposition de loi qui sera examinée à l’Assemblée nationale le 25 février prochain.

Ainsi, même si de nombreux textes existent déjà dans notre législation, il faut envisager toutes les améliorations possibles pour compléter et perfectionner notre dispositif afin d’y intégrer l’ensemble des mesures nécessaires à une politique audacieuse de lutte contre les violences au sein des couples.

Dans cette optique, la prévention des violences doit prendre toute sa part, car, sans une prévention efficace et pertinente, c’est la place des femmes dans notre société qui est menacée, c’est l’égalité qui est mise en cause !

Relevant d’un véritable phénomène de société, les comportements violents des hommes envers les femmes sont des actes individuels inscrits dans des rapports de domination masculine encore trop tolérés par notre société.

Outre « l’extension de la compétence du juge aux affaires familiales aux situations de concubinage et de PACS » et les mesures de « formation de tous les acteurs en contact avec les victimes » proposées par le texte de notre collègue Roland Courteau, la sensibilisation aux violences appelle d’autres mesures.

De fortes résistances au changement persistent dans l’ensemble de notre société. Ces résistances sont fondées sur les discriminations liées au genre, car, si les femmes subissent des violences, c’est d’abord parce qu’elles sont des femmes !

C’est donc à un dispositif global de prévention que nous nous devons de réfléchir, afin de faire disparaître les comportements machistes qui conduisent à ces violences.

La sensibilisation et la formation dans la sphère éducative, que prévoit la proposition de loi déposée par mon groupe et que nous voulons introduire dans le présent texte, constituent un enjeu essentiel dans la lutte contre les violences.

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