...et les enjeux autour de sa production et de sa consommation n'ont jamais été aussi déterminants.
La viticulture française demeure, en effet, un fleuron de notre économie agro-alimentaire et constitue une référence au niveau mondial, tant pour la qualité que pour la typicité de ses produits.
Aujourd'hui, toutefois, face à une globalisation des marchés et devant l'arrivée de nouveaux pays producteurs, la position dominante de la France dans ce secteur se trouve fort fragilisée. Alors que, par nature, le vin est un produit fédérateur, il attise désormais des conflits qu'il faut trancher au plus juste et dans le respect de la tradition.
Si, depuis quelques années, un certain nombre d'indicateurs témoignent des difficultés de la viticulture - diminution des exportations, baisse de la consommation, concurrence accrue -, on constate que les mesures prises jusqu'à aujourd'hui n'ont pas produit les effets escomptés.
C'est pourquoi, après avoir exposé les principales raisons de la crise viticole française, il me semble intéressant de procéder à une analyse du plan de restructuration proposé par le Gouvernement et d'apporter quelques pistes de réflexion qu'il conviendrait d'étudier pour qu'une nouvelle politique de la filière viticole soit enfin mise en place, et ce dans les meilleurs délais.
Déterminer les causes de cette crise nous oblige à examiner l'évolution des structures viticoles au fil des années, et plus particulièrement celle des caves coopératives. Leur émergence répondait à une logique économique du début du XXe siècle, qui consistait à mutualiser les moyens pour permettre aux petits et moyens propriétaires de s'organiser face aux circuits de distribution.
Actuellement, en Languedoc-Roussillon, ces caves vinifient près de 75 % des récoltes enregistrées : c'est dire le rôle fondamental qu'elles jouent, tant dans la production et la commercialisation de nouveaux vins que dans la reconversion du vignoble.
Parallèlement à ces structures, les caves particulières ont su trouver leur place et créer, précisons-le, une saine émulation en poussant l'ensemble des acteurs de la filière à se remettre en question et à s'engager dans une démarche de qualité.
Le développement de ces caves particulières a permis de diversifier l'offre qui était faite au consommateur et, par là même, de repenser la politique conduite par les caves coopératives, qui avaient parfois fait preuve, jusqu'au début des années 1980, d'un certain conservatisme et d'une tendance excessive au « localisme ».
La progression du vignoble mondial, notamment en Australie, au Chili, en Argentine, en Afrique du Sud, en Californie, etc, est venue accentuer les difficultés de la profession. En effet, alors que le vignoble français se restructure, la diminution de la consommation intérieure et le tassement des exportations se traduisent par une augmentation des stocks et une érosion des cours qui conduisent à une grave dégradation des revenus des viticulteurs.
Les mesures prises en faveur de la distillation ne répondent qu'à une situation d'urgence et ne règlent en rien les problèmes récurrents de la viticulture d'autant que, lors des quarante dernières années, la consommation de vin a subi de profondes modifications, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif.
La consommation de vin en France est passée de 100 litres par an et par personne au début des années 1960 à 55 litres lors de la campagne 2003-2004. Par ailleurs, le goût du consommateur a évolué ; ce dernier préfère, d'une façon générale, des vins plus légers. Il est donc nécessaire et urgent de s'adapter à cette réalité.
Observons encore, pour le déplorer, que la tarification exorbitante qui est appliquée dans la restauration équivaut à un coefficient multiplicateur de 3, voire 4, qui porte le prix de la bouteille de 75 centilitres à un montant souvent supérieur au prix d'un menu de qualité, ce qui n'est pas de nature à favoriser la consommation.
Enfin, la politique de lutte contre l'insécurité routière mise en place par les ministres de l'équipement et de l'intérieur a également contribué au changement des habitudes du consommateur.
Plus encore que les années précédentes, 2005 reste une année noire. Aujourd'hui, cette crise ne touche plus uniquement les caves coopératives, mais elle atteint aussi - et c'est un élément nouveau - quelques caves particulières. Des plans d'arrachage sont programmés, des viticulteurs voient leur revenu s'effondrer, ce qui conduit certains d'entre eux à déposer des dossiers de demande de RMI. Le manque de perspectives de la profession est tel que nombre de viticulteurs envisagent l'abandon définitif de leur exploitation.
Au-delà de l'application des mesures d'urgence, un nouveau mode d'organisation de la filière est envisagé, notamment au travers des bassins de production. Au nombre de dix, ils devraient être le lieu privilégié de l'expression d'une stratégie de dialogue et de concertation entre les partenaires de la filière représentés dans chacun d'eux.
Si le préfet Bernard Pomel appelle de ses voeux « une nouvelle révolution viticole », il faut désormais donner à ces bassins une réalité administrative et professionnelle. Le Conseil national de la viticulture devra coordonner et arbitrer les politiques des bassins, afin que les spécificités et les enjeux de chacun puissent être exprimés.
La nécessité de redonner confiance aux acteurs de cette filière est un élément qu'il ne faudrait pas aujourd'hui mésestimer. Je pense, d'ailleurs, qu'il serait judicieux d'associer étroitement à cette démarche une institution comme Agropolis, pôle de recherche aux multiples compétences, implanté à Montpellier et reconnu au niveau international.
Mieux organiser l'offre pour mieux répondre à la demande, tel est l'objectif auquel nous devons nous attacher. Je voudrais m'arrêter un instant sur la nécessité, pour ce faire, de favoriser la mise en place de partenariats, outils d'une gestion efficace de l'espace viticole.
Dans cette optique, il me paraît opportun de reconsidérer simultanément le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, et du Crédit agricole en ce qui concerne leurs missions premières et principales.
Les SAFER sont au coeur des problématiques rurales depuis plus de quarante ans. À l'origine, le législateur leur avait confié la tâche de maintenir un espace agricole dynamique, vital pour notre société.
Afin de respecter les nouveaux enjeux, leurs missions ont évolué, pour intégrer désormais une dimension environnementale, le développement local et l'aménagement de l'espace agricole, tout en assurant la transparence du marché foncier rural.
Leur compétence et leur savoir-faire en matière d'aménagement foncier agricole pourraient se révéler être un atout de premier choix, dans la mesure où la volonté politique est clairement affirmée.
En effet, l'élaboration d'une stratégie commune à tous les organismes professionnels concernés permettrait à la nouvelle génération de viticulteurs de restructurer et de développer leurs exploitations dans des conditions optimales. Pour ce faire, la mise en réseau des connaissances et des compétences entre les SAFER et certains organismes associés, comme les agences foncières ou les observatoires fonciers régionaux, permettrait de conduire une politique commune de gestion de l'espace rural et de réguler le marché en luttant contre la spéculation immobilière. Cela est extrêmement urgent, notamment en Languedoc-Roussillon.
En ce sens, une participation renforcée des SAFER devrait être encouragée, pour que les jeunes viticulteurs puissent procéder à des remembrements réalistes et développer normalement leur activité.
En outre, si l'on peut penser que le Crédit agricole a tout son rôle à jouer dans cette démarche, il est néanmoins légitime de s'interroger sur une évolution au terme de laquelle la notion de rentabilité semble avoir primé sur le sens de la relation humaine.