Séance en hémicycle du 12 avril 2006 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • vin
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  • éleveur

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle l'examen des demandes d'autorisation de missions d'information suivantes :

1°) demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Argentine pour y étudier la situation sanitaire et le régime de protection sociale de ce pays ;

2°) demande présentée par la commission des affaires culturelles tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre aux États-Unis afin d'y étudier l'organisation du système universitaire et de recherche américains ainsi que celle des musées.

Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de sa séance du jeudi 30 mars 2006.

Je vais consulter le Sénat sur ces demandes.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, les commissions intéressées sont autorisées, en application de l'article 21 du règlement, à désigner ces missions d'information.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 12 de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la crise de la filière viticole française.

La parole est à M. Gérard César, auteur de la question

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous ici, la situation du secteur vitivinicole français est extrêmement difficile.

Depuis plusieurs années, le Sénat prête la plus grande attention à ce dossier. Dès 2001, la commission des affaires économiques a constitué une mission d'information sur l'avenir de la viticulture française ; j'en étais le rapporteur et notre collègue Gérard Delfau la présidait. Le rapport, qui a été présenté en juillet 2002, identifiait déjà d'importantes difficultés structurelles et la forte montée en puissance de la concurrence internationale.

Depuis lors, l'attention que porte le Sénat aux difficultés de ce secteur ne s'est jamais démentie, que ce soit à l'occasion des débats législatifs - comme lors de l'examen de la loi relative au développement des territoires ruraux ou de la loi d'orientation agricole - ou dans le cadre des travaux du groupe d'études de la vigne et du vin.

Monsieur le ministre, nous vous avons déjà interrogé sur ce dossier. Toutefois, devant la gravité croissante de la crise que traverse actuellement la filière, il m'a paru indispensable que nous puissions avoir un large débat en séance publique sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je reconnais bien volontiers que vous n'êtes pas resté inactif, puisque, au début de cette année, vous avez notamment chargé le préfet Bernard Pomel d'assurer la coordination et l'animation de la réflexion conduite au sein des dix comités de bassins viticoles afin de définir « une nouvelle stratégie indispensable pour conserver à la viticulture française la place d'excellence qu'elle occupe dans l'économie nationale et dans le rayonnement du pays ».

C'est dans ce cadre que M. Bernard Pomel vous a remis, il y a quelques jours, son rapport, qui constitue une base de propositions pouvant se décliner dans chaque bassin viticole dans le respect de sa propre spécificité.

Je souhaite donc saluer l'engagement du Gouvernement pour résoudre cette crise. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions maintenant connaître votre vision du problème. M. Pomel a formulé un certain nombre d'analyses et de propositions que vous avez regroupées dans la feuille de route de la stratégie nationale pour la viticulture. Il me semble qu'il serait bon que vous nous apportiez des précisions sur ces différents axes.

Concernant le premier axe, c'est-à-dire le fait de mieux adapter l'offre aux attentes du marché, vous comptez ouvrir l'éventail des pratiques oenologiques en ayant, par exemple, recours aux copeaux de bois, ce qui était jusqu'à présent interdit et que nous critiquions chez nos concurrents.

En outre, vous souhaitez renforcer la segmentation des produits exposés à la concurrence internationale. Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par là ? Y incluez-vous les vins de cépage et quelle est votre position sur cette question ?

Vous souhaitez également améliorer les procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, par l'ordonnance prévue dans la loi d'orientation agricole. Pouvez-vous nous dire où en est la rédaction de cette ordonnance ? Quelle est sa date de publication et quand sera-t-elle ratifiée par le Parlement ? Pourriez-vous nous présenter son contenu, comme vous vous y étiez engagé ?

En ce qui concerne les conditions d'agrément, je pense que l'on peut s'interroger en particulier sur le moment de l'agrément. Ne serait-il pas plus pertinent de délivrer l'agrément au moment de la mise en bouteille ou du transfert au négoce, c'est-à-dire au plus près du consommateur ?

Le deuxième axe, qui vise à soutenir le plan d'exportation du vin français en lançant notamment une marque et un logo « France », représente une excellente initiative. D'après vous, quel sera l'impact des 12 millions d'euros qui sont prévus pour mettre en oeuvre cette mesure ? Cette somme sera-t-elle suffisante compte tenu de la forte concurrence des vins étrangers ?

Le troisième axe a trait à la reconversion et aux restructurations grâce à des aides et par l'arrachage.

Pour ce qui est des aides, vous avez pu débloquer, en complément des moyens européens, 40 millions d'euros de subventions exceptionnelles et 40 millions d'euros de prêts aux exploitations. Quant à l'arrachage, c'est sans doute l'un des outils que nous devons utiliser. Toutefois, il ne résout pas tout : je pense en particulier aux quantités croissantes produites par nos concurrents sur le marché mondial ou européen.

Le dernier axe touche à la distillation de crise de quatre millions d'hectolitres pour la France, qui, pour la seconde fois, concernerait aussi les AOC avec deux millions d'hectolitres. D'ailleurs, quel sera le prix à l'hectolitre de cette distillation ? Il est important que ce prix soit attractif afin de diminuer les stocks.

Ce fait sans précédent illustre la gravité de la situation, mais constitue aussi un signal d'alarme pour le monde des AOC. C'est pourquoi nous portons naturellement la plus grande attention à l'ordonnance que vous préparez sur cette question.

Enfin, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le contenu du décret relatif à l'organisation des dix bassins de production ? Y aura-t-il des modulations en fonction des différents bassins et de leurs particularités ? Par ailleurs, comment concevez-vous dans ce cadre l'articulation entre les interprofessions, Viniflor, l'INAO, les collectivités territoriales, la recherche agronomique et les chambres d'agriculture ?

Nous souhaiterions également savoir comment se prépare la réforme de l'OCM sur le plan européen. Quelle est votre position sur le découplage des aides et quelle est votre conception de la future OCM-vin, qui se négocie en ce moment ?

J'espère que vous me pardonnerez, monsieur le ministre, de vous avoir assailli de nombreuses questions. Le débat d'aujourd'hui est très important pour nos concitoyens et pour cette filière, qui représente non seulement notre fierté nationale, mais surtout de nombreux emplois directs ou indirects.

Notre filière vitivinicole va mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Au-delà de ses difficultés économiques et matérielles, il y a aussi la fragilisation de l'image que les viticulteurs ont d'eux-mêmes. À cet égard, la mise en place rapide du Conseil de la modération sera un signe fort pour la filière. Il convient donc de leur adresser un message d'écoute et de soutien.

Vous avez démontré, monsieur le ministre, que vous étiez très attentif à la demande du Parlement et de la profession, et je vous en félicite. Maintenant, nous attendons la mise en oeuvre concrète de votre plan et les précisions que vous pourrez nous apporter sur les interrogations que je vous ai transmises.

Je voudrais aborder un dernier point concernant l'actualité.

Lors de sa séance du 20 décembre 2005, le Sénat a adopté deux amendements : l'un visait à ce que l'État cautionne un emprunt de 60 millions d'euros souscrit par le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, l'autre tendait à ce que l'État garantisse un prêt de 5 millions d'euros pour l'interprofession du Beaujolais afin de financer une aide complémentaire à la prime d'arrachage européenne. Cet acte de solidarité des viticulteurs et des négociants, qui financeront sur leurs ressources propres un soutien aux exploitations, mérite d'être souligné. Le Parlement et le Gouvernement l'ont parfaitement compris.

Depuis lors, le ministère du budget discute pied à pied l'attribution de l'État au prétexte que la prime versée serait supérieure à celle qui avait été initialement prévue, bien que le montant des aides accordées soit strictement identique au chiffre indiqué lors du vote du projet de loi de finances rectificative.

Notre débat d'aujourd'hui confirme que la viticulture traverse une grave crise, qui est sans précédent. Or, malgré le vote favorable des deux chambres du Parlement, rien de concret n'a abouti depuis le 20 décembre dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César. Monsieur le ministre, puisque vous avez apporté votre soutien total à ces deux mesures garantissant les emprunts, pourriez-vous intervenir auprès de M. le ministre délégué au budget, qui les avait approuvées le 20 décembre au matin - nous nous en souvenons tous -, afin qu'il donne des instructions à ses services pour faire respecter le vote du Parlement dans les meilleurs délais ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, la crise dans laquelle notre viticulture est plongée s'aggrave. La campagne précédente fut terrible, et l'actuelle est pire encore.

Monsieur le ministre, le feu est dans la maison et le gâchis est énorme.

Au cours des années précédentes, en Languedoc-Roussillon, un tiers des vignes a été arraché dans ce qui reste encore - mais pour combien de temps ? - le plus vaste vignoble du monde, alors que, pendant ce temps, d'autres plantaient à tour de bras.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Pourtant, la crise frappe une nouvelle fois en Languedoc-Roussillon, alors que, ces dernières années, la profession n'a cessé d'investir dans les vignobles, dans les caves, qu'elle a emprunté, « réencépagé », joué à fond la carte de la qualité. Tout cela pour en arriver là !

Cette crise, nous l'avons vue se dessiner dès 2002, puis s'amplifier, éclater. On ne peut pas dire que les Gouvernements depuis cette date aient tout mis en oeuvre pour la prévenir.

Comme nous le savons tous dans cet hémicycle, cette crise est notamment la conséquence de la chute régulière de la consommation intérieure et de la baisse de nos exportations, du fait de la concurrence des pays du nouveau monde, mais également de l'Espagne.

Or ce n'est pas faute d'avoir réagi, ici même au Sénat !

M. Gérard César acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Dans ce document de 143 pages, nous analysions de manière rigoureuse les causes de la crise et présentions cinq grands axes d'actions susceptibles de la prévenir et de la stopper. Malheureusement, aucune suite ne fut donnée à ces propositions.

Aujourd'hui, le constat est accablant et l'ampleur des dégâts l'est tout autant. Ce ne sont pas mes collègues du groupe socialiste qui me démentiront !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le ministre, connaissez-vous les conséquences de la saignée économique dans le département de l'Aude, pour ne prendre que ce seul exemple ? Elle se situe entre 50 millions et 60 millions d'euros. C'est une catastrophe pour l'ensemble de l'économie audoise !

Des exploitations sont en perdition et les revenus sont en chute de 40 % à 50 %, selon les cas. Des pans entiers de l'économie sont touchés et des milliers d'hommes et de femmes sont malmenés. Ainsi, j'ose le dire, des zones entières sont en train de « crever » !

Dans le même temps, l'arrachage définitif se poursuit. Pour nombre d'exploitations, c'est un véritable crève-coeur, mais également une bouée de sauvetage.

Je vous transmettrai d'ailleurs une note plus précise sur le problème des primes à l'arrachage. S'agissant de la campagne 2005-2006, 4 600 hectares sont annoncés, seulement annoncés, pour le département de l'Aude et 14 000 hectares pour la région Languedoc-Roussillon. Je laisse chacun ici apprécier toutes les conséquences de cette crise et mesurer les drames humains qui sont en train de se nouer.

C'est la raison pour laquelle je m'exprime non seulement au nom de mes collègues du groupe socialiste, notamment M. Raymond Courrière, mais également de l'ensemble des parlementaires et du président du conseil général de l'Aude, ainsi que des conseillers régionaux et de nombre de maires.

Un grand journal du soir évoquait récemment les « smicards de la vigne ». Monsieur le ministre, dans certains cas, c'est encore pire ! Au moment où je vous parle, plusieurs centaines de viticulteurs de l'Aude et, plus généralement, du Languedoc-Roussillon ne sont même plus au SMIC, puisqu'ils ont demandé à bénéficier du RMI !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Après tant d'années d'efforts, nombreux sont ceux qui se sentent véritablement humiliés...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

...d'en être arrivés là.

Et, du RMI au RMA, il n'y a qu'un pas, qui a d'ailleurs été franchi par les représentants de l'État dans notre région. En effet, ces derniers se sont prononcés en faveur du RMA pour les viticulteurs, précisant que ces derniers étaient « des acteurs publics qui entretiennent les paysages » !

Est-ce là toute l'ambition que l'on nourrit à l'égard des viticulteurs ? Ces derniers participent pourtant au renom d'un produit qui est une référence mondiale ! Et, dans ce cas, n'est-ce pas un transfert supplémentaire de l'État vers les collectivités territoriales qui est envisagé ? Permettez-moi de vous poser une question précise, monsieur le ministre : si tel était le cas, l'État compenserait-il ce transfert aux départements ? Ou se défaussera-t-il une nouvelle fois sur les collectivités locales ? Cette question mérite une réponse.

En douze ans, le Languedoc-Roussillon a perdu 40 % de ses exploitations. Aujourd'hui, sur les 18 000 viticulteurs âgés de plus de cinquante ans, les deux tiers déclarent ne pas avoir de successeur connu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Quel avenir réserve-t-on à cette région ? Veut-on tirer un trait sur un secteur d'activité porteur de milliers d'emplois et dont l'apport pour les exportations, l'aménagement du territoire et le développement économique est essentiel ? Veut-on laisser à la crise le soin d'effectuer le « sale boulot », à savoir rayer de larges contrées du Languedoc-Roussillon de la carte viticole ?

Dans cette région, comme dans le département de l'Aude - dois-je le rappeler ? -, nous n'attendons pas que tout nous tombe du ciel !

Ainsi, depuis plusieurs mois, le conseil général de l'Aude a réuni l'ensemble de la profession pour analyser la situation et faire émerger de nouvelles propositions d'avenir, qui seront ensuite proposées au niveau régional.

Pour sa part, le conseil régional a pris des initiatives en faveur de la promotion de nos vins. Il a notamment voté 12 millions d'euros de crédits, soit autant que ce que le Gouvernement consacre, à l'échelon national, au développement de nos exportations.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Voilà qui est révélateur de la faiblesse des moyens engagés par l'État !

Monsieur le ministre, nos professionnels et nos élus ont une farouche volonté de se battre et d'avancer. Pour autant, pour nombre de viticulteurs en difficulté, la toute première des priorités est de passer ce cap. §

Ainsi, les dispositifs à moyen terme que vous évoquez dans le document Stratégie nationale et réforme de la filière viticole sont, j'en conviens, nécessaires. Mais, faute d'aides importantes dans l'immédiat, nombre de viticulteurs ne connaîtront jamais ces mesures, puisqu'ils auront disparu d'ici là, laissant leurs terres en friche et la désolation dans les communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L'urgence commande donc de passer ce cap.

Monsieur le ministre, je regrette de vous le dire, les mesures conjoncturelles que vous avez annoncées ne sont pas du tout à la hauteur des effets dévastateurs de la crise. Sauf votre respect, le compte n'y est pas ! Et je vous le démontre.

Savez-vous à combien s'élèvent les pertes dans des zones pourtant réputées pour la qualité de leurs produits ? Elles varient entre 600 euros et 1 000 euros par hectare ! J'ai bien dit « par hectare » !

Avez-vous une idée du montant de l'aide à la trésorerie qui sera consentie au titre des aides que vous annoncez ? Elle s'élèvera à 1 000 euros en moyenne par exploitation - j'ai bien dit « par exploitation » - et à 2 000 euros en moyenne pour les jeunes.

Vous pouvez donc mesurer l'écart entre les mesures que vous proposez et les besoins qui existent.

Comme on peut le constater, l'ensemble des mesures conjoncturelles, qui s'élèvent à 90 millions d'euros au total, présentées par M. le Premier ministre ont constitué un très bel effet d'annonce ! Mais, appliquées au cas par cas, elles constitueront une fois de plus un saupoudrage inefficace : ces 90 millions d'euros pour 2006 représentent 20 millions d'euros de moins qu'en 2005.

Monsieur le ministre, il est, me semble-t-il, hautement souhaitable que vous revoyiez votre copie.

Encore une fois, c'est un véritable cri d'alarme que je lance au nom de mes collègues du groupe socialiste ! Il y va de la vie ou de la mort d'un grand nombre d'exploitations et de l'avenir de zones entières !

Nous avons besoin d'une baisse substantielle des charges sociales et de dégrèvements de taxes et de charges. Il faut également mettre en place un véritable soutien social, de l'ordre de 3 000 euros par exploitant et par an, et ce dans le cadre d'un plan triennal. Ce n'est qu'ainsi que nous sauverons nombre d'exploitations et que nous aiderons réellement nos vignerons à passer le cap !

Cela dit, et au-delà de l'insuffisance des mesures annoncées, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de leur mise en oeuvre sur le terrain. Et je veux le faire à la lumière de ce que l'on a pu constater en 2005.

Par un curieux concours de circonstances, certains des maigres crédits dirigés vers notre département n'ont pas pu être utilisés. Ce fut notamment le cas pour l'enveloppe financière des prêts consolidés.

Lorsque j'ai tenté de me renseigner, il m'a été dit que la mesure, qui avait été décidée en février 2005, n'avait été effectivement mise en application qu'en décembre de la même année. Entre temps, et face à ces lenteurs administratives extrêmes, les viticulteurs en difficulté furent bien contraints de trouver une autre solution avec le Crédit agricole.

L'enveloppe consacrée aux prêts de consolidation au titre de l'année 2005 n'a donc été utilisée, et pour cause, qu'à concurrence de 20 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

« Autant d'économies pour l'État », serais-je tenté d'ajouter.

Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas conserver cette ligne de crédits et la réutiliser en 2006, en complément des nouvelles aides ? C'est une proposition.

Le deuxième exemple concerne les prêts consolidés aux structures économiques. Là également, la mesure fut annoncée au printemps 2005, mais les formulaires ne furent disponibles qu'au mois de décembre suivant, tandis que les dossiers à constituer furent d'une lourdeur et d'une complexité extrêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Résultat : la profession chercha une autre solution, ce qui se traduisit une nouvelle fois par la non-utilisation d'une partie de l'enveloppe.

S'agissant toujours des lenteurs administratives, dont nul ne sait d'ailleurs si elles sont volontaires ou non, permettez-moi de mentionner un dernier exemple dans un autre domaine : les aides à l'exportation annoncées en 2005.

Comme nous le savions déjà, celles-ci sont sept fois moins élevées que celles qui sont consenties par l'Espagne et dix fois moins élevées que celles qui sont accordées par l'Australie. Mais ce que nous ignorions, c'est que de nombreux dossiers sont aujourd'hui encore soumis à instruction et n'auraient toujours pas abouti. Le moins que l'on puisse dire est que tout cela manque de réactivité ! Ce n'est pas ainsi que nous inverserons la tendance à la baisse de nos exportations !

Dès lors, vous comprendrez pourquoi la profession est si souvent sceptique lorsque le Gouvernement annonce des financements.

Dans votre plan d'aide au départ, vous évoquez les préretraites. Selon les informations dont nous disposons, il n'y aurait aucune augmentation et l'on en resterait autour de 5 500 euros par an, soit 460 euros par mois. C'est un peu plus que le RMI pour des gens qui, pourtant, ont travaillé toute leur vie.

Monsieur le ministre, il faut réaménager ce régime, comme le permettent d'ailleurs de récentes décisions de l'Union européenne, en portant le montant annuel des préretraites jusqu'à 18 000 euros par an. Ce dispositif est cofinancé, faut-il le rappeler, à 50 % par l'Europe.

Tout cela nous inquiète et nous rend très pessimistes.

À propos de la nécessité d'assainir la situation du marché actuel, vous avez annoncé des mesures de distillation. C'est une mesure nécessaire, destinée à permettre l'évacuation des excédents de stocks.

Mais vous avez fait cette annonce sans avoir la certitude que l'Europe vous accorderait son feu vert, s'agissant tant des volumes que des prix, qui sont particulièrement bas : quatre euros pour les appellations d'origine contrôlée, les AOC, et deux euros cinquante pour les vins de pays et les vins de table.

De surcroît, vous avez annoncé ces montants sans préciser si le Gouvernement entendait apporter un complément de prix et à quel niveau.

Plusieurs responsables professionnels m'ont fait remarquer que la réaction du marché ne s'était pas fait attendre. Face à ces annonces de prix de distillation particulièrement faibles, les cours ont immédiatement dégringolé, puisque le négoce s'est calé à deux euros soixante le degré hectolitre, alors que l'on se situait autour de trois euros, seulement quelques jours auparavant. L'effet a donc été inverse à celui qui était recherché. C'est catastrophique !

Vous en conviendrez, dans l'incertitude où nous nous trouvions par rapport aux décisions de l'Europe, il était pour le moins imprudent de faire cette annonce avec un prix aussi faible.

J'espère au moins que vous serez aujourd'hui en mesure de corriger le tir et d'annoncer des prix de distillation plus importants, sur des volumes plus significatifs et avec des délais de mise en oeuvre immédiats. C'est extrêmement urgent si l'on veut mettre fin à cet effondrement des cours.

En outre, le complément de prix de soixante centimes d'euros que vous avez annoncé lors de la précédente distillation, c'est-à-dire en 2005, n'a toujours pas été versé par l'État à nos producteurs.

Puisque je viens d'évoquer l'Union européenne, je souhaite également attirer votre attention sur la question des 150 000 hectares plantés de façon illicite en Espagne, en Italie, en Grèce et peut-être même en France, m'a-t-on soufflé.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L'Union européenne va-t-elle demander leur arrachage ?

Pouvez-vous m'apporter toutes précisions sur ce dossier ? Et, dans la mesure où ces arrachages ne seraient pas encore effectifs - permettez-moi de sourire ! -, peut-être serions nous bien inspirés de demander aux instances européennes d'envoyer à la chaudière les quelque 10 millions d'hectolitres qui sont produits à partir de cépages plantés illicitement. Ce sont autant d'excédents qui libèreraient le marché européen !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Toujours à propos de l'Union européenne, nous souhaitons en appeler à la plus grande vigilance sur la toute prochaine réforme de l'organisation commune du marché du vin, ou OCM vin.

L'accent doit être mis sur plusieurs points fondamentaux, notamment sur une OCM spécifique, un budget substantiel, de l'ordre de 1, 5 milliard d'euros, le refus du découplage, la coresponsabilité, la verticalité, le lien avec le développement rural et le rôle des organisations de producteurs.

Il doit également être mis sur des financements qui doivent servir au développement des marchés, à des actions collectives de promotion et d'information sur le vin ou à des actions collectives sur les marchés, notamment à l'export.

N'oublions pas l'arrachage temporaire, avec la possibilité de cession des droits en fin de période.

Enfin, l'évolution du marché des biocarburants mérite aussi d'être examinée.

Permettez-moi de revenir sur le volet structurel des mesures d'application de la stratégie nationale et de la réforme de la viticulture, sur lesquelles je ne m'étendrai pas aussi longtemps. Non que je les juge inintéressantes : comment le pourrais-je d'ailleurs, alors que, depuis 2002, nous ne cessons de proposer des mesures souvent identiques ?

Sur ce volet, je vous renvoie, une fois encore, à notre rapport n° 349 sur l'avenir de la viticulture française. Je regrette d'ailleurs que l'on ait perdu tant de temps.

Permettez-moi tout de même de faire une remarque : je n'ai rien vu, dans votre projet, sur la relance de la consommation intérieure. Or vous savez que, d'année en année, le nombre de non-consommateurs et de consommateurs occasionnels de vin s'accroît, tandis que le nombre de consommateurs réguliers régresse. Aujourd'hui, ces derniers ne sont plus que 21 %.

Faut-il y voir la conséquence de l'évolution des modes de vie ? Certainement ! Faut-il y voir la conséquence d'une certaine diabolisation de ce produit, au travers de campagnes de prévention de l'alcoolisme ? Si celles-ci sont au demeurant fort légitimes, elles se transforment systématiquement en campagnes anti-vin, et ce au mépris de l'article L. 3311-3 du code de la santé publique, que j'avais fait adopter, ici même, voila quelques années, et qui, je le rappelle, interdit dans ce cadre toute discrimination entre les différentes boissons.

Je rappelle également que notre proposition de loi visant à donner un statut spécifique au vin, en le distinguant des alcools durs, comme a su le faire l'Espagne, est toujours sur le bureau du Sénat. Selon les textes en vigueur, elle est en tout point conforme au droit communautaire. Alors, qu'attend-on pour l'inscrire à l'ordre du jour ?

Cependant, je me réjouis que nous ayons pu récemment, ici même, ensemble, assouplir et clarifier la législation en matière de communication et sécuriser la profession. Cela fut fait, d'ailleurs, sans turbulences majeures, ce qui est plutôt rare dans cet hémicycle sur un tel sujet.

Avant de conclure, je vous poserai une ultime question, monsieur le ministre. Lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, vous aviez, à l'occasion de l'examen d'un amendement que j'avais déposé sur les biocarburants, pris l'engagement de réunir « un groupe de travail auquel seraient associés tous ceux qui le souhaitent et dont les travaux déboucheraient sur des mesures concrètes ». Cela figure au Journal officiel du 7 novembre 2005, page 6679. Il s'agissait d'étudier la valorisation du développement du bioéthanol à travers cette filière, ainsi que la question de l'éthanol.

Près de six mois ont passé. Vous êtes donc certainement en mesure aujourd'hui de nous annoncer une date. Comptez-vous tenir cet engagement ?

En conclusion, notre viticulture, je l'affirme ici même, encore une fois, a les moyens de ses ambitions. La diversité et la complémentarité de ses productions, ainsi que l'image d'authenticité qui est la sienne, comptent parmi ses meilleurs atouts. Notre profession a su se mobiliser, se moderniser et conjuguer futurisme et tradition pour relever les défis.

Il suffirait maintenant que le Gouvernement mesure pleinement le rôle de ce secteur d'activité sur l'économie du pays - je rappelle que, à l'exportation, il représente près de 6 milliards d'euros, soit l'équivalent de cinq cents rames de TGV - et se décide à aider cette filière de manière plus importante qu'il ne l'a fait jusqu'à présent. Cela, monsieur le ministre, est-il dans vos intentions ? Vous en donnera-t-on véritablement les moyens ? Là est toute la question.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant qu'élu de la ville d'Avignon, capitale des côtes du Rhône, et sénateur d'un département, le Vaucluse, sur le territoire duquel se trouvent des appellations d'origine contrôlée aussi renommées que les côtes-du-Rhône, mais également les côtes-du-Ventoux et les côtes-du-Luberon, sans oublier les célèbres vins de Châteauneuf-du-Pape, il était logique que j'intervienne.

Je me réjouis que notre collègue Gérard César ait suscité ce débat et je tiens à l'en remercier.

Il est vrai que de nombreux viticulteurs de notre département, comme des autres zones de production de notre pays, se trouvent dans une situation de détresse, confrontés qu'ils sont à une crise sans précédent. Malgré tous les efforts consentis par les vignerons vauclusiens pour améliorer la qualité et adapter le volume de vin produit à la demande - il est vrai, monsieur le ministre, que toutes les régions concernées par de telles difficultés n'ont pas réalisé ces efforts, mais je ne dénoncerai personne ! -, le marché tarde effectivement à repartir.

Au regard de l'importance économique de cette activité dans un département tel que le Vaucluse, il apparaît nécessaire que nous nous mobilisions tous pour soutenir nos vignerons, d'autant plus que la vallée du Rhône a démontré sa capacité à prendre toutes ses responsabilités, notamment par sa participation exemplaire à la distillation de crise obtenue pour les AOC en 2005, ou bien encore par sa politique courageuse en matière de diminution des rendements et les interventions efficaces de l'interprofession dans la maîtrise de l'offre.

À ce stade de mon intervention, je reviendrai donc, monsieur le ministre, moi aussi, sur les mesures que vous avez annoncées le 29 mars dernier dans le cadre de votre plan stratégique national pour la viticulture.

J'évoquerai tout d'abord la gestion des marchés par bassin de production, qui constitue l'axe fort de votre plan. Celle-ci peut, me semble-t-il, se révéler positive et déboucher sur une réelle concertation, voire - pourquoi pas ? - sur des synergies entre les différentes catégories de produits - AOC, vins de pays -, à condition, toutefois, d'une part, de bien définir les missions respectives du Conseil national de la viticulture française, de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture, VINIFLHOR, et de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, ce dernier devant conserver la responsabilité exclusive des conditions de production - dont le rendement - et du contrôle de la qualité des AOC, et, d'autre part, de confier aux interprofessions, en favorisant l'émergence d'une seule structure par bassin de production, la concertation préalable, la décision et la mise en oeuvre de toutes les mesures de gestion du marché relatives à ce bassin. Je pense sincèrement que, sans le respect de ces préalables, le succès souhaité ne sera pas au rendez-vous.

S'agissant ensuite du volet relatif à la qualité, si la meilleure maîtrise qualitative des produits, en particulier la réforme de l'agrément, va dans le bon sens, il convient désormais, comme l'a dit Gérard César, de confirmer cette orientation en publiant rapidement les ordonnances prévues dans la loi d'orientation agricole, qui fixeront le cadre réglementaire dans lequel s'inscrira cette réforme, essentielle pour la crédibilité de nos productions, en particulier à l'échelon international.

J'en viens maintenant au volet relatif aux mesures conjoncturelles. Si les 90 millions d'euros d'aides d'urgence aux exploitations en difficulté que vous avez annoncés, monsieur le ministre, mais dont seulement 50 millions d'euros, il faut le rappeler, iront à des aides directes, vont incontestablement dans le bon sens et doivent être salués, cette somme reste cependant insuffisante au regard de la gravité de la crise qui touche toute notre viticulture.

Par exemple, pour les seules côtes-du-Rhône, la perte de chiffre d'affaires annuel due à la crise est supérieure à 2 000 euros par hectare - il est normal qu'elle soit plus importante que pour les vins du Languedoc -, soit plus de 100 millions d'euros au total pour cette seule appellation. Le montant de cette perte doit d'ailleurs être rapproché, comme l'a fait Roland Courteau, de l'enveloppe individuelle accordée aux agriculteurs en difficulté, qui est limitée à 3 000 euros par exploitation sur une période de trois ans !

Concernant le volet relatif aux mesures structurelles, toutes les dispositions qui facilitent l'adéquation entre l'offre et la demande, tant globalement que par catégorie de produits, doivent, bien sûr, être encouragées. Le plan que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, en comporte un certain nombre, c'est vrai. Pour certaines d'entre elles - je pense à celles qui concernent la gestion du potentiel de production et la distillation -, un lien très étroit existe avec la politique communautaire et l'organisation commune du marché. J'estime que la réussite de ce plan passera sans doute par la capacité du Gouvernement à faire intégrer dans la nouvelle OCM vin un maximum de dispositifs de gestion de l'offre absolument nécessaires au bon fonctionnement des bassins mis en place.

Enfin, s'agissant du volet relatif aux aides à l'exportation, là encore, nous devons vous féliciter des objectifs qui ont été fixés, mais nous déplorons que les moyens financiers mis en oeuvre - 12 millions d'euros - manquent pour le moins d'ambition.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Voilà pourquoi il serait souhaitable que les conditions d'accès à ces aides ne relèvent pas, comme cela a déjà été dit, du parcours du combattant, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

... ce qui les rend souvent tout à fait inopérantes.

Il convient également, monsieur le ministre, que les crédits de votre premier plan qui n'auraient pas été consommés viennent abonder ceux du deuxième plan et, enfin, que vous puissiez vous engager, dans le cadre de la réforme de l'OCM, à développer de manière très importante les aides communautaires à l'exportation des vins.

En effet, le temps béni où les viticulteurs français pouvaient produire sans se préoccuper des débouchés a pris fin avec la montée en puissance de pays comme l'Australie, l'Argentine, la Californie, etc. Aujourd'hui, le commerce extérieur français, qui n'avait pas besoin de cela, a perdu l'un de ses plus éminents vecteurs de réussite.

J'ajoute que les exportations de vins français n'ont pas seulement une valeur symbolique, liée à l'image prestigieuse de ce produit fortement attaché à nos terroirs - il est vrai, monsieur le ministre, que, à l'étranger, où que l'on aille, en matière de gastronomie, la France, c'est le vin et le vin, c'est la France -, elles ont également un caractère économique. Les exportations de vins et de spiritueux, les plus importantes en valeur du secteur agroalimentaire, avec 7, 5 milliards d'euros, représentaient en 2004 l'équivalent de la vente de cinquante Airbus A 380 !

Voilà pourquoi nous devons favoriser la mise en oeuvre de stratégies commerciales de développement de nos marchés sur tous les pays étrangers, car la diminution de la consommation de vin dans les pays traditionnellement producteurs, en particulier dans le nôtre, peut être largement compensée par l'augmentation enregistrée dans les pays nouvellement consommateurs, au fur et à mesure que, grâce au tourisme, aux médias comme Internet et la télévision, ainsi qu'à cette mondialisation que nous fustigeons tant par ailleurs, le modèle occidental de consommation gagne du terrain.

Pour terminer, permettez-moi d'évoquer un point qui me tient à coeur et que je considère comme essentiel. Il me semble indispensable de travailler également sur le fonctionnement de la chaîne des intermédiaires, plus ou moins nombreux, qui séparent le producteur du consommateur, en partant d'un constat très simple : lorsque les cours s'effondrent à la production, le consommateur est loin d'en être le principal bénéficiaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Prenons encore une fois l'exemple, que je connais bien, des vins des côtes-du-Rhône : en dix-huit mois, les prix payés aux producteurs, pour le vrac, ont diminué de 40%.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Dans le même temps, le prix de vente moyen au consommateur a diminué, lui, de 4 % seulement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

... soit un rapport de un à dix. Ce n'est pas normal !

La véritable question est de savoir comment briser ce cercle infernal et destructeur. Il faut, tout simplement, me semble-t-il, envisager d'interdire l'achat de certains produits agricoles à un prix inférieur à leur prix de revient. Ce n'est pas facile.

Nous nous battons actuellement, en Vaucluse, pour les fruits ; il s'agit, en effet, du même principe et donc de la même bataille. Il est vrai que nous avons déjà réussi à interdire la revente à perte par la grande distribution, même si cette dernière parvient à contourner allégrement cette interdiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Je crois que nous pourrions nous engager dans cette voie. Il me semble qu'il ne serait pas très difficile, monsieur le ministre, d'établir un prix de revient indicatif pour un type de produit donné puisque, chaque année, l'administration fiscale et la profession s'entendent, pour chaque produit, sur un compte de charges qui sert à l'établissement des revenus des agriculteurs imposés forfaitairement.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments que je tenais à apporter, trop rapidement compte tenu de l'ampleur du sujet, à ce débat. J'espère, comme l'ont dit les précédents intervenants, que celui-ci constituera une contribution intéressante et, si possible, décisive dans la recherche de solutions véritablement pérennes pour, enfin, permettre à la viticulture française de sortir de la crise dont elle souffre.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je me réjouis de ce débat, dont l'initiative revient à notre collègue Gérard César et à quelques autres, qui l'ont ardemment demandé, et que j'avais moi-même souhaité lors d'une question d'actualité.

« Les raisins de la colère » : telle était la manchette des journaux au moment de la présentation du rapport Pomel et à la veille de l'annonce de votre nouveau plan de relance de la viticulture, le deuxième en deux ans, monsieur le ministre.

Au-delà du rappel spectaculaire et racoleur de la crise des années trente aux États-Unis, ces titres ont eu le mérite de faire comprendre à l'opinion publique le drame qui se joue au sein de la filière viticole.

Certes, il existe des régions viticoles prospères, comme la Champagne, et c'est heureux ! De même, je connais en Languedoc des domaines privés et des caves coopératives qui, malgré la pression de la concurrence mondiale, continuent à assurer un revenu correct aux vignerons, mais c'est l'exception.

Désormais, il n'est plus rare de rencontrer des viticulteurs travaillant à perte et survivant, éventuellement, grâce au salaire du conjoint ou au RMI financé par le conseil général. Au préjudice économique qu'ils subissent s'ajoute le sentiment d'une fierté blessée...

Aussi, l'annonce de votre plan de relance devait marquer un sursaut, redonner l'espoir, rassurer les metteurs en marché, orienter - enfin ! - à la hausse le prix d'achat du degré hecto, proposé par le négoce et la grande distribution. Quinze jours après, - et c'est ce qui m'inquiète - je ne perçois pas encore un signe de redressement. Est-ce trop tôt ? Ou bien le message n'était-il pas suffisamment ciblé ou assez fort ?

La réponse participe un peu de toutes ces raisons, sans doute, même si les financements mobilisés par l'État sont loin d'être négligeables.

La principale raison du scepticisme vient de l'incertitude qui règne encore autour de la distillation. Sera-t-elle acceptée par Bruxelles ? Si oui, comment, faute de pouvoir la rendre obligatoire - hélas ! -, lui donner suffisamment d'attractivité, par le prix, pour que chaque bassin de production prenne sa part de cette mesure d'assainissement du marché ? De la réponse dépend la reprise des cours dans l'immédiat.

Suit une déception inattendue : le montant de la préretraite est dérisoire, à peine égal au RMI...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

... et, malgré les promesses qui m'avaient été faites, les conditions d'accès sont tellement restrictives que le nombre de dossiers éligibles risque de rester inférieur à ce qui est souhaitable.

Autre question : l'argent sera-t-il mobilisé en temps et en heure pour financer toutes les mesures de court terme d'aides à la trésorerie et aux exploitations en difficulté, par exemple ?

Nous avons vécu l'incompréhensible retard des versements concernant la reconversion qualitative différée, la RQD, jusqu'à l'avance faite récemment sur le budget de l'État. Il faut, monsieur le ministre, éviter à tout prix que ne se reproduisent ces errements, quels qu'en soient les responsables ! Car, au final, que penseraient les vignerons et les élus s'il s'avérait, au début de 2007, que les financements annoncés aujourd'hui n'ont pas été mis en oeuvre malgré l'urgence des situations individuelles et collectives ?

Pour ce qui concerne le moyen terme, nous sommes dans une plus grande incertitude encore. Qu'allez-vous retenir du rapport Pomel, base de travail intéressante, même si certaines orientations sont contestables, et du rapport transmis par le préfet de région du Languedoc-Roussillon, au terme d'une longue écoute des acteurs professionnels et des élus ? L'idée d'une interprofession unique, dans les régions qui n'en possèdent pas, chemine, et c'est tant mieux ! Comment pensez-vous encourager cette évolution ?

S'agissant de l'entité « comité de bassin de production », désormais unanimement admise, quels seront ses compétences et son pouvoir d'autodiscipline ? Aura-t-elle une base juridique ?

Au niveau national, à quand la mise en place effective du conseil de modération et de prévention ? Comment allez-vous composer le conseil national de la viticulture ? Sera-t-il représentatif ? Sera-t-il pluraliste ? La filière viticole a besoin de toutes ses composantes, y compris de la plus anciennement organisée et qui reste la plus puissante : la coopération.

Au coeur de ces débats, une inconnue demeure : où seront assurés les arbitrages parfois douloureux qu'impose, à tout moment, l'évolution d'une viticulture insérée sur le marché mondial ? Quelles orientations, de surcroît, seront retenues par l'Europe ? La France y aura-t-elle toute sa place, la première encore ?

À ce propos, une question encore secondaire, mais importante et qu'il faudra traiter, se pose : comment réaffecter le foncier vendu rendu vacant par l'arrachage définitif ? Je constate que le plan « biocarburants » fait l'objet d'une mise en cause par le lobby pétrolier qui, malgré des profits considérables, cherche à retarder encore cette réorientation nécessaire et si conforme à l'intérêt général.

Le Languedoc-Roussillon aura-t-il accès aux crédits européens qui conditionnent la viabilité économique de ces productions qui, sur la base du volontariat, donneraient une nouvelle chance à des terres vouées à la jachère ou, pire, à l'urbanisation mal contrôlée ?

Pour conclure, je tiens à vous redire, monsieur le ministre, à quel point m'inquiète le découragement des acteurs de la filière viticole en Languedoc-Roussillon. Vous devez en prendre acte aujourd'hui, car la réussite économique, c'est d'abord une question de psychologie. Comment rebondir si le ressort est cassé ? Comment reconquérir le marché mondial si la volonté collective - et pas seulement dans notre région - fait défaut ?

Il vous appartient, à vous qui représentez le gouvernement de la France, d'effacer les incertitudes, de répondre aux interrogations et d'annoncer une initiative forte, spectaculaire même, pour rassembler la profession. Vous avez fait un premier pas dont nous vous donnons acte volontiers mais, dans le même temps, des vignerons meurent en silence, des collectivités locales sont frappées au coeur, une structuration ancienne de la profession est en voie d'effondrement.

Rassemblons nos efforts et redonnons une chance à la viticulture française, comme nous l'avions souhaité lors de la présentation du rapport devant le Sénat.

Pour cela, il faut un engagement plus net, plus volontariste du Gouvernement. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous-même et, au-delà, M. le Premier ministre, saurez très vite donner ce signal.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de la viticulture ne date pas d'hier, puisque, depuis 2000, les cours ne cessent de chuter.

Derrière une profession touchée au coeur, même si la crise connaît des différences d'intensité selon les régions et les produits, se cachent des hommes et des femmes, des familles, qui souffrent et se révoltent, à juste titre.

Ils aiment leur métier, ils s'accrochent à leurs terres, à leurs vignes, ils ont une grande dignité. Ce n'est que quand ils n'ont plus le choix qu'ils se résignent à solliciter, par centaines, le RMI pour survivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Le 15 février dernier, par milliers, ils ont défilé à Narbonne, à Béziers, à Nîmes, à Avignon et à Bordeaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Endettés par la chute des cours, les vignerons l'« ont mauvaise », en particulier dans le Languedoc-Roussillon, où, après avoir arraché des milliers d'hectares et amélioré la qualité des vins produits, c'est encore à eux qu'il est demandé de nouveaux efforts.

Quelle est la nature de cette crise profonde ?

Elle tient, d'abord, aux débouchés intérieurs et extérieurs.

Sur le plan intérieur, la consommation, qui est d'environ 34 millions d'hectolitres, baisse continuellement, à la fois pour des raisons d'évolution du goût, des modes de vie, des modèles médiatiques, mais aussi pour des raisons de prix, car, si le vin est très souvent mal payé aux producteurs, il est revendu au prix fort par la grande distribution, qui assure 75 % de la revente aux ménages.

Les débouchés extérieurs, à savoir l'exportation, se situent autour de 15 millions d'hectolitres et sont désormais concurrencés par les vins dits du « nouveau monde » -Californie, Australie, Chili, Afrique du Sud, Argentine - qui, eux aussi, connaissent actuellement une crise des débouchés au plan mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

D'un côté, 34 millions et 15 millions d'hectolitres, soit 49 millions d'hectolitres, et, de l'autre, une production nationale moyenne de 55 millions d'hectolitres et 5 millions d'hectolitres d'importations, soit 60 millions d'hectolitres. La crise des débouchés concerne donc environ 10 millions d'hectolitres.

Les espoirs de la profession portent sur un regain crédible de la consommation nationale, mais surtout sur la relance de l'exportation, relance qui nécessite une véritable révolution culturelle vinicole, aujourd'hui au milieu du gué, afin de répondre à la demande des pays non producteurs en particulier.

Cette relance appelle des aides beaucoup plus importantes de la part de l'État pour conquérir les nouveaux marchés.

L'adaptation de la viticulture française aux nouveaux enjeux mondiaux nécessite encore quelques années, et c'est pour franchir ce cap que les vignerons demandent des aides au Gouvernement et à l'Europe.

Parmi les handicaps inhérents à la viticulture française, nos collègues Gérard Delfau et Gérard César en pointaient cinq, en 2001 et 2002, dans leur rapport : une attention insuffisante portée à la qualité du produit vin ; une offre peu lisible pour le consommateur, caractérisée par 450 appellations, 127 dénominations, 650 vins de pays ; une communication insuffisante, équivalant au quart des investissements des eaux minérales ; un manque global de compétitivité face à la structuration offensive des nouveaux pays producteurs ; une prise en compte environnementale insuffisante, car il est vrai que la profession est grande consommatrice de produits de traitement portant atteinte au milieu naturel.

Tout cela, la profession l'a bien compris et subit de plein fouet les effets de la mondialisation. S'adapter sans perdre son âme, en maintenant le potentiel de production et les hommes qui sont le gage de la vie et de l'aménagement de nos territoires, telle est l'équation à résoudre dans les meilleurs délais. Accompagner les effets de la mondialisation, ou s'y plier, risque de conduire des milliers de viticulteurs à la faillite et de laisser des dizaines de millions d'hectares à la friche, car, très souvent, ces terres ne peuvent produire que de la vigne.

Il convient donc de contrer cette mondialisation, où concurrence sauvage et anéantissement de l'autre sont les maîtres mots.

Le rapport sénatorial consacré à l'avenir de la viticulture française avançait cinq axes de préconisations au regard des constats et handicaps précités.

Le premier axe, intitulé « investir largement dans la qualité », invitait à poursuivre la restructuration du vignoble, à maîtriser les rendements, à diffuser les bonnes pratiques culturales et à réformer l'agrément des vins.

Le deuxième axe visait à rendre « l'offre plus lisible et plus visible » en réclamant les catégories et en améliorant l'étiquetage.

Le troisième axe mettait « le consommateur au centre des préoccupations », afin de passer d'une culture de l'offre à une culture de la demande en produisant le vin qu'il souhaite.

Le quatrième axe prévoyait un « accompagnement par une politique viticole adaptée » et préconisait la distillation obligatoire de crise, la répartition par état du contingent ouvert au titre de la distillation d'alcool de bouche et un régime d'arrachage temporaire.

Enfin, le cinquième axe évoquait le sujet très controversé de « vin et santé » et de la diffusion des acquis scientifiques dans le cadre d'une consommation modérée de vin. Sans vouloir jouer les provocateurs, je rappellerai que, d'après Pasteur, « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons »...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Toutes ces propositions sont nécessaires, mais elles ont un coût que la profession ne peut à elle seule supporter, particulièrement en cette période de chute des cours et de nécessaire gestion des excédents, qui atteignent 11 millions d'hectolitres.

Certes, chaque année, l'État apporte des aides pour adapter la viticulture française au marché mondial, mais ces aides semblent très insuffisantes au regard des besoins. Les 90 millions d'euros proposés par votre ministère, monsieur Bussereau, pourrait, selon M. Jean Huillet, le président de la Confédération nationale des vins de pays, servir à financer la distillation des 11 millions d'hectolitres en excédent, ce qui montre qu'ils ne sont pas suffisants. Les aides à la promotion venant de l'État, soit 12 millions d'euros, sont, quant à elles, équivalentes à ce qu'apporte la seule région Languedoc-Roussillon.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

Et les règles européennes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

L'urgence, désormais, semble être de réunir les producteurs dans ce que nous pourrions appeler un « Grenelle de la viticulture », afin de faire valoir la notion même de l'intérêt national.

La question des prix pratiqués doit être débattue, la vente à perte interdite et la grande distribution mise au pied du mur face à ses pratiques assassines pour la profession.

Les enchères inverses pratiquées par le hard discount doivent être interdites.

Le tarif de distillation doit être revu à la hausse : aujourd'hui fixé à 1, 91 euro, le degré hectolitre a été payé 4 euros dans le passé. Une fourchette de 3 à 4 euros pourrait apporter satisfaction.

Les banques peuvent être mises à contribution. Elles regorgent d'argent et doivent assurer deux années blanches pour le remboursement des emprunts.

L'État doit s'engager clairement vers un moratoire sur les dettes sociales et fiscales des vignerons afin de les aider à passer ce cap.

L'interprofession unique, souhaitée par tous, me semble-t-il, pourrait jouer un rôle efficace sur le marché et contrer les abus du négoce. Elle pourrait également instaurer une solidarité de la filière en direction des bassins de production les plus fragiles et les plus touchés.

L'esprit coopératif peut également être encouragé, tant il est enraciné dans cette profession, afin de mettre l'homme au centre des préoccupations et de contrer certaines tentations individualistes et égoïstes.

La pratique de l'ajout de copeaux et celle de la désalcoolisation, qui vise à abaisser le pourcentage alcoolique des vins, doivent être débattues au sein de la profession et des grandes régions productrices, voire expérimentées, sans contrainte pour ceux qui ne le souhaitent pas.

Unie, solidaire, aidée par le Gouvernement français et l'Europe, la viticulture française pourrait encore croire en l'avenir mais, pour l'instant, il est urgent de la réunir et de l'aider à passer ce cap.

Les vins de qualité sont de véritables ambassadeurs de la culture française ; la froideur du négoce et la course à la valeur ajoutée portent atteinte à cette image. Il ne faut pas confier la gestion de la crise au monde du négoce, monsieur le ministre : ce serait la mort des vignerons et de leurs territoires.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je représente un petit département, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

...mais le vignoble y est très présent.

Mme Dini et moi-même sommes, avec d'autres collègues, élus du département du Rhône, qui réunit les vignobles de Côte-Rôtie, de Condrieu, des coteaux du Lyonnais et du Beaujolais, d'où sont issus des vins qui sont assurément parmi les meilleurs au monde. Nous connaissons néanmoins, comme partout, la crise vitivinicole.

Beaucoup a été dit ; je n'ajouterai que quelques mots.

Il est vrai que la crise est grave. Il s'agit d'abord d'une crise humaine : notre département compte plus de cent viticulteurs allocataires du RMI. Nous avons naturellement dû outrepasser les règlements : ces viticulteurs n'auraient pas eu droit au RMI, en principe, mais comme ils n'ont pas de revenu, il fallait bien qu'ils aient accès à ce revenu minimum. Ce chiffre montre bien la gravité de la situation.

La viticulture française dans son ensemble se trouve face à un marché qui est d'abord mondial : la production est mondiale, la consommation est mondiale. Il faut donc désormais nous placer dans cette perspective.

Je pourrais naturellement vous dire que vous avez fait beaucoup, monsieur le ministre, mais que cela reste insuffisant, que davantage de moyens sont nécessaires car il en manque et il en manquera toujours.

Notre département vient de voter une aide de 10, 5 millions d'euros, destinée aux viticulteurs du Beaujolais. Cette aide vient s'ajouter à celles de l'Union européenne, de l'État et de l'interprofession. En outre - M. César l'a rappelé tout à l'heure - vous avez bien voulu que l'État garantisse un prêt très utile et symboliquement nécessaire. Nous désirons mettre en place d'autres aides et vous en demander de nouvelles, monsieur le ministre, afin de faire évoluer la situation.

S'il ne s'agit simplement que d'apporter de nouvelles aides alors que l'on conserve le même système, que l'on agit de la même manière, soyons certains que notre collègue M. César pourra chaque année poser la même question, que nous tiendrons des propos semblables et que nous connaîtrons des problèmes identiques !

Il est grand temps d'agir, monsieur le ministre, et c'est sur ce point que j'aimerais vous interroger : que pensez-vous faire quant à la gouvernance du monde vitivinicole ? Il s'agit d'un problème extrêmement compliqué. Je suis beaucoup moins spécialiste de cette question que mes collègues, quoique je fréquente ce monde depuis fort longtemps.

La situation actuelle correspond à un état antérieur ; il est grand temps de réorganiser différemment la segmentation de la production, afin de pouvoir véritablement affronter un nouveau type de marché.

Mettre en place une nouvelle gouvernance, c'est aussi produire un vin attendu par le consommateur mondial, qui n'est plus un spécialiste de tel ou tel terroir, mais qui attend un vin de qualité qu'il reconnaîtra et qu'il suivra. Quelles nouvelles armes pouvez-vous donner pour attaquer un tel marché ?

Il est d'abord nécessaire de régler l'ensemble des problèmes sociaux et humains qui se posent.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Courrière

J'approuve simplement tous ceux qui défendent la viticulture !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

À cet égard, l'arrachage ne représentera jamais pour le viticulteur une solution plaisante, mais elle est obligatoire. Nous avons choisi, dans le Rhône, de veiller à ce qu'à chaque hectare arraché corresponde une somme minimum de 10 000 euros, provenant tant de l'Union européenne que de l'interprofession et du département. Cette somme nous semble, en effet, susceptible d'inciter à l'arrachage.

Il est également nécessaire de régler le problème des départs accélérés en préretraite. Il revêt une grande importance, aussi bien psychologiquement que financièrement.

La question de la distillation se pose immédiatement : elle doit être résolue si nous voulons aborder la saison prochaine dans les meilleures conditions. Certains viticulteurs de notre département stockent des vins dans leurs caves depuis trois ou quatre ans : cela ne peut pas continuer. La distillation est donc nécessaire ; elle permettra de changer la donne.

Mais, ensuite, il faut regarder devant nous et nous poser la question de la réorganisation du marché et de la production. Nous devons nous demander s'il convient de conserver un système qui fut autrefois efficace, qui a permis à la viticulture française de conquérir le marché national, mais qui ne permet pas d'attaquer du bon pied le marché mondial.

Nous attendons donc, monsieur le ministre, que vous nous fassiez connaître les suites que vous entendez donner au rapport que vous avez demandé, ainsi qu'aux premières idées que vous avez vous-même exprimées, afin que la situation se modifie dès la prochaine campagne. Nous aimerions savoir comment vous concevez une gouvernance de la viticulture dans notre pays qui permette de faire face à la crise que nous connaissons.

Essayons de régler les problèmes sociaux et humains afin que la viticulture française puisse attaquer ce nouveau marché unique, en réformant la production, l'organisation du marché et la gouvernance.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Vidal

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des siècles, le vin est un symbole de la civilisation occidentale, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Vidal

...et les enjeux autour de sa production et de sa consommation n'ont jamais été aussi déterminants.

La viticulture française demeure, en effet, un fleuron de notre économie agro-alimentaire et constitue une référence au niveau mondial, tant pour la qualité que pour la typicité de ses produits.

Aujourd'hui, toutefois, face à une globalisation des marchés et devant l'arrivée de nouveaux pays producteurs, la position dominante de la France dans ce secteur se trouve fort fragilisée. Alors que, par nature, le vin est un produit fédérateur, il attise désormais des conflits qu'il faut trancher au plus juste et dans le respect de la tradition.

Si, depuis quelques années, un certain nombre d'indicateurs témoignent des difficultés de la viticulture - diminution des exportations, baisse de la consommation, concurrence accrue -, on constate que les mesures prises jusqu'à aujourd'hui n'ont pas produit les effets escomptés.

C'est pourquoi, après avoir exposé les principales raisons de la crise viticole française, il me semble intéressant de procéder à une analyse du plan de restructuration proposé par le Gouvernement et d'apporter quelques pistes de réflexion qu'il conviendrait d'étudier pour qu'une nouvelle politique de la filière viticole soit enfin mise en place, et ce dans les meilleurs délais.

Déterminer les causes de cette crise nous oblige à examiner l'évolution des structures viticoles au fil des années, et plus particulièrement celle des caves coopératives. Leur émergence répondait à une logique économique du début du XXe siècle, qui consistait à mutualiser les moyens pour permettre aux petits et moyens propriétaires de s'organiser face aux circuits de distribution.

Actuellement, en Languedoc-Roussillon, ces caves vinifient près de 75 % des récoltes enregistrées : c'est dire le rôle fondamental qu'elles jouent, tant dans la production et la commercialisation de nouveaux vins que dans la reconversion du vignoble.

Parallèlement à ces structures, les caves particulières ont su trouver leur place et créer, précisons-le, une saine émulation en poussant l'ensemble des acteurs de la filière à se remettre en question et à s'engager dans une démarche de qualité.

Le développement de ces caves particulières a permis de diversifier l'offre qui était faite au consommateur et, par là même, de repenser la politique conduite par les caves coopératives, qui avaient parfois fait preuve, jusqu'au début des années 1980, d'un certain conservatisme et d'une tendance excessive au « localisme ».

La progression du vignoble mondial, notamment en Australie, au Chili, en Argentine, en Afrique du Sud, en Californie, etc, est venue accentuer les difficultés de la profession. En effet, alors que le vignoble français se restructure, la diminution de la consommation intérieure et le tassement des exportations se traduisent par une augmentation des stocks et une érosion des cours qui conduisent à une grave dégradation des revenus des viticulteurs.

Les mesures prises en faveur de la distillation ne répondent qu'à une situation d'urgence et ne règlent en rien les problèmes récurrents de la viticulture d'autant que, lors des quarante dernières années, la consommation de vin a subi de profondes modifications, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif.

La consommation de vin en France est passée de 100 litres par an et par personne au début des années 1960 à 55 litres lors de la campagne 2003-2004. Par ailleurs, le goût du consommateur a évolué ; ce dernier préfère, d'une façon générale, des vins plus légers. Il est donc nécessaire et urgent de s'adapter à cette réalité.

Observons encore, pour le déplorer, que la tarification exorbitante qui est appliquée dans la restauration équivaut à un coefficient multiplicateur de 3, voire 4, qui porte le prix de la bouteille de 75 centilitres à un montant souvent supérieur au prix d'un menu de qualité, ce qui n'est pas de nature à favoriser la consommation.

Enfin, la politique de lutte contre l'insécurité routière mise en place par les ministres de l'équipement et de l'intérieur a également contribué au changement des habitudes du consommateur.

Plus encore que les années précédentes, 2005 reste une année noire. Aujourd'hui, cette crise ne touche plus uniquement les caves coopératives, mais elle atteint aussi - et c'est un élément nouveau - quelques caves particulières. Des plans d'arrachage sont programmés, des viticulteurs voient leur revenu s'effondrer, ce qui conduit certains d'entre eux à déposer des dossiers de demande de RMI. Le manque de perspectives de la profession est tel que nombre de viticulteurs envisagent l'abandon définitif de leur exploitation.

Au-delà de l'application des mesures d'urgence, un nouveau mode d'organisation de la filière est envisagé, notamment au travers des bassins de production. Au nombre de dix, ils devraient être le lieu privilégié de l'expression d'une stratégie de dialogue et de concertation entre les partenaires de la filière représentés dans chacun d'eux.

Si le préfet Bernard Pomel appelle de ses voeux « une nouvelle révolution viticole », il faut désormais donner à ces bassins une réalité administrative et professionnelle. Le Conseil national de la viticulture devra coordonner et arbitrer les politiques des bassins, afin que les spécificités et les enjeux de chacun puissent être exprimés.

La nécessité de redonner confiance aux acteurs de cette filière est un élément qu'il ne faudrait pas aujourd'hui mésestimer. Je pense, d'ailleurs, qu'il serait judicieux d'associer étroitement à cette démarche une institution comme Agropolis, pôle de recherche aux multiples compétences, implanté à Montpellier et reconnu au niveau international.

Mieux organiser l'offre pour mieux répondre à la demande, tel est l'objectif auquel nous devons nous attacher. Je voudrais m'arrêter un instant sur la nécessité, pour ce faire, de favoriser la mise en place de partenariats, outils d'une gestion efficace de l'espace viticole.

Dans cette optique, il me paraît opportun de reconsidérer simultanément le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, et du Crédit agricole en ce qui concerne leurs missions premières et principales.

Les SAFER sont au coeur des problématiques rurales depuis plus de quarante ans. À l'origine, le législateur leur avait confié la tâche de maintenir un espace agricole dynamique, vital pour notre société.

Afin de respecter les nouveaux enjeux, leurs missions ont évolué, pour intégrer désormais une dimension environnementale, le développement local et l'aménagement de l'espace agricole, tout en assurant la transparence du marché foncier rural.

Leur compétence et leur savoir-faire en matière d'aménagement foncier agricole pourraient se révéler être un atout de premier choix, dans la mesure où la volonté politique est clairement affirmée.

En effet, l'élaboration d'une stratégie commune à tous les organismes professionnels concernés permettrait à la nouvelle génération de viticulteurs de restructurer et de développer leurs exploitations dans des conditions optimales. Pour ce faire, la mise en réseau des connaissances et des compétences entre les SAFER et certains organismes associés, comme les agences foncières ou les observatoires fonciers régionaux, permettrait de conduire une politique commune de gestion de l'espace rural et de réguler le marché en luttant contre la spéculation immobilière. Cela est extrêmement urgent, notamment en Languedoc-Roussillon.

En ce sens, une participation renforcée des SAFER devrait être encouragée, pour que les jeunes viticulteurs puissent procéder à des remembrements réalistes et développer normalement leur activité.

En outre, si l'on peut penser que le Crédit agricole a tout son rôle à jouer dans cette démarche, il est néanmoins légitime de s'interroger sur une évolution au terme de laquelle la notion de rentabilité semble avoir primé sur le sens de la relation humaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Vidal

En effet, cette banque, « championne des profits bancaires », comme le titrait le quotidien économique et financier La Tribune le 9 mars dernier, affiche un résultat net de 5, 98 milliards d'euros pour 2005, et préfère désormais orienter son activité vers une expansion internationale, en faisant passer au second plan son soutien à l'agriculture française.

Au regard de l'évolution de sa structure et de son activité, cet organisme, qui s'appelait à l'origine le « Crédit agricole mutuel », a déjà perdu la notion de mutualisme, hélas ! On peut dès lors se demander quelles sont désormais ses missions spécifiques à l'égard des populations agricoles, et notamment viticoles, puisque, reniant ses origines, il préfère se tourner vers une autre clientèle, au lieu de soutenir la mise en place d'un plan dynamique de restructuration et de soutien aux jeunes viticulteurs.

Vous n'êtes pas, mes chers collègues, sans connaître les difficultés auxquelles se heurtent les jeunes agriculteurs lors de leur installation. Aussi les SAFER et le Crédit agricole devraient-ils avoir un rôle important à jouer dans la démarche actuelle qui vise à favoriser un réel partenariat entre les acteurs de la filière, en faisant évoluer rapidement la composition de leurs conseils d'administration respectifs.

Enfin, un autre volet à prendre en considération concerne la commercialisation et la communication sur les produits, tant à l'exportation que sur le marché national, auxquelles il faudra consacrer des moyens financiers importants.

Sur ce point, reconnaissons-le, la France a reconsidéré sa stratégie, mais des progrès restent à accomplir. Ainsi, la majeure partie de la production viticole française passe par les circuits de la grande distribution, qui, comme pour d'autres filières agricoles, impose en matière de prix des conditions extrêmement contraignantes, sans pour autant assurer une juste mise en valeur du produit dans les linéaires de ses magasins.

Devant la multiplicité de l'offre, il est aisé, pour les grandes enseignes de la distribution, qui possèdent de puissantes centrales d'achat, d'imposer une politique tarifaire qui ne reflète pas la réalité des coûts de production et ne permet pas aux acteurs de la filière de bénéficier d'une rémunération de leur travail à la hauteur des efforts réalisés.

Favoriser des regroupements et des partenariats entre les producteurs et les négociants constitue un axe de réflexion, réflexion qu'il faudra mener à son terme. Cette démarche doit incontestablement s'accompagner d'une refonte totale des appellations, qu'il s'agisse des AOC ou des vins de pays, au travers d'une simplification et d'une plus grande transparence des procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine.

Sur les marchés internationaux, la situation est toujours délicate. L'arrivée de produits viticoles issus des pays du nouveau monde vient également fragiliser la filière. La baisse des exportations des vins français, qui se confirme année après année, trouve en partie ses origines dans la percée spectaculaire que certains nouveaux pays producteurs ont réussie sur ces marchés. Ils proposent des vins de qualité, facilement identifiables par les consommateurs, et dont la constance qualitative est garantie par une marque.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Vidal

Cette démarche permet une meilleure visibilité et une plus grande lisibilité de ces produits pour le consommateur. Les structures d'exportation qui ont été créées dans ces pays sont garantes d'une unité de la communication à l'international, or, dans un univers fortement concurrentiel, sur un marché mondialisé, le vecteur de la communication prend toute son importance. C'est pourquoi des mesures doivent être prises pour encourager et favoriser l'adaptation des produits viticoles aux marchés internationaux, afin de restaurer le dynamisme de ce secteur agroalimentaire. La France, hélas ! est très en retard dans ce domaine.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était de mon devoir de vous faire part de mes réflexions et de formuler quelques suggestions, en émettant le voeu que, rapidement, les orientations, certes perfectibles, de ce plan soient mises en oeuvre avec des moyens financiers importants sur plusieurs exercices, afin de permettre à notre viticulture de sortir de cette crise de manière durable. Il convient qu'ensemble nous apportions notre soutien déterminé aux acteurs de cette filière dans le processus de restructuration annoncé.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier M. Gérard César d'avoir déposé cette question orale avec débat sur la crise de la filière viticole française, thème qui est cruellement d'actualité depuis plusieurs années déjà.

Il devient impératif d'agir, car notre pays perd de plus en plus de parts de marché, et aux problèmes économiques s'ajoutent désormais de vrais drames humains. À ce titre, monsieur le ministre, je me réjouis de la remise, voilà quelques jours, du rapport rédigé par le préfet Bernard Pomel et intitulé Réussir l'avenir de la viticulture de France. J'approuve sans réserve la plupart des propositions qu'il contient et je vous félicite du courage dont vous faites preuve sur ce sujet délicat. Ce courage, vos prédécesseurs ne l'avaient pas ; or, dois-je le rappeler, aucune crise ne se résout en l'occultant.

N'étant pas élu d'une région viticole, rien ne me prédisposait à me pencher sur cette question, si ce n'est le fait que M. Jean-Pierre Raffarin m'avait confié une mission sur les signes de qualité et leur promotion à l'échelon des négociations internationales, telles que celles qui se déroulent au sein de l'OMC. En abordant ce sujet, je ne pouvais passer sous silence la nécessaire évolution de la filière vitivinicole française. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir permis de remettre à M. le Premier ministre, Dominique de Villepin, les conclusions de mes travaux, le 21 février 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ces conclusions sont presque identiques à celles du rapport du préfet Pomel, et j'ai reconnu nombre des propositions contenues dans la stratégie nationale que vous avez présentée à la presse le 29 mars dernier. Tout semble concorder désormais pour que nous puissions envisager, dans la plus grande rationalité, l'évolution de la filière, au travers, je l'espère, d'un véritable consensus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le rapport Pomel montre qu'il faut d'abord se réformer avant de reconquérir les parts de marché perdues à l'extérieur. Aujourd'hui, notre position est affaiblie dans les discussions multilatérales et bilatérales. Les négociations sur les indications géographiques, notamment viticoles, sont au point mort au sein de l'OMC, et l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne sur le vin, signé le 10 mars 2006 à Londres, mérite un examen attentif. C'est surtout sur ce point que portera mon intervention.

Certes, il faut défendre notre « modèle viticole » devant l'invasion des vins du nouveau monde, mais comment faire alors que ce modèle est illisible pour la majorité des consommateurs, français et européens ?

Je crois qu'il faut distinguer deux catégories de vins, relevant les uns d'un marketing de l'offre, les autres d'un marketing de la demande.

Le marketing de l'offre, c'est ce que nous connaissons actuellement, à savoir une politique de qualité exigeante, authentifiée par les AOC.

Le marketing de la demande vise à proposer des vins répondant aux attentes du consommateur. C'est la stratégie adoptée par les producteurs de vins du nouveau monde, avec le succès que l'on sait.

Cette distinction entre catégories de vins, le rapport Pomel prévoit sa mise en oeuvre. Dans cette optique, les indications géographiques doivent retenir toute notre attention. Aujourd'hui, notre offre est beaucoup trop complexe, avec 450 AOC et 140 vins de pays. À cela s'ajoutent les mentions sur les étiquettes, telles que celles des cépages, des méthodes, des châteaux, etc. La diversité de notre offre, loin de nous servir, rebute nombre de consommateurs. Notre politique de qualité viticole a, en fin de compte, perdu de sa crédibilité au fil du temps. La notion d'AOC est devenue excessivement compliquée et totalement illisible.

Il faudrait non pas abandonner cette politique, bien sûr, mais la réorganiser, pour lui redonner crédibilité et lisibilité. Cela doit passer par la gestion de la filière au sein de grands bassins de production.

En outre, les pratiques oenologiques devraient être adaptées en fonction de la catégorie des vins considérés. Dans cette perspective, les producteurs de vins de pays auraient le droit d'employer des méthodes aujourd'hui interdites, telles l'utilisation de copeaux ou les techniques de désalcoolisation. A contrario, les vins produits sous AOC seraient soumis à des règles strictes de qualité, telles que nous les connaissons actuellement.

Ce sont là certaines des conclusions du rapport Pomel. Je les approuve sans détour, car consolider notre système d'indications géographiques, c'est se donner les moyens de le défendre et de le promouvoir à l'extérieur. Les négociations sur les indications géographiques relèvent du cycle de Doha. L'accord dit « ADPIC » sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce prévoit des modalités spécifiques pour le vin.

Par ailleurs, la Commission européenne doit engager un second cycle de négociations bilatérales avec les États-Unis sur la question viticole. Le premier cycle de ces négociations s'est achevé par la signature, le 10 mars 2006 à Londres, d'un premier accord.

La délégation pour l'Union européenne du Sénat, comme d'ailleurs son homologue de l'Assemblée nationale, a souligné le caractère controversé de cet accord, conclu, en quelque sorte, sous la menace. En effet, la législation américaine impose désormais que tous les vins en provenance d'un pays n'ayant pas signé un accord bilatéral avec les États-Unis soient certifiés. En pratique, cela signifiait une perte de parts de marché significative, alors que les États-Unis restent le premier débouché pour la viticulture européenne, à hauteur de 40 % de nos exportations, ce qui représente quelque 2 milliards de dollars.

Controversé, déséquilibré, cet accord résulte surtout d'un rapport de force. Cependant, comme le remarque la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, il doit malgré tout être défendu, car c'est la solution la moins pénalisante dans la situation actuelle. Je pense qu'il faut avoir le courage politique de le dire. La Commission a reconnu certaines pratiques oenologiques américaines, aujourd'hui interdites sur le territoire européen ; en contrepartie, les États-Unis s'engagent à faire évoluer le statut des appellations dites « semi- génériques ». J'y reviendrai.

En ce qui concerne les pratiques oenologiques, doit-on s'inquiéter des concessions de la Commission européenne, alors que l'organisation commune des marchés « vin » n'a pas encore été revue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je ne le crois pas, car ces pratiques finiront par s'imposer à une partie de la production européenne, c'est-à-dire aux vins relevant du marketing de la demande et correspondant, en fait, aux goûts et donc aux souhaits du consommateur.

Par conséquent, il me semble que la Commission peut être souple sur ce point des négociations, pour concentrer son effort sur la question des appellations « semi-génériques ». Aux États-Unis, ces appellations sont considérées comme étant dans le domaine public. Ainsi, n'importe quel producteur peut utiliser les termes « champagne », « chablis » ou « sauternes », même pour un vin de bas de gamme. Pour les vins européens, le coût de ce préjudice en termes d'image est estimé à près de un million de dollars chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Selon l'accord ADPIC, les pays signataires doivent empêcher l'utilisation d'une indication géographique viticole lorsque le vin ne provient pas du lieu spécifié.

Cette règle aurait été parfaite si elle n'avait été assortie de deux exceptions : d'abord, elle ne s'applique pas lorsqu'une indication est devenue un nom commun ou générique ; ensuite, l'accord prévoit la « clause du grand-père », selon laquelle une indication utilisée de bonne foi dans un pays depuis plus de dix ans avant la signature de l'accord ADPIC, intervenue en 1994, pourra continuer à y être employée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Contre cette « clause du grand-père », la Commission avait mené une politique d'accords bilatéraux, dits « ADPIC-Plus », visant à faire renoncer à l'utilisation de ces indications au cas par cas. Cette politique a bien fonctionné jusqu'à présent, par exemple en Australie. Certes, l'accord avec les États-Unis prévoit de « restreindre l'utilisation de ces indications sur les étiquettes des seuls vins originaires de la Communauté ».

Hélas ! une deuxième phase prévoit une clause équivalente à celle qui est dite « du grand-père », reposant non pas sur l'antériorité d'utilisation, mais sur l'obtention, avant la signature de l'accord bilatéral, d'une certification of label approval. Cela concerne, par exemple, l'appellation « champagne ».

Si nous voulons promouvoir des vins de qualité, relevant du marketing de l'offre, nous ne pouvons accepter qu'une telle dérogation soit accordée aux États-Unis. Il faut toutefois souligner que les États-Unis ont reconnu que certaines indications ne pouvaient être utilisées que pour des vins provenant du lieu en question. Une annexe recensant les indications géographiques européennes concernées a été établie.

On le voit, sur la question des indications géographiques, l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne est donc en demi-teinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Surtout, et cela sera mon dernier point, on peut se demander s'il ne va pas à l'encontre du mandat de négociation de la Commission européenne à l'OMC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Dans le cadre du cycle de Doha, les États membres de l'OMC doivent négocier sur l'établissement d'un « registre multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins ». L'Union européenne milite pour que ce registre soit juridiquement contraignant. Il constituerait une protection uniforme de nos appellations dans tous les pays membres. Or l'accord avec les États-Unis prévoit déjà des dérogations pour certaines appellations, qui pourraient affaiblir le négociateur communautaire, accusé d'avoir des positions, à l'échelon bilatéral et à l'échelon multilatéral, quelque peu contradictoires.

Que les États-Unis, satisfaits d'avoir obtenu des dérogations, soutiennent la demande de l'Union européenne pourrait, au contraire, renforcer le négociateur. Comme vous le voyez, il s'agit bien d'un accord en demi-teinte.

Vous me savez particulièrement attaché à la promotion des indications géographiques. Elles constituent un argument commercial fort, mais elles n'ont pas encore acquis toute la place qu'elles méritent.

J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre analyse sue ce point : où nous en sommes-nous s'agissant de la deuxième phase de l'accord entre l'Union européenne et les États-unis, logiquement prévu quatre-vingt-dix jours après la phase du 10 mars, donc aux alentours de la mi-juin ?

Où en sommes-nous sur l'évolution à l'OMC des négociations relatives aux indications géographiques sur lesquelles, à Hong-Kong, nous n'avions enregistré aucune avancée significative ?

Si nous attendons beaucoup des discussions internationales pour renforcer les indications géographiques, elles ne sont pas le seul levier à notre disposition. Il convient, d'abord, de restructurer notre filière viticole de l'intérieur, et, ensuite, de développer des marques venant en appui des indications géographiques. En ce domaine, la Sopexa, par exemple, dispose d'une véritable expertise et il me tarde de voir aboutir une telle démarche.

J'avais proposé, à la page 34 de mon rapport au Premier ministre, que la marque « La belle France » puisse porter nos vins à l'étranger au travers de l'image de la France. Pouvez-vous m'apporter des précisions sur le lancement d'une « marque ombrelle » pouvant promotionner nos vins à l'export ?

En conclusion, monsieur le ministre, permettez-moi de souligner la cohérence et la synergie de ces trois actions : l'accord de Londres du 10 mars, qui sera suivi, je l'espère, d'un deuxième accord plus ambitieux, mais sur lequel nous devons nous montrer très vigilants précisément parce que Congrès américain fait preuve d'une très grande prudence sur cette affaire ; les négociations à l'OMC sur les indications géographiques ; la réforme intérieure, enfin, qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui.

Ne doutant pas de votre détermination, je souhaite que la filière vitivinicole française puisse enfin aborder l'avenir avec optimisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Barraux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que représentant du département de l'Allier, je n'aurai pas l'outrecuidance de parler de la crise nationale de la viticulture, qui touche, aujourd'hui, la plupart des régions viticoles de notre pays.

Mon ambition sera beaucoup plus modeste, puisqu'elle n'est autre que de me faire le porte-parole des 128 vignerons de la région de Saint-Pourçain-sur-Sioule, dans l'Allier, et de leurs 640 hectares de vignes qui, depuis 2 500 ans, participent grandement à l'activité et à la richesse de notre département : 110 d'entre eux se sont regroupés pour créer une cave coopérative et dix-huit ont conservé des caves particulières.

Jusqu'à ces derniers mois et, pour être plus précis, jusqu'au début de l'année 2006, la conjoncture qu'ils ont eu à subir n'était peut-être pas enthousiasmante, mais elle était tout à fait acceptable.

Hélas ! il n'en est plus de même, car ils sont maintenant dans un contexte identique à celui que connaissent leurs collègues sur le plan national, les mêmes causes produisant les mêmes effets

Alors que, jusqu'au mois de janvier, ils avaient à gérer un stock de vin de huit à neuf mois, ce qui leur permettait de négocier correctement leur production, voilà maintenant que leur stock dépasse les douze mois. La cave coopérative atteint, elle aussi, ce niveau et certains vignerons de ma connaissance ont même dépassé les vingt-quatre mois de stock...

Inutile d'épiloguer longuement sur les conséquences financières d'une telle situation, qui se traduisent, comme toujours, par des difficultés de trésorerie difficiles à résoudre.

Les vignerons doivent, comme beaucoup, rembourser des emprunts et honorer des échéances à la Mutualité sociale agricole, auxquelles il leur sera extrêmement difficile de faire face. Quant à leurs fournisseurs, ils restent encore patients, mais ils désespèrent de les voir solder leurs comptes.

A ce propos, je dois vous préciser, monsieur le ministre, que s'ils espèrent être aidés, les viticulteurs attendent beaucoup plus qu'un simple report d'échéances parce qu'il faut toujours finir par rembourser et que, le jour venu, la situation n'est pas forcément meilleure...

Nous sommes dans un contexte de surproduction qui, maintenant, touche même des vignobles comme le nôtre. Nous avions, jusqu'à présent, été épargnés, car nous n'avions jamais eu de difficultés à trouver des débouchés pour notre production de vin blanc En effet, outre une consommation locale et nationale relativement organisée, nous entretenons, depuis de nombreuses années, d'excellentes relations commerciales, plus spontanées que concertées, avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui apprécient beaucoup ce petit vin blanc.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Barraux

Nous sommes convaincus que ces « voisins européens » seraient susceptibles de nous procurer de nouveaux débouchés, beaucoup plus importants, à condition, toutefois, que nous mettions en place une véritable politique commerciale, qui n'existe pas aujourd'hui.

Il nous aura fallu cette crise pour mesurer l'importance de notre carence dans ce domaine. Nous avons besoin, monsieur le ministre, que vous nous aidiez à mettre en place les structures nécessaires au développement de l'exportation.

Nos vignerons ont eu connaissance de votre « plan de réforme de la viticulture française » et des « mesures d'application de la stratégie nationale et de la réforme de la viticulture française » que vous avez présentés ces jours derniers

Vous envisagez de demander à Bruxelles l'autorisation de distiller. Mes amis me chargent d'insister pour que cette demande se fasse aussi pressante que possible dans la mesure où elle constitue le seul moyen d'assainir le marché actuel pour éviter que les stocks ne soient trop dévalorisés.

Mes amis saint-pourcinois pensent qu'il conviendrait peut-être de revoir « le droit à produire » de chaque vignoble, en faisant avant tout respecter ce droit de façon plus sévère. En effet, nos vignes bourbonnaises ont droit à 55 hectolitres par hectare, comme d'ailleurs toutes les vignes de la région d'Auvergne, alors que le Sancerre ou le Châteaumeillant ont un droit à produire allant jusqu'à 68 hectolitres à l'hectare. La baisse des curseurs contribuerait certainement, de façon logique et arithmétique, à lutter contre la surproduction.

Bien sûr, il reste « l'arrachage » des vignes, qui permettrait à un vigneron sans successeur de bénéficier, après avoir exploité sa vigne jusqu'au bout mais sans faire de gros frais durant ses dernières années d'activité, d'une retraite améliorée : avouez que, pour l'environnement, mieux vaut l'arrachage que la friche !

La lutte contre l'alcoolisme est louable et nous ne pouvons qu'y souscrire inconditionnellement. Cependant, comme beaucoup d'entre nous, je fais partie de ceux qui souhaitent autant d'efficacité dans la lutte contre la consommation des drogues de toutes sortes que dans la lutte contre la consommation d'alcool !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Barraux

Mais il n'est pas facile de dissocier, dans ce domaine, la vertu de l'économie.

Je ne peux donc que souhaiter beaucoup de courage et d'imagination à ceux qui devront trouver l'impossible compromis entre le développement de la consommation et la diabolique pudibonderie qui plane autour de nos productions viticoles. N'oublions quand même pas que, pendant ce temps-là, le Chili, l'Argentine, les États-Unis, l'Afrique du Sud, etc, continuent de produire et de nous envahir !

Peut-être y aurait-il lieu de revoir aussi l'éducation de nos jeunes générations et, surtout, de reconsidérer la manière actuelle dont ils cultivent leur goût - j'aurais même envie de dire leur mauvais goût.

Est-il vraiment irréaliste d'imaginer que l'on puisse éduquer le goût des enfants en leur inculquant une hygiène de vie rigoureuse qui leur permettrait, à un âge bien déterminé, de consommer du vin de façon raisonnée et raisonnable ? Notre viticulture s'en porterait tellement mieux !

Ce ne doit pas tout de même pas être une mission impossible, ni même bien difficile, que de les conduire gentiment, insensiblement à préférer, à leur majorité, le beefsteak-frites avec du vin rouge au hamburger avec du coca-cola !

Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise viticole est très grave et elle dure.

Depuis deux ans, j'ai consulté les divers acteurs de la filière viticole pour faire avec eux le point sur la mise en oeuvre des précédentes préconisations de sortie de crise, en particulier dans le domaine de l'exportation. Pour l'essentiel, d'après les avis que j'ai recueillis, trois solutions se dégagent.

D'abord, une meilleure adaptation de nos productions aux nouveaux marchés, dont les critères d'achat sont très différents des nôtres, d'autant que le crédit de nos signes de qualité baisse et que l'offre est excessivement difficile à comprendre.

Ensuite, l'émergence de groupes de négoce puissants, capables d'imposer nos produits à l'exportation.

Enfin, la stabilisation des revenus des producteurs.

Le rapport Pomel me semble répondre en partie à ces trois problématiques.

Une plus grande transparence et la simplification des AOC, ainsi que la lisibilité de l'offre pour un consommateur peu averti, qui considère le vin comme un produit banal, vont dans le bon sens.

Les efforts portant sur l'étude de marché et le label unique « France » peuvent également soutenir l'exportation.

La concentration des acteurs commerciaux de la filière me paraît tout aussi souhaitable, encore que les pouvoirs publics n'y puissent sans doute pas grand-chose. Les actions de soutien financier à l'export y contribueront-elles ? A qui serviront ces 12 millions d'euros ? Les plus importants groupes n'en ont guère besoin, alors que cette somme est nettement insuffisante pour les petits qui sont, bien sûr, les plus nombreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Les trois plus grands groupes français de négoce m'ont d'ailleurs affirmé ne souhaiter aucune aide publique, mais vouloir seulement davantage de souplesse réglementaire.

Enfin, la contractualisation pluriannuelle de la production, comme dans tout marché à forte fluctuation, est incontestablement une mesure efficace pour l'avenir des producteurs.

Toutes ces mesures, théoriquement très favorables à une filière en crise profonde, doivent être mises en oeuvre par un Conseil national unique, à partir du mois de juillet prochain.

Leurs effets reposent avant tout sur une discipline de la profession. Or, les meilleures mesures peuvent être, faute de vertu, détournées de leur objet. Ainsi, l'autorisation d'irriguer peut servir à corriger les effets du changement climatique, mais aussi à augmenter inconsidérément les rendements.

De même, en autorisant l'ajout de copeaux pour permettre à court terme un ajustement des prix de revient, ne risquons-nous pas de sacrifier la qualité et la spécificité de notre production ?

Si nous prenons ce chemin, la banalisation du vin français ne permettra pas de nous démarquer positivement de la production du nouveau monde. On court toujours un risque à faire des concessions sur la qualité pour rattraper des tendances passagères.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La désalcoolisation du vin me paraît, elle aussi, répondre plus à un ajustement local qu'à une demande du marché. Produit-on de tel vins chez nos grands concurrents ?

De plus, un certain nombre de préconisations ont un caractère incantatoire : j'ai déjà mentionné la question de la concentration commerciale ; on peut également citer le voeu de faire assurer la réussite du plan de distillation par les interprofessions.

Ici encore, les mauvais exemples ne manquent pas : dans un passé récent, à Bordeaux, la qualité du cru 2005 a dissuadé les producteurs de tenir leurs engagements à ce sujet.

Enfin, la régionalisation des interprofessions ne pousse guère à l'optimisme quant à la discipline nécessaire à ces réformes. N'y a-t-il pas là un risque de conforter les fiefs locaux, inaccessibles à toute politique d'ensemble ?

Concernant une filière où les propositions de bon sens ont été beaucoup plus nombreuses que les réalisations concrètes, vous devez, monsieur le ministre, convaincre les véritables décideurs d'adhérer à un tel plan, condition sine qua non de sa réussite.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre aux interrogations de Gérard César et de ceux d'entre vous qui se sont exprimés.

Notre viticulture vit un moment important et connaît des difficultés, même si tous les vignobles ne sont pas touchés et si certaines parties de vignobles en crise sont également épargnées, comme l'a rappelé M. Delfau. Nombre de ces difficultés sont devenues chroniques, malgré les 8 milliards d'euros d'exportations viticoles, qui témoignent aussi de succès.

Ce sont 350 000 emplois qui sont concernés. C'est pourquoi nous devons tous nous mobiliser pour permettre à ce secteur emblématique de notre industrie agroalimentaire et de notre agriculture de prendre un nouveau départ.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Monsieur César, nous partageons votre analyse sur les causes de la crise, en tout cas dans les vignobles où elle sévit : une concurrence mondiale, des changements de consommation intérieure, la baisse du prix à l'hectare. Il en résulte des difficultés de trésorerie et la question de la pérennité de certaines de nos exploitations viticoles est posée.

Dans ce contexte, l'État est déjà intervenu massivement, quels que soient les gouvernements, pour aider la filière.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Près de 100 millions d'euros, répartis sur deux plans, ont été engagés en 2005. En 2006, le Premier ministre a annoncé que 90 millions d'euros supplémentaires seraient consacrés au soutien à la trésorerie et aux prêts de consolidation.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Nous avons pris d'importantes mesures d'assainissement du marché. Je dois malheureusement noter que la distillation de crise pour les vins AOC n'a été souscrite que pour un peu plus de 1 million d'hectolitres, alors que j'avais obtenu 1, 5 million d'hectolitres de la Commission européenne. En revanche, la distillation pour les alcools de bouche a connu un succès inhabituel : 1, 5 million d'hectolitres ont été souscrits, notamment en raison de l'effondrement des prix des vins de table sur le marché.

Je sais, monsieur Courteau, que cela ne suffit pas toujours à traiter les situations dramatiques comme celles que vous avez, à juste titre, évoquées. C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin et répondre à deux défis : restructurer notre secteur viticole au niveau national, et préparer la réforme de l'Organisation commune de marché qui aura lieu l'an prochain à l'échelon de l'Union européenne.

Au-delà des aides conjoncturelles, M. Mercier l'a très bien dit, la question concerne plus généralement la gouvernance et les produits. Je voudrais vous exposer quels types de réponses nous pouvons mettre en oeuvre ensemble.

Premièrement, pour aider le secteur à faire face à cette crise, dans le prolongement des propositions de l'accord conclu avec Hervé Gaymard et la filière en juillet 2004, j'ai décidé de lancer une réflexion au niveau des bassins vitivinicoles.

La mise en place des comités de bassin, regroupant les acteurs de la production, de la transformation et du commerce, était devenue urgente. Le but est de faire émerger des propositions concrètes, adaptées à chaque bassin de production et à la gestion des mesures structurelles au plan local. La concertation a été menée de janvier à mars dans tous les bassins viticoles et s'est déroulée avec succès.

Le préfet Pomel, à qui j'avais confié la charge de coordonner cette concertation, m'a remis son rapport récemment. Je reconnais, monsieur Bizet, qu'il reprend des idées contenues dans le rapport, commandité par Jean-Pierre Raffarin, que vous avez remis récemment à Dominique de Villepin.

Les mesures phares du rapport de M. Pomel sont les suivantes.

Tout d'abord, un conseil national de la viticulture de France, sur le rôle duquel je reviendrai, est créé.

Ensuite, les conseils de bassin sont pérennisés. Monsieur César, le décret fixant la composition de ces conseils est en préparation et sera prêt avant l'été. Chacun d'entre eux regroupera tous les acteurs de la filière ainsi que les partenaires économiques et politiques de la région - je pense naturellement aux collectivités territoriales. Ils ne se substitueront pas aux interprofesssions, à l'INAO et à l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, du vin et de l'horticulture, VINIFLHOR.

Par ailleurs, la qualité des produits est renforcée grâce à la réforme de l'INAO, qui devient l'Institut national de l'origine et de la qualité, inscrite dans la loi d'orientation agricole.

En outre, grâce à VINIFLHOR, des outils beaucoup plus fins de connaissance du marché sont mis en place, bassin par bassin.

Enfin, Bernard Pomel propose d'encourager le regroupement des coopératives et des entreprises aval - les sénateurs du Languedoc-Roussillon le savent, la très grande dispersion des coopératives n'est pas toujours adaptée au marché. Monsieur Vidal, cette proposition doit répondre à votre souhait de restructurer la coopération pour qu'elle joue un rôle véritablement économique.

Les mesures proposées par Bernard Pomel seront mises en oeuvre.

Deuxièmement, il faut soutenir les exploitations et l'exportation.

Le Premier ministre, je vous l'ai indiqué, a décidé de consacrer une nouvelle enveloppe de 90 millions d'euros sous forme d'aides. Ces aides visent à la fois à apporter un soutien conjoncturel aux entreprises viables, à faciliter la reconversion des entreprises les plus en difficulté, à soutenir les efforts de celles qui se battent à l'exportation et à encourager le regroupement des entreprises d'aval.

Concernant les viticulteurs eux-mêmes, ces mesures se décomposent ainsi : l'attribution d'aides de trésorerie et la prise en charge des cotisations sociales de viticulteurs en difficulté ; des plans d'aide au départ ou de reconversion pour ceux qui sont structurellement, sur plusieurs campagnes, en difficulté et qui le souhaitent - préretraites, en modifiant les conditions réglementaires, stages de formation.

Monsieur Delfau, monsieur Courteau, s'il a pu y avoir des retards dans le paiement des aides certaines années, ce ne sera pas le cas en 2006 ; j'ai même autorisé VINIFLHOR à emprunter à cet effet.

Nous avons ajouté un plan de regroupement et de restructuration des entreprises coopératives de négoce et de mise en marché, auquel sera lié le soutien public à ces entreprises si elles sont en difficulté.

Un plan de reconversion de zones de production inadaptées à la production viticole est prévu, qu'il s'agisse de mesures d'arrachage et de reconversion foncière ou agricole - DPU, autres productions.

Il est vrai qu'en plus de ce dispositif les banques, les caisses de MSA et l'État procèdent à des allégements très importants de charges et d'impôts, efforts que M. Le Cam a évoqués.

Ces mesures nationales seront naturellement complétées par des mesures de distillation demandées au niveau communautaire.

Le Premier ministre est intervenu personnellement auprès du président de la Commission européenne. J'ai rencontré la commissaire chargée des questions agricoles la semaine dernière et j'ai demandé à la Commission une distillation de crise portant sur 2 millions d'hectolitres pour les vins de table et sur 2 millions d'hectolitres pour les AOC, à des prix revalorisés. Cette distillation vise à alléger le marché afin de permettre un redressement des cours.

Toutefois, je vous le dis clairement, elle ne s'avérera efficace que si tous les bassins participent à l'assainissement du marché...

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

...en faisant en sorte que les quantités obtenues à Bruxelles soient entièrement utilisées.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Le prix que fixera l'Union européenne, monsieur Courteau. Ce n'est pas moi qui ai signé le traité !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Y aura-t-il un complément de l'État français ?

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Vous savez très bien que c'est interdit par l'Union européenne, monsieur Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Vous pouvez toujours le demander : nous l'avons obtenu par le passé !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Nous l'avons obtenu dans des conditions très particulières, en dehors de la réglementation européenne.

Il serait très regrettable que l'expérience de la distillation de crise de 2005 sur les AOC se répète. Nous n'avons pas réussi à remplir le contingent de distillation obtenu de Bruxelles, ce qui ne facilite pas une demande cette année.

Je vous l'indique clairement aujourd'hui : si, pour la distillation de crise à venir, toutes les régions de France ne participent pas à hauteur de leurs stocks excédentaires, j'en tirerai toutes les conséquences lors de la fixation des rendements de la campagne 2006-2007, au besoin par des mesures exceptionnelles de limitation des rendements que prendra le Gouvernement dans tous les vignobles concernés qui ne rempliront pas leurs objectifs.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

J'ajoute que les mesures de soutien à la filière seront largement conditionnées, là encore bassin par bassin, par le niveau de participation à la distillation. Je souhaite que les bassins de production prennent leurs responsabilités. La crise n'est pas une fatalité. L'État, bien sûr, doit être courageux, mais on doit l'être aussi localement.

Puisque nous parlons de distillation, je n'ai pas oublié, monsieur Courteau, monsieur Delfau, votre suggestion tout à fait intéressante d'utiliser l'alcool vinique pour les biocarburants. Mes services ont déjà organisé des réunions techniques avec les distillateurs et nous sommes en train de réaliser les premières expertises de faisabilité. J'étendrai le groupe de travail aux élus intéressés lorsque nous aurons les premiers résultats techniques.

Enfin, j'ai été très sensible aux propos de M. Dufaut sur la transparence des prix, en particulier dans la distribution. Certains préfets ont d'ailleurs organisé des réunions avec les partenaires concernés pour les responsabiliser, par exemple dans les départements de l'Hérault et du Gard.

J'ajoute que j'ai demandé à VINIFLHOR, dans le cadre des mesures d'information économique annoncées dans le plan Pomel, de réunir des représentants de la viticulture, du négoce et de la distribution, pour s'assurer qu'aucun abus ne sera commis.

Le marché intérieur étant par nature limité - même si l'on peut améliorer, monsieur Barraux, la consommation de l'excellent vin de Saint-Pourçain-sur-Sioul -, nous avons le devoir de mettre en place un plan d'accompagnement offensif à l'exportation.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Ce plan, étant donné l'importance des investissements à réaliser, doit être ciblé pour être efficace et nous devons l'accompagner d'études marketing complètes - études de marché, création de produits et de marques adaptés.

Les aides accordées s'appuieront sur les éléments suivants : la commande et la mise à disposition de panels et d'études de marché ciblés et détaillés ; des actions collectives pour une marque et pour un logo « France ».

Les négociants qui exportent des volumes significatifs considèrent en effet que le label « France » peut contribuer utilement à la promotion de certaines marques et de certains produits. La marque « France-Vins de France » est déposée et appartient à VINIFLHOR. Sa réactivation est décidée avec les interprofessions et le négoce.

Messieurs les sénateurs du Languedoc-Roussillon, je suis rarement d'accord avec M. Frêche, mais l'appellation « vins du Sud » est une bonne idée qu'il convient de mettre en oeuvre, car elle complète utilement ce genre de démarche.

Sourires

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Les cofinancements publics de projets interprofessionnels devront respecter un cahier des charges en termes d'études de marchés, de moyens et de ciblage des produits soutenus. De grands projets ciblés et pluriannuels seront étudiés.

Je vous présenterai dans de brefs délais un premier bilan de ces actions menées pour le soutien à l'exportation, afin de réorienter ou de renforcer certaines d'entre elles, en fonction de leur efficacité.

Dans le cadre de nos relations avec nos partenaires sur le marché mondial, vous m'avez interrogé, messieurs les sénateurs César et Bizet, sur l'accord signé par l'Union européenne avec les États-Unis sur le vin. C'est un accord de compromis, qui a demandé de nombreuses années. Il nous évite, à court terme, la procédure très lourde de certification-analyse et nous a permis de poursuivre, cette année, nos très importantes exportations vers les États-Unis sans contrainte supplémentaire.

Néanmoins, je suis attentivement la suite des négociations, car nous entrons, vous l'avez rappelé, monsieur Bizet, dans la deuxième étape, qui porte sur la protection des indications géographiques que nous voulons conforter et sur l'interdiction de toute nouvelle usurpation des semi-génériques.

Troisièmement, beaucoup d'entre vous l'ont souligné, notre offre doit être mieux adaptée aux attentes du marché.

L'accord de juillet 2004 classait les vins comme répondant soit au « marketing de l'offre », essentiellement les AOC, soit au « marketing de la demande » Pour traduire cette segmentation dans la réalité réglementaire, et afin de conforter la valeur des AOC, il est apparu à tous les partenaires de la filière qu'il convenait de simplifier et de rendre plus transparentes et plus efficaces les procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine. Sur ce point, je rejoins les préoccupations de MM. Dufaut et de Montesquiou.

L'Institut avait reçu pour mission d'engager la « réécriture des décrets AOC ». Sans attendre les conclusions de ce travail, il a été décidé de modifier, avant la campagne 2006-2007, les procédures d'agrément et de contrôle du nouvel institut, pour les simplifier et les rendre plus proches de la commercialisation, notamment au moyen de l'ordonnance en cours de préparation, en application de la loi d'orientation agricole.

Monsieur César, cette ordonnance est pratiquement prête, après les négociations avec les professionnels. Je consulterai les parlementaires impliqués sur cette question, comme vous l'avez à juste titre souhaité, afin de la soumettre au plus tard à l'automne à la ratification du Parlement.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Je voudrais encourager, avec le soutien des interprofessions régionales, l'assouplissement des conditions de production pour les appellations d'origine régionales comme « Bourgogne » ou « Bordeaux ».

Je souhaite supprimer l'une des quatre catégories actuelles des appellations géographiques protégées, en demandant aux comités régionaux de l'INAO de proposer d'ici à l'année prochaine l'orientation de chaque appellation d'origine des vins délimités de qualité supérieure, soit vers une appellation d'origine contrôlée, soit vers un vin de pays. Cette simplification...

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

...permettra aux consommateurs de mieux s'y retrouver et de voir, dans chaque bassin, dans quelles conditions on pourrait supprimer le repli au négoce.

S'agissant de l'appellation Saint-Pourçain, monsieur Barraux, le renouvellement et la simplification des procédures INAO ainsi que la suppression de la catégorie AOVDQS - appellation d'origine vin de qualité supérieure - devraient permettre d'aboutir, comme vous le souhaitez, à la validation de cette appellation. La demande d'accession de cette AOC est en cours et progresse ; la commission nationale INAO est d'ailleurs venue en janvier dans votre département.

Par ailleurs, nous avons décidé d'ouvrir l'éventail des pratiques oenologiques autorisées pour faciliter l'adaptation des produits du « marketing de la demande » destinés à des marchés convoités par nos concurrents. Cette évolution a beaucoup fait parler d'elle, comme toujours en pareil cas.

D'ores et déjà, l'utilisation des copeaux de bois est autorisée par la Communauté européenne. Le règlement d'application est en cours de discussion à Bruxelles et il devra, par la suite, être traduit dans la réglementation nationale.

Même si certains « ayatollahs » expliquent que c'est une hérésie, des oenologues, parmi les plus grands, affirment que l'on ne s'aperçoit pas de la différence. Naturellement, il ne s'agit pas d'étendre ce procédé aux AOC !

Quoi qu'il en soit, cette pratique est déjà très répandue. Cela dit, les artisans vignerons traditionnels qui utilisent de véritables tonneaux de chêne - provenant de votre forêt de Troncet, monsieur le sénateur Barraux ! - pourront, bien entendu, continuer à le faire.

Les techniques de désalcoolisation doivent également être généralisées sans toucher à la définition du vin, et les mesures d'enrichissement par les moûts concentrés seront encouragées.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Sur un point particulier, messieurs César et Mercier, à savoir l'emprunt du Bordelais et du Beaujolais garanti par l'État, je m'assurerai auprès de mon collègue Jean-François Copé que ses services ne font pas obstacle aux décisions votées par le Parlement.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Alors, nous ferons en sorte que cela cesse, monsieur César : la décision du Parlement doit s'appliquer et aucun service ne saurait s'y opposer !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques grandes lignes du plan que nous avons présenté.

Pour terminer, j'ajouterai un mot sur la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole, prévue pour l'automne 2007, qui doit fixer pour l'avenir les conditions d'intervention de l'Europe dans ce secteur.

D'ores et déjà, après consultation des professionnels, nous avons élaboré dans les grandes lignes une position commune avec l'Espagne, l'Italie et le Portugal.

Nous sommes guidés par deux idées fortes : adapter la filière viticole afin qu'elle soit très compétitive sur le marché mondial et qu'elle conserve sa première place ; disposer de mesures structurantes permettant de dynamiser la filière par des dispositifs adaptés de gestion du marché et de réglementation.

Dans cette perspective, quatre grands volets sont essentiels : la défense et la protection des indications géographiques protégées ; l'appui à la commercialisation des produits de la vigne ; la régulation du marché et la gestion des crises par des outils appropriés, qui n'existent pas à ce jour ; une meilleure maîtrise de la production et l'adaptation de son potentiel, pour ne pas faire de la distillation une arme habituelle et pour trouver des solutions structurelles.

Nous devons aller dans cette direction et faire un effort sur la durée pour nous adapter à un marché qui évolue, faire aimer nos pratiques, nos produits et notre vin.

Beaucoup d'entre vous l'ont dit, mesdames, messieurs les sénateurs, pour réussir l'adaptation de notre secteur, l'effort de tous sur la durée est requis. Cette réussite passe par la préservation d'une certaine culture, d'un certain savoir-vivre, dont les implications vont bien au-delà de la viticulture. Ils sont en effet l'image de la France et offrent une source de revenus très importante en termes de tourisme.

Pour renforcer l'information de tous en ce sens, la loi d'orientation agricole prévoit de créer le Conseil de modération et de prévention.

Le décret d'application a été signé par le Premier ministre. La fonction de ce conseil sera d'être une instance de dialogue avec tous les acteurs des questions touchant à la protection de la santé, à la production et au commerce de boissons alcoolisées, ainsi qu'un organe de propositions.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Monsieur Delfau, nous avons choisi un président qui est un homme de dialogue, de modération et de consensus : le président honoraire du tribunal de commerce de Paris, M. Michel Rougé. Le ministre de la santé procède à des consultations pour désigner les membres qui relèvent de son secteur.

Monsieur le président du Sénat, je souhaite que, avec M. le président de l'Assemblée nationale, vous puissiez désigner les parlementaires qui siègeront dans cette instance pour que nous puissions l'installer dans les meilleurs délais, comme tout le monde le souhaite.

Ces orientations doivent nous aider à sortir de l'ornière. Il faut également, Michel Mercier l'a très bien noté, que nous ne « pleurnichions » pas toujours sur notre viticulture. Il convient, à cet effet, de lui donner l'image d'un secteur en forme et conquérant.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Nous devons aider les viticulteurs en difficulté à régler leurs problèmes et regagner des places à l'exportation. Nous produisons les meilleurs vins du monde : il serait bien dommage que nous ne donnions pas aux viticulteurs des conditions de vie et de travail décentes.

Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce plan participe à cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 14 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole.

La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du débat, je veux remercier celles et ceux qui ont contribué à la tenue de cette discussion.

Je remercie d'abord M. Dominique Bussereau, dont nous connaissons la remarquable implication et la grande compétence.

Je remercie ensuite les organisations professionnelles représentatives de l'amont et de l'aval du secteur avicole, c'est-à-dire la Confédération française de l'aviculture et la Fédération des industries avicoles.

Enfin, je remercie mes collègues de la commission des affaires économiques avec qui j'ai eu, voilà deux semaines, une très intéressante discussion qui a nourri mes réflexions sur ce sujet.

Pour en revenir à l'objet de ce débat, je résumerai ainsi la situation actuelle de la filière avicole : elle est grave, mais tout de même porteuse d'avenir.

Mon intervention sera structurée autour de trois points : le constat de l'état des lieux, les initiatives qui ont déjà été prises pour faire face à la crise et quelques pistes pour l'avenir.

S'agissant tout d'abord du constat de l'état des lieux, la situation est indéniablement grave, l'épidémie de grippe aviaire atteignant un secteur structurellement fragile.

Pour ce qui est des contraintes conjoncturelles liées au virus H5N1, elles sont marquées par plusieurs éléments.

Premièrement, on constate une baisse sensible de la consommation depuis six mois. Cette dernière, qui avait chuté d'environ 35 % au plus fort de la crise, est actuellement en baisse de 5 % à 10 %, selon la Fédération du commerce et de l'industrie.

Deuxièmement, on enregistre une réduction des quantités commercialisées, du fait de la baisse de la consommation intérieure, mais également en raison de la diminution des commandes étrangères à la suite de nombreux embargos.

Troisièmement, on note une diminution des quantités produites, qui se traduit par une réduction des mises en place, un allongement des vides sanitaires et une baisse de l'activité des entreprises d'abattage et de transformation.

Enfin, conséquence des trois constats précédents, les pertes de chiffre d'affaires sont importantes. Elles sont estimées à 40 millions d'euros par mois pour l'ensemble de la filière.

À cela, viennent s'ajouter des conséquences sociales lourdes, puisque 15 % des emplois du secteur seraient, à terme, menacés. Ces emplois concernent aussi bien les grosses que les petites exploitations.

Ces difficultés se trouvent aggravées par la fragilité structurelle du secteur, marquée par plusieurs tendances.

Le premier élément de fragilisation est la montée en puissance des producteurs concurrents.

Du point de vue des exportations, la tendance est à la baisse continue depuis sept ans, alors que le volume du marché mondial a quadruplé depuis 1990. Cette baisse de l'exportation est constatée aussi bien vers les pays de l'Union européenne - Grande-Bretagne, Allemagne - que vers les pays tiers du Proche et du Moyen-Orient, ou encore d'Afrique.

Du point de vue des importations, les approvisionnements communautaires en provenance du Brésil, de la Thaïlande et des pays d'Europe centrale et orientale, les PECO, ont explosé ces dernières années, passant de 172 000 tonnes en 1992 à 853 000 tonnes en 2000 - soit cinq fois plus !

Le deuxième élément de fragilisation est la fin programmée - en 2013 exactement - des restitutions à l'exportation, en raison des exigences de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC : 200 000 tonnes de production annuelle seraient potentiellement touchées, tandis que 3 000 à 4 000 éleveurs seraient, à terme, condamnés à arrêter leur activité.

Le troisième élément de fragilisation est une baisse de la consommation de 5 % entre 2001 et 2003, sachant par ailleurs qu'un Français mange deux fois moins de viande blanche chaque année qu'un Américain !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce n'est pas bien !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

Certes !

Le quatrième élément de fragilisation est l'augmentation des contraintes liées au bien-être animal.

Le respect d'une telle exigence est légitime, et fait d'ailleurs l'objet d'une stricte législation nationale. Toutefois, il convient d'être vigilant au regard des projets de nouvelles réglementations communautaires tendant à renforcer encore ces contraintes, car elles risqueraient d'augmenter les coûts de production et donc les distorsions de concurrence avec les pays tiers.

Enfin, le dernier élément de fragilisation est l'insuffisance des efforts en termes d'innovation, de recherche et de développement. Longtemps à la pointe pour son travail sur les souches aviaires, notre pays s'est laissé progressivement distancer par ses plus proches concurrents.

En ce qui concerne maintenant les initiatives déjà prises, la filière s'est organisée.

D'une part, elle a réduit ses capacités de production par le non-renouvellement des contrats de travail temporaires ou intérimaires, la modulation des horaires de travail, le recours à des mesures de chômage partiel.

D'autre part, elle a lancé dans les médias des campagnes d'information auprès du grand public et des campagnes de promotion chez les distributeurs.

De son côté, le Gouvernement a mobilisé une enveloppe de 63 millions d'euros - que M. le ministre va nous détailler -, tandis que certaines collectivités ont financé en partie des campagnes d'information sur le plan local.

En ce qui concerne enfin les pistes pour l'avenir de la filière, je vous ferai part des raisons qui nous incitent à demeurer confiants.

D'une façon générale, il faut rappeler que la France occupe les tous premiers rangs mondiaux dans le secteur. Notre pays est, en effet, le premier producteur européen et le cinquième exportateur mondial.

Deuxième source de confiance, la baisse de la consommation en France, certes notable, est demeurée modérée par rapport à celle d'autres pays européens. Certains d'entre eux, en effet, ont connu des chutes de consommation allant de 70 % à 80 % !

En outre, les personnes auditionnées ont fait état de prévisions anticipant une nette hausse du marché de la volaille pour les années à venir.

Troisième source de confiance, le réseau sanitaire français, sans doute l'un des meilleurs au monde, a démontré sa capacité à dépister très rapidement les foyers d'infection et à les circonscrire efficacement. Cela explique peut-être qu'ils soient demeurés très rares. En effet, pour l'instant, un seul cas a été recensé dans un élevage.

Dans la mise en place de la stratégie de communication, il nous faudra insister davantage sur cet atout, car il s'agit d'un élément propre à rassurer les consommateurs et les partenaires commerciaux à l'export.

Quatrième source de confiance, l'expression d'une solidarité européenne est en cours.

La Commission européenne, soyons honnêtes, s'est longtemps retranchée derrière le caractère restrictif de la législation communautaire sur les périodes de crise pour justifier son inaction.

Cependant, les choses ont évolué dernièrement - je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, pour l'action forte, efficace et soutenue que vous avez menée en ce sens. La commissaire européenne à l'agriculture, Mariann Fischer Boel, a en effet proposé d'aménager l'organisation commune de marché « oeufs et volaille » pour faire face à la crise du secteur.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que cette réforme sera validée lors du prochain Conseil des ministres « agriculture et pêche », le 25 avril, et nous apporter des précisions quant aux modalités de sa mise en oeuvre ?

Par ailleurs, pensez-vous pouvoir obtenir le déplafonnement des 3 000 euros d'aides par exploitation, demandé avec force par l'ensemble de la profession ?

Cinquième source de confiance, la filière française continue de bénéficier d'avantages comparatifs.

Certes, il sera très difficile, voire impossible, aux producteurs français de lutter à armes égales sur le terrain de la production de masse avec des concurrents dont les charges sont deux fois moindres que les leurs, surtout depuis que se profile à l'horizon la suppression des restitutions à l'exportation.

Cependant, notre pays peut l'emporter sur les marchés de gamme supérieure, en valorisant encore mieux la qualité, le goût, l'origine, la traçabilité, le respect de l'environnement et du bien-être animal. Ce sont autant d'éléments pour lesquels les consommateurs, aujourd'hui perdus et inquiets au sujet de leur alimentation, sont prêts à payer plus cher.

Dernière raison d'être confiants - la plus importante -, la filière manifeste aujourd'hui sa volonté de s'organiser. Le secteur avicole souffre traditionnellement de l'absence d'interprofession générale, ce qui oblige les syndicats représentatifs ou des interprofessions partielles à se mobiliser ponctuellement, pour des résultats souvent faibles.

Un mal apportant souvent un bien, l'épidémie de grippe aviaire a mis en lumière cette carence, et il semble que les professionnels affichent désormais une réelle volonté de construire une interprofession.

Pour ma part, j'estime qu'il faut, avec le soutien des pouvoirs publics, impérativement bâtir cette structure interprofessionnelle puissante et reconnue de tous les acteurs de la filière. Elle doit être associée en amont à l'élaboration de toute législation, nationale comme communautaire. Cette condition est incontournable pour regagner la confiance de tous les acteurs de la filière.

Monsieur le ministre, tels sont les points essentiels que je souhaitais aborder. En conclusion, je veux indiquer que, bien que la situation soit très préoccupante, elle est en même temps, si nous agissons comme il convient, porteuse d'avenir.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de deux considérations préliminaires au propos que je tiendrai en ma qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » : La première concerne la nature macroéconomique de la crise et la seconde est d'ordre budgétaire.

Les dernières données macroéconomiques de l'INSEE, communiquées au début du mois de mars dernier, font une première estimation des effets économiques de la grippe aviaire en France.

Estimant ainsi que « l'impact global serait toutefois très limité », l'INSEE précise que, d'un point de vue économique, la grippe aviaire touche la production agroalimentaire avicole, qui représente 4, 1 % de la production agricole et 2, 2 % de l'industrie agroalimentaire. Dans l'hypothèse où le virus resterait cantonné aux animaux, la grippe aviaire aurait essentiellement un impact sur les exportations avicoles de la France. Eu égard à l'embargo total des pays qui l'ont signifié à ce jour et à un repli prévisible de 10 % des importations des autres pays, les exportations avicoles diminueraient de 22 % dès le premier trimestre 2006, soit une perte d'environ 70 millions d'euros.

En outre, l'INSEE souligne que l'impact de la grippe aviaire devrait être également sensible sur la production de l'industrie agroalimentaire, via l'indice de la production industrielle de cette branche. Le repli devrait surtout être enregistré au deuxième trimestre. Dans un premier temps, les abattages de volailles ne cesseraient pas et la chute des demandes interne et externe se traduirait par une montée des stocks. Dans un second temps, l'adaptation de la production interviendrait, faisant chuter l'activité.

Ainsi, en termes de production, l'impact sur les exportations avicoles se traduirait par une baisse de 0, 02 % de la croissance du PIB du premier trimestre 2006. Selon l'ampleur de la chute de la consommation de volailles, mais aussi selon le degré et l'orientation de la substitution de la consommation alimentaire, l'impact final sur le produit intérieur brut pourrait être plus important d'après l'INSEE.

Si l'impact macroéconomique de cette crise doit être relativisé, l'impact économique sur la filière avicole est bien réel, comme en témoigne le décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits publié par le Gouvernement le 27 mars 2006, destiné à financer, à hauteur de 68 millions d'euros, les mesures relatives à l'épizootie de grippe aviaire et sur lequel la commission des finances du Sénat a été amenée à se prononcer, en vertu des dispositions de la LOLF.

Ce décret d'avance a en effet permis l'ouverture de 52 millions d'euros au titre du soutien économique en faveur de la filière avicole - vous avez évoqué ce point, monsieur Mortemousque -, et de 16 millions d'euros au titre du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission dont j'ai l'honneur de présenter les crédits. Cette dernière somme doit permettre de financer les visites sanitaires obligatoires dans les exploitations situées en zone de protection, la vaccination des palmipèdes dans certains élevages ainsi que l'indemnisation des éleveurs dont l'élevage doit être abattu.

À cet égard, je tiens à souligner que, si cette ouverture de crédits était nécessaire, elle aurait pu être anticipée par le Gouvernement puisque j'avais moi-même proposé au Sénat, lors de l'examen du budget de la sécurité sanitaire le 6 décembre dernier, un amendement visant à transférer un montant de 15 millions d'euros du programme « Veille et sécurité sanitaires » vers le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Cet amendement avait été repoussé par le Sénat, notamment à la suite de l'intervention du ministre de la santé et des solidarités, qui avait précisé ceci : « l'abondement de 15 millions d'euros auquel vous souhaitez procéder, madame Bricq, est [...] inutile, puisque nous serions tout à fait en mesure de faire face au risque lié à l'épizootie ».

Le décret d'avance publié au cours du mois dernier n'a fait que confirmer l'analyse formulée par la commission des finances à la fin de l'année 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le Gouvernement a rectifié le tir, et je lui en donne acte. Cependant, il serait quelquefois bien avisé d'écouter les parlementaires, qui parlent en connaissance de cause !

J'interviens aujourd'hui dans ce débat en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » parce que j'ai entamé, au début du mois de mars, au nom de la commission des finances, un contrôle budgétaire sur la mise en oeuvre par l'État et les services déconcentrés des mesures de lutte contre la grippe aviaire. Je rendrai compte de ma mission à ladite commission avant l'été.

J'ai donc été amenée, lors de mes nombreuses auditions et de mes quatre déplacements dans les départements de Saône-et-Loire, de Vendée, des Côtes d'Armor et de Seine-et-Marne, mon département, à rencontrer l'ensemble des acteurs de la filière avicole qui ont manifesté à la fois une grande inquiétude mais aussi une réelle combativité.

J'ai pu également constater, je dois le souligner, l'efficacité et l'implication des services de l'État, que ce soient les services vétérinaires ou les services économiques. Les premiers, forts de l'expérience tirée des grandes crises sanitaires précédentes, qu'il s'agisse de celles de l'ESB ou de la fièvre aphteuse, disposent aujourd'hui d'une organisation administrative efficace, à la hauteur des enjeux sanitaires actuels.

S'agissant du volet économique, les aides débloquées par le Gouvernement, considérées comme un premier « acompte » par les représentants des organisations professionnelles, ont pu être distribuées rapidement grâce au recours à une procédure accélérée faisant intervenir les directions de l'agriculture et le trésorier-payeur général de chaque département.

À ce jour, l'inquiétude des acteurs de la filière porte essentiellement sur la durabilité de la crise et sur l'effet économique à long terme des renforcements des mesures sanitaires.

Je voudrais articuler mon propos autour de deux idées majeures.

Tout d'abord, la crise de la grippe aviaire, que traverse aujourd'hui notre pays, s'inscrit dans un contexte plus global de recrudescence des épizooties au niveau mondial au cours des dix dernières années notamment, et doit donc être analysée comme un phénomène potentiellement durable.

Par ailleurs, la durabilité de cette crise impose de réévaluer son impact économique et de réfléchir, à plus long terme, à la « soutenabilité » économique des mesures sanitaires prises par les pouvoirs publics.

La recrudescence des épizooties au niveau mondial, au cours des dix dernières années, est le résultat d'une conjonction des différents facteurs suivants : la densité animale liée à l'intégration de plus en plus poussée des systèmes d'élevage dans certains pays où les mesures de biosécurité ne sont pas toujours respectées, voire mises en oeuvre, le rapprochement de certaines espèces animales, notamment des espèces sauvages et domestiques, l'évolution de la démographie humaine mondiale et la concentration des populations dans certaines régions, enfin - c'est un point très important -, la globalisation des échanges internationaux, qu'ils soient liés au commerce ou à la migration des populations.

Ces différents facteurs associés à l'émergence de conditions environnementales favorables à celle d'un nouveau virus ou d'un nouvel agent pathogène expliquent la recrudescence des épizooties au niveau international. Ces dernières se sont développées non seulement dans les pays en voie de développement, par exemple dans le Sud-Est asiatique, mais aussi en Europe. Ainsi, en 2003, les Pays-Bas avaient dû faire face à une épizootie d'influenza aviaire sans précédent, liée au virus H7N7, qui avait abouti à l'abattage d'un tiers du cheptel avicole hollandais, tandis qu'au Royaume-Uni, en 2001, l'épizootie de fièvre aphteuse avait grandement fragilisé et même pratiquement anéanti la filière bovine.

L'actuelle épizootie d'influenza aviaire hautement pathogène, issue du virus H5N1, est apparue en Asie du Sud-Est dès 1997 et a proliféré sur divers continents, si bien que l'on peut aujourd'hui parler de situation de panzootie, caractérisée par la présence simultanée de l'épizootie sur plusieurs continents. Les États-Unis s'y préparent activement, bien que le continent américain ne soit pas encore touché.

En outre, les facteurs d'émergence des épizooties sont également à l'origine de la multiplication, à l'échelle internationale, des zoonoses, à savoir des maladies transmissibles de l'animal à l'homme. C'est pourquoi - et je voudrais vraiment insister sur ce point -, agir en amont pour préserver la santé animale est une nécessité si l'on veut protéger la santé humaine. Dès lors, la mise en oeuvre de mesures renforcées de sécurité sanitaire, dans le but de préserver la santé animale et dans le respect du bien-être animal, est une priorité, à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale.

Ainsi, l'aide internationale en direction des pays en voie de développement touchés par l'épizootie d'influenza aviaire est primordiale. Au mois de janvier dernier, au cours de la conférence de Pékin organisée conjointement par l'Organisation mondiale de la santé animale, ou OIE, et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou FAO, les grands bailleurs de fonds internationaux se sont engagés à débloquer une aide de 1, 9 milliard de dollars, dont la moitié devait être consacrée à l'amélioration de la santé vétérinaire dans les pays les plus touchés, en Asie du Sud-Est et surtout en Afrique. Si certains pays d'Asie du Sud-Est ont mis en place des méthodes de lutte efficaces de nature à rassurer sur leur capacité à maîtriser l'évolution de l'épizootie, d'autres, comme l'Indonésie et surtout la plupart des pays africains touchés, sont dans l'incapacité technique, économique et politique de contenir la maladie.

Or, en dépit des engagements financiers qu'ils ont pris au moment de la conférence de Pékin, les pays industrialisés tardent à financer la lutte contre l'épizootie dans les pays les plus démunis. L'Union européenne, notamment, a été pointée du doigt pour n'avoir pas décidé assez rapidement des critères d'attribution des aides promises, alors qu'elle devrait être en première ligne, compte tenu des échanges commerciaux et humains qu'elle entretient avec le continent africain. Je note toutefois avec satisfaction que la France est, avec le Japon, l'un des premiers pays donateurs à avoir débloqué une aide en faveur de l'Afrique, à hauteur de près de 5 millions d'euros. Le caractère certes modeste de cette contribution doit être relativisé, eu égard à l'aide apportée par les autres pays.

Cette imbrication entre santé humaine et santé animale plaiderait, selon moi, en faveur d'une nouvelle organisation administrative de l'État qui pourrait se doter d'un pôle de santé publique afin d'appréhender simultanément les problématiques de santé animale et de santé humaine en évitant de minimiser la dimension animale, comme l'a fait, monsieur le ministre, votre collègue chargé de la santé, et de « diluer » le pôle vétérinaire au sein du pôle de la santé humaine. La réforme de l'architecture budgétaire en cours, qui consiste à définir des missions interministérielles, en l'occurrence celle de la sécurité sanitaire, devrait logiquement répondre à cet objectif. Mais nous en sommes bien loin. Nous reverrons le problème ultérieurement.

La recrudescence des épizooties, au niveau mondial, impose donc aujourd'hui de s'installer dans la durée. J'en veux pour preuve, même si la crise relative au CPE qui a frappé notre pays a fait quelque peu oublier ce fait, la découverte d'un foyer de grippe aviaire en Saxe qui a entraîné des abattages.

L'interrogation formulée par l'ensemble des acteurs de la filière avicole que j'ai pu rencontrer sur le terrain est la suivante : « comment pourra-t-on vivre durablement avec cette crise ? »

En effet, aujourd'hui, la question se pose de savoir comment la filière avicole française pourra supporter l'impact économique des mesures sanitaires rendues nécessaires par l'apparition du virus hautement pathogène sur notre territoire.

Par un arrêté du 16 février 2006, le Gouvernement a décidé d'imposer la claustration, dite « confinement », des élevages sur l'ensemble du territoire. Toutefois, il a prévu qu'au confinement à l'intérieur de bâtiments fermés « il peut être dérogé [...], lorsque ce maintien n'est pas praticable. Dans ce cas, le détenteur des oiseaux doit faire procéder à une visite par un vétérinaire sanitaire ». Le déconfinement intervenu dans la Bresse s'inscrit dans ce cadre.

Le renforcement des mesures sanitaires et des contrôles vétérinaires a un coût, non seulement pour l'État mais aussi pour la filière, surtout s'il a vocation à durer.

Aujourd'hui - j'ai pu m'en rendre compte en me déplaçant dans les élevages, les abattoirs et les basses-cours -, tous les acteurs économiques de la filière avicole sont touchés : l'amont, la production et l'aval. En effet, cette crise affecte d'abord le premier maillon de la filière que sont les entreprises de sélection génétique - les reproducteurs - et les accouveurs, qui ne peuvent faire face à une évolution brutale du marché en raison de cycles de production longs de plusieurs années. Il en est de même pour les producteurs et les industries d'abattage, dont les cycles de production de plusieurs mois ne permettent pas d'adaptation de la production au niveau de la consommation, ce qui conduit la filière à stocker les viandes de volaille aujourd'hui non commercialisables.

Enfin, il faut souligner que l'élevage de qualité, qui constitue une spécificité française, devrait également souffrir de la crise de manière disproportionnée, car ses structures de production ne sont en rien adaptées aux mesures de confinement. À cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur un point précis : les éleveurs de qualité qui ne peuvent plus respecter certaines obligations de leur cahier des charges en raison d'exigences de sécurité sanitaire seront-ils autorisés par la Commission européenne à continuer à commercialiser leurs produits sous la même dénomination et avec les mêmes mentions valorisantes, labels ou AOC ? Je crois savoir que la Commission européenne devait se prononcer à cet égard aujourd'hui même.

La filière avicole française est d'autant plus fragilisée que son organisation, fortement intégrée dans les départements d'aviculture « industrielle », notamment ceux du grand Ouest, ne lui permet pas forcément la solidarité en son sein. Ainsi, elle ne dispose pas d'une interprofession et ne participe à aucun groupement de défense sanitaire, contrairement à la filière bovine, par exemple. En outre, elle doit faire face à un accroissement de la concurrence internationale, comme l'a rappelé Dominique Mortemousque.

Dès lors, la crise actuelle devrait sans doute redessiner les contours économiques de la filière et modifier son positionnement commercial, européen et, plus largement, international.

Si l'on intègre la dimension de la durée, que se passera-t-il le 31 mai 2006 lorsque les mesures de confinement décidées par le Gouvernement viendront à expiration ? C'est la question que l'on nous pose de manière lancinante quand nous nous déplaçons.

Nous savons que la claustration à long terme n'est pas tenable. Des solutions alternatives existent : soit le confinement sélectif et temporaire réservé aux zones et aux périodes à risque, soit la vaccination préventive. Cependant, il n'y a pas, à l'heure actuelle, de véritable consensus scientifique sur le rapport entre les coûts et les bénéfices de la vaccination préventive. Toutefois, on peut estimer que, dans certaines zones où le confinement étanche aurait un coût économique et social exorbitant, la vaccination préventive constitue une option valable et une solution satisfaisante lorsqu'elle reste ciblée.

Quelle que soit la solution retenue, une réflexion devra être menée quant à l'évolution des aides économiques distribuées à la filière, notamment à la filière de qualité. Des aides structurelles seront nécessaires pour permettre l'adaptation des installations aux mesures de claustration. Ainsi, dans mon département, la Seine-et-Marne, les éleveurs m'ont indiqué que des investissements à hauteur de 200 000 euros, sur l'ensemble d'un département qui n'est pas réputé pour sa filière avicole, seraient nécessaires pour installer des mécanismes spécifiques de ventilation.

Je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur les effets indirects de cette crise sur des activités particulières. Ainsi, en Seine-et-Marne, les directeurs d'école n'acceptent plus d'envoyer les enfants dans les fermes pédagogiques que compte ce département périurbain, ce qui entraîne un manque à gagner de 15 000 euros par mois pour ces fermes. Je vous laisse imaginer ce que cela représente pour une exploitation agricole !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Du point de vue sanitaire, le décret d'avance du 27 mars 2006 a été utile sur le court terme ; mais, si l'on s'installe dans la durée, les moyens de veille sanitaire devront être encore renforcés et développés.

Nous avons la chance, en France, de disposer d'un maillage vétérinaire unique en son genre, qui comprend 4 400 agents répartis dans 100 directions départementales, des services vétérinaires et 8 600 vétérinaires sanitaires libéraux exerçant un mandat de service public et réalisant l'essentiel des tâches de surveillance, de dépistage et de police sanitaire. Il faut préserver cette organisation, et même la renforcer, ce qui aura évidemment un coût.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

La parole est à M. Bernard Barraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Barraux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce bon département de l'Allier spécialisé dans l'élevage du Charolais, la production avicole s'est développée chez des éleveurs dont les exploitations étaient trop petites et qui avaient absolument besoin d'une activité d'appoint pour parvenir à un équilibre financier.

En trois ou quatre décennies, la production a pris une place très importante, puisque, avant cette crise, l'Allier produisait, en tonnage, presque autant de viande de volaille que de viande de boeuf.

Nous possédons un important parc de volailles dites « standard » et, grâce à la mise en place du poulet « Label Rouge », dont la qualité est universellement reconnue, nous disposons d'un parc très important de poulaillers « Labels ».

Toute la filière s'est mise en place en un temps record, accédant aux installations et à la technique qui étaient indispensables. Cela a demandé à chacun des acteurs de considérables investissements matériels et immatériels.

S'agissant de productions de consommation courante, les marges sont extrêmement faibles et le moindre incident dans un élevage se traduit irrémédiablement par une perte. De plus, le poussin n'arrive pas au poulailler par un coup de baguette magique : à la naissance de son premier poussin, une poule pondeuse reproductrice a déjà coûté en investissement 1 500 euros pour la nourriture et les soins divers.

Chaque membre de cette filière est complètement lié à son collègue d'amont et d'aval.

En effet, pour que cette filière fonctionne, il faut un éleveur possédant des installations parfaitement codifiées ainsi qu'une technicité de haut niveau ; il faut aussi un accouveur, qui doit prévoir d'une année sur l'autre la livraison de ses poussins ; il faut également un fabricant d'aliments pour les volailles, aliments qui obéissent à des règles d'une rigueur incroyable avec un contrôle permanent et drastique de toutes les matières premières utilisées ; il faut en outre un abattoir qui applique des principes sanitaires d'une hygiène parfaite et qui doit prévoir la vente et la livraison des volailles dès la mise en place de ces dernières dans les élevages ; il faut, de plus, des surfaces de vente qui gèrent, mais obéissent souvent aux impulsions d'une clientèle quelquefois versatile et toujours influençable ; il faut, enfin, des vétérinaires, des laboratoires d'analyses et des techniciens qui suivent et qui contrôlent en permanence tous ces élevages.

On peut presque dire que chacun de ces partenaires travaille à flux tendus, la moindre défaillance de l'un des maillons pouvant entraîner un effondrement de l'ensemble de la chaîne.

Dans la région Auvergne, ce sont plus de 4 000 personnes qui s'activent autour de la volaille.

Par considération et par respect pour tous ces gens, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait hautement souhaitable que nos excellents journalistes caméramans tournent sept fois leur caméra dans leurs mains avant de filmer ce qu'ils croient être du sensationnel et qui, en l'occurrence, était souvent factice et destructeur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Barraux

Quand le présentateur déclare que la consommation de volaille ne présente aucun danger à condition d'être consommée cuite - vous la mangez souvent crue la volaille, vous ?- et que, simultanément, le caméraman montre un tractopelle chargeant des volailles crevées ou anesthésiées dans un camion poubelle, une telle séquence vous étant servie à différentes reprises lors du journal télévisé de 20 heures, c'est-à-dire à l'heure de votre dîner, avouez que les conditions ne sont pas réunies pour lutter contre la sous-consommation de volaille !

Les conséquences ne se sont pas fait attendre et, depuis la mi-octobre, on peut craindre un effondrement complet de cette filière, laquelle est donc en très grand danger.

Jusqu'à maintenant les éleveurs n'ont pas encore trop souffert, car il a bien fallu élever les poussins qui avaient été mis en place et qui sortent actuellement. Certes, les vides sanitaires se sont déjà allongés - ils sont passés de trois semaines à neuf ou dix semaines - et vont encore s'allonger, mais cela constitue un manque à gagner, et non une perte.

Les abattoirs ont perdu 30 % de leur clientèle. Ils stockent, ils congèlent, et les frigos sont pleins. Les fabricants d'aliments ont pu livrer ces derniers jusqu'à maintenant, mais ils vont bientôt commencer à supporter les conséquences de la baisse de 30 % de l'activité. Quant aux accouveurs, c'est un véritable désastre, un véritable carnage économique, car ils ont dû jeter les oeufs et tuer la moitié de leurs poules pondeuses reproductrices, dont l'investissement, je vous le rappelle, s'élève à 1 500 euros au premier oeuf produit.

À moins de savoir lire dans le marc de café, il est impossible d'imaginer la durée de cette crise !

Ceux qui s'en sont le moins mal sortis sont les surfaces de vente qui, par crainte de ne pas écouler la marchandise achetée, ont anticipé, contribuant ainsi à amplifier quelque peu la crise. En effet, pendant plusieurs mois, il n'y avait plus de volailles en fin de matinée sur la plupart des étals.

Il y a bien eu l'opération « deux poulets pour le prix d'un » destinée à résorber les stocks, mais, monsieur le ministre, vous savez bien qui l'a payée ! Seuls en ont profité les consommateurs qui ne s'étaient pas laissé influencer par la télévision : ils ont rempli leurs congélateurs dans des conditions financières optimales et vont consommer tranquillement les volailles ; cela retardera d'autant la reprise, si toutefois reprise il y a un jour. Les autres consommateurs, influencés par ce dégoût collectif, n'ont pas acheté un seul poulet, les produits de substitution, tels le veau et le saumon, ne manquant pas.

La baisse de 30 % de l'activité de toutes ces entreprises va provoquer des pertes énormes. Les 63 millions d'euros que vous avez accordés à la filière ne suffiront pas à sauver cette dernière, monsieur le ministre, car la pire des catastrophes pour nos éleveurs serait l'effondrement de la filière avicole, et un seul maillon défaillant pourrait en être à l'origine.

Aujourd'hui, 1 000 emplois sont fragilisés en Auvergne : chômage complet ou partiel, licenciements, non-renouvellement de certains contrats. Telles sont les conséquences actuelles de cette situation.

Il est absolument impératif d'envisager une prise en charge de la filière pour en sauver tous les éléments. Le déplafonnement des 3 000 euros par exploitation doit être autorisé par la Commission européenne.

L'augmentation des restitutions doit se poursuivre, la congélation et le stockage privé des produits avicoles doivent être soutenus.

Jusqu'à ce jour, la Commission européenne n'a débloqué aucune aide en faveur des éleveurs victimes des conséquences de la médiatisation intempestive de la grippe aviaire, car aucun élevage n'a dû appliquer les mesures vétérinaires comme l'embargo ou l'abattage, qui ont été préconisés par l'Union européenne.

Monsieur le ministre, il faut absolument rassurer les consommateurs pour que cesse cette absurde situation de crise. Votre ministère, à l'époque de la crise de la vache folle, avait réussi une opération de communication qui avait très largement contribué à la reprise de la consommation de la viande bovine. Alors, au boulot, monsieur le ministre !

Sourires. -M. Pierre-Yvon Trémel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mondialisation du commerce induit une âpre concurrence. De plus, l'aviculture française doit faire face à de fortes baisses de consommation, qui sont directement liées à la psychose de la grippe aviaire.

Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences économiques de l'infuenza aviaire sur la filière avicole française, et plus particulièrement sur la crise que traverse l'aviculture fermière gersoise.

L'aviculture française représente 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 600 millions d'euros d'exportations.

En février 2006, la consommation de volaille a chuté de 20 % et les exportations ont diminué de 20 % à 30 % pour les mois de janvier et de février. Une baisse de consommation de 20 % entraîne 60 millions d'euros de perte sèche mensuelle pour la filière. En dépit de l'allongement obligatoire des vides sanitaires, la production reste excédentaire, car la consommation peine à retrouver son niveau habituel.

L'équilibre n'est donc pas rétabli. C'est l'avenir de toute une filière, l'emploi de milliers d'hommes et de femmes et la survie de nombreuses exploitations et entreprises qui sont menacés, car ces élevages sont souvent le complément indispensable aux petites exploitations céréalières.

L'origine du dysfonctionnement réside principalement dans la chute des volumes de consommation. La confiance du consommateur est essentielle : comment éviter qu'il ne déserte à nouveau les rayons « volaille » si de nouveaux foyers de grippe aviaire se révélaient ?

Il faut souligner que le droit à l'information ne doit pas dégénérer en une sur-médiatisation frisant l'hystérie, due surtout à l'absence de sujets majeurs, et provoquer une psychose chez les consommateurs.

Gardons notre sang-froid ! En effet, si la grippe aviaire a fait 91 morts dans le monde depuis son début, chaque année, en France, 3 000 personnes sont victimes de la grippe classique.

Il faut prolonger la campagne nationale d'information lancée par le ministère de l'agriculture par des relais locaux, en particulier dans les bassins régionaux de production : le Gers, les Landes, le pays de Loué, pour ne citer que les principaux d'entre eux.

En effet, les associations professionnelles avicoles, notamment celles du Gers, ont déjà des stratégies de communication prêtes, jouant la transparence et insistant sur la sécurité et la traçabilité de leurs produits.

Les professionnels attendent également que la campagne nationale s'appuie sur des arguments irréfutables, comme la vigilance sanitaire constante de 5 000 vétérinaires sur le territoire français. Ils sont attentifs et informés pour faire face à l'hypothèse d'un volatile infecté dans leur élevage.

Cette vigilance des autorités sanitaires françaises est, de plus, portée au maximum de ce qu'il est possible de mettre en place aujourd'hui au regard de l'évolution de l'influenza sur notre territoire.

Dans ce contexte perturbé, les professionnels les plus touchés sont, en amont, les éleveurs de volailles, en particulier ceux dont les investissements sont lourds et récents, comme les jeunes exploitants et les producteurs sous label de qualité.

Le Gers, qui tire 18 % de son revenu brut de l'activité avicole, est particulièrement ébranlé. On estime à 5 millions d'euros mensuels, dont 2 millions pour la partie production, les pertes de la filière dans le département. De nombreux éleveurs, travaillant souvent dans des exploitations familiales et de taille modeste, craignent aujourd'hui à juste titre pour la survie de leur exploitation.

L'allongement obligatoire des vides sanitaires se répercute fortement sur leur revenu : jusqu'à 30 %.

Les éleveurs ont donc besoin en urgence d'aides financières afin de compenser leurs coûts structurels. Ces coûts pourront être réduits par un regroupement de la production et donc la fermeture d'un certain nombre de bâtiments, mais il faudra faire face aux conséquences sociales induites.

La plupart des groupes de la filière ont ajusté leur production au niveau de la demande et cinq grands groupes nationaux ont déjà annoncé des mises au chômage partiel pour fin avril. De nombreux contrats à durée déterminée ou contrats en intérim ne seront pas renouvelés.

Afin de limiter le coût social de la crise avicole, il faut prévoir des plans de formation et de reclassement. Je pense particulièrement aux salariés de mon département, habitant un territoire très rural et ayant passé parfois plusieurs dizaines d'années dans un abattoir : leur reconversion et leur reclassement sans formation sont difficiles. Il faut absolument les aider.

Pour ce qui est des outils industriels, les deux abattoirs du département annoncent des mesures de chômage partiel et un regroupement en un seul site, pour lequel ils ont besoin d'une aide de l'État.

Il faut écouler les stocks en trouvant de nouveaux débouchés et vider les congélateurs sans casser le marché national. Les instances européennes doivent réexaminer et redéfinir les conditions d'exportation.

La volaille française, extrêmement sécurisée, est victime des embargos décidés sans aucune concertation par les pays importateurs, alors même que les volailles étrangères entrent en Europe sans des contrôles d'origine et d'identification aussi rigoureux.

Dans mon département, l'aviculture fermière est une tradition ; les éleveurs travaillent dans le respect de leur environnement et du consommateur. Il serait catastrophique que cette branche traditionnelle de l'aviculture, tenant une place majeure dans l'économie locale, disparaisse.

Certes, monsieur le ministre, vous n'êtes pas resté inactif. Depuis le mois de novembre, vous avez débloqué, sur le plan national, 63 millions d'euros pour la filière. En février, une enveloppe de 20 millions d'euros, à laquelle s'ajoutent les 5 millions d'euros annoncés en janvier 2006, a ainsi été consacrée au financement de nombreuses mesures en faveur des éleveurs : indemnisations pour le manque à gagner résultant d'une réduction volontaire de production, allégement des charges d'emprunts pour les éleveurs qui ont investi récemment et pour les jeunes aviculteurs, ou encore prise en charge des cotisations de la Mutualité sociale agricole pour les producteurs en difficulté.

Ces mesures étaient vitales, et je me félicite de la réactivité du Gouvernement.

Toutefois, d'autres acteurs de la filière avicole ne bénéficient pas d'une telle aide, alors qu'ils se trouvent dans une situation financière particulièrement délicate. Tel est le cas de grands accouveurs et de petits abattoirs.

Comment le Gouvernement entend-il donc soutenir ces acteurs économiques aussi essentiels de la filière avicole ? Leur accordera-t-il des aides spécifiques, notamment une indemnisation de pertes d'exploitation, un allégement ou une exonération de charges ? Le cas échéant, pouvez-vous nous dire quand et comment seront calculées puis réparties ces aides ?

Par ailleurs, vous avez annoncé une avance de 1 000 euros par exploitation. Or les conditions d'accès à ces aides sont vivement critiquées par la profession : il semble que de nombreux éleveurs en soient exclus ou partiellement écartés, notamment ceux qui ont choisi de diversifier leurs productions mais pour qui l'atelier « volaille » représente une grande partie du revenu de l'exploitation.

Quoi qu'il en soit, ces dispositions d'urgence ne doivent constituer qu'une première étape, car elles ne suffiront pas à couvrir les pertes déjà enregistrées et à venir de la filière. Je le rappelle, ces pertes sont de l'ordre de 40 millions d'euros par mois.

Enfin, qu'en est-il, monsieur le ministre, des mesures de gestion de marché ? La profession les réclame depuis novembre.

Vous avez alerté le conseil des ministres européens en janvier et en février, mais la Commission tarde à réagir. Le Conseil européen du 20 mars dernier a pris une décision : surtout, ne rien décider !

Quand l'Europe va-t-elle se réveiller ? Espérez-vous des mesures adaptées dès ce mois d'avril et seront-elles rétroactives ?

Pour que l'État soit efficace dans son soutien à la filière, une concertation doit être mise en place avec la profession afin de définir les actions indispensables au maintien de cette activité.

Monsieur le ministre, vous avez prouvé que vous étiez un homme de dialogue. Nous comptons sur vous !

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat était nécessaire et urgent, et je remercie notre collègue M. Dominique Mortemousque d'avoir posé cette question orale avec débat : nous pouvons ainsi faire ici les constats nécessaires, surtout interroger le Gouvernement et, via celui-ci, l'Europe sur les mesures à venir en vue de soutenir la filière avicole.

L'épizootie d'influenza aviaire ne date pas d'aujourd'hui : à l'image de la grippe humaine, qui revient chaque année sous des formes diverses, elle frappe ici et là régulièrement depuis plus d'un siècle. Sa première description date de 1878, en Lombardie. Depuis 1959, vingt-cinq épisodes d'épizootie ont été enregistrés dans le monde.

En 1983, les États-Unis furent touchés et durent abattre plus de 17 millions d'oiseaux et dépenser 54 millions d'euros. On se souviendra également de l'épidémie, aux Pays-Bas, en février 2003, qui a coûté, selon mes sources, le décès d'un vétérinaire et près d'un milliard d'euros de pertes pour seulement 200 millions d'euros d'aides.

Enfin, l'épidémie de l'été 2005 est partie des Philippines, gagnant la Chine en novembre, puis la Thaïlande.

La suite, nous la connaissons tous : en Europe et en France, les cas se sont multipliés chez les oiseaux, en particulier, chez les chats et dans quelques élevages. La transmission à l'homme du virus H5N1, les dizaines de décès humains qui ont été enregistrées et l'ampleur géographique du phénomène nous permettent malheureusement d'employer le terme de panzootie.

Fort heureusement, jusqu'à présent, le virus H5N1 ne semble pas se transmettre entre humains. Il faut cependant rester très prudents, car les trois grandes épidémies du XXe siècle sont soupçonnées d'être d'origine aviaire par des biologistes moléculaires et virologistes américains : la grippe espagnole de 1918 était un virus de sous-type H1N1, la grippe asiatique de 1957 un virus H2N2 et celle de 1968, dite de « grippe de Hong-Kong », un virus H3N2. Ces virus ont tous trois trouvé les clés d'entrée dans les cellules humaines.

L'expérience nous amène à constater que les pays riches éradiquent plutôt bien les pandémies, alors que les pays pauvres demeurent des foyers permanents, faute de moyens de détection précoce, de logistique vétérinaire et de moyens financiers d'indemnisation.

Ce constat nous amène à plaider fortement pour que les pays riches affectent des ressources et des moyens aux pays pauvres, comme le préconise M. Bernard Vallat, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale.

La dimension mondiale semble indispensable, tant pour la prévention que pour la mise en oeuvre de moyens curatifs. Ce type de mondialisation, que je qualifierais de positive si elle se mettait en place, se heurte violemment aux fabricants d'antiviraux, aux grands groupes pharmaceutiques, qui préfèrent grossir encore leurs fortunes en vendant des centaines de millions de doses de Tamiflu. Chacun se souvient encore du comportement de ces groupes à l'égard du virus du sida et de la possibilité pour les pays pauvres de fabriquer des génériques ou d'y accéder.

Les brevets des vaccins deviennent un véritable obstacle à la lutte contre les pandémies. La mobilisation des organisations non gouvernementales et d'un certain nombre de pays a cependant permis que les choses bougent quelque peu dans ce domaine. Ainsi, les groupes Roche et Gilead ont enfin rendu publiques les techniques de fabrication du Tamiflu et négocient avec les industriels du générique.

Cet exemple montre bien qu'il n'y a pas de fatalité pour que les monopoles en tous genres reculent au profit du bien-être de l'humanité.

En novembre 2005, quelque cent trente pays se sont engagés à apporter 2 milliards de dollars sous forme de dons et de prêts aux pays les plus démunis et les plus exposés. Le 4 avril dernier, on pouvait lire, dans le journal Le Monde, que l'Europe était « le plus mauvais élève » et qu'elle n'avait même pas décidé comment attribuer les sommes promises. C'est seulement le 30 mars dernier que nous avons appris qu'elle proposait de financer 50 % des aides nationales aux éleveurs sans pour autant dégager de budget spécifique.

Cette attitude de l'Union européenne est incompréhensible et irresponsable. Elle n'engage pas à la confiance la filière avicole française, qui attend des aides !

Les effets psychologiques liés à l'évolution géographique de la maladie ont conduit à des baisses très sensibles de la consommation, qui s'établissaient de 15 % à 30 % dès le mois de novembre, selon les segments, pour se situer aujourd'hui à environ 5 %, et ce dans le contexte d'une aviculture française encore fragilisée par les délocalisations au Brésil, les importations de viandes saumurées de Thaïlande et du Brésil, et l'accord de Marrakech sur le commerce international, qui a « plombé » les facilités par les vides juridiques européens en matière d'importation.

La découverte d'un premier canard mort et infecté par le virus H5N1 dans l'Ain, le 21 février dernier, puis la contamination de l'élevage de Versailleux ont eu pour effet d'aggraver la crise de confiance et de voir se fermer de nombreux créneaux à l'exportation. Cet élevage étant le seul à avoir été infecté, les présomptions sont très lourdes pour que la principale cause de contamination soit due aux allées et venues des journalistes, qui, pour le moins, n'ont pas rendu service à la profession.

Dès le 28 février dernier, une vingtaine de pays fermaient leurs frontières à la volaille française ; le 2 mars, ils étaient quarante-trois à décider un embargo, ce qui a eu pour effet d'amplifier la crise sur le terrain.

Accouveurs, éleveurs de volailles et de gibier à plumes, sélectionneurs, transporteurs, abatteurs, transformateurs et salariés ont tous été touchés.

À ce titre, l'exemple de la Bretagne, qui représente 33 % de la production française, est particulièrement évocateur, et ce n'est donc pas un hasard si quatre sénateurs bretons sont inscrits dans ce débat ! Entre 10 000 et 20 000 emplois y sont menacés, en premier lieu les plus fragiles, à savoir ceux des intérimaires et les contrats à durée déterminée ; le port de Brest lui-même a vu son trafic à l'exportation de volailles chuter de 33 %.

De nombreux abattoirs pratiquent le chômage partiel, ce qui touche durement des salariés à faible revenu. L'allongement des vides sanitaires va se répercuter pendant de longs mois sur le revenu des éleveurs, qui subissent déjà les dures conditions des intégrateurs. Les ventes de volailles démarrées aux particuliers ont chuté de 70 %, si bien que le stock de volailles invendues atteint 400 000.

Cet exemple montre bien les conséquences de la crise sur le plan national, auxquelles s'ajoutent des effets en cascade : chute de 8, 5 % de la production d'aliments du bétail en janvier et en février, mise à mal du secteur de la sélection, frais liés au coût des stockages industriels, notamment.

Venons-en aux aides indispensables. Il faut souligner ici l'implication financière de nombreux départements et régions, en particulier dans le secteur de la communication.

La profession attend désormais, au-delà des premières aides débloquées par le Gouvernement, des mesures à la hauteur de la crise : le maintien du potentiel de production, d'abattage et des emplois y afférant ; la compensation intégrale des pertes subies par les salariés, les aviculteurs et les entreprises ; la prise en charge sociale et fiscale des personnes pénalisées ; la poursuite de la démarche vers des produits de qualité, de gamme supérieure ; le renforcement de l'organisation professionnelle ; l'engagement des banques pour la baisse des taux d'intérêt, des découverts et des prêts ; l'instauration d'un grand débat public sur l'avenir de la filière, son évolution et la reconquête de l'indépendance des producteurs vis-à-vis des intégrateurs ; le renforcement de la communication sur les plans national et international ; enfin, le déblocage immédiat de l'embargo, qui ne se justifie plus, dans les pays où il a été instauré.

Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les aides qu'il est nécessaire d'apporter aux entreprises d'abattage et de transformation, afin que celles-ci échappent aux effets d'aubaine et que les emplois y soient préservés. Trop souvent, en effet, les crises constituent, dans certaines entreprises, un bon prétexte pour mettre en oeuvre un plan de licenciement concocté des mois à l'avance.

La dimension européenne et mondiale de la crise devrait amener les dirigeants politiques à modifier leurs politiques d'aide traditionnelles. Ainsi, les sommes allouées de 3 000 euros par exploitation et de 150 000 euros par entreprise ne suffiront pas. Les négociations internationales doivent fixer un objectif qualitatif et quantitatif de sécurité alimentaire.

Cette crise sanitaire, qui fait suite à d'autres crises, nous conduit à réfléchir sur la modification indispensable des règles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, sur la nécessaire solidarité internationale, ainsi que sur la durabilité et l'aménagement de nos territoires, au sein desquels vivent des hommes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'évoquer les conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole, je voudrais revenir sur le traitement médiatique de celle-ci. En effet, le zèle dont il a été fait preuve à cet égard, dès l'apparition de foyers d'infection en Turquie, en octobre dernier, a provoqué chez les consommateurs une peur totalement irraisonnée.

Certes, la transparence s'impose sur ce type de problème, car rien n'est pire pour l'opinion publique que d'avoir le sentiment qu'on lui cache des choses. Mais de là à fonder la communication autour de cet événement sur une situation purement hypothétique, il y a une marge que l'on n'aurait pas dû franchir.

Dès le 3 novembre dernier, j'écrivais au Premier ministre afin de relayer l'inquiétude réelle de la filière avicole face à cette déferlante politico-médiatique. Dans cette lettre, restée à ce jour sans réponse, je qualifiais la course à l'information de « virus bien plus virulent » que l'influenza aviaire, maladie connue des éleveurs de volailles depuis des décennies.

Je citerai simplement, comme exemples de communication dévastatrice, les reportages télévisés montrant la capture de volailles par des personnes habillées en cosmonautes

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Et que dire de la circulaire adressée en janvier aux préfets, que beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs hésité à transmettre aux maires, leur recommandant tout simplement, en phase d'alerte pandémique - nous en sommes pourtant toujours bien loin -, « d'identifier les sites potentiels permanents qui pourraient recevoir des corps sans mise en bière ». Tous les maires ici présents ont reçu ce courrier.

Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Le résultat, c'est que tous les propos de bon sens tenus par des élus et des responsables de terrain ont été finalement battus en brèche.

Comprenez-moi, monsieur le ministre : je critique non pas le plan gouvernemental de réaction à la grippe aviaire, mais bel et bien son traitement médiatique. « Heureusement », pourrait-on dire de façon cynique, les événements urbains de novembre puis la crise du CPE ont détourné les esprits de cette préoccupation. On ne parle plus beaucoup de la grippe aviaire, mais les dégâts sont faits.

Pour illustrer mon propos, permettez-moi d'évoquer le cas concret d'un abattoir de volailles situé dans mon canton. Les contraintes sanitaires auxquelles cette entreprise est soumise depuis de nombreuses années sont draconiennes. Savez-vous par exemple, monsieur le ministre, qu'il existe en différents endroits de ce bâtiment industriel des dispositifs de piégeage d'insectes et que, chaque soir, les mouches attrapées sont pesées afin de s'assurer que tout est normal ?

Je regrette d'ailleurs que les normes de sécurité sanitaire et les protocoles de désinfection mis en oeuvre dans ce type d'installation n'aient jamais fait l'objet d'une réelle information dans les médias, car elle suffirait à rassurer pleinement le consommateur ! D'ailleurs, j'en profite pour rappeler que la France est l'un des pays où les règles sont les plus draconiennes en matière de sécurité alimentaire et que la volaille a toujours été considérée, jusqu'à récemment, comme le produit le plus sûr, celui dont la traçabilité était la mieux assurée.

Avant la « crise », l'abattoir en question employait entre 210 et 250 personnes selon les saisons et abattait, puis découpait 200 000 volailles par semaine. Celles-ci provenaient d'environ 200 élevages, utilisant la production de quelque 3 600 hectares de céréales. Cet abattoir faisait également travailler 25 entreprises régionales de service, dont 4 sociétés de transport routier. C'est dire l'importance de l'enjeu économique que représente ce secteur !

Les pertes subies par cet abattoir entre le 1er novembre 2005 et le 1er mars 2006 sont estimées par son directeur à plus de 987 000 euros. Outre cette perte sèche, l'entreprise doit également faire face au gonflement de ses stocks et au coût supplémentaire de congélation qui en résulte. Tirant les conséquences d'une baisse de son chiffre d'affaires de 15 %, elle a dû réduire ses effectifs de 14 %, principalement en mettant fin aux emplois d'intérimaires et aux contrats à durée déterminée. Enfin, elle n'a pas embauché de personnel supplémentaire pendant la période des fêtes de fin d'année, contrairement à son habitude.

Aujourd'hui, cette entreprise vend non seulement moins en volume mais également à moindre prix, et ses responsables doivent lutter pour sauvegarder ses parts de marché. Cette bataille se déroule sur le marché intérieur mais aussi à l'export, où le Brésil, principal exportateur de cette filière, tente d'écouler 10 % de surproduction.

L'abattoir dont je vous ai parlé n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres. Vous me direz, monsieur le ministre, que la solidarité nationale va jouer et que cette entreprise, comme toute la filière, est soutenue économiquement.

Son directeur a effectivement déposé un dossier de demande d'aide à la Direction régionale de l'agriculture et de la forêt, la DRAF, en se fondant, comme je l'indiquais à l'instant, sur un impact de 987 000 euros sur quatre mois. La DRAF lui a répondu que, pour l'ensemble de la région Champagne-Ardenne, 200 000 euros seraient distribués, en direction de tous les acteurs de la commercialisation - rôtisseurs, grossistes, revendeurs, abattoirs, etc -, ce qui représente des centaines de dossiers.

Aussi, quels que soient les critères retenus pour l'attribution des aides et quelle que soit l'issue de la répartition entre tous les acteurs concernés, nous savons d'ores et déjà que cette aide ne sera pas à la hauteur des besoins d'une filière qui représente, dans nos territoires, de nombreux emplois directs et indirects. Il y a là un enjeu important en termes d'aménagement du territoire.

Ce débat, lancé par notre collègue Dominique Mortemousque, me semble donc bienvenu et indispensable pour prendre conscience des effets de cette grave crise qui, n'en doutons pas, laissera des traces, et dont nous devrons tirer les conséquences.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du mois de novembre, une question orale avec débat sur ce sujet avait déjà été posée à M. le ministre de la santé et des solidarités. J'avais alors attiré son attention sur les conséquences économiques de cette crise, et pas seulement sur ses risques sanitaires, en lui indiquant que les premières victimes de ce fléau seraient les producteurs et tous les salariés du secteur agro-alimentaire.

Pour ma région, la Bretagne, il s'agit d'une question absolument essentielle. Comme l'a dit Gérard Le Cam, ce n'est pas un hasard si les sénateurs des quatre départements bretons sont présents aujourd'hui.

Je tiens à remercier M. Mortemousque d'avoir pris l'initiative de ce débat sur les conséquences économiques de la grippe aviaire, débat d'autant plus important qu'il a lieu alors que nous disposons enfin du recul nécessaire, après une pause médiatique due à la présence d'autres sujets au premier plan de l'actualité. Ce débat va nous permettre de faire un premier état des lieux et de commencer à tirer les enseignements de cette crise conjoncturelle qui touche un pan entier des secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire, déjà fortement secoués par des crises plus structurelles.

Cette crise conjoncturelle pourrait d'ailleurs elle-même devenir structurelle si, tous les ans, à la même époque, le risque de la grippe aviaire devait refaire son apparition. En effet, il ne faut pas oublier que la situation actuelle fait écho à une autre période très difficile, qui a déjà provoqué une restructuration de grande ampleur dans cette même filière, notamment en Bretagne.

Ainsi, entre 1998 et 2003, la filière régionale bretonne a perdu 200 000 tonnes en abattage, 400 000 mètres carrés de surface de poulaillers et, ce qui est une conséquence logique, 2 000 emplois dans l'agroalimentaire à cause des fermetures définitives de plusieurs sites.

Cette filière a donc déjà beaucoup donné, notamment en Bretagne, et ce deuxième choc économique en est d'autant plus difficile à supporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Permettez-moi d'ailleurs de vous indiquer, monsieur le ministre, que les nombreux mètres carrés fermés chez nous ont vraisemblablement dû être ouverts ailleurs puisque, durant la même période, la production nationale totale n'avait pas baissé !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je souhaite donc qu'à l'occasion de plans de cessation soutenus par l'État, le ministère de l'agriculture veille à ce que les efforts consentis ici, par les uns, ne soient pas compensés par une augmentation de la production ailleurs.

Aussi, lorsque j'entends Mme Fischer Boel, commissaire européen de l'agriculture, dire qu'elle va tenter d'obtenir des éleveurs une réduction de la production tout en soutenant le marché afin d'assurer un revenu stable aux producteurs, je suis inquiète. Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment vous pensez concilier, au sein de cette filière, le conjoncturel et le structurel.

Une action cohérente et une vision globale sont absolument nécessaires, en plus de l'indispensable solidarité. Tel est le rôle du Gouvernement, d'une part, et de l'interprofession, d'autre part.

Pourtant, des avancées ont été faites par la Commission européenne, qui a adopté dernièrement une proposition permettant un cofinancement à hauteur de 50 % des dispositifs de soutien du marché en faveur des éleveurs de volailles et de producteurs d'oeufs. Ces mesures exceptionnelles devraient permettre à chaque État membre de prendre les dispositions les mieux adaptées à sa situation particulière.

Dans ce cadre, monsieur le ministre, envisagez-vous de mieux adapter les aides aux situations particulières, soit à l'intérieur de la filière, selon les secteurs, soit au niveau géographique, qu'il soit départemental ou régional ?

Pour en revenir à des considérations plus générales, je me félicite avec M. Mortemousque de ce que la consommation, qui avait baissé très sensiblement, soit légèrement remontée : par rapport à celle de mars 2005, elle atteint le taux de moins 12 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Malheureusement, le mal est fait et on ne peut pas rayer d'un trait de plume, notamment dans la comptabilité d'une exploitation agricole ou d'une entreprise agroalimentaire, les manques à gagner de plusieurs mois.

Dois-je vous rappeler que, selon les types de production, les signes de qualité et la présentation à la vente de la volaille - entière, découpée, fraîche ou congelée -, cette baisse a pu atteindre jusqu'à 50 % et que les cours ont baissé jusqu'à 40 % ? Comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, les producteurs ont vu la durée de leur vide sanitaire s'allonger, ce qui représente autant de semaines sans revenu.

Les conséquences sociales, on le voit partout, sont déjà très lourdes. Et pourtant, la consommation de volaille semble avoir moins chuté en France que dans d'autres pays d'Europe, ce qui pose à nouveau les problèmes de l'exportation et de l'embargo imposé par les pays étrangers.

Il faut donc continuer à affirmer que notre filière est parfaitement sécurisée, que nos producteurs sont des professionnels sérieux et compétents qui ne prendraient jamais de risques inutiles, car ils savent bien qu'ils seraient encore une fois les premiers touchés. L'excellence de notre réseau sanitaire, assurée notamment par l'AFSSA, la traçabilité totale et la qualité de nos produits doivent être valorisées et soutenues. Mais je ne suis pas sûre, monsieur le ministre, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen de la loi de finances, que les crédits votés sur ces postes lors du dernier budget de l'agriculture le permettent.

Dans son intervention, M. Mortemousque a passé en revue les diverses mesures d'aide financière ou de trésorerie que vous avez prévues, et c'est bien. Mais il a évoqué également, comme vous-même, monsieur le ministre, la mobilisation des collectivités territoriales, et notamment des régions, ce qui montre bien l'importance de l'enjeu économique auquel nous devons faire face.

Encore une fois, je me permettrai d'étayer mon propos à partir de l'actualité et des chiffres de notre région.

Chez nous, cette filière représente encore 16 650 emplois directs répartis de la façon suivante : 3 100 aviculteurs de chair, 750 producteurs d'oeufs, 720 emplois en service à la production, 880 emplois en couvoirs, 11 200 emplois en abattage, transformation et découpe.

Le parc breton de bâtiments destinés à la volaille de chair représente plus de 5 millions de mètres carrés. La production de 2005 a été de 623 148 tonnes, soit 36 % de la production nationale de volailles, et 58 % de cette production a été exportée. C'est d'ailleurs peut-être là que réside vraiment le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

À lui seul, mon département, le Morbihan, regroupe 60 % des effectifs des 61 établissements industriels de Bretagne.

Enfin, il faut savoir que 100 emplois à la production génèrent 386 emplois en amont et en aval de la filière.

Tous ces chiffres démontrent combien la crise est importante et combien sont grandes les inquiétudes, car on peut toujours parler de réorientation de la production à moyen et à long terme, mais, à très court terme, il nous faut bien gérer les problèmes du quotidien et ne pas laisser les plus fragiles, c'est-à-dire les producteurs intégrés, notamment les petits producteurs, et les salariés de l'agroalimentaire, supporter le poids de cette crise.

Ces chiffres permettent aussi de comprendre pourquoi la plupart des professionnels, des syndicats et des élus de la région ont été surpris par la faiblesse de l'enveloppe de 3, 6 millions d'euros pour les éleveurs bretons. Certes, les calculs ont été établis sur la base d'une surdotation pour les élevages de qualité et de plein air, et c'est normal ; mais - je le répète, car l'enjeu est crucial - une réorientation rapide de la production n'est pas possible, et, même si nous souhaitons plus de signes de qualité - c'est possible même dans les filières de production massive - et plus de gammes de produits supérieurs, ce n'est envisageable qu'à moyen et à long terme. Or notre souci immédiat est bien de sauver cette filière si importante, ses emplois et son impact sur l'aménagement de notre territoire.

C'est pourquoi il est prévu que notre engagement régional soit plus particulièrement ciblé, pour accompagner les mesures de l'État, sur les productions sous signe de qualité mais également sur les jeunes agriculteurs ayant investi récemment, car ces derniers représentent pour partie l'avenir de la filière, qui devra bien, d'une manière ou d'une autre, redémarrer demain, avec le risque de voir se reproduire périodiquement le problème de la grippe aviaire.

De même, les reproducteurs et les accouveurs sont des pièces maîtresses du système, car ils sont eux aussi le gage de l'avenir et notre indépendance par rapport aux concurrents. Notre potentiel génétique est reconnu de tous, même s'il est de plus en plus fortement concurrencé, et nous devons absolument le préserver par une déclinaison spécifique du plan national de soutien à la filière.

Pour n'avoir évoqué jusqu'à présent que le volet amont de cette filière, je n'oublie évidemment pas le côté industriel, qui est absolument indispensable à l'échelon national et qui structure une grande partie de notre espace rural. Dans bon nombre de bassins de vie, il représente la seule activité importante en capacité de fournir un travail régulier à ces salariés de l'agroalimentaire qui ont peut-être été les oubliés de la crise, c'est-à-dire à tous ces intérimaires et ces employés en CDD qui en ont été les premières victimes et dont on a si peu parlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

À cela s'ajoutent maintenant les mesures de chômage partiel, mais je laisserai ma collègue Yolande Boyer vous parler plus en détail de la situation des salariés ainsi que des problèmes soulevés par les mesures de déstockage.

Là aussi, monsieur le ministre, contrôles et transparence seront absolument nécessaires. Pourquoi, par exemple, faire venir dans certaines entreprises des salariés en heures supplémentaires le samedi, quand d'autres sont au chômage partiel, pour abattre et conditionner des stocks ? Je n'ose imaginer que l'objectif soit de produire un maximum de quantité pour ensuite bénéficier d'un maximum de soutien public !

Sur ce sujet encore, j'en appelle à votre vigilance, car cette crise ne doit pas servir d'alibi à certains groupes et être l'arbre qui cache la forêt.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Tout le monde sait depuis longtemps - depuis les accords de Marrakech - que la fin des restitutions est prévue pour 2013. Peu nombreux sont ceux qui ont commencé à anticiper une réorientation de leurs activités. Je souhaiterai donc connaître votre positionnement s'agissant du fonds européen d'ajustement à la mondialisation, destiné à aider les travailleurs. Pourrait-il venir en aide aux salariés victimes des restructurations ?

J'ai beaucoup utilisé le terme « filière » dans mon intervention. Il faut en effet une interprofession solide, représentative et plurielle, où chacun puisse trouver sa place. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de la mission que vous aviez confiée à ce sujet en septembre 2005 à trois spécialistes ? Avez-vous un échéancier à nous proposer à la suite de leur rapport ?

Enfin, avez-vous l'intention d'apporter des soutiens supplémentaires ou plus spécifiques à certaines productions, voire à certains secteurs géographiques ? La seule réponse de la restructuration ou de l'aide au départ n'est pas satisfaisante, car nous savons bien que ces mots-là cachent la disparition de centaines d'agriculteurs et de milliers d'emplois.

Comme M. Mortemousque, je veux cependant rester optimiste. Je crois que, si elle arrive à s'imposer sur les marchés de gammes supérieures dans toutes les productions, si elle sait valoriser les atouts que sont la qualité, la traçabilité, l'origine, le respect de l'environnement et le bien-être animal, notre filière avicole a encore un bel avenir, pour peu qu'on l'aide aujourd'hui à passer le cap et, surtout, qu'on l'aide efficacement demain dans sa réorientation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du CPE aura eu au moins une conséquence positive : elle nous a subitement guéris de la grippe aviaire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Plus exactement, elle nous a guéris de la peur panique qui s'était emparée du pays à l'idée d'une pandémie grippale venue des airs.

Si nous semblons revenus de notre phobie, la filière avicole, elle, souffre, hélas ! plus que jamais. C'est la raison pour laquelle je remercie Dominique Mortemousque d'avoir posé cette question orale. J'aimerais cependant rappeler, monsieur le ministre, que notre collègue du groupe UC-UDF Jean Boyer avait déjà attiré votre attention le 7 mars dernier, dans une question orale sans débat, sur les difficultés rencontrées par la filière avicole à la suite des menaces de grippe aviaire.

Toute cette affaire de grippe du poulet laisse une désagréable impression de flou et d'irrationnel.

Nous pouvons comprendre le flou. Les données scientifiques ne semblent pas permettre d'évaluer précisément le risque de pandémie. Faiblement probable, donc fortement improbable, la mutation du virus en un agent hautement pathogène transmissible entre humains est aujourd'hui totalement imprévisible.

Dans ces conditions, il est bien naturel que le principe de précaution inscrit dans notre Constitution trouve à s'appliquer.

Le Gouvernement a, il est vrai, réagi rapidement, avec un plan « pandémie grippale » pertinent et adapté, pour faire face à la crise à tous ses niveaux de développement.

Les mesures prises dans le cadre de ce plan, telles que l'interdiction d'importation de produits potentiellement porteurs du virus, le renforcement de la surveillance des oiseaux migrateurs et leur vaccination, l'approfondissement des contrôles sanitaires dans les aéroports, la commande d'importantes quantités d'antiviraux, le confinement de tout le territoire métropolitain depuis le 18 février dernier, la constitution de stocks de masques de protection et la mise en réserve de 62 millions de vaccins prêts à être distribués dès l'apparition du virus, ne nous paraissent pas excessives.

Elles le sont d'autant moins qu'à la fin du mois de février ont été signalés les premiers cas d'élevages infectés en France.

En revanche, le principe de précaution doit être appliqué de façon maîtrisée, progressive et adaptée. Or ce n'est pas ce à quoi nous avons assisté.

À partir du moment où des risques de pandémie ont été évoqués, s'est développée dans le pays une peur panique irraisonnée, largement entretenue plusieurs fois par jour par les médias. Alors qu'à la Réunion l'épidémie de chikungunya faisait des ravages réels, ici, on ne se préoccupait que d'une très hypothétique pandémie grippale. Cette dimension irrationnelle, nous ne pouvons la tolérer et il faut la combattre.

Nous ne pouvons la tolérer parce qu'elle a suscité chez nos concitoyens une défiance relativement absurde à l'encontre de tout produit avicole. Résultat : sans raison valable, c'est toute une filière qui se trouve sinistrée, comme les chiffres très alarmants que Mme Herviaux, qui est originaire de la même région que moi, vient de citer le démontrent.

On sait pertinemment que le poulet et les oeufs cuits ne font courir absolument aucun risque au consommateur. Qui mange du poulet cru et, hormis les chanteurs d'opéra, qui gobe des oeufs ? Pourtant, les ventes de volailles ont chuté de 10 % depuis deux mois, après avoir atteint un creux de moins 25 % à la fin de l'année.

Éleveurs professionnels, accouveurs, personnels d'établissements d'abattage, revendeurs, ce sont des milliers d'emplois qui, dans mon département, l'Ille-et-Vilaine, pourraient être menacés.

L'industrie avicole française est la troisième du monde et la première de l'Union européenne, avec un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros chaque année et un cheptel de 125 millions de têtes.

Elle souffre déjà fortement de la concurrence brésilienne, qui lui a imposé depuis 2002 une baisse des prix de vente de 5 % à 8 % par an. Tous les ans les prix baissent ! On conçoit à quelle évolution la profession a été contrainte et quelle maîtrise elle a dû acquérir. Sans qu'elle ait commis la moindre faute, voilà que, sans raison, la grippe aviaire risque de faire disparaître 15 % des emplois de cette filière d'excellence, voire, à terme, si rien n'est fait, l'ensemble de la filière.

Pis, la crise de la filière avicole rejaillit sur les producteurs de céréales. Une partie importante de l'ensemble de l'agriculture de notre pays pourrait ainsi être atteinte. Allons-nous rester les bras croisés, sans rien faire ? Une telle attitude correspondrait-elle à notre tempérament ? Allons-nous laisser tomber notre agriculture, alors qu'elle a fait la preuve de son sérieux, de sa capacité à répondre aux défis qui lui ont été lancés ? Certainement pas !

Le Gouvernement a commencé à réagir. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et vous en féliciter, monsieur le ministre.

Les mesures financières que vous avez annoncées, bien qu'encore trop timides à notre avis - mais il en va toujours ainsi -, sont vitales pour la filière avicole. Les éleveurs devront être totalement indemnisés. Je rappelle qu'ils n'ont commis aucune faute. Au contraire, et c'est un exemple bien nécessaire aujourd'hui, ils nous ont démontré ce qu'était un métier, ce qu'était le travail, ce qu'était la ténacité, ce qu'était la volonté de s'adapter.

Si les éleveurs n'étaient pas indemnisés, la nation ne comprendrait qu'ils doivent faire face seuls à de tels dégâts. Mais nous ne sommes pas certains que les 20 millions d'euros prévus soient suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Les 30 millions d'euros annoncés pour l'aide aux entreprises en aval de la filière doivent pouvoir être débloqués au plus vite. Chacun sait comment réagissent les banquiers ! Un chef d'entreprise qui, par malheur, n'a plus d'argent ne peut plus emprunter et ne peut plus faire face ; faute de pouvoir continuer à lui donner du travail, il risque alors de devoir renvoyer l'équipe qui apporte à son entreprise tout son savoir-faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Monsieur le ministre, dans votre réponse à la question orale sans débat de notre collègue Jean Boyer, vous aviez indiqué que ces sommes ne constituaient qu'un « premier train de mesures ». Qu'en est-il aujourd'hui ? Êtes-vous capable d'ajouter quelques wagons à ce premier train ?

Par ailleurs, toutes ces mesures financières nous paraissent indispensables, mais elles sont seulement de nature à réparer les dégâts constatés de façon conjoncturelle. Si l'on veut sortir de la crise de manière pérenne, c'est à notre avis dans une autre direction qu'il faut impérativement agir aussi : celle de l'information.

(M. Pierre-Yvon Trémel acquiesce.) Il est de notre responsabilité, de votre responsabilité, d'éviter que la panique ne se répande. Pour cela, il est capital de communiquer, sans lésiner sur les moyens. On a su le faire sur d'autres sujets quand des fautes avaient été commises. Raison de plus pour ne pas lésiner quand on n'en a pas commis. Des spots télévisés ont été diffusés. Le journal de 13 heures de TF1 a consacré une série de reportages à des recettes de volailles, et Jean-Louis Debré a fait donner un banquet 100 % volaille à l'Assemblée nationale. Je pense que c'étaient des poulets labellisés bleu, blanc, rouge.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Dans ce domaine, il faut bien reconnaître que des erreurs ont été commises. Force est de constater que la communication en direction du consommateur n'a pas été optimale. Nos concitoyens ont eu peur. Il fallait les rassurer. Il y va de l'avenir de toute la filière. Tant que la confiance dans les produits avicoles ne sera pas restaurée, la crise ne sera pas terminée. Nous avons tous en mémoire ce maire qui a interdit la consommation de volailles dans sa cantine. Comment a-t-on pu laisser faire cela ? §

Est-ce suffisant ? Certainement pas ! Monsieur le ministre, allez-vous financer, en partenariat avec l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, une grande campagne d'information publicitaire sur le modèle de celle de la prévention routière, pour enrayer les effets néfastes de la psychose? Comme toute la filière avicole, nous vous attendons sur le sujet.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Yolande Boyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité du CPE a relégué au second plan le délicat dossier des conséquences de la grippe aviaire sur la filière avicole.

Pour autant, même si les feux de l'actualité se sont éteints, les problèmes demeurent. Ils touchent de nombreuses familles dans l'ensemble de la filière, de l'accouveur au transporteur en passant par les éleveurs, les industries agroalimentaires et leurs salariés. Voilà un mois, j'interrogeais le Gouvernement lors d'une question d'actualité.

Quelques jours auparavant, monsieur le ministre, je vous avais saisi par courrier. Vous le savez, je suis maire de la commune de Châteaulin, dans le Finistère, commune où se trouvent le siège social et le premier site industriel du groupe Doux-Père Dodu, leader européen pour l'exportation de volailles. Je vis donc au quotidien la situation de chômage partiel imposée aux salariés par la crise et les difficultés des agriculteurs et de l'entreprise.

Je souhaite revenir sur les divers problèmes soulevés.

Je traiterai tout d'abord du chômage partiel et de ses conséquences pour les salariés de l'entreprise.

À l'heure actuelle, ces salariés travaillent en 1 x 8 au lieu des 2 x 8 habituels. Certains salariés que j'ai rencontrés la semaine dernière m'ont affirmé que leur salaire de mars avait été amputé de 150 euros. Je rappelle qu'il s'agit, dans la grande majorité des cas, de petits salaires - SMIC ou légèrement au-dessus -, auxquels s'ajoutent des primes.

Or, malgré les affirmations de M. Loos lors de sa réponse à ma question le 9 mars dernier, les salaires ne sont pas entièrement compensés.

Monsieur le ministre, vous avez longuement répondu à mon courrier, et dans des délais brefs, ce dont je vous sais gré. Vous aussi avez affirmé ceci : « par ailleurs, en accord avec les représentants de l'industrie avicole, les mesures d'indemnisation de chômage partiel ont été assouplies et une nouvelle instruction permettra dans les tout prochains jours une indemnisation du coût total de chômage partiel ». Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

J'en viens aux conséquences de la crise pour les sous-traitants.

Je pense, en tout premier lieu, aux transporteurs. À ma connaissance, et selon les informations données par les personnes concernées que j'ai rencontrées récemment, les entreprises de sous-traitance semblent être ignorées de ce dispositif. La perte de salaire pourrait aller jusqu'à 50 %, en tenant compte de la perte des primes ; celles-ci sont en effet significatives pour de nombreux postes de travail, les chauffeurs par exemple. Cela est également le cas pour les ramasseurs de volailles dans les élevages ; la chambre d'agriculture du Finistère, dans la presse d'aujourd'hui, dénonce cet « oubli ».

Le dispositif spécifique dont vous parlez dans votre courrier - enveloppe de 30 millions d'euros, mesures fiscales, indemnisations spécifiques pour les entreprises d'exportation -peut-il s'appliquer aux sous-traitants ? Je pense, en outre, à d'autres sous-traitants concernés, comme les fabricants de cartonnages notamment.

J'en viens à la destruction des stocks, qui est largement entamée. Je trouve choquant, je le rappelle, de détruire des produits sains et tout à fait consommables qui permettraient de nourrir des personnes en situation de désarroi. Pourquoi n'a-t-on pas accordé des aides nationales et européennes plutôt que d'aider à la destruction et à la transformation de ces produits en farines ? Celles-ci ont une valeur marchande et seront probablement commercialisées.

L'État exerce-t-il un contrôle à cet égard, et lequel ? Ces dispositions impliquent-elles des obligations pour l'entreprise concernant notamment les mesures de soutien au revenu des salariés ?

S'agissant des craintes sur l'avenir de la filière avicole à l'export, la crise révèle le caractère structurel des difficultés de la filière. Aujourd'hui, si les marchés du Moyen-Orient se ferment, la filière se trouve en grand danger, voire en situation de cessation d'activité. Vous assurez, monsieur le ministre, que le Gouvernement met tout en oeuvre pour obtenir la levée des embargos.

Je n'ai aucune raison de ne pas vous croire, mais je voudrais savoir où en est le projet de régionalisation des marchés. La Bretagne, comme d'autres régions, est épargnée. Comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir la reprise des exportations au départ de ces régions ? Connaît-on les délais sous lesquels ce principe pourra être mis en oeuvre ?

Monsieur le ministre, vous avez présenté le 20 mars au Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne un mémorandum français pour autoriser la mise en oeuvre de mesures structurelles de gestion de la crise avicole. Pouvez-vous préciser ce qu'il faut en attendre, pour quand, et qui en seront les bénéficiaires ?

Enfin, fait surprenant et incompréhensible s'il était confirmé, on m'a indiqué que des mesures d'embargo auraient été prises sous couvert de l'administration française pour fermer les marchés des DOM-TOM, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie notamment, au poulet produit en métropole. Pouvez-vous nous préciser ce qu'il en est réellement ?

S'agissant de la formation et de la qualification des salariés, il faut les favoriser.

Face au caractère structurel de la crise, les inquiétudes des salariés sont grandes. Ces derniers expriment en effet un besoin en formation dans la perspective d'un reclassement à terme dans un autre secteur d'activité ou de l'acquisition d'une qualification nouvelle, et cela en vue d'accompagner l'évolution de l'entreprise.

Les attentes en termes de formation vont du bilan de compétences en passant par le renforcement du niveau de culture générale, à l'acquisition de techniques et de qualifications. Des outils, des centres de formation existent. Des secteurs, l'agriculture par exemple, proposent des emplois et peinent à satisfaire les offres des employeurs. Le conseil régional de Bretagne a affirmé son accord pour soutenir tout effort de formation des salariés dans le contexte actuel.

Puisque les moyens de former existent et que les salariés cherchent à se former, envisage-t-on de faciliter la mise en oeuvre de formations ?

Dans le même esprit, la plus grande vigilance est de mise face à la fragilité de la filière. Il faut donc se donner les moyens d'une veille permanente et d'une recherche prospective de nouvelles filières et de nouveaux métiers à promouvoir.

Comment se positionne l'État dans ce contexte ? Est-il prêt, et comment, à accompagner des initiatives dans ces domaines ?

Une délibération de la chambre d'agriculture du Finistère qui m'est parvenue aujourd'hui dénonce vivement l'inadéquation des moyens débloqués par rapport au sinistre réel subi par la filière. Dans le Finistère, l'enveloppe ne couvrirait que 40 % des pertes économiques réelles !

Monsieur le ministre, seriez-vous prêt à faire un effort supplémentaire et à prendre toute la mesure de la crise structurelle ? En effet, au-delà des effets d'une conjoncture défavorable, la filière avicole française est en grand danger.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je tiens à remercier M. Dominique Mortemousque d'avoir provoqué ce débat par cette question orale afin de faire le point sur les conséquences économiques et en termes d'emplois de cette épidémie d'influenza aviaire dans notre pays.

Comme cela a été dit par beaucoup d'entre vous, les consommateurs ont manifesté leurs inquiétudes, lesquelles ont entraîné dès la mi-octobre une baisse de la consommation française de viandes de volaille. Cette consommation s'est rétablie au cours des fêtes de fin d'année, diminuant ensuite à nouveau.

Que peut-on dire aujourd'hui ? Que la baisse de consommation s'est stabilisée la semaine passée en moyenne à moins 11 % selon les industriels et les représentants de la distribution. Naturellement, c'est encore trop, et nous devons poursuivre notre effort.

La baisse des ventes en volume de poulets en label est tombée à moins 4 % la semaine dernière en raison, notamment, des promotions commerciales.

Comme Mme Herviaux l'a rappelé, ces baisses de consommation sont heureusement moindres que celles que connaissent à nos frontières d'autres pays européens, avec des diminutions de l'ordre de 30, de 40 ou de 50 %. Cela n'empêche pas que nous devons naturellement réagir, comme vous l'avez toutes et tous indiqué.

Sur la partie sanitaire et vétérinaire, la gestion de l'épidémie a été organisée en complète transparence par le Gouvernement, comme le souhaitait le Premier ministre. Elle a eu lieu en temps réel et en informant nos concitoyens, ce qui, naturellement, entraîne parfois quelques désagréments dans les réactions psychologiques. Mais cette gestion a eu le mérite de donner aux consommateurs des informations en temps réel. C'est la raison pour laquelle la consommation a repris plus rapidement chez nous que dans les autres pays voisins.

Cela m'amène à dire quelques mots en réponse à Mme Bricq sur le confinement. Nous avons pris des mesures de prévention et de précaution dès le mois d'octobre, au moment où l'épizootie était encore loin de nous. Ces mesures sont ensuite montées en puissance au fur et à mesure que l'épidémie se rapprochait. La suite des événements nous a, hélas ! donné raison. Nous avons d'ailleurs pu, pendant cette période, améliorer notre connaissance de la maladie, de son épidémiologie, notamment le rôle des oiseaux migrateurs.

Cela permettra, en liaison avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou AFSSA - nous nous conformerons à son avis -, d'affiner et d'adapter ces mesures de prévention, notamment le confinement, pour les rendre supportables dans le temps.

Nous allons voir ce que nous faisons à compter du 31 mai. À cet égard, le rapport publié aujourd'hui à l'Assemblée nationale par la commission présidée par M. Le Guen, et dont le rapporteur général est M. Jean-Pierre Door, montre bien que ce dispositif a été jugé efficace.

Au-delà de la veille sanitaire et des mesures de précaution, il y a l'aspect économique : beaucoup de Français ont découvert à cette occasion l'importance de la filière avicole. La France est en effet le premier pays producteur de viandes de volaille de l'Union européenne. Ce secteur emploie 50 000 salariés, et 15 000 éleveurs professionnels, auxquels s'ajoutent des éleveurs privés, sont présents sur l'ensemble du territoire.

Face à cette filière, le Gouvernement s'est assigné trois objectifs : d'abord, relancer la consommation de viandes de volaille en France par des campagnes d'information et de promotion; ensuite, assurer un soutien national de la filière avicole ; enfin, renforcer ce plan de soutien par des aides structurelles communautaires.

S'agissant de la première orientation, informer pour relancer la consommation, l'État a engagé des campagnes de communication non négligeables : 4, 5 millions d'euros depuis le mois d'octobre. Il s'agissait notamment - vous avez raison, monsieur Détraigne - de lutter contre les effets néfastes de certaines images de personnes en tenue de cosmonaute, dignes d'On a marché sur la lune.

Les premières campagnes radiodiffusées de promotion des volailles festives ont été lancées dès l'automne et ont permis de rétablir la consommation durant les fêtes de fin d'année.

Nous avons par ailleurs beaucoup travaillé avec le Centre d'information des viandes, qui avait montré toute son utilité et son efficacité pour la reprise de la consommation de viandes bovines après la crise de l'ESB. Ainsi, durant la première quinzaine du mois de février, une plaquette d'information a été transmise à huit millions de foyers français. Des messages radio d'informations sur la consommation de viandes de volaille ont par ailleurs été diffusés durant cette période.

Enfin, une campagne télévisée intitulée « s'informer pour mieux consommer » a été diffusée, sur notre initiative, entre le 25 mars et le 7 avril sur TF1, France 2, France 3, M6, autrement dit sur les grandes chaînes de télévision. Cette campagne a d'ailleurs porté ses fruits, puisque le sondage IFOP qui a été réalisé par la suite nous a montré que la proportion de consommateurs qui restaient inquiets quant à la consommation de volailles était passée de 30 % à 10 % après cette campagne.

En outre, nous allons entamer une nouvelle campagne de promotion avec l'ensemble de la filière à compter du 25 avril, donc juste après la période pascale ; nous avons en effet interrompu la mise en oeuvre de ce programme pendant cette dernière période, qui voit toujours la consommation d'agneau augmenter, mais nous la redémarrerons aussitôt après.

L'AFSSA s'est également montrée très claire dans un avis du 23 février, en précisant que la consommation de volailles et d'oeufs ne présentait aucun risque dans notre pays, ce qui, je crois, a été compris par tout le monde.

Pour ma part, j'ai réuni à deux reprises toutes les associations de consommateurs pour les informer des mesures prises par la Gouvernement, et je dois dire qu'elles ont été dans ce domaine un très bon relais. De la même façon, j'ai écrit à tous les maires afin de les sensibiliser à cet avis rendu par l'AFSSA.

Comme l'a rappelé l'un des intervenants, il est vrai qu'un maire avait pris un arrêté pour suspendre la consommation de viande de volaille dans les cantines municipales ; mais il est finalement revenu sur sa décision après l'intervention immédiate du préfet. En revanche, un autre maire a été, lui, moins courageux, en organisant un référendum auprès des parents d'élèves, croyant que ceux-ci allaient lui demander de retirer les viandes de volaille des cantines scolaires. Or, manque de chance pour lui, et heureusement pour la filière, les parents d'élèves, qui se sont montrés fort sages, ont décidé que la consommation de viande de volaille dans les cantines de cette commune ne posait pas de problème. En fait, un maire de gauche et un maire de droite étaient tous deux impliqués dans une attitude coupable, chacun ayant réagi ensuite comme il le fallait.

M. le Premier ministre a lui-même réuni les organisations concernées par la consommation de viande de volaille - les restaurateurs, les associations de parents d'élèves, les consommateurs, les représentants des collectivités territoriales. À cette occasion, nous n'avons cessé de marteler que les volailles présentes sur notre marché étaient saines et faisaient l'objet de contrôles sanitaires rigoureux de la part de des directions départementales des services vétérinaires. À cet égard, je remercie Mme Nicole Bricq d'avoir souligné la mobilisation exemplaire de ces services. Nous avons pu montrer que notre pays dispose d'un bon modèle sanitaire reposant sur un trépied formé d'éleveurs - ils ont manifesté un sens civique formidable -, de vétérinaires privés et de vétérinaires d'État.

Il en est résulté que nous n'avons eu à subir aucun ravage comparable à celui de la fièvre aphteuse au Royaume-Uni, en 2001, ou encore - on l'a parfois oublié - de l'influenza aviaire aux Pays-Bas, en 2003, qui a décimé presque tout l'élevage de ce pays.

Bien entendu, il nous reste à traiter le problème du soutien à la filière avicole sur lequel vous êtes intervenus les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je rappelle les chiffres : 11 millions d'euros en novembre ; 52 millions d'euros supplémentaires le 23 février ; enfin, l'annonce faite le 23 mars dernier de 20 millions d'euros supplémentaires.

Il s'agit là d'un plan que nous avons élaboré avec les professionnels, dans le respect des mesures prises par l'Union européenne et sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Le premier volet concerne, naturellement, les éleveurs de volailles auxquels nous avons accordé, en plus des 20 millions d'euros, 5 millions d'euros supplémentaires.

Par ailleurs, nous avons délégué aux préfets une enveloppe de 18 millions d'euros dès le 7 mars pour le paiement d'avances - j'insiste bien sur le fait qu'il s'agit d'« avances » - de 1 000 euros aux éleveurs. Pour ce faire, il nous a fallu définir un critère, ce qui n'est jamais facile. Celui qui a été retenu est le nombre de mètres carrés de bâtiments ainsi que l'importance des productions en label.

Dans l'Ain, seul département à avoir été touché par l'épizootie, nous avons naturellement indemnisé en totalité M. et Mme Clerc, propriétaires d'un élevage dans la commune de Versailleux. Ce couple d'éleveurs bénéficiera, par ailleurs, d'aides destinées à se reconvertir dans la production de lait puisqu'il souhaite abandonner la filière avicole.

Nous avons, en outre, complètement indemnisé les éleveurs situés dans le périmètre de protection autour du foyer découvert dans l'Ain, dans la mesure où les zones de surveillance mises en place les empêchaient de laisser sortir leur volaille ; ainsi, ils nourrissaient des volailles qu'ils ne pouvaient vendre par la suite. Cette mesure est d'ailleurs d'ores et déjà étendue aux couvoirs et aux éleveurs de gibiers de la zone de protection de la Dombes, dans le département de l'Ain.

Nous avons également pris une mesure de soutien spécifique en faveur des éleveurs de volailles en plein air, engagés dans des filières de qualité et qui se trouvent particulièrement affectés par l'obligation de confinement. Cette mesure a été notifiée à la Commission européenne et devrait permettre d'indemniser les baisses de densité en élevages de plein air au-delà du plafond habituel de minimis, c'est-à-dire au-delà de 3 000 euros.

Enfin, nous avons demandé aux préfets de procéder à la répartition d'une enveloppe de 3 millions d'euros supplémentaires afin de venir en aide aux éleveurs ayant investi récemment, et qui sont donc en période de démarrage professionnel, ainsi qu'aux jeunes agriculteurs qui doivent pouvoir bénéficier d'allégements de leurs charges d'emprunts. Nous prendrons en charge les cotisations à la MSA de ceux qui sont le plus en difficulté. Voilà pour l'amont du dispositif.

J'en viens maintenant à l'aval, avec un soutien en direction des entreprises de la filière : une enveloppe de 30 millions d'euros a été mobilisée pour les entreprises dès le 23 février, et le Premier ministre a complété ce dispositif par une enveloppe de 20 millions d'euros le 23 mars dernier.

Ce volet comprend, en outre, deux outils complémentaires. Il s'agit tout d'abord d'une aide directe aux entreprises de la filière gérée par les préfets de région dans le cadre, dans un premier temps, du plafond de minimis de 150 000 euros. Aux quatre sénateurs de Bretagne qui se sont exprimés sur ce point, je puis répondre que cette aide sera gérée directement par Mme Bernadette Malgorne. La circulaire d'application a été signée le 9 mars, et la répartition régionale d'une première enveloppe de 18 millions d'euros a été notifiée ; elle est actuellement en cours de consommation, après examen individuel des dossiers.

Quant au second outil proposé, il s'agit d'une aide nationale au sauvetage des entreprises en difficulté dont la situation financière mettrait en péril les emplois de sites de production français et qui présenteraient un projet de restructuration.

Je répondrai à MM. Aymeri de Montesquiou et Gérard Le Cam que les petits abattoirs peuvent d'ores et déjà bénéficier du premier volet de ce dispositif de soutien et les grands accouveurs, du second volet.

Cela étant dit, au-delà de cette enveloppe, se pose le problème de la situation des salariés et de celle des entreprises de manière générale.

Des reports ou dispenses des échéances fiscales du premier semestre ont été prévus pour les entreprises du secteur avicole.

Par ailleurs, en matière de TVA et de taxes assimilées - taxe d'abattage, redevances sanitaires -, des délais de paiement ont naturellement été accordés.

S'agissant des salariés des entreprises de la filière avicole qui auraient perdu leur emploi ou qui subiraient des baisses de rémunérations - en parlant de perte d'emploi, je pense à tous ceux qui sont employés en CDD -, ils seront traités d'une manière bienveillante par les comptables du Trésor s'ils ne sont pas en mesure de régler leurs impôts, notamment l'impôt sur le revenu.

Madame Yolande Boyer, des mesures d'indemnisation totale du chômage partiel ont été mises en oeuvre dès le 26 janvier, puis assouplies. À l'heure actuelle, 53 établissements se sont manifestés auprès des directions du travail et 1 281 salariés sont concernés.

Nous avons également décidé d'élargir le soutien initialement prévu. C'est ainsi que seront éligibles au dispositif de report de charges fiscales les entreprises de prestations de services, d'alimentation animale et de commerce de détail - les rôtisseurs, notamment - du secteur avicole.

Nous allons aussi faire bénéficier du dispositif de soutien direct, dans le cadre du plafond de minimis de 150 000 euros, les éleveurs qui commercialisent les volailles vivantes dites « démarrées » - voilà qui devrait répondre au souci exprimé par M. Le Cam - et, par dérogation, les entreprises prestataires de services, en particulier les transporteurs.

Je n'aurai garde, madame Bricq, d'oublier les fermes pédagogiques. À cet égard, nous avons demandé au ministère de l'éducation nationale de sensibiliser les enseignants au fait que les visites de ces fermes par les élèves n'avaient pas à être interrompues. Les fermes pédagogiques pourront donc, comme vous le souhaitez, madame la sénatrice, bénéficier de ce soutien.

En outre, afin de contribuer à l'assainissement du marché, nous avons souhaité que les associations caritatives puissent disposer gratuitement de 1 060 tonnes de volailles congelées. Un appel d'offres a été lancé le 20 mars pour acheter ces stocks, qui sont équivalents à la demande totale de leurs besoins actuels.

Enfin, je tiens à remercier les collectivités territoriales, notamment les régions et les départements, qui participent au financement complémentaire de ces mesures de soutien.

En matière d'exportation, une soixantaine de pays ont placé nos produits sous embargo, et l'on estime la diminution de consommation de viandes de volaille dans le monde entre 20 % et 30 %, à laquelle il faut ajouter la baisse des prix de la viande de volaille au niveau mondial.

Dans cette perspective, nous avons engagé des négociations, qui sont actuellement en cours. Chaque fois que je rencontre des ministres étrangers, je discute avec eux de ce problème - et je n'oublie pas le très gros travail réalisé par nos ambassadeurs - afin que, dans le strict respect des règles de l'Organisation mondiale de la santé animale, l'OIE, les embargos soient limités aux volailles du département de l'Ain et ne concernent pas des départements dans lesquels l'épizootie n'a pas été constatée.

Dans le cadre du plan de soutien à la filière, nous avons prévu 10 millions d'euros pour soutenir les entreprises exportatrices les plus en difficulté. Plusieurs d'entre elles, après avoir adressé une demande de soutien le 24 mars à la Commission européenne, ont reçu un avis favorable. Il convient ici de rappeler que ces aides au sauvetage des entreprises ont permis de préserver des bassins d'emplois importants, et je pense en particulier à la commune de Châteaulin, administrée par Mme Yolande Boyer.

La Commission européenne a, de surcroît, décidé d'augmenter progressivement les restitutions à l'export de poulets entiers : ces dernières s'élèvent actuellement à 48 euros pour 100 kilos.

Nous avons également diffusé, auprès des autorités des pays importateurs, des documents traduits concernant notre système de contrôle sanitaire.

Par ailleurs, toutes les interventions internationales visant une mobilisation pour lever les embargos ont été mises en oeuvre : nos ambassadeurs et nos conseillers agricoles effectuent des démarches pour présenter notre dispositif de prévention et demander la levée des embargos.

Le délégué interministériel à l'industrie agroalimentaire, M. Nicolas Forissier, s'est rendu la semaine dernière en Algérie. Il sera la semaine prochaine au Yémen et dans les Émirats arabes unis. Quant à Mme Christine Lagarde, elle a, pour sa part, entamé une tournée dans les pays du Maghreb et en Égypte ainsi qu'auprès des autorités d'Arabie saoudite, du Koweït et des Etats-Unis, où elle se trouve encore aujourd'hui même.

Pour répondre à la question posée par Mme Yolande Boyer, qui m'interrogeait sur le cas particulier de nos collectivités territoriales ultramarines, je rappellerai que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie disposent de gouvernements autonomes qui, en matière sanitaire, édictent leurs propres règles, distinctes de celles qui sont établies par l'État central. Madame Boyer, ce sont malheureusement ces gouvernements locaux qui ont adopté les mesures d'embargo que vous avez évoquées. Ils disposent, en effet, de compétences importantes, qui ne sont plus du ressort de l'État, notamment en ce qui concerne les plantes et la lutte contre les maladies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est ça, la solidarité ? On s'en souviendra !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Vous le direz à vos collègues de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie !

S'agissant de l'aide apportée par l'Union européenne, j'ai déjà eu l'occasion d'employer une formule un peu imagée mais qui correspond, me semble-t-il, à la réalité, en affirmant que l'Europe était en quelque sorte victime d'une panne d'allumage. En effet, l'Union européenne a pris du retard, bien que la France, comme de nombreux autres pays, soit intervenue lors des conseils des ministres de janvier et février derniers.

Lors du dernier conseil des ministres, qui s'est tenu au mois de mars, j'ai déposé un mémorandum qui a été soutenu par douze pays de l'Union européenne sur vingt-cinq. Il vise à réformer l'organisation commune de marché pour l'adapter au contexte actuel, en instituant une aide au stockage privé, une indemnisation de la réduction volontaire d'activité, ainsi que, comme l'a réclamé M. Barraux, un déplafonnement de l'aide de minimis allouée aux éleveurs.

J'attends à présent la réponse que m'apportera la Commission le 25 avril prochain. J'ai rencontré Mme Fischer Boel la semaine dernière pour évoquer ce problème, et je pense que les réponses qui nous seront fournies le 25 avril seront intéressantes.

Je demanderai également à la Commission d'assouplir les règles relatives aux aides d'État et de mettre en oeuvre la clause de sauvegarde. Ainsi, pendant toute la durée de la crise, les importations de l'Union européenne en provenance des pays tiers n'augmenteront pas, ce qui évitera d'aggraver les difficultés que connaît la filière aviaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les parlementaires européens sont d'accord pour réformer l'organisation commune de marché et permettre le cofinancement des nouvelles mesures structurelles restant à définir. Ces décisions seront adoptées lors du prochain conseil des ministres, le 25 avril prochain. J'ai naturellement demandé que toutes ces mesures soient rétroactives pour la France.

Pour répondre à votre question très précise, monsieur Mortemousque, la Commission semble également favorable à la mise en oeuvre rapide de deux mesures nouvelles de soutien à la filière, à savoir, d'une part, une aide à la destruction des oeufs à couver, qui concernerait les accouveurs, particulièrement touchés par cette crise, et, d'autre part, une aide à l'allongement du vide sanitaire pour les éleveurs.

Je demanderai en outre à la Commission d'autoriser l'application rétroactive de ces dispositions et le cofinancement de mesures d'indemnisation du stockage privé pour les entreprises.

De même, nous sommes très actifs dans les négociations qui se tiennent actuellement dans le cadre de l'OMC. Nous y défendons fermement, vous le savez, les intérêts de la filière aviaire, et j'ai déjà eu l'occasion de faire le point à plusieurs reprises sur ce dossier devant la Haute Assemblée.

Madame Bricq, vous m'avez interrogé sur les volailles label. Les appellations de volailles label en plein air ne sont pas affectées, puisque la Commission a institué au mois de janvier dernier une dérogation permettant le maintien de ces appellations pour ces volailles.

Madame Herviaux, vous avez évoqué la création d'une interprofession. Nous nous apercevons effectivement en ce moment que l'existence d'une interprofession volailles est véritablement indispensable. À cet égard, j'ai nommé deux médiateurs afin d'accompagner la mise en place de cette interprofession. Deux projets de statuts ont été proposés, qui sont actuellement soumis pour validation aux syndicats de la filière. J'ai bon espoir que, à l'occasion de cette crise, la véritable interprofession dont nous avons besoin voie enfin le jour.

En conclusion, je soulignerai que, tout au long de cette crise, nos éleveurs ont été formidables. Ils ont respecté avec un grand civisme les règles de confinement des volailles et les consignes de sécurité, et ce parfois au détriment de leurs intérêts financiers. Ils ont ainsi parfaitement joué le jeu de la protection sanitaire.

Nos concitoyens ont manifesté également un civisme certain, et ils continuent de le faire, comme le prouve la reprise de la consommation de viande de volaille. Je ne dirai pas, comme Mme Royal voilà quelques jours, qu'il faut manger du poulet deux fois par semaine, car cela rappellerait trop une célèbre formule du roi Henri IV !

Sourires

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Le plan de soutien à la filière aviaire, j'y insiste, constitue une première étape. Ainsi que l'a clairement indiqué M. le Premier ministre, ce plan sera adapté au fur et à mesure des besoins. Pour le moment, nous mettons en oeuvre intégralement les dispositifs qui ont été décidés, mais nous sommes prêts à leur donner plus d'ampleur et à accroître les moyens engagés si cela se révèle nécessaire.

En effet, comme l'ont souligné tous les intervenants, en particulier MM. Détraigne et Nogrix, il est évident qu'une filière ne doit pas être sanctionnée, au motif, précisément, qu'elle a parfaitement joué le jeu de la sécurité sanitaire et du respect des règles de confinement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un devoir de solidarité, et soyez certains que le Gouvernement y sera fidèle.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures cinq.